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ils sont nés ou ont résidé en rhône-alpes

Dans le document 68 : Rhône-Alpes (Page 56-58)

et se souviennent de

leur expérience dans les

bibliothèques. entretien

avec quatre auteurs

œuvrant aux quatre

coins des lettres…

GilleS roChier

auteur et scénariste de bande dessinée, Gilles rochier reçoit en 2012 le prix fauve/révélation du 39e festival international de la bd d’angoulême pour Ta mère la pute  (Éd. 6 pieds sous terre). autodidacte, il crée en 1996 le fanzine En vrac avant de rejoindre les éditions 6 pieds sous terre qui publieront également Dernier étage puis Temps mort. il est actuellement en résidence artistique au rize afin de réaliser un ouvrage sur Villeurbanne et ses habitants.

1. La Condition des Soies abrite la bibliothèque municipale du 1er arrondisse-

ment de Lyon mais également un centre social et culturel ainsi que plusieurs autres structures (ex. l’association des Anciens Combattants). Son nom vient de son activité passée : évaluation de l’humidité contenue dans les soies qui transitaient entre marchands et négociants et de la qualité des façonnés ouvrés par les tisseurs.

bRiGitte GiRaud, PieRRe Péju, FRançois beaune, Gilles RochieR la bibliothèque en 8 questions… 55

étagères d’un vestiaire de football. Je savais qu’il y en avait une dans mon collège mais je n’y allais jamais.

• avez-vous déjà eu recours à la bibliothèque publique ? Si oui, dans quelle(s) circonstance(s). y avez-vous trouvé ce que vous y cherchiez ? Si non, l’avez-vous évitée délibéré- ment ? pourquoi ?

bG : J’y ai fait beaucoup de recherches pour mon travail. La Bibliothèque de la Part-Dieu en particulier où le fonds convenait à mes besoins.

pp : Dès que j’ai fait des études, j’ai passé énormément de temps « en bibliothèque » : en tant que lecteur sur place (bien avant Internet) à la BmL, autrefois située dans le quartier Saint-Jean. Puis, enseignant à Paris, à la bibliothèque Sainte- Geneviève, et à la BnF qui était encore rue Richelieu. Quand j’ai fait des recherches sur le surréalisme, seul le « Fonds Doucet » pouvait me donner accès à des trésors. Chercher dans les fiches cartonnées dans des tiroirs en bois, et attendre qu’on vous apporte le livre était la source d’une grande émotion.

fb : Je vais toujours à la bibliothèque de mon quartier, et dans toutes les villes que j’ai visitées cette année, je me suis toujours inscrit à la bibliothèque, ne serait-ce que pour quinze jours, d’abord parce que je suis pingre, que je n’aime pas dépenser d’argent, même pour des livres, et aussi parce que le fait de pouvoir être privé de livres ou de DVD m’angoisse.

Ça me rassure d’avoir une carte de bibliothèque, je sais qu’il y aura toujours un coin chaud quelque part d’ouvert où je ne vais pas m’ennuyer.

Gr : Depuis deux-trois ans je vais à la bibliothèque... En fait j’en ai découvert une juste en bas de chez moi. J’ai redécouvert des livres, le calme de l’endroit. Je vais y travailler quand c’est trop bruyant chez moi. Je me goure sur ses horaires d’ouverture et regrette qu’elle ne soit pas ouverte le dimanche.

• la bibliothèque a-t-elle tenu quelque rôle dans votre for- mation d’écrivain ?

bG : Si l’on considère que lire et écrire procèdent du même mouvement, oui elle m’a permis d’accéder à des œuvres très différentes, et comme je n’ai pas fait d’études littéraires, c’était un peu mon université, dans le désordre le plus total.

pp : Oui, en tant que lieu plus imaginaire que réel où se trouverait tout ce qui a été écrit, tout ce qui peut se dire. Jeune, j’avais tendance à penser que vivre, c’est vérifier dans le monde ce qui a d’abord été écrit dans les livres. Devenir écrivain pose un problème effrayant : si la bibliothèque contient idéalement une infinité de volumes, pourquoi faut-il que j’y ajoute mon petit ouvrage à moi ? Mon livre était-il celui qui manquait ? La bibliothèque rend à la fois modeste et audacieux.

fb : Elle m’a donné accès aux livres, donc oui, un rôle plutôt essentiel.

briGitte Giraud

née en algérie, brigitte Giraud a passé enfance et jeunesse dans la région lyonnaise. elle a exercé divers métiers dans le domaine du livre et de la presse. longtemps programmatrice de la fête du livre de bron, elle est désor- mais directrice de la collection « la forêt » chez Stock. elle publie en 1997 son premier ouvrage, La chambre des parents. plusieurs autres ouvrages suivront. le dernier : Pas d’inquiétude paru en 2011 (Éd. Stock). Son œuvre est marquée par des thèmes familiers de l’intime et de la famille, ancrés dans une réalité contemporaine. rappel : brigitte Giraud, Pas d’inquiétude, Stock, 2011, 270 p., iSbn 978-2-234-06505-5 dans son dernier roman, brigitte Giraud donne la parole à un homme dont la vie se trouve bouleversée par l’annonce d’une grave maladie qui frappe son fils Mehdi, âgé de 12 ans, au moment où le couple et les deux enfants s’installent dans le petit pavillon dont ils rêvaient et qu’ils viennent de faire construire. Comme la mère vient juste de prendre un nouveau travail où elle doit faire ses preuves, c’est le père qui interrompt son activité professionnelle (il est conducteur d’une rotative d’imprimerie) pour s’occuper de Mehdi. difficile pour lui de trouver le bon rythme, pris entre la culpabilité de ne pas faire ce qu’il faut pour son fils et sa fille qu’il délaisse, l’isolement social auquel le confine sa nouvelle situation, la distance qui se crée entre sa femme et lui. la solidarité dont ses collègues de travail vont faire preuve le laisse également désemparé. avec une écriture claire et de longues phrases, brigitte Giraud décrit avec sensibilité le séisme lent et insidieux qui déstabilise cette famille. CC © L ucien Ager on brigitte Giraud à la Maison Jaune, 2009.

56 bibliothèque(s) - Revuedel’associationdesbibliothécaiResde FRance n° 68 - juin 2013 Gr : Non je ne crois pas... Je me rappelle juste de mon émo- tion lorsque j’ai vu pour la première fois un de mes livres en bibliothèque.

• pour l’écrivain que vous êtes, est-elle un outil de travail, un sujet d’interrogation, un thème à traiter ? tout cela ? rien de cela ?

bG : Pas jusqu’à présent.

pp : Oui, j’ai beaucoup travaillé en bibliothèque. Mes essais sur le conte, sur le romantisme ou sur l’enfance ont nécessité des bibliographies considérables. Mais pour chacun de mes romans, je suis parti à la recherche de dizaines de textes pas seulement pour la documentation mais en vue de trouver aussi de la « matière romanesque ». Par exemple, ce Journal de bord d’un médecin militaire de la Wehrmacht, découvert par hasard, et qui m’a permis de « construire » un personnage de mon roman le Rire de l’Ogre.

fb : La bibliothèque est un outil de travail, un lieu où puiser de la matière première.

Gr : Je pense plus l’endroit comme une nécessité sociale et de survie pour l’éducation, l’acte de découverte derrière ses portes, une idée et un refuge aussi.

• les bibliothèques que vous connaissez correspondent- elles à l’idée que vous vous faites d’une bibliothèque ?

bG : On sent trop la lassitude de certaines personnes der- rière la banque, et les mécanismes dans la gestuelle du prêt, et puis l’absence de désir, très souvent, une forme de mollesse qui m’effraie. Ce n’est pas un lieu que je fréquente aujourd’hui. J’y passe en coup de vent mais ne m’y installe pas. On ne peut pas rester dans un lieu, s’y sentir bien et y vivre si on ne peut pas faire une pause, prendre un café.

pp : De moins en moins ! D’abord, on a affaire désormais à des médiathèques (doit-on parler de « médiathécaires » ?), où tout est mis sur le même plan : l’espace proprement litté- raire étant de plus en plus restreint par rapport à ce qui est très médiatique : livres pratiques, best-sellers, livres pour enfants, BD, DVD… Les livres « dont tout le monde parle » sont parfois mis en avant de la même façon que dans les lieux commerciaux, alors que la tâche du bibliothécaire est de faire découvrir ce qui est plus rare, plus secret ou parfois difficile. Mais je continue à avoir d’heureuses surprises.

fb : On découvre la chance que l’on a d’avoir de si belles bibliothèques en France quand on va à l’étranger. Les biblio- thèques me conviennent parfaitement.

• qu’y manque-t-il ?

bG : Un esprit plus « café » justement. Avec des sièges ou fauteuils dans les salles de prêt (et pas uniquement dans les salles de travail). Et puis il y a trop de femmes. Et pas assez d’énergie, de désir, de prise de position, d’engagement.

pp : Je trouve que dans les bibliothèques de taille moyenne, il manque de plus en plus de « livres de fond », quitte à ce que ces livres sortent peu, car la tâche d’une bibliothèque est aussi de conserver et de « garder » certains ouvrages dont tel lecteur, un jour, aura besoin. J’ai été effrayé d’entendre des bibliothé- caires employer le mot « désherber » pour désigner une activité qui consistait à évacuer des livres peu demandés (parmi les- quels j’ai aperçu du Sartre, du René Char !)

fb : Je pense que beaucoup de gens hésitent à demander des conseils aux bibliothécaires, qui sont souvent des puits de science sur différents sujets. J’aime me faire conseiller des livres, en prendre quinze au hasard, n’en lire que deux peut- être... encore ce luxe de la gratuité. Tous les élèves devraient avoir une formation et des visites à la médiathèque de leur quartier. Souvent ils ne savent pas qu’il y a tout ce qu’il leur faut ici pour pas un centime...

Gr : Je ne vois pas ce qu’il manque en bibliothèque. Je vois simplement qu’il manque des bibliothèques dans des endroits où la population est en carence d’éducation et où elle a éliminé le livre de sa vie... Quand tu vas en prison et qu’on te montre « la » bibliothèque avec cinq livres qui se battent en duel... et

françoiS beaune

Dans le document 68 : Rhône-Alpes (Page 56-58)