RADIOTHERAPIE IMMUNOTHERAPIE
III LA SÉCURITÉ DE L’ASSOCIATION
Les effets indésirables de la radiothérapie ont été longtemps considérés comme le seul résultat d’action directe sur les tissus sains, mais il s'est avéré qu'ils sont médiés en partie par le système immunitaire. L'incidence et la gravité de ces effets dépendent du site anatomique irradié, de la présence de conditions comorbides, du volume de tissu traité, de la radiosensibilité des tissus, la dose et le fractionnement du rayonnement. Mais grâce au développement de technologies permettant l'administration de doses de radiothérapie plus conformes, telles que l'IMRT, la protonthérapie et la radiothérapie stéréotaxique ont permis de réduire le risque des toxicités radio-induites.
L'excitation entourant la synergie potentielle entre la radiothérapie et l'immunothérapie pourrait s'avérer être une arme à double tranchant. Il est à craindre que la combinaison puisse augmenter à la fois l'incidence et la gravité des effets indésirables liés à l'immunothérapie. Ces effets aussi appelés effets indésirables liés à l’immunité (ou irae) sont des effets secondaires observés suite à un traitement par les inhibiteurs de points de contrôle immunologique peuvent toucher tout type d’organe ou de tissu (Tableau 4).
Ces effets peuvent apparaître quelques semaines à 3 mois après le début du traitement par les bloqueurs de points de contrôle immunitaires (toxicité précoce plus fréquente à prédominance cutanée, gastro-intestinale et hépatique). Cependant, la première apparition d’irae a été documentée dans certains cas quelques jours seulement après le début du traitement et dans d’autres cas 1 an après l'arrêt du traitement (toxicité tardive à prédominance pulmonaire, endocrine et rénale).
Les effets secondaires sont classés en fonction de leur degré de sévérité sur une échelle de 1 à 4, en fonction de leur gravité croissante. Les effets secondaires du 1er degré sont considérés comme légers, ceux du 2e degré sont modérés, du 3e degré graves et du 4e degré sont très graves. Cependant, le critère précis utilisé pour
attribuer un degré à un effet secondaire spécifique varie en fonction de l’effet secondaire considéré. La plupart des effets secondaires liés à l’immunité, de légers à modérés, sont réversibles s’ils sont rapidement identifiés et correctement traités de façon symptomatique. Ce qui permet de poursuivre l'immunothérapie, alors que les grades 3 et 4 imposent le plus souvent l'arrêt de l'immunothérapie et l'introduction d'une corticothérapie systémique, voire d'anti-TNF.
Tableau 4: Les fréquences estimées des effets secondaires les plus fréquents liés aux différents types d’inhibiteurs de points de contrôle.
Organe touché ANTI-CTLA-4 ANTI PD-1/PDL-1
Peau Rougeurs 24% 15% Démangeaisons 25% - 35% 13% -20% Appareil digestif Diarrhée 27% - 54% Très faible Colite 8% - 22% Poumons Toux/essoufflement Très faible 20% - 40% Pneumonie 2% - 4% Foie 5% - 10% 5% - 10% Organes endocriniens
Effets sur la thyroïde 1% - 5% 5% - 10%
Hypophysite 1% Très faible
Etant donné que leurs mécanismes d’action proche, la question de combinaison de différents inhibiteurs de points de contrôle se pose immédiatement pour fournir de
meilleurs résultats thérapeutiques à des doses plus faibles. Mais au contraire de l’association de radiothérapie-immunothérapie, la potentialisation des effets secondaires semble plus nette dans le cadre de l'association CTLA-4 et anti-PD1, avec une augmentation de leur incidence globale et de leur sévérité.
Tableau 5 : comparaison des fréquences des irae entre la monothérapie et l’association des IPC
Organe touché l’association anti-CTLA-4
et anti-PD1 Monothérapie Peau 71% 59% Appareil digestif 51% 37% Organes endocriniens 34% 17% Foie 28% 4% Poumon 12% 4% .
Pour répondre à la question de la sécurité de la combinaison de la radiothérapie, plusieurs études ont été publiées (Tableau 6). Dans l'ensemble, les données de ces études suggèrent que les effets secondaires constatés suite à l’association radiothérapie-immunothérapie sont des effets liés à chaque modalité thérapeutique séparée et non potentialisée par l’association. Donc la combinaison semble sûre et ne conduit pas à une augmentation significative des irAEs, quelle que soit le temps d'administration entre les deux traitements. L'incidence des irAE de grade ≥3 variait de 7 à 35% d'une étude à l'autre.
Il est important de noter que seulement 36% des toxicités de grade 3 se sont produites dans le champ de rayonnement et que toutes les toxicités de grade 4 et 5
se sont produites en dehors du champ. Ce qui suggère que toutes les toxicités émergeant des interactions entre la radiothérapie et l'ICI sont principalement systémiques plutôt que locales (79). La corrélation entre l’efficacité antitumorale et l'immunotoxicité n'est pas démontrée et reste à discuter(80)
Tableau 7 :Etude de la sécurité de l'association radiothérapie immunothérapie(79)
Étude Caractéristiques de l'étude Exposition Résultats de toxicité
Barker, 2013
Rétrospective mono centrique 29 patients mélanome de stade III-IV non résécable
Ipilimumab
+
RT extracrânienne simultanée
-IrAE de grade ≥3 : 31% des patients
0% des patients recevant une dose de RT ≤ 100 Gy 44% chez ceux recevant> 100 Gy (P = 0,004)
-Durée médiane de suivi
11 mois pour tous les patients
34 mois pour les survivants
Liniker, 2016 Rétrospective multicentrique 53 patients atteints de mélanome métastatique Anti-PD-1 + RT palliative (RT extracrânienne, SRT intracrânienne ou WBRT) IrAE de grade ≥3 :
20% des patients sous RT extracrânienne et / ou SRT intracrânienne
14% des patients sous WBRT durée médiane de suivi 6 mois
Qin 2016
Rétrospective mono centrique
88 patients mélanome de stade III-IV non résécable
Ipilimumab ±
RT extracrânien
irAEs de tout grade
25% des patients du groupe ipilimumab
18% dans le groupe RT + ipilimumab (P = 0,61) 19% dans le groupe RT
17% dans le groupe RT conventionnel (P > 0,99) ;
durée médiane de suivi 17,6 mois
Aboudaram, 2017
Rétrospective mono centrique
59 patients mélanome
métastatique
Anti-PD-1 ±
RT palliative (n = 17)
irAEs de tout grade :
34% des patients dans le groupe anti-PD-1 seulement
29% dans le groupe anti-PD-1 + RT (P = 0,72) ; irAE de grade ≥3 :
12% des patients du groupe anti-PD-1 uniquement
7% du groupe anti-PD-1 + RT (P = 0,65) ; durée médiane de suivi 10 mois
Luke, 2018