Le théorème suivant est fondamental pour l’étude des fonctions.
Théorème 57 (Théorème des valeurs intermédiaires)– Soit
a < b
des nombres réels. Soitf : [a, b]→ R
une fonction continue. Soitk
un réel. Sik
est compris entref (a)
etf (b)
, il existec∈ [a,b]
tel quek = f (c)
. Sik
est strictement compris entref (a)
etf (b)
, il existec∈]a,b[
tel quek = f (c)
.Démonstration. Si
f (a) = f (b)
, alorsk = f (a)
de sorte qu’on peut choisirc = f (a)
. Supposons doncf (a) , f (b)
. Sik = f (a)
, on choisitc = a
; sik = f (b)
, on choisitc = b
. On suppose donc maintenant quek
est strictement compris entref (a)
etf (b)
.1) Supposons que
f (a) < f (b)
. On définit par récurrence deux suites(a
n)
n∈Net(b
n)
n∈Nen posanta
0= a
,b
0= b
eta
n+1=
a
n+ b
n2
sif
a
n+ b
n2
!
< k
a
n sinon etb
n+1=
b
n sif
a
n+ b
n2
!
< c
a
n+ b
n2
pour tout
n∈ N
. Pour toutn∈ N
, notonsP (n)
la propriétéa
n∈ [a,b]
etb
n∈ [a,b]
. Puisquea
0= a ∈ [a,b]
etb
0= b ∈ [a,b]
, la propriétéP (0)
est vraie. Soitn∈ N
un entier tel queP (n)
est vraie. Comme, d’aprèsP (n)
, on aa≤ a
neta≤ b
n, alorsa≤ (a
n+ b
n)/2
et dans tous les casa≤ a
n+1eta≤ b
n+1. Comme, d’aprèsP (n)
, on aa
n≤ b
etb
n≤ b
, alors(a
n+ b
n)/2 ≤ b
et dans tous les cas
a
n+1≤ b
etb
n+1≤ b
. La propriétéP (n + 1)
est donc vraie. La propriétéP (0)
est vraie et, pour toutn∈ N
, siP (n)
est vraie alorsP (n + 1)
est vraie. Par récurrence, on en déduit que∀n ∈ N, a
n∈ [a,b], b
n∈ [a,b].
Soitn∈ N
, — sif
a n+bn 2< k
alorsb
n+1− a
n+1= b
n−
an+b2 n=
bn−a2 n; — sif
a n+bn 2≥ k
alorsb
n+1− a
n+1=
an2+bn− a
n=
bn−a2 n. Pour toutn∈ N
, on a doncb
n+1− a
n+1=12(b
n− a
n).
La suite
(b
n− a
n)
n∈Nest donc géométrique de raison1/2
et de premier termeb− a
. Ainsi,b
n− a
n=
1
2
n(b − a) > 0
pour tout
n∈ N
. On en déduit que la différence entre les suites(a
n)
n∈Net(b
n)
n∈Ntend vers0
. Soitn∈ N
, — sif
a n+bn 2< k
alorsa
n+1− a
n=
an+b2 n− a
n=
bn−a2 n> 0
etb
n+1− b
n= 0
; — sif
a n+bn 2≥ k
alorsa
n+1− a
n= 0
etb
n+1− b
n=
an+b2 n− b
n=
an−b2 n< 0
.On en déduit que
a
n+1≥ a
n etb
n+1≤ b
n pour toutn
∈ N
. La suite(a
n)
n∈N est donc croissante et la suite(b
n)
n∈N est décroissante. Les suites(a
n)
n∈N et(b
n)
n∈N sont donc adjacentes. On en déduit qu’elles sont convergentes et qu’elles ont même limite : soitc
cette limite commune. Pour tout entiern∈ N
, on noteR(n)
l’hypothèsef (a
n) < k ≤ f (b
n).
Commek
est strictement compris entref (a)
etf (b)
avecf (a) < f (b)
, l’hypothèseR(0)
est vraie. Soitn∈ N
tel queR(n)
est vraie.— si
f
a n+bn 2< k
alors — on aa
n+1=
an+b2 n doncf (a
n+1) < k
; — on ab
n+1= b
ndoncf (b
n+1) = f (b
n) ≥ k
d’aprèsR(n)
; — sif
a n+bn 2≥ k
alors — on aa
n+1= a
ndoncf (a
n+1) = f (a
n) < k
d’aprèsR(n)
; — on ab
n+1=
an+b2 n doncf (b
n+1) ≥ k
.L’hypothèse
R(n + 1)
est donc vraie. L’hypothèseR(0)
est vraie. Pour tout entiern∈ N
, siR(n)
est vraie alorsR(n + 1)
est vraie. Par récurrence, on en déduit quef (a
n) < k ≤ f (b
n)
(20)pour tout entier
n
. Puisquef
est continue, la suite(a
n)
n∈N tendant versc
, la suite(f (a
n))
n∈Ntend versf (c)
. De même, la suite(b
n)
n∈Ntendant versc
, la suite(f (b
n))
n∈N tend versf (c)
. Par passage à la limite, l’encadrement (20) conduit àk = f (c)
. On ac , a
carf (c) = k > f (a)
. On ac , b
carf (c) = k < f (b)
. Ainsi,c∈]a,b[
.2) Supposons que
f (a) > f (b)
. On posef (x) =e
−f (x)
pour toutx
∈ [a,b]
. La fonctionfe
est continue etf (a) < ee
f (b)
. Soitk∈]f (b),f (a)[
. On a−k ∈]ef (a), ef (b)[
. D’après le point précédent, il existec∈]a,b[
tel quef (c) =e
−k
. On en déduitf (c) = k
.Remarque 58– La preuve précédente est constructive : étant donné
k
, elle permet de trouver calculer une valeur dec
tel quek = f (c)
. La méthode utilisée s’appelle méthode de dichotomie. Remarque 59– Soitn
0∈ Z
et, pour tout entiern≥ n
0, une propriétéP (n)
. Si on veut montrer que la propriétéP (n)
est vraie pour tout entiern , n
0, on peut utiliser le raisonnement par récurrence. Le lecteur désireux de montrer qu’il a compris ce qu’est le raisonnement par récurrence s’attachera à suivre le canevas suivant de façon systématique.Principe de récurrence 1–
Pour tout entier
n≥ n
0, on noteP (n)
la propriété···
. La propriétéP (n
0)
est vraie parce que···
.Soit
n≥ n
0un entier tel queP (n)
est vraie.···
d’aprèsP (n) ···
. La propriétéP (n + 1)
est donc vraie.On a montré que
P (n
0)
est vraie et que, pour tout entiern≥ n
0, siP (n)
alorsP (n + 1)
est vraie. Par récurrence, on en déduit que la propriétéP (n)
est vraie pour tout entiern≥ n
0. On peut montrer que pour qu’un ensembleE
soit un intervalle, il faut et il suffit que∀x ∈ E, ∀y ∈ E, x ≤ y ⇒ [x,y] ⊂ E.
Même si la démonstration de ce résultat n’est pas au programme, le lecteur suffisamment motivé en trouvera une démonstration en annexe (§ 6.1).
De cette caractérisation et du théorème des valeurs intermédiaires, on déduit que l’image d’un intervalle par une fonction continue est un intervalle.
Corollaire 60– Soit
f
une fonction continue sur un intervalleI
. Alorsf (I)
est un intervalle. Démonstration. Soitx
ety
dansf (I)
tels quex≤ y
. On doit vérifier[x,y] ⊂ f (I)
, c’est-à-dire que sit∈ [x,y]
alorst∈ f (I)
. Soitu
etv
dansI
tels quex = f (u)
ety = f (v)
. Puisquet
est compris entref (u)
etf (v)
le théorème des valeurs intermédiaires implique l’existence dew
compris entreu
etv
tel quet = f (w)
. Oru
etv
est dans l’intervalleI
, donc tout point compris entreu
etv
est dansI
: ainsiw∈ I
ett∈ f (I)
.Si
I
est un intervalle ouvert, son imagef (I)
par une fonction continuef
peut être n’importe quel type d’intervalle.Exemple 61–
1) La courbe relative à cet exemple est la figure 4 page ci-contre. La fonction
sin
est continue. On asin(−π/2) = −1
etsin(π/2) = 1
. Sit∈ [−1,1]
le théorème des valeurs intermédiaires implique donc l’existence dex
∈ [−π/2,π/2]
tel quet = sin(x)
. Ainsi, on a[−1,1] ⊂
sin([−π/2,π/2]) ⊂ sin(] − π,π[)
. Comme par ailleurs,sin
est à valeurs dans[−1,1]
alorssin(] − π,π[) ⊂ [−1,1]
etsin(] − π,π[) = [−1,1]
. L’image de l’intervalle ouvert] − π,π[
par la fonction continuesin
est l’intervalle fermé[−1,1]
.−π
−π/2
π/2
π
−1
1
O
Figure 4 – Courbe représentative de la fonction
sin
sur[−π,π]
.−π/2
π/2
Figure 5 – Courbe représentative de la fonction
tan
sur[−
π2,
π2]
. 2) La courbe relative à cet exemple est la figure 5. La fonctiontan
est la fonctiontan : R −n
π2
+ kπ : k ∈ Z
o
→
R
x
7→
cos(x)sin(x).
Elle est continue sur tout intervalle de la forme
]π/2 − kπ,π/2 + kπ[
aveck∈ Z
et donc en particulier sur] − π/2,π/2[
. Commesin(−π/2) = −1 < 0
etlim
x→−π
2
cos(x) = 0
aveccos(x) > 0
si−π
2
< x <
π
2
on alim
x→−π 2 x>−π 2tan(x) = −∞.
Commesin(π/2) = 1 > 0
etlim
x→π 2cos(x) = 0
aveccos(x) > 0
si−π
2
< x <
π
2
on alim
x→π 2 x<π 2tan(x) = +∞.
1
1
O
Figure 6
Notons
I =]− π/2,π/2[
, alorstan(I)
est un intervalle. Soity
∈ R
, montrons quey
∈
tan(I)
. On supposey≥ 0
. Puisquetan
tend vers+∞
enπ/2
, il existex
0∈ [0,π/2[
tel quetan(x
0) ≥ y
. Ainsi,y
est compris entre0 = tan(0)
ettan(x
0)
. Commetan
est continue, le théorème des valeurs intermédiaires implique l’existence det
compris entre0
etx
0tel quey = tan(t)
, c’est-à-direy∈ tan(I)
. On supposey≤ 0
. Puisquetan
tend vers−∞
en−π/2
, il existex
1∈] − π/2,0]
tel quetan(x
1) ≤ y
. Ainsi,y
est compris entretan(x
1)
et0 = tan(0)
. Commetan
est continue, le théorème des valeurs intermédiaires implique l’existence deu
compris entrex
1et0
tel quey = tan(u)
, c’est-à-direy∈ tan(I)
. Pour touty
réel,y∈ tan(I)
. L’image de l’intervalle ouvert]−π/2,π/2[
par la fonction continuetan
est l’intervalle ouvert] − ∞,+∞[
.3) La courbe relative à cet exemple est la figure 6. La fonction
f : x7→
1
1 + tan(πx − π/2)
2est continue en tout réel
x
tel queπx−π/2
n’est pas de la formeπ/2+kπ
aveck
entier. Elle est donc continue surR− Z
. En particulier, elle est continue sur]0,1[
. L’ensemblef (]0, 1[)
est donc un intervalle. Pour toutx∈]0,1[
, on a1 + tan(πx − π/2)
2≥ 1
donc0 ≤ f (x) ≤ 1
. Le numérateur def
ne s’annulant pas,f
ne s’annule pas. On a donc0 < f (x) ≤ 1
pour toutx∈]0,1[
, autrement ditf (]0, 1[)⊂]0,1]
. Soity∈]0,1]
. Commef
tend vers0
en0
(cartan(πx − π/2)
tend vers−∞
en 0), il existex
0∈]0,1]
tel que0 ≤ f (x
0) ≤ y
0(en utilisant le définition def
tend vers0
en0
avecε = y
0> 0
). Par ailleurs,f (1/2) = 1
. Ainsi,y
0est compris entref (x
0)
etf (1/2)
. Il existe donct
compris entrex
0et1/2
tel quey = f (t)
. Commet∈]0,1[
, on a donc]0,1] ⊂ f (]0,1[)
puisf (]0, 1[) =]0, 1]
. L’image de l’intervalle ouvert]0,1[
par la fonction continuef
est l’intervalle ouvert à gauche et fermé à droite]0,1]
.Si l’image par une fonction continue d’un intervalle ouvert peut être n’importe quel type d’intervalle, on a un résultat plus précis pour les images d’intervalles fermés. On admet le résultat suivant qui repose sur la notion de borne supérieure, notion qui n’est pas au programme (voir cependant l’annexe 6.2).
Théorème 62– Soit
a≤ b
des nombres réels. Sif
est une fonction continue sur l’intervalle fermé[a,b]
alorsf
est bornée sur cet intervalle :On montre alors le théorème suivant.
Théorème 63– L’image par une fonction continue d’un intervalle fermé est un intervalle
fermé.
Démonstration. Soit
f
une fonction continue sur un intervalle[a,b]
. Il s’agit de démontrer l’existence de réelsm
etM
tels quef ([a, b]) = [m, M]
. Commef ([a, b]
est intervalle borné (d’après le corollaire 60 et le théorème 62), il existe des réelsm≤ M
tels quef ([a, b])
est l’un des intervalles[m,M]
,[m,M[
,]m,M]
,]m,M[
. Supposons par l’absurde queM < f ([a,b])
. Pour toutx∈ [a,b]
, on a alorsf (x) < M
et doncM− f (x) > 0
. La fonctiong
: [a,b] →
R
x
7→
M− f (x)1
est alors continue. Elle est donc bornée sur l’intervalle
[a,b]
: soitK∈ R
+∗tel que, pour toutx∈ [a,b]
, on aitg(x)≤ K
. On en déduit que∀x ∈ [a,b] f (x) < M −
1
K.
(21)Or,
]m,M[
étant inclus dansf ([a, b])
, pour toutε > 0
, il existey∈ f ([a,b]
tel quey > M− ε
. Autrement dit, avec le choixε = 1/(2K)
, on obtient∃x ∈ [a,b] f (x) > M −2K1
.
(22)Les énoncés (21) et (22) sont contradictoires. On en déduit
M∈ f ([a,b])
et doncf ([a, b])
est l’un des intervalles[m,M]
ou]m,M]
.La fonction
−f
est continue sur[a,b]
et son image est[−M,−m[
ou[−M,−m]
. Appliquant ce qui précède à cette fonction−f
, on trouve que−f ((a,b]) = [−M,−m]
. Ainsif ([a, b]) =
[m,M]
Le théorème 62 affirme que l’image d’une fonction continue sur un intervalle fermé est une partie d’un intervalle fermé. Le théorème 63 précise ce résultat en montrant que l’image d’une fonction continue sur un intervalle fermé est un intervalle fermé. Soit
f
une fonction continue sur[a,b]
. L’égalitéf ([a, b]) = [m, M]
implique que, pour toutx∈ [a,b]
, on am≤ f (x) ≤ M
. La fonctionf
est donc bornée. Mais cette égalité implique aussi quem∈ f ([a,b])
etM
∈ f ([a,b])
. Il existe donc deux réelsx
metx
Mde[a,b]
tels quem = f (x
m)
etM = f (x
M)
. On peut donc retenir l’énoncé suivant.Corollaire 64– Une fonction continue sur un intervalle fermé est bornée et atteint ses bornes
sur cet intervalle.
Si
f
est continue surR
et admet des limites en−∞
et+∞
, on contrôle sa taille pour les grandes valeurs de la variable. On en déduit le résultat suivant.Proposition 65– Si
f
est continue surR
et admet des limites en−∞
et+∞
alors elle est bornée.Démonstration. La fonction
f
admet une limite`
0 en−∞
. En appliquant la définition avecε = 1
, on trouvea∈ R
tel que six≤ a
, alors|f (x) − `
0| ≤ 1
. On en déduit∀x ∈ R,x ≤ a ⇒ `
0− 1 ≤ f (x) ≤ `
0+ 1.
(23)La fonction
f
admet une limite`
en+∞
. En appliquant la définition avecε = 1
, on trouveb∈ R
tel que six≥ b
, alors|f (x) − `| ≤ 1
. On en déduit∀x ∈ R,x ≥ b ⇒ ` − 1 ≤ f (x) ≤ ` + 1.
(24)Enfin, la fonction
f
est continue sur l’intervalle[a,b]
. On en déduit l’existence de réelsm
etM
tels que∀x ∈ R,a ≤ x ≤ b ⇒ m
0≤ f (x) ≤ M
0.
(25)On pose
m = min(`
0− 1,` − 1,m
0)
. Soitx∈ R
.— Soit
x≤ a
, alorsf (x)≥ `
0− 1
d’après (23) et`
0− 1 ≥ m
. On en déduitf (x)≥ m
. — Soita≤ x ≤ b
, alorsf (x)≥ m
0d’après (25) etm
0≥ m
. On en déduitf (x)≥ m
. — Soitx≥ b
, alorsf (x)≥ `
0− 1
d’après (24) et`− 1 ≥ m
. On en déduitf (x)≥ m
. Pour toutx∈ [a,b]
, on a doncm≤ f (x)
.On pose
M = max(`
0+ 1,` + 1,M
0)
. Soitx∈ R
.— Soit