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4.2 Etude bibliographique de la mise en radeaux

4.2.1 Illustration du ph´enom`ene

La mise en radeaux est un ph´enom`ene qui s’observe dans les superalliages `a haute temp´erature et sous chargement m´ecanique. La microstructure cubo¨ıdale pr´esent´ee au premier chapitre ´evolue et on observe une coalescence orient´ee des pr´ecipit´es. La figure 4.1 pr´esente l’´evolution de microstucture de l’AM1 sous un chargement de fluage de 150 MPa `a 1050◦C. Cette sollicitation conduit `a des pr´ecipit´es formant des pla- quettes perpendiculaires `a l’axe de traction. De telles ´evolutions morphologiques sont ´egalement observ´ees sur les aubes de turbine en service comme l’ont montr´e [Draper 89, Biermann 96]. Cependant, les micro- structures peuvent ˆetre plus complexes du le fait qu’elles subissent des chargements thermom´ecaniques complexes et multiaxiaux en contraintes, notamment `a cause de la pr´esence de canaux de refroidissement. Ces morphologies complexes ont pouss´e les auteurs `a s’int´eresser en premier lieu aux cas plus simples de mises en radeaux en fluage ou en fatigue uniaxiale, conditions de chargement pour lesquelles il existe une litt´erature abondante.

4.2. Etude bibliographique de la mise en radeaux

FIG. 4.1. Evolution de la microstructure de l’AM1 au cours d’un essai de fluage `a 1050◦C sous 150 MPa, d’apr`es [Diologent 02].

Mise en radeau en fluage

L’essai de fluage est l’essai le plus couramment ´etudi´e en terme d’´evolution morphologique des pr´ecipit´es. Il nous semble donc important de d´etailler la mise en radeaux dans ce cas. Une description approfondie peut ˆetre trouv´ee dans [Fredholm 87, Ayrault 89]. Ces auteurs ont ´etudi´e les m´ecanismes de d´eformation mis en jeu pendant un essai de fluage `a haute temp´erature et leur corr´elation avec l’´evolution de la microstructure. La r´eponse d’un superalliage sous un chargement de fluage pr´esente trois stades comme on peut le voir sur la figure 4.1 :

– Le fluage primaire correspond `a une augmentation de la d´eformation plastique. A l’´echelle microsco- pique cela se traduit par une augmentation de la densit´e de dislocations mobiles jusqu’`a saturation et blocage de ces dislocations aux interfacesγ/γ′ par cr´eation de r´eseaux. Parall`element la microstruc- ture ´evolue, et, `a la fin du stade primaire, les radeaux sont form´es ;

– Le stade secondaire est caract´eris´e par une vitesse de d´eformation constante. En effet, les r´eseaux de dislocations contribuent `a limiter le nombre de dislocations mobiles. Les radeaux restent relativement stables pendant le fluage secondaire ;

– Le stade tertiaire correspond `a une forte augmentation de la vitesse de d´eformation. La microstructure se d´estabilise. Fredholm [Fredholm 87] relie le d´ebut du fluage tertiaire `a l’inversion de connexit´e, la phaseγ′devenant enveloppante. Ceci favorise son cisaillement par les dilocations comme cela a ´et´e montr´e par une ´etude comparative in-situ des comportements des microstructures cubo¨ıdales et coalesc´ees [Cl´ement 06]. La ruine du mat´eriau survient lorsqu’un nombre important de fissures sont pr´esentes.

L’essai de fluage type pr´esent´e ci-dessus n’est en r´ealit´e pas appliquable `a tous les monocristaux de super- alliage. Le comportement en fluage tertiaire varie suivant le mat´eriau. Le MC2 par exemple ne pr´esente pas d’inversion de connexit´e. Pour l’AM1, on peut distinguer deux phases durant le stade de fluage tertiaire. La premi`ere phase correspond `a l’inversion de connexit´e. Elle pourrait ˆetre qualifi´ee de stade pr´ecurseur de l’endommagement ou de fluage acc´el´er´e. Puis, lorsque la d´eformation devient tr`es importante, on se situe dans un stade d’endommagement durant lequel il y a amorc¸age et propagation de fissures.

Forces motrices sur la mise en radeaux

La compr´ehension des forces motrices r´egissant la mise en radeaux a fait l’objet de nombreux tra- vaux. Classiquement, des approches en ´elasticit´e telles que celles propos´ees dans [Pineau 76, Nabarro 96,

Pollock 94, Kamaraj 03] mettent en ´evidence quatre facteurs influenc¸ant l’´evolution de la microstructure : – le signe du d´esaccord param´etrique ;

– la diff´erence de constantes ´elastiques entre les deux phases ; – le sens et la direction de la contrainte appliqu´ee ;

– la temp´erature.

L’influence de la contrainte appliqu´ee s’observe par exemple en comparant les microstructures issues d’essais de fluage traction et de fluage compression suivanth001i. Le cas du fluage traction, nous en avons d´ej`a parl´e, conduit `a la formation de plaquettes perpendiculaires `a l’axe du chargement. On parle de coales- cence de type N. En fluage compression, les pr´ecipit´es ont tendance `a coalescer suivant des plans contenant l’axe de la contrainte (type P). Plus g´en´eralement, [Tien 71] pr´esente une ´etude d´etaill´ee de la microstructure en fonction de l’orientation du chargement. Pour une contrainte orient´ee suivant l’axeh011i, deux syst`emes de radeaux parall`eles aux directionsh010i et h001i coexistent. Enfin pour un chargement suivant h111i, la microstructure ´evolue de fac¸on isotrope. On peut en retenir que les radeaux ont tendance `a se d´evelopper dans les plans de type{001}. Ces r´esultats g´en´eraux se retrouvent pour la plupart des superalliages indus- triels.

L’effet d’´etats de contraintes plus complexes a ´egalement ´et´e ´etudi´e. Karamaj [Kamaraj 98, Kamaraj 03] a effectu´e divers essais de fluage biaxiaux. Il a montr´e qu’un ´etat de cisaillement pur parall`ele `ah011i produit des radeaux `a 45◦. En revanche un ´etat de ciasaillement pur parall`ele `ah001i ne produit pas de mise en radeaux. Pour un ´etat de cisaillement combin´e `a de la flexion avec une contrainte de flexion sup´erieure `a la contrainte de cisaillement, on retrouve les r´esultats classiques (radeaux perpendiculaires `a l’axe de traction ou parrall`eles en compression). Nous avons parl´e ici de la contrainte appliqu´ee comme force motrice de la coalescence orient´ee. Nous verrons plus loin, dans le paragraphe traitant du rˆole de la d´eformation plastique, que ceci n’est pas tout `a fait correct.

Fredholm [Fredholm 87] a montr´e de plus une corr´elation entre le signe du d´esaccord param´etrique et l’orientation des radeaux. Pour un misfit n´egatif (ce qui est le cas de la plupart des superalliages industriels), on observe une coalescence de type N en fluage traction suivanth001i et une coalecence de type P en fluage compression. Pour un alliage `a misfit positif, ces r´esultats sont invers´es. Ces r´esultats sont corrobor´es par les mod`eles ´elastiques tels que celui de Pineau [Pineau 76].

Enfin, la temp´erature joue un rˆole majeur dans le ph´enom`ene de coalescence orient´ee puisqu’il fait in- tervenir la diffusion. Dans [Fredholm 87], des tests de fluage sur du CMSX-2, `a 760◦C et 750 MPa, sont men´es jusqu’`a rupture (temps de rupture : 1200 h, d´eformation `a rupture : 18%). Les micrographies ne

montrent qu’un d´ebut d’accolement lat´eral des pr´ecipit´es. Pour des temps `a rupture comparables (environ 350 h), il faut, `a 950◦C, un temps de 70 h et une d´eformation de 0.3% pour observer une ´evolution micro-

structurale comparable, alors qu’`a 1050◦C, 1 h de fluage suffit. A 760◦C, la cin´etique est tr`es lente. Il faut donc des temps tr`es longs et/ou des d´eformations importantes pour provoquer une modification appr´eciable de la microstructure.

Mise en radeaux en fatigue et en fatigue thermom´ecanique

La mise en radeaux peut ´egalement ˆetre observ´ee en fatigue `a haute temp´erature [Hanriot 93, Espi´e 96, Frenz 96, Brien 96, Mughrabi 96] ou en fatigue thermom´ecanique [Kraft 95]. La figure 4.2, issue de [Frenz 96], pr´esente l’´evolution microstructurale qui peut ˆetre observ´ee sous chargement cyclique `a 980◦C. Une vitesse de d´eformation relativement lente (10−5s−1) conduit `a une coalescence tr`es marqu´ee des pr´ecipit´es suivant une direction `a 45◦de l’axe de chargement. Pour une sollicitation plus rapide de 10−3s−1, les auteurs observent un ´epaississement des couloirs de matrice ainsi qu’un d´ebut d’accolement des pr´ecipit´es. En revanche, il ne semble pas se d´egager d’orientation pr´ef´erentielle de la microstructure dans ce cas. On remarque de plus que l’´evolution microstructurale observ´ee pour la vitesse 10−5s−1s’accompagne d’un adoucissement marqu´e du mat´eriau.

D’autres auteurs ont ´etudi´e les ´evolutions microstructurales sous chargements cycliques sym´etriques [Gabb 89, Glatzel 89]. Dans ces travaux, les vitesses de sollicitation sont de l’ordre de10−3s−1. Les auteurs observent une augmentation de la taille des pr´ecipit´es accompagn´ee d’une modification morphologique. Les

4.2. Etude bibliographique de la mise en radeaux

FIG. 4.2. Evolution de la microstucture durant un chargement cyclique altern´e [Frenz 96].

pr´ecipit´es tendent `a devenir plus arrondis. C’est ´egalement ce que l’on peut observer sur la figure 4.2. Dans [Brien 95, Brien 96], une comparaison de la mise en radeaux en fatigue altern´ee et r´ep´et´ee est faite `a 950◦C dans l’AM1. Les essais pr´esent´es dans ces travaux sont conduits `a une fr´equence de 0.25 Hz, soit une vitesse de d´eformation de l’ordre de10−3-10−2s−1. Dans les deux cas, une coalescence de type N est observ´ee. Cependant un chargement altern´e semble y conduire plus rapidemment d’apr`es les auteurs. Ainsi dans [Brien 96], des temps tr`es courts sont relev´es pour la mise en radeaux en fatigue altern´ee (environ une demi-heure `a 950◦C). Ces r´esultats semblent en contradiction avec les travaux cit´es pr´ec´edemment, qui, pour des vitesses de sollicitation rapides ne montrent pas d’orientation privil´egi´ee de la microstructure. Les travaux de Brien ont ´et´e effectu´es en microscopie par transmission, contrairement `a Frenz et al. [Frenz 96] qui ont utilis´e la microscopie `a balayage. Le MET ne permettant pas l’observation de zones importantes du mat´eriau, il est probable que localement Brien ait observ´e des radeaux de type N. La coalescence de type N a ´egalement ´et´e observ´ee en fatigue r´ep´et´ee `a 1100◦C `a 0.5 Hz dans [Zhou 07b].

Le cas de la fatigue thermom´ecanique est plus complexe. Une ´etude est propos´ee par Kraft [Kraft 95]. Suivant le cycle thermom´ecanique subi par le mat´eriau, ils observent des radeaux de type N ou de type P. Par exemple, un cycle thermom´ecanique durant lequel le cyclage m´ecanique et le cyclage thermique sont en phase conduit `a des radeaux perpendiculaires `a l’axe de la sollicitation. A contrario, un cycle ther- mom´ecanique d´ephas´e g´en`ere des radeaux de type P. L’orientation des pr´ecipit´es d´epend donc de la nature du chargement, tension ou compression, durant la phase chaude du cycle thermique. Une fine pr´ecipitation de phaseγ′ est ´egalement observ´ee dans les couloirs de matrice. Elle est due aux variations de fraction volumique de pr´ecipit´es entre la temp´erature la plus basse et la plus ´elev´ee, respectivement 600◦C et 1100◦C dans [Kraft 95].