• Aucun résultat trouvé

Imaginer une meilleure harmonisation des décisions des juges avec le fonctionnement de l’allocation de soutien familial (ASF) 

b2 Contentieux entre parents divorcés 

CHAPITRE  3.  ANALYSE DE L’IMPACT DE LA MISE EN ŒUVRE DE LA TABLE DE REFERENCE

2.4.  Imaginer une meilleure harmonisation des décisions des juges avec le fonctionnement de l’allocation de soutien familial (ASF) 

Le fonctionnement de l’ASF soulève depuis sa création (1984) deux difficultés récurrentes que  la  mise  en  place  d’une  table  de  référence  pour  le  calcul  des  contributions  alimentaires  pourrait   contribuer à résoudre.  

Il  s’agit  en  premier  lieu  des  actions  judicaires  formées  pour  répondre  à  une  demande  des  caisses  d’allocations  familiales  (CAF)  et  dont  le  seul  objet  est  de  constater  l’impécuniosité  du  débiteur. Il s’agit ensuite du sort des pensions de faibles montants, inférieures au montant de l’ASF  et que les juges fixent tout en sachant qu’elles ont pour conséquences de priver l’enfant et le parent  créancier d’un montant au moins égal à l’ASF.  

a.  Obtenir  une  décision  de  justice  fixant  la  CEEE  ou  constater  l’état  d’impécuniosité  du  débiteur 

Pour  bénéficier  de  l’ASF,  le  demandeur  doit  au  préalable  faire  valoir  ses  droits  contre  le  débiteur de la CEEE et arguer ou bien de l’état d’impécuniosité de ce débiteur constatée par le juge  ou bien du défaut de paiement de la pension fixée par le juge. Dans le premier cas, le parent débiteur  est considéré comme  hors d’état de faire face à ses obligations  alimentaires  et l’ASF est versée en  totalité et sans action en remboursement (ASF dite non recouvrable, ou ASF NR). Dans le second, le  versement de l’ASF est assorti d’une action en remboursement formée contre le débiteur (ASF dite  recouvrable, ou ASF R). 

Lorsque  aucune  décision  de  justice  n’est  intervenue  pour  constater  l’impécuniosité  du  débiteur, les CAF ont la possibilité de retenir de leur propre autorité la qualité de « hors d’état » du  débiteur à partir d’une liste de situations, fournie par voie de circulaire. Ce pouvoir de qualification  peut  également  être  utilisé  lorsqu’une  pension  a  déjà  été  fixée  en  justice  mais  que  la  situation  a  évolué  et  que  les  revenus  du  débiteur  ne  sont  plus  suffisamment  importants  pour  permettre  l’exécution de la décision initiale. 

Cette  liste  est  conçue  comme  exhaustive  et  en  dehors  des  situations  qu’elle  prévoit90,  l’obtention  d’une  décision  judiciaire  constatant  la  situation  d’impécuniosité  est  alors  souvent  nécessaire, sauf à renoncer au versement de l’ASF91.          90  Circulaire CNAF n°C‐2001‐033 du 21 août 2001, extrait.  Sous réserve des évolutions les plus récentes, la circulaire prévoit que peut être considéré comme hors d’état le débiteur se  trouvant dans l’une des situations suivantes :  ‐ incarcéré, y compris en régime de chantier extérieur, mais à l’exclusion du régime de semi‐liberté ; 

‐  vagabond  (mais  dans  cette  situation,  il  dispose  de  ressources  nulles  ou  inférieures  au  RSA  socle  et  peut  donc  être  considéré comme hors d’état à ce titre) ;  ‐ chômeur non indemnisé ou bénéficiaire  de l’allocation unique dégressive au taux plancher, de l’allocation de solidarité  spécifique, de l’allocation d’insertion pendant une période de 6 mois,  ou encore stagiaire percevant l’allocation formation  reclassement (AFR) après l’AUD au taux plancher ;  ‐ malade, invalide non indemnisé ;  ‐ mineur ;  ‐ atteint de débilité mentale (bien que cette notion ne corresponde pas une acception médicale précise) ; 

Cette situation favorise la saisine des juges pour des situations dans lesquelles il est d’ores et  déjà acquis que le juge ne fixera pas de pension. 

L’adoption  d’une  table  de  référence  pour  le  calcul  des  contributions  alimentaires  pourrait  permettre de résoudre cette difficulté, en permettant aux CAF de considérer que le parent débiteur  est hors d’état de faire face à ses obligations lorsque l’application du modèle proposé conduit à fixer  une  pension  d’un  montant  nul  –  ou  très  faible.  La  circulaire  de  la  Caisse  nationale  des  allocations  familiales  relative  au  fonctionnement  de  l’ASF,  qui  fournit  la  liste  exhaustive  des  situations  dans  lesquelles  le  débiteur  peut  être  considéré  comme  hors  d’état  propose  d’ailleurs  une  solution  convergente :  elle  considère  que  le  recours  au  juge  pourrait  être  limité  aux  hypothèses  où  la  situation  du  débiteur  peut  être  connue  et  qu’il  est  dans  une  situation  de  fortune  suffisante  permettant d’envisager de fixer une contribution. Le recours à la table pourrait permettre aux CAF  d’apprécier  plus  objectivement  la  situation  de  fortune  du  débiteur92,  sans  nécessairement  limiter  leur  pouvoir  de  qualification  de  hors  d’état  aux  situations  dans  lesquelles  le  débiteur  dispose  de  ressources toutes insaisissables ou inférieures à 460 euros. 

b. Fixer une CEEE d’un montant inférieur à celui de l’ASF 

Lorsque le juge fixe une pension alimentaire à un niveau inférieur à l’ASF (87 euros), et dès lors  qu’elle  est  effectivement  versée,  le  droit  à  l’ASF  n’est  pas  ouvert  et  l’enfant  comme  son  parent  créancier reçoivent le montant fixé par le juge au titre de la pension. 

Si  cette  pension  n’est  pas  versée,  l’ASF  est  normalement  versée,  à  taux    plein  et  l’enfant  comme son parent créancier reçoivent le montant de l’ASF, la CAF agissant alors en remboursement  auprès du débiteur dans la limite de son obligation de contribuer. 

Si cette pension est partiellement payée, la CAF complète le versement au titre de l’ASF, mais  seulement à hauteur du montant de la pension fixée. On parle alors d’ASF différentielle : le montant  versé  au  titre  de  l’ASF  (et  qui  pourra  faire  l’objet  d’une  action  en  récupération)  est  alors  égal  à  la  différence entre le montant de la pension fixée par le juge et le montant effectivement versé.  

Ce mécanisme pénalise les enfants dont le débiteur dispose de faibles ressources : alors même  que la pension fixée par le juge est a priori bien faible pour assurer une partie satisfaisante de leurs  frais  d’entretien  et  d’éducation,  elle  ferme  le  droit  à  l’ASF,  tandis  que  la  défaillance  partielle  du  débiteur conduit à verser une prestation d’un montant plus faible que sa défaillance complète. 

Outre le fait que ce mécanisme complique l’activité des CAF, il peut inciter le débiteur à ne pas  verser  la  pension  du  tout,  ouvrant  ainsi  droit  pour  l’enfant  à  une  ASF  complète  et  recouvrable  en  partie seulement (dans la limite du montant de la pension fixée). 

      

‐  violent,  cette  situation  pouvant  être  attestée  par  toute  mention  dans  une  décision  de  justice,  par  une  plainte,  une  condamnation pénale ; 

‐ faisant l’objet d’une procédure en contestation de filiation, tant que le jugement n’est pas définitif ; 

‐  bénéficiaire  d’allocation  aux  adultes  handicapés,  au  taux  plein  ou  au  taux  réduit  en  complément  d’un  avantage  de  vieillesse ou d’invalidité ;  ‐ bénéficiaire du RSA socle ;  ‐ disposant de ressources, hors prestations légales, nulles ou inférieures au montant du RSA socle ;  ‐ disposant de revenus supérieurs au RSA socle mais tous totalement insaisissables ;  ‐ dont l’obligation alimentaire n’a pas été fixée en raison : de l’absence ou de la faiblesse de ses ressources, de l’absence  d’éléments connus sur sa situation.  91

  Compte  tenu  de  l’imbrication  de  l’ASF  et  du  RSA  (qui  prend  la  suite  sur  ce  point  du  RMI  et  de  l’API),  renoncer  à  agir  revient alors à percevoir un RSA socle diminué du montant de l’ASF. 

92

  La  table  de  référence  propose  des  pensions  calculées  à  partir  de  700  euros  de  revenus,  même  si  rien  n’empêche  d’appliquer les pourcentages retenus à des revenus situés en‐deçà, indépendamment du point de savoir si la pension ainsi  calculée permet de subvenir suffisamment à l’entretien et à l’éducation des enfants. Avec cet outil, il serait possible de fixer 

Parallèlement, le juge peut préférer ne pas prévoir de pensions de faibles montants, ouvrant  ainsi droit à une ASF complète et non recouvrable. On sait en effet que certains magistrats évitent de  fixer  des  pensions  d’un  montant  inférieur  à  celui  de  l’ASF  afin  d’éviter  ce  mécanisme,  tandis  que  d’autres  choisissent  malgré  tout  de  fixer  de  telles  pensions,  considérant  que  l’obligation  de  contribuer  –  même  modestement  –  ne  saurait  s’effacer  en  raison  d’un  mécanisme  relevant  de  la  protection sociale, aussi critiquable soit‐il. 

La diffusion d’une table de référence pourrait être l’occasion d’améliorer cette situation, soit  en objectivant la situation des enfants pour lequel les pensions fixées sont inférieures au montant de  l’ASF  –  conduisant  éventuellement  les  magistrats  à  ne  pas  fixer  de  telles  pensions  –,  soit  en  réformant le mécanisme de l’ASF différentielle.  

C’est  la  proposition  qui  a  été  faite  par  le  groupe  ayant  construit  cette  table  de  référence,  suggérant  l’instauration  d’une  ASF  différentielle  réformée :  en  cas  de  pension  fixée  à  un  montant  inférieur  au  montant  de  l’ASF,  une  ASF  différentielle  viendrait  compléter  la  pension  fixée  jusqu'à  hauteur  du  montant  de  l’ASF,  l’éventuelle  action  en  remboursement  se  limitant  au  montant  de  la  pension fixé par le juge. Cette proposition aboutit à fixer au montant de l’ASF (87 euros) la somme  minimale  susceptible  d’être  reçue  au  titre  de  la  contribution  à  l’entretien  et  à  l’éducation  d’un  enfant, que cette somme soit versée par le parent débiteur ou, en cas de défaillance, au titre de la  politique familiale.   Cette proposition de réforme de l’ASF a rejoint des préoccupations déjà anciennes de la CNAF  et elle est l’objet d’analyses, sous l’impulsion de la Direction de la sécurité sociale, en particulier de  simulations visant à évaluer le coût d’une telle évolution pour les finances de la branche famille de la  sécurité sociale.  A la demande de la direction de la sécurité sociale, la Direction des études de la DACS a produit  une  estimation  du  nombre  d’enfants  mineurs  pour  lesquels  une  contribution  à  l’entretien  et  à  l’éducation d’un montant inférieur à l’ASF a été judiciairement fixée en 2009. Cette évaluation utilise  à  la  fois  les  sources  statistiques  disponibles  (le  répertoire  général  civil)  et  les  données  issues  de  l’enquête qui fait l’objet de ce rapport (voir encadré).  

Dans  l’appréciation  du  coût  de  la  réforme,  il  faudrait  alors  considérer  l’incitation  des  magistrats qui n’hésiteraient plus à fixer des contributions de faibles montants, supprimant autant de  situations  dans  lesquelles  ils  préfèrent  actuellement  et  pour  certains  d’entre  eux  constater  l’impécuniosité du débiteur et ne pas fixer de pensions. 

Les  statistiques  produites  par  le  ministère  de  la  Justice  à  partir  du  répertoire  général  civil  (RGC) 

fournissent :  

  ‐ le nombre de jugements de divorce avec enfant(s) mineur(s) : 75.185 en 2009.  

  ‐  le  nombre  de  décisions  rendues  par  les  juges  aux  affaires  familiales  qui  statuent  sur  des  demandes de fixation ou de modification de la CEEE pour les enfants nés hors mariage : 80.078 en  2009 (ce nombre correspond aux décisions rendues en 2009 statuant sur des demandes principales  de  fixation  ou  de  modification  de  CEEE  pour  des  enfants  nés  hors  mariage  (codées  24A  dans  la  nomenclature  des  affaires  civiles)  et  sur  des  demandes  relatives  à  la  fixation  de  la  résidence  habituelle des enfants nés hors mariage (codée 27F). 

  ‐  le  nombre  de  décisions  rendues  par  les  juges  aux  affaires  familiales  qui  statuent  sur  des  demandes de fixation ou de modification de la CEEE pour les enfants de parents divorcés : 17.495 la  même année (nous n’avons retenu que les décisions acceptant au moins partiellement les demandes  de fixation ou de modification de la CEEE (codées 22C). 

Le nombre d’enfant(s) concerné(s) par ces différentes procédures et le montant de la CEEE fixé par le  JAF ne font pas l’objet d’un relevé statistique dans le RGC. 

Les  données  issues  de  l’exploitation  de  l’échantillon  représentatif  de  décisions  rendues  par  les 

cours  d’appel  permet  de  recueillir  les  données  complémentaires : le  nombre  d’enfants  mineurs  de  parents séparés et montant de la CEEE judiciairement fixé (cas 1 = 1.619 décisions). 

A  partir  de  ces  deux  sources,  une  estimation  a  pu  être  réalisée  pour  fournir  une  évaluation  du  nombre d’enfants pour lesquels :    ‐ aucune CEEE na été fixée en 2009,     ‐ une CEEE inférieure au montant de l’ASF (87€) a été fixée,    ‐ enfin, une CEEE supérieure au montant de l’ASF (87€) a été fixée.  Ainsi, parmi les 172.758 décisions rendues par les JAF en 2009 :    ‐ le nombre total d’enfants pour lesquels une CEEE d’un montant inférieur à celui de l’ASF a  été fixé peut être estimé à 42.200 (37,3% d’entre eux appartiennent à des fratries de deux enfants,  30,4% de trois enfants, 16,7 % de quatre enfants et plus. 15,5% sont des enfants uniques) ;     ‐ le nombre total d’enfants pour lesquels aucune CEEE n’a été fixée peut être évalué à 32.430  (ils  appartiennent  plus  souvent  à  des  familles  d’un  seul  enfant  (26,6%).  43,5%  d’entre  eux  à  des  fratries de deux enfants, 22,7% de trois enfants, enfin 7,2% de quatre enfants et plus). 

Au total, on peut estimer qu’en 2009, le montant de la CEEE fixé judiciairement de plus du quart des  enfants de parents séparés (72 644) est soit nul, soit inférieur à celui de l’ASF. 

Ensemble  des  procédures93  ‐  Jugements  statuant  sur  des  demandes  de  fixation  de  CEEE  en  2009  ‐  Estimation du nombre total d’enfants concernés par des CEEE dont le montant est inférieur à l’ASF  selon la taille de la fratrie 

N=  172.758  jugements  statuant  en  2009  sur  des  demandes  de  fixation  ou  modification  de  CEEE  – divorces, enfants nés hors mariage et enfants de parents divorcés ‐ 

Nombre %

Total 287 652 100,0 69 599 138 085 65 568 14 400

Pas de CEEE fixée 32 438 11,3 8 625 14 102 7 372 2 339

Montant de la CEEE inférieur 87€ 40 206 14,0 6 241 15 006 12 235 6 724 Montant de la CEEE supérieur 87€ 215 007 74,7 54 733 108 977 45 960 5 336

Source : RGC et JURICA DACS Pôle d'évaluation de la justice civile

Contribution à l'entretien et à l'éducation des enfants

Enfants appartenant à des familles de :

Total

Un enfant Deux enfants Trois enfants Quatre enfants

  Source : DACS, Pôle d’évaluation de la justice civile, B. Munoz‐Perez           93  On trouvera en Annexe 5 les tableaux fournissant les mêmes données pour chaque type de familles séparées auxquelles 

B. Conséquences économiques de la mise en place d’une table de référence : simulations à