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I.3 Les cellules dendritiques

I.3.2 Cellule dendritique et cancer

Plusieurs études ont démontré la faculté de reconnaissance des cellules tumorales par les CDs. Ainsi, l’acide urique libéré par les cellules tumorales mourantes est transformé en urate monosodé (MSU) dans le milieu extracellulaire riche en sodium. Le MSU stimule la maturation des CDs et favorise ainsi l’immunité adaptative spécifique, synonyme de rejet de tumeurs [141, 142]. D’autres constituants cellulaires peuvent aussi activer les CDs. C’est le cas du constituant nucléaire HMGB1 (High Mobility Group Box 1), libéré par les cellules tumorales après chimiothérapie ou radiothérapie, qui peut-être reconnu par le récepteur TLR4 des CDs et entraîner la stimulation et la prolifération spécifique de CTLs [143]. Les protéines de choc

thermique (HSP) ou l’ADN génomique participent également à l’initiation de la réponse immune adaptative par stimulation des CDs [139]. Des études sur modèles murins ont suggéré la faculté des CDs du microenvironnement tumoral à devenir matures et pouvoir ainsi activer la réponse immunitaire à travers les antigènes associés aux tumeurs (TAA) [144]. Par la suite, plusieurs études cliniques ont corrélé l’infiltration des CDs matures à la survie des patients. C’est le cas d’une étude sur le mélanome qui a également démontré une corrélation entre la densité des CDs et la présence de lymphocytes T activés [145], ou d’une étude sur le cancer du sein montrant une corrélation inverse entre l’infiltration des CDs mature CD83+ dans la tumeur et les métastases ganglionnaires [146] ou encore du cancer gastrique [147]. Les CDs sont donc capables de promouvoir la surveillance immunitaire anti-tumorale dans plusieurs types de cancers.

II

Mécanismes d’immunoattaque tumorale “physiologique”

La première ligne de défense de l’organisme face à une agression repose sur les cellules du système immunitaire inné : CD, NK, macrophages, PN, PB, PE et mastocytes. Les CDs, macrophages et mastocytes, localisés dans les tissus, servent de sentinelles aux signaux de stress de leur microenvironnement. Lorsque l’homéostasie du tissu est perturbée, les macrophages et mastocytes libèrent immédiatement des médiateurs solubles (cytokines, chimiokines, MMP, espèces réactives de l’oxygène-ROS, histamine) qui permettent la mobilisation et l’infiltration d’autres leucocytes au site inflammatoire. Ces deux types cellulaires activent également le système vasculaire et les fibroblastes, afin d’orchestrer l’élimination d’organismes étrangers puis de réparer les tissus endommagés. Malgré l’appartenance au soi, les cellules immunitaires peuvent reconnaître les cellules tumorales. En effet, la transformation tumorale entraîne des modifications d’expression des protéines de surface des cellules cancéreuses, les rendant reconnaissables (à l’instar du “non-soi”) par les cellules immunitaires. Ainsi, les cellules NK, macrophages, T-γδ et NKT reconnaissent des protéines de stress telles MIC-A et -B grâce à leurs récepteurs NKG2D. Les cellules NK, à travers leur récepteurs KIRs et KARs peuvent également détecter une perte de molécules de CMH de classe I sur ces cellules

tumorales. Ces cellules de l’immunité innée capables de reconnaître des cellules transformées, induisent leur apoptose. Les CDs peuvent alors phagocyter des cellules apoptotiques par l’intermédiaire de leur récepteurs CD36 et des intégrines αvβ5. Comme les macrophages, elles peuvent également ingérer des HSPs (molécules de choc thermique) complexées à des peptides dérivés de la tumeur et libérés par des cellules cancéreuses nécrotiques, grâce à leur récepteurs scavengers. Les cellules NK interagissent également de façon bi-directionnelle avec les CDs, ce qui permet d’une part d’éliminer les CDs immatures et de promouvoir leur maturation et d’autre part, de réguler l’activation des cellules NK. Les lymphocytes T-γδ, en sécrétant l’IL-17 et la chimiokine CCL2, participent au recrutement des cellules de l’immunité innée sur le site inflammatoire (PN, monocytes et macrophages) mais également à la mise en place de la réponse adaptative en activant les CDs immatures.

Figure 16 : Immunité innée, cancer et lymphocytes T-γδγδγδγδ

Les cellules de l’immunité innée ont la caractéristique de répondre rapidement aux agressions mais ne possèdent pas de fonction mémoire. Leur rôle est donc de limiter l’agression et d’initier la réponse immune adaptative. En effet, la réponse primaire adaptative est de cinétique plus lente puisqu’elle requiert l’interaction directe entre des CPA matures présentant les antigènes et les lymphocytes T afin de les activer et d’induire leur expansion clonale. Ainsi, les CDs ayant ingéré des antigènes tumoraux maturent pendant leur migration vers les ganglions lymphatiques, où elles présentent ces antigènes apprêtés par les molécules de CMH. L’expression des molécules de co-stimulation à leur surface et la sécrétion d’IL-12 et d’IL-18 permet de promouvoir les réponses Th1, CTL et B. Les lymphocytes T-γδ, en migrant vers les ganglions lymphatiques grâce aux récepteurs de chimiokines, interagissent avec les lymphocytes T-αβ et les B et participent aussi à leur activation.

Figure 17 : Immunité adaptative, cancer et lymphocytes T-γδ γδ γδ γδ

Les cellules T et B différenciées migrent alors en nombre important sur le site de l’inflammation ; les lymphocytes T CD4+ produisent des cytokines pro-inflammatoires, les lymphocytes B des anticorps spécifiques et les CTLs éliminent les cellules tumorales et les cellules endommagées par les systèmes perforine/granzyme, Fas/FasL ou TRAIL-R/TRAIL [2, 148, 149].

Une fois l’agression stoppée, certaines cellules régulatrices permettent l’arrêt de la réponse immunitaire et de l’inflammation pour une réparation optimale du tissu lésé. Les lymphocytes T-γδ font partie intégrante de ce processus puisqu’ils recrutent des cellules (PN, macrophages, monocytes) et sécrètent des facteurs participant à la réparation tissulaire. Ils éliminent également les cellules immunitaires activées (macrophages et lymphocytes T-αβ) [148].

Figure 18 : Lymphocytes T-γδγδγδγδ et arrêt de la réponse immune

III

Mécanismes d’immunoévasion

Le développement tumoral se décrit par au moins 3 étapes : l’induction et l’accumulation de mutations, la progression par des mécanismes physiques et chimiques non mutagènes et l’invasion avec l’apparition de métastases [150]. Au cours de ces étapes, la plupart des cancers acquièrent de nouveaux antigènes et induisent une inflammation. Dans un premier temps, ces phénomènes potentialisent la réponse immune anti-tumorale comme nous venons de le voir. Cependant, dans certains cas, un équilibre s’établit entre le système immunitaire et la persistance de cellules tumorales. La pression de sélection immune et le développement tumoral grâce au stroma (fibroblastes, cellules endothéliales, cellules immunes et progéniteurs) entraînent ainsi, secondairement, l’inhibition des cellules immunitaires favorisant la progression du cancer [151, 152].

Lorsque l’homéostasie tissulaire est perturbée de façon chronique, les types cellulaires, les médiateurs solubles et les réponses induites peuvent entraîner un remodelage tissulaire excessif, une perte d’architecture tissulaire et des altérations au niveau protéique et ADN dues au stress oxydatif. Ces phénomènes peuvent provoquer des interactions inadaptées entre les cellules immunitaires et augmenter le risque de développement de cancer. En effet, si l’infiltration intra-tumorale des leucocytes est corrélée à un pronostic favorable dans plusieurs types de cancers (colorectal, gastrique) [153, 154], ce n’est pas le cas de tous les cancers (sein, poumon, mélanome) [155-157]. De plus, des patients susceptibles à l’inflammation chronique présentent un risque plus élevé de développer un cancer [158]. Cependant, il reste à établir si l’inflammation chronique engendre le cancer -comme suggéré par les travaux de L. Coussens [159]- ou si au contraire, le cancer induit l’inflammation provoquant elle-même l’échec à la normalisation du système immunitaire. Des études épidémiologiques démontrent que l’inhibition chronique de l’inflammation par la prise régulière d’anti-inflammatoire (inhibiteurs des COX-2 et aspirine) chez des patients présentant des maladies pré-cancéreuses ou prédisposés au cancer, diminue leur risque de développer un cancer [160]. Les cellules immunitaires sont sensées éliminer les cellules endommagées alors pourquoi l’inflammation

est-elle un facteur pro-tumoral ? Une des explications possible repose sur le fait que l’inflammation permet l’attraction de types cellulaires favorables au développement tumoral. En effet, les patients atteints de cancer possèdent des lymphocytes T régulateurs et des cellules myéloïdes suppressives dans leur circulation, les organes lymphoïdes et les tissus tumoraux [161, 162] inhibant les fonctions cytotoxiques des lymphocytes T [163] ou les rendant anergiques suite à des stimulations répétées. Le déséquilibre obtenu alors en faveur du cancer laisse libre cours à la progression tumorale, synonyme de changements rapides dans le phénotype des cellules tumorales et ne laissant alors que peu de chance au système immunitaire de s’adapter (mutations, perte d’expression antigénique) face à la croissance tumorale extrêmement rapide.

Figure 19 : Hypothèse du développement tumoral