6.1.1– Bornes inférieure et supérieure
Les intervalles sont les ensembles de la forme
[a,b] = {x ∈ R: a ≤ x ≤ b},
[a,b[= {x ∈ R: a ≤ x < b},
]a,b] = {x ∈ R: a < x ≤ b},
]a,b[= {x ∈ R: a < x < b},
[a,+∞[= {x ∈ R: a ≤ x},
]a,+∞[= {x ∈ R: a < x},
] − ∞,b] = {x ∈ R: x ≤ b},
] − ∞,b[= {x ∈ R: x < b}
où
a
etb
sont deux nombres réels tels quea≤ b
. Dans tous ces intervalles, le réelb
est tel que six > b
alorsx
n’est pas dans l’intervalle et, pour toutε > 0
, il existex
dans intervalle telque
b− ε < x
. De même, le réela
est tel que six < a
alorsx
n’est pas dans l’intervalle et, pour toutε > 0
, il existex
dans intervalle tel quex < a + ε
.C’est l’existence pour tout ensemble réel borné de réels ayant les même propriétés que
a
etb
ci-dessus qui va permettre de donner une caractérisation des intervalles. Ces réels sont appelés bornes inférieure et supérieure de l’ensemble. Ces notions seront développées dans les années à venir(d).On rappelle qu’un ensemble
E
deR
est dit majoré s’il existe un réelM
tel que, pour toutx∈ E
, on ax≤ M
. Le réelM
est alors un majorant deE
. Dire queM
n’est pas un majorant deE
, c’est donc dire qu’il existex
dansE
tel quex > M
. l’ensembleE
est dit minoré s’il existe un réelm
tel que, pour toutx∈ E
, on ax≥ m
. Le réelm
est alors un minorant deE
. Un ensemble est borné s’il est à la fois minoré et majoré.Théorème 153– Soit
E
un ensemble réel non vide et majoré. Il existe un réelu
satisfaisant les propriétés suivantes :1)
∀x ∈ E
,x≤ u
;2)
∀ε > 0
,∃x ∈ E
,u− ε < x
.Démonstration. Soit
M
un majorant deE
. Soitx
0∈ E
. On noten
0 sa partie entière. On considère l’ensemble des entiers supérieurs àn
0qui ne sont pas majorant deE
, c’est-à-dire l’ensembleN
0= {n ∈ Z: n ≥ n
0et ∃x ∈ E, x > n}.
C’est un ensemble non vide : il contient
n
0. Par ailleurs, si un entiern
vérifien > M
, alors pour toutx∈ E
, on ax≤ M < n
et doncn <N
0. Par contraposée, on en déduit queN
0⊂
{n
0,··· ,bMc}
. C’est donc un ensemble fini. On noteu
0le plus grand entier deN
0. S’il existaitx
dansE
tel queu
0+ 1 < x
, on auraitu
0+ 1 ∈ N
0ce qui contredirait la maximalité deu
0. Ainsi,∀x ∈ E, x ≤ u
0+ 1.
Pour tout
k∈ N
, notonsH(k)
l’hypothèse : il existe des réelsu
0,u
1,. . .
,u
ktels que — si0 ≤ i ≤ j ≤ k
, alorsu
i≤ u
j;— si
0 ≤ j ≤ k
, alorsu
j n’est pas un majorant deE
; — si0 ≤ j ≤ k
, alorsu
j+ 10
−j est un majorant deE
.L’hypothèse
H(0)
est vraie par construction deu
0. Soitk
∈ N
pour lequelH(k)
est vraie. Pour démontrerH(k + 1)
, on considère les réelsu
0,u
1,. . .
,u
kfournis parH(k)
et il suffit de construireu
k+1. Pour cela, considérons l’ensembleN
k+1=
u
k+
n
10
k+1, n∈ {0,...,10}
.
d. Comme nous n’avons pas définiR, le risque est grand de « tourner en rond » c’est-à-dire de démontrer un résultatRen utilisant un résultatQdont la démonstration utiliseR! L’existence de la borne supérieure est souvent utilisée comme axiome de définition deRet on déduit de cet axiome le fait que toute suite croissante et majorée converge. Dans ce complément, nous faisons le choix opposé : nous prenons comme axiome de construction deR le fait que toute suite croissante et majorée converge et en déduisons l’existence de la borne supérieure. En cela, nous suivons R. Godement dans son ouvrage Analyse mathématique I, ed. Springer, 1998 (chapitre II, §2, no 9).
Il contient
11
réels. L’un d’eux est un majorant deE
,u
k+ 10 · 10
−k−1d’aprèsH(k)
. Un autre n’est pas un majorant deE
:u
kparH(k)
. Notons alorsu
k+1, le plus grand des éléments deN
k+1qui n’est pas un majorant deE
. On a bienu
k+1≥ u
k. De plus, en notantn
kl’entier de{0,...,9}
pour lequelu
k+1= u
k+n
k·10
−k−1alors,u
k+(n
k+1)·10
−k−1∈ N
k+1est un majorant deE
et donc commeu
k+ (n
k+ 1) · 10
−k−1= u
k+1+ 10
−k−1on en déduit queu
k+1+ 10
−k−1 est un majorant deE
. L’hypothèseH(k + 1)
est donc vraie. L’hypothèseH(0)
est vraie. Pour toutk
∈ N
, siH(k)
est vraie alorsH(k + 1)
est vraie. Par récurrence, l’hypothèseH(k)
est vraie pour toutk∈ N
. Cela permet de construire une suite(u
k)
k∈Nvérifiant les hypothèses ci-dessus. Cette suite est croissante et majorée parM
: en effet, pour toutk
, le réelu
kn’est pas un majorant deE
alors queM
en est un doncu
k≤ M
. Elle est donc convergente et on noteu
le réel limite de(u
k)
k∈N. Pour toutk∈ N
,le réelu
j+ 10
−k est un majorant deE
donc∀x ∈ E, ∀k ∈ N, x ≤ u
k.
Par passage à la limite, on obtient que
u
est un majorant deE
. Pour toutk
, le réelu
k n’est pas un majorant deE
de sorte qu’il existex
k∈ E
tel queu
k≤ x
k≤ u
. Grâce au théorème d’encadrement, la suite(x
k)
k∈Nd’éléments deE
ainsi construite converge versu
. Soitε > 0
. Par définition de la limite, il existe donc un entierk
tel queu− ε < x
k.Le réel
u
construit dans le théorème 153 est unique (voir par exemple la preuve de la proposi- tion 155 ci-dessous) et est appelé borne supérieure deE
. On notesup(E)
ce réel.Corollaire 154– Soit
E
un ensemble réel non vide et minoré. Il existe un réelu
satisfaisant les propriétés suivantes :1)
∀x ∈ E
,x≥ u
;2)
∀ε > 0
,∃x ∈ E
,x < u + ε
.Démonstration. Soit
m
un minorant deE
. Pour toutx
∈ E
, on am
≤ x
et donc−m ≥ −x
. L’ensemblee
E ={−x : x ∈ E}
est donc un ensemble non vide et majoré. Soit
v
sa borne supérieure. Pour toutx∈ E
, on a−x ∈ eE
donc−x ≤ v
etx≥ −v
. Soitε > 0
, il existey∈ eE
tel quev− ε < y
. Il existe doncx∈ E
tel quev− ε < −x
c’est-à-direx <−v + ε
. Le choixu =−v
est donc convenable.Le réel
u
construit dans le corollaire 154 est unique et est appelé borne inférieure deE
. On noteinf(E)
ce réel.Proposition 155– Soit
E
un ensemble réel, non vide et majoré. La borne supérieure deE
est le plus petit de ses majorants. Si∀x ∈ E x ≤ M
alorsDémonstration. Soit
u
etM
deux majorants deE
tels queM < u
. Nous démontrons le résultat par contraposée en démontrant queu
n’est pas la borne supérieure deE
. Posonsε = (u−
M)/2 > 0
. Pour toutx∈ E
, on ax≤ M
carM
est un majorant deE
. Pour toutx∈ E
, on a doncx < M + ε = u− ε
. On en déduit queu
n’est pas borne supérieure deE
. En considérant{−x : x ∈ E}
, on obtient le corollaire suivant.Corollaire 156– Soit
E
un ensemble réel, non vide et minoré. La borne inférieure deE
est le plus grand de ses minorants. Si∀x ∈ E x ≥ m
alorsinf(E) ≥ m.
6.1.2– Caractérisation des intervalles comme convexes deR
Nous donnons une caractérisation de
R
(e).Théorème 157– Soit
E
un sous-ensemble deR
. C’est un intervalle si et seulement si∀x ∈ E, ∀y ∈ E x ≤ y ⇒ [x,y] ⊂ E.
Démonstration.
1) On suppose que
E
n’est ni minoré ni majoré. Soitz∈ R
. Il existex∈ E
tel quex < z
sinon,z
serait un minorant deE
. Il existey∈ E
tel quey > z
sinonz
serait un majorant deE
. Commex
ety
sont dansE
avecx < y
, alors[x,y] ⊂ E
. Orz∈ [x,y]
doncz∈ E
. On a doncR⊂ E
puisE = R
.2) On suppose que
E
est minoré mais n’est pas majoré. On notea
la borne inférieure deE
. Par définition de la borne inférieure,a
est un minorant deE
: pour toutx
∈ E
on a doncx≥ a
. Ainsi,E⊂ [a,+∞[
. Soitz∈]a,+∞[
. Par définition de la borne inférieure avecε = (z− a)/2 > 0
, il existex∈ E
tel quex < a + (z− a)/2 = (z + a)/2
. On a(z + a)/2 < z
doncx < z
. D’autre part, il existey∈ E
tel quey > z
sinonz
serait un majorant deE
. Commex
ety
sont dansE
avecx < y
, alors[x,y] ⊂ E
. Orz∈ [x,y]
doncz∈ E
. Ainsi]a,+∞[⊂ E
. Suivant quea
appartient ou non àE
, on a doncE = [a, +∞[
ouE =]a, +∞[
.3) On suppose que
E
est majoré mais n’est pas minoré. On noteb
la borne supérieure deE
. Par définition de la borne supérieure,b
est un majorant deE
: pour toutx∈ E
on a doncx≤ b
. Ainsi,E⊂] − ∞,b]
. Soitz∈] − ∞,b[
. Par définition de la borne supérieure avecε = (b− z)/2 > 0
, il existey∈ E
tel quey > b− (b − z)/2 = (z + b)/2
. On az < (z + b)/2
doncz < y
. D’autre part, il existex∈ E
tel quex < z
sinonz
serait un minorant deE
. Commex
ety
sont dansE
avecx < y
, alors[x,y] ⊂ E
. Orz∈ [x,y]
doncz∈ E
. Ainsi] − ∞,b] ⊂ E
. Suivant queb
appartient ou non àE
, on a doncE =]− ∞,b]
ouE =]− ∞,b[
.e. Un ensembleEest dit convexe si, pour tous élémentsx≤ yde cet ensemble, l’ensemble{ty + (1 − t)x : t ∈ [0,1]}est inclus dansE. Cette notion n’est pas très riche pour les sous-ensembles deRpuisque le théorème 157 montre que les seuls sous-ensembles convexes deRsont les intervalles.
4) On suppose que