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Chapitre II : Lectures marginales

2.2. La lecture fictionnelle et l’immersion

2.2.1. Immersion et effet de fiction

Parmi les effets de l’immersion fictionnelle chez nos lecteurs personnages, la possession d’une personnalité stratifiée, traversée d’influences littéraires, est souvent la plus évidente. Cette construction intertextuelle du personnage est par exemple mise en scène dans la dernière partie de 2666, où le jeune Hans Reiter évolue dans un univers de contes et de légendes. Enfant mutique et insondable, né d’une mère borgne et d’un père boiteux, il habite un village reculé de campagne prussienne, entouré par le « Hameau des Hommes Rouges », par le « Village des Gros » ou le « Hameau des Filles Bavardes ». Mais ce tropisme de la merveille ne s’arrête pas à la toponymie pittoresque. Traversant le monde terrestre tel un « explorateur en visite », le jeune garçon est irrémédiablement attiré par les fonds marins. Il est aimanté par le lieu parallèle des abysses, par cet espace du fond qui est aussi un envers. Cette fascination pour la plongée paraît jusque dans les traits de sa silhouette, translucide et allongée. Plus proche de l’algue que du genre humain, l’enfant appartient à un univers légendaire, à un monde de merveilles et de menaces. Cette attirance pour la fiction, associée à un attrait pour les fonds marins, permet de développer un imaginaire littéral de l’immersion. Mais cet imagerie provient également de la lecture d’une encyclopédie de la faune et de la flore maritime, que le jeune Reiter compulse mentalement au cours de ses plongées :

El libro Algunos animales y plantas del litoral europeo lo tenía dentro de la cabeza, come suele decirse, y mientras buceaba iba pasando páginas lentamente. Así descubrió a la Laminaria digitata, que es un alga de gran tamaño; compuesta por un tallo robusto y una hoja ancha, tal como decía el libro, en forma de abanico de donde salían numerosas secciones en tiras que parecían, en realidad, dedos. La Laminaria digitata es un alga de mares fríos como el Báltico, el Mar del Norte y el Atlántico. Se la encuentra en grandes grupos, en el nivel más bajo de la marea y

66 bajo las costas rocosas. La marea baja suele dejar al descubierto bosques de estas algas. Cuando Hans Reiter vio por primera vez un bosque de algas se emocionó tanto que se puso a llorar debajo del agua. Esto parece difícil, que un ser humano llore mientras bucea con los ojos abiertos, pero no olvidemos que Hans tenía entonces solo seis años y que en cierta forma era un niño singular110.

La lecture du livre de taxinomie accompagne la formation de l’univers imaginaire du jeune Reiter. Les images scientifiques, dessinées pour répertorier la faune et la flore maritime sont le support d’une identification qui n’a plus rien de savant. Pendant ces plongées, le personnage forge une cosmogonie du livre, dont les images s’impriment sur le monde. Les correspondances entre la lecture, les représentations et le monde deviennent plus littérales puisque dans sa vie terrestre, il perçoit toute chose à travers un filtre qu’il nomme paradoxalement « scaphandre ». Cette immersion littérale n’est certes pas directement provoquée par le livre mais elle est proche de la lecture, elle relève d’une expérience similaire. Tout comme l’algue anthropomorphe dessine une main pour saisir le jeune enfant, celui-ci pleure dans la mer, se mêle à l’élément liquide. L’écrivain à venir qu’est Hans Reiter possède donc dès l’enfance une affinité avec un monde du dessous, seulement révélé par la plongée. Il manie jusque dans ses fluides corporels le principe de l’immersion. Son univers relève moins de l’étendue, de la lecture syntagmatique d’un paysage marin que la profondeur des mondes du dedans, des abysses paradigmatiques. Cette idée de « profondeur » ne doit cependant pas nous mener à considérer l’immersion comme un simple enjeu psychologique, une sorte « d’identification » directe. En effet, si les lecteurs fictionnels s’identifient bien à la fiction, il faudrait éviter le réductionnisme psychologique qui définirait l’identification comme l’imitation par une personne réelle de la psychologie d’un personnage fictif. L’identification de Reiter à l’algue et son immersion dans l’élément marin rendent les lacunes de l’interprétation psychologique bien évidentes. Au-delà de la transformation corporelle ou matérielle de Reiter, la découverte de son être amphibie constitue un signe évident des effets multiples de l’identification fictionnelle.

110 Bolaño, Roberto. 2666. Barcelona, Espagne: Ed. Anagrama, 2004., p.799-800 : « Il avait dans la tête, comme on dit, le livre Quelques animaux et plantes du littoral européen, et pendant qu’il faisait de la plongée, il se repassait les pages lentement. C’est ainsi qu’il découvrit la Luminaria digitata, qui est une algue de grandes dimensions, composée d’une tige robuste et d’une feuille large, comme le disait le livre, en forme d’éventail d’où partait de nombreuses divisions en lanière qui ressemblaient, en réalité, à des doigts. La Luminaria digitata est une algue des mers froides comme la Baltique, la mer du Nord et l’Atlantique. On la trouve, en grandes concentrations, au niveau le plus bas de la marée et sous les côtes rocheuses. La marée basse laisse souvent à découvert des forêts de ces algues. Lorsque Hans Reiter vit pour la première fois une forêt d’algues, il en fut si ému qu’il se mit à pleurer sous l’eau. Ça a l’air difficile, qu’un être humain se mette à pleurer tout en étant en plongée les yeux ouverts mais n’oublions pas que Hans n’avait alors que six ans et que d’une certaine manière c’était un enfant singulier. »

67 Dans House of Leaves, ce processus repose sur l’espace de la maison. Loin de provoquer un effet de distanciation, ou à l’inverse une suspension of disbelief, l’impossibilité spatiale de la maison de Navidson laisse les spectateurs-lecteurs intradigétiques dans le doute. Elle pousse même les personnages qui se projettent de manière excessive dans la lecture au bord de la folie. Bien sûr, dans la fiction en abyme, cette « folie » paraît légitime : face à l’espace paradoxal de la maison qui détruit toute sorte de repères spatiaux et physiques, les explorateurs sombrent dans la démence. Holloway, progressivement captivé par la maison, est bientôt en proie à des délires hallucinatoires, puis à des pulsions assassines. Tom, le frère de Navidson, retranscrit ses angoisses dans un cahier incorporé dans le film. La folie de Zampanò, le spectateur du Navidson

Record, ou de Johnny Truant, le lecteur du manuscrit, sont essentiellement transmises par

contamination métaleptique. Elles reposent sur leur crédulité immersive, mais elles correspondent aussi à l’expérience de lecture. Ce n’est pas seulement parce que les espaces infinis les effraient que les personnages deviennent fous. C’est aussi parce que leur lecture compulsive les pousse dans leurs retranchements et les coupe du monde « réel ». Comme souvent chez Danielewski le sens métaphorique s’inscrit littéralement dans l’espace. L’immersion du lecteur est signifiée par le calfeutrement du vieillard Zampanò dans sa chambre :

All the windows were nailed shut and sealed with caulking. The front entrance and courtyard doors all storm proofed. Even the vents were covered with duct tape. That said, this peculiar effort to eliminate any ventilation in the tiny apartment did not culminate with bars on the windows or multiple locks on the doors. Zampanò was not afraid of the outside world. As I’ve already point out, he walked around his courtyard and supposedly was even fearless enough to brave the LA public transportation system for an occasional trip to the beach (an adventure even I’m afraid to make)111.

La topique de l’enfermement, image consacrée de la folie paranoïaque, s’adapte à la maison que décrit le manuscrit de Zampanò. Ce n’est pas de l’extérieur mais de l’intérieur que vient la menace, le déséquilibre, la transformation. Le personnage se calfeutre, non parce qu’il craint le monde qui l’entoure mais parce qu’il souhaite s’enfermer dans l’espace du dedans, dans le lieu de l’intime par excellence que représentent la lecture et l’écriture. La maison de Navidson, par l’intermédiaire du film, imprime sa marque sur l’espace même de Zampanò, sur

111 Danielewski, p. xvi : « Toutes les fenêtres étaient clouées et calfatées. L’entrée principale et les portes donnant sur la cour étaient à l’épreuve des tempêtes. Même les aérations étaient recouvertes de ruban adhésif. Cela dit, on n’avait pas poussé jusqu’à installer des barres ou fenêtres ou des serrures multiples aux portes pour éliminer toute ventilation dans le petit appartement. Zampano n’avait pas peur du monde extérieur. Comme je l’ai déjà souligné, il se promenait dans la cour et, apparemment, n’hésitait pas à braver les transports en commun de Los Angeles pour se rendre de temps à autre à la plage (un trajet que moi-même j’ai peur de faire). »

68 la chambre dans laquelle il s’enferme. Elle est la cause inavouée de sa mort, qui passe pour un banal accident de vieillesse. Le lecteur-spectateur est donc victime de la lecture immersive, qui va ici jusqu’à la métalepse. La transgression des frontières de la fiction, l’immersion dans le récit a eu raison de sa vie. La fiction est donc le lieu d’un danger, elle constitue en tout cas un espace de réification du sujet, devenu simple élément du livre qui le contamine.

Chez Senges, les personnages peuvent également connaître d’importantes transformations suite à leur immersion dans la fiction. Après sa mort, le corps de Lichtenberg entre symboliquement dans le domaine littéraire. Ses vêtements sont vendus à des chiffonniers « indifférents au culte des reliques », puis à des industriels papetiers qui « les feront tremper, les passeront au pressoir, au pilon, pour fabriquer un très étal, très beau papier, comme on en fait plus : la trame se devine à contre-jour, comme le filigrane, et l’encre y est dit-on, comme un poisson dans l’eau112 ». Cet héritage parodique de Lichtenberg – l’œuvre à venir est écrite sur ses vieux pyjamas – n’en contamine pas moins ses lecteurs plongés dans la recomposition de ses fragments. Ils utilisent les reliques de leur maître pour prendre leurs notes, dans une version dégradée et bouffonne de l’innutrition littéraire. Ce palimpseste quasi cannibale se nourrit de Lichtenberg autant qu’il transforme son œuvre. Contrairement aux visions traditionnelles de l’immersion, le processus lancé par cette image ne concerne pas seulement le domaine de la réception. À travers le palimpseste parodique, la lecture est aussi présentée comme une transformation des attributs de Lichtenberg. L’œuvre et l’écrivain deviennent des objets que le lecteur fictionnel manipule, qu’il tente de faire sien.

2.2.2. « L’assimilation réelle » de l’œuvre

L’immersion poussée à l’extrême peut s’inverser pour devenir une assimilation. Dans les fictions commentaires, la lecture tente parfois d’incorporer l’œuvre première, de l’ingérer. Alors que le lecteur était accaparé, emporté, transformé par la lecture, c’est maintenant l’œuvre qui est modifiée sous les coups de boutoir irrévérencieux des personnages. Dès le début de

Fragments de Lichtenberg, deux sections parallèles donnent à voir ce renversement

carnavalesque. Entre le chapitre consacré à la mort de Goethe et celui qui évoque le décès de Lichtenberg, les événements semblent radicalement opposés. De nombreux savants et amis entourent le grand maître, quand l’obscur philosophe s’éteint dans une solitude complète. Goethe prononce des paroles pour la postérité, alors que Lichtenberg est voué au silence et à l’anonymat. Pourtant, la facétie de Senges prend le dessus puisque, selon le narrateur, « de tous

69 les docteurs » présents lors du décès, un seul comprend en réalité les derniers mots de Goethe. Le fameux « Mehr licht » qui s’est échappé des lèvres du maître n’est en réalité qu’un « Mehr Lichtenberg113 » avorté, le moribond ayant rendu son dernier souffle avant de pouvoir articuler les syllabes manquantes. Lichtenberg entre ainsi en contrebande dans la postérité de Goethe et l’identification fonctionne à l’envers, par un jeu qui détruit autant les figures consacrées que le déroulement chronologique. Le narrateur relie les deux chapitres avec ces mots révélateurs :

Plusieurs dizaines d’années auparavant (voici bien le ton du conteur), c’était au tour de Georg Christoph Lichtenberg de fermer définitivement les lèvres, puis d’offrir son corps au soin des empailleurs : cinquante livres de coton hydrophile par les orifices114.

La distorsion temporelle provoquée par la locution « c’était au tour », employée alors qu’elle évoque un événement qui s’est passé il y a de nombreuses années, donne une indication supplémentaire de la manière dont notre personnage contamine la légende de Goethe. Tout en venant en seconde position, Lichtenberg est pourtant présenté comme la source de la parole, il devient l’origine incontestée. Il ne se contente pas de parodier Goethe, mais il le détourne, le modifie et lui fait dire ce qu’il veut. Bien évidemment, cette mystification possède une fonction programmatique. Senges, « avec le ton du conteur », modifie lui aussi la forme du livre de Lichtenberg. L’ensemble des fragments de Lichtenberg est consacré au détournement de l’œuvre du philosophe. La fiction érudite permet d’inverser les rôles de l’immersion littéraire : l’œuvre ne transforme plus nécessairement le personnage qui s’y identifie. Au contraire, elle peut être radicalement bouleversée par les lecteurs intradiégétiques, dans ce cas par les lichtenbergiens, ainsi que par le narrateur et même l’auteur de l’œuvre seconde.

Chez Bolaño, une des images de l’assimilation de l’œuvre par la lecture se trouve dans le rituel du groupe littéraire des « écrivains barbares », évoqué dans un récit enchâssé d’Estrella

distante. Contrairement à ce que laisse penser le nom qu’ils s’attribuent, les « écrivains

barbares » sont en réalité des lecteurs radicaux. Ils développent un rapport au texte de l’ordre d’une innutrition littérale :

Según Delorme, había que fundirse con las obras maestras. Esto se conseguía de una manera harto curiosa: defecando sobre las páginas de Stendhal, sonándose los mocos con las páginas de Victor Hugo, masturbándose y desparramando el semen sobre las páginas de Gauthier o Banville, vomitando sobre las páginas de Daudet, orinándose sobre las páginas de Lamartine, haciéndose cortes con hojas de afeitar y salpicando de sangre las páginas de Balzac o Maupassant, sometiendo, en

113 Ibid. p. 18. L’auteur traduit lui-même les termes dans des notes en marge. On passe de « plus de lumière » à « plus de Lichtenberg ».

70 fin, a los libros a un proceso de degradación que Delorme llamaba humanización. El resultado, tras una semana de ritual bárbaro, era un departamento o una habitación llena de libros destrozados, suciedad y mal olor en donde el aprendiz de literato boqueaba a sus anchas, desnudo o vestido con shorts, sucio y convulso como un recién nacido o más apropiadamente como el primer pez que decidió dar el salto y vivir fuera del agua. Según Delorme, el escritor bárbaro salía fortalecido de la experiencia y, lo que era verdaderamente importante, salía con una cierta instrucción en el arte de la escritura, una sapiencia adquirida mediante la “cercanía real”, la “asimilación real” (como la llamaba Delorme) de los clásicos, una cercanía cororal que rompia todas las barreras impuestas por la cultura, la academia y la técnica115.

Si ce rituel propose bien évidemment une vision parodique de la littérature des avants gardes, il ne faut cependant pas l’interpréter comme le degré zéro de la lecture et le rejeter dans l’ironie la plus totale. « L’assimilation » et la « proximité » procèdent bien d’un fantasme de la réception sans médiation, d’un rapport absolu, délié à la littérature. Le rituel des écrivains barbares possède certes une portée avant tout symbolique, mais ce corps construit par l’échange des sécrétions, cette transgression de la séparation entre le dedans et le dehors, mime aussi l’absence de distinction entre fiction et réalité. La lecture contient en germe le fantasme d’une identification totale, d’une refondation non-problématique du sujet dans le dépassement métaleptique des frontières, qu’elles soient fictionnelles, physiques ou identitaires. La métaphore de l’homme nouveau et la critique des « barrières imposées par la culture, l’académisme, la technique » finissent de dévoiler la fascination pour des idéologies totalitaires que partagent ces personnages. Ce spectre nazi, loin d’être un trait pittoresque dans l’univers romanesque de Bolaño, permet au contraire d’associer lecture, fascination et violence. En proclamant la fin d’une inscription culturelle de la lecture, ces « écrivains barbares » révèrent une lecture pure, désengagée, anhistorique – fantasme d’un rapport direct de l’œuvre à son lecteur. C’est aussi cette vision de l’immersion de la lecture que critique Bolaño. À travers cette assimilation littéraire, son œuvre explore le rapport des figures extrêmes et des idéologies

115 Bolaño, Estrella distante p.139 « D’après Delorme il fallait se fondre avec les œuvres maîtresses. On y parvenait d’une manière extrêmement étrange : en déféquant sur les pages de Stendhal, en se mouvant avec des pages de Victor Hugo, en se masturbant et en répandant le sperme sur les pages de Gautier ou de Banville, en vomissant sur les pages de Daudet, en urinant sur les pages de Lamartine, en se coupant avec des lames de rasoir et en éclaboussant de sang les pages de Balzac ou Maupassant, en soumettant, en somme les livres à un processus de dégradation que Delorme appelait humanisation. Le résultat, au terme d’une semaine de rituel barbare, était un appartement ou une chambre jonché de livres détruits, un état de saleté et de puanteur dans lesquelles l’apprenti littéraire déblatérait à son aise, nu ou en short, sale et surexcité comme un nouveau-né, ou plus exactement comme le premier poisson qui décida de faire le saut et de vivre hors de l’eau. Selon Delorme, l’écrivain barbare sortait aguerri de l’expérience et, là était vraiment l’essentiel, il en ressortait avec un certain savoir dans l’art de l’écriture, une connaissance acquise grâce à la « proximité réelle », l’ « assimilation réelle » (comme les nommait Delorme) des classiques, une proximité corporelle qui brisait toutes les barrières imposées par la culture, l’académisme et la technique.»

71 rances à la fascination. Il s’intéresse moins au terrorisme de la théorie qu’au fascisme de la fiction. En transformant la production littéraire des « écrivains barbares » en rituel, il montre que leur lecture assimilatrice est indissociable de postures politiques. La fascination des personnages pour l’abjection est bien évidemment réversible, elle s’adresse au lecteur actuel et interroge sa propre satisfaction – pour ne pas dire sa jouissance – face au spectacle dont il se repaît. En montrant la manière dont les personnages s’absentent à eux-mêmes – dans la fascination, dans l’immersion ou dans l’assimilation – l’œuvre cherche à mener tous ses lecteurs dans la violence de cette « planète des monstres » ou cet « océan de merde de la littérature116. Bien que l’insistance grotesque, l’entassement carnavalesque et scatologique ressortissent nécessairement de la mise à distance ironique, ce roman associe la folie des personnages à la lecture, en la rapprochant d’une violence scarificatrice, exercée contre leurs propres corps, mais aussi renvoyée vers les lecteurs seconds.

L’immersion des lecteurs fictionnels est donc un processus à l’intensité variable. À l’échelle d’un même personnage, la lecture ressortit parfois à l’immersion mimétique, d’autres fois à une posture analytique, et le plus souvent à un savant mélange des deux. À supposer que l’on puisse extrapoler cette représentation de la lecture fictionnelle vers la lecture réelle, cette variation pourrait montrer les limites des théories de l’immersion fondées sur des présupposés