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III - L'ORGANISATION SOCIALE

Dans le document DOCUMENT DE TRAVAIL (Page 51-61)

-42-guerre, que nous appelons sujourd'hui improprement "tribu".

Les limites en sont parfaitement précises s nos informateurs traduisent 'blo~ par "patrie". Les 'bloe nourrisssient eri effet entre eux des relations conflictuellee permanentes, et les guerres étaient fréquentes. L'organisation de l'espace était ella-mame quasi-militaire. L'individu qui franchissait 'la fronti~re de son 'bloa n'avait plus aucune garantie de

sécurité. Chasser sur le territoire voisin était rigoureuse-ment interdit et passait pour une provocation qui appelait le conflit armé.

A ~'arrivée des français le territoire de l'actuelle Sous-Préfecture de Toulépleu était divisé en 7 'bloa: 'neao,

'boo, '"id~u,'peua, u'elao, g'bao et 'mao. g'bao et 'mao

pass~rent dàs la début de la colonisation au Libéria. Il était possible que deux ou plusieurs 'bloa contractent des alliances, soit accasionnelles, soit permanentes. Ainsi

'nidru et 'peua ont-ils de langue date "marché ensemble".

Entre certains 'bloa par contre i l e toujours régné une inimi~~ fondamentale boo-'nidru, 'peue-u'elao.

Le 'blos, en tant qu'unité sociale, n'a pas véritable-ment un caractère permanent et structuré. Il ne faut pas oublier qu'il est un groupement d'alliance, fédérant une série de patrilignages. En temps de paix, chaque lignage conserve une autonomie totale. Ce n'est qu'à l'occasion d'un conflit avec l'extérieur que le 'bloa se manifeste réellement en tant qu'unité. A ce moment on ne parle d'aille~rs plus de

'bloa mais de 'bloa-dru: littéralement "tate du territoire".

Le 'bloa-dru forme le véritable groupement de guerre, issu de l'alliance entre patrilignages, groupement constitué,

présentant un front uni (une seule tate: dru) à l'adversaire.

Comment est-il possible que des patrilignages autonomes puissent sussi rapidement et aussi efficacement, d~s qu'un danger ee manifeste, constituer un groupement aussi uni?

Nous evons vu que théoriquement, à l'intérieur du 'bloa, les lignages sont parfaitement autonomes les uns par rapport aux autres. Dans la pratique, i l est touj~urs un lignage qui se dégage du groupement comme leader, de'par le prestige

(lié à l'ascendant personnel, la richesse, ou les fonctions réligieuses) qu'est parvenu à acquérir un chef. Dans certains cas, ce lignaga arrivera mOme à imposer son nom à tout le groupement (cas des 'peua). Le chef du patrilignage le plus en vue est tacitement reconnu par les autres comme 'bloa-di'oi, ou "propriétaire du bloa". Pour Otre 'bloa-di'oi, i l faut d'abord 8tre 'rin~Fo, c'est-à-dire tthomme de renommée".

Dans la société traditionnelle, renommée est synonyme de

richesse. Etre riche signifie posséder des boeufs, des cabrie, des fusils, des pagnes, des esclaves et beaucoup da femmes

(30 au moins disent nos informateurs). Mais la richesse à elle seule ne fait pas le 'bloa-di'oi. Pour 8tre raconnu comma tel i l doit au préalable avoir fait preuve de généro-sité, de bonté et de sens de la justice. Le 'bloa_di'oi est plus couramment appelé 'digo-kla: "le grand vieux". Il est entouré de conseillers choisis parmi les chefs de lignage, et chargés de règler les litiges à l'intérieur du 'bloa. Il représente aùssi le 'bloa à l'extérieur. La fonction de

'bloa-ditoi est pratiquement devenu héréditaire.

Au niveau de chaque 'bloa i l existe également un

bito-kla, ou chaf de guerra. Lui eussi stimposs à tous les bi'a (=brave, guerrier) du 'bloe par le prestige de ses axploits passés, ses qualités de courage, de bravoure et de sens du commandement. Le bi'o-kla est au service du 'bloa-di'oi.

-44-En temps normal, les fonction du 'bloa-di'oi sont plus

symbolique~ que r6s11es, le rele du bi'o-kla est nul. Mais dès qu'une menaceéxtérieure se précise, ils servent de cata-lyseurs entre lignages, sont reconnus comme des chefs véri-tables, et prennent la tete du groupement de guerre.

Le 'bloa-dru est le groupement orgsnisé le plus étendu que l'on puisse discerner dans la aociété traditionnelle.

L'administration coloniale en a retenu le cadre géographi-qua géographi-quand elle a divisé le pays en cantons. A l'heure

actuelle cette division ne recouvre plus exactement la

réalité du groupement traditonnel, qui, aprês la disparition des guerres "tribales" n'a plus d'existence justifiée, et se déaagrêge rapidement. Les frontières du 'bloa-dru· ont éclaté, l'interpénétration des groupes se fait sans entravss, mais les individus continuent à s'identifier entre eux sur la base de l'appartenance à tel "groupement". Si le 'bloa-dru n'existe plus en tant qu'unité fonctionnelle, i l continue à symboliser l'alliance ancienne et à servir de cadre de référence.

Le 'bloa-Nidrou est constitué de 2D lignages répartis actuellement sur 17 villages.

22. Le village

Le village, en tant qu'unité sociale, n'a à notre con-naissance jamais réellement existé en pays Guéré. Nows avons vu qu'à l'origine village et lignage formaient une seule et m8me entité.

Dans la terminologie elle-mBme l'accent est mis davan-tage sur l'aspect familial at lignager que sur la caractère géographique et territorial de la communauté de résidence:

le village porte le nom du chef de lignage suivi de bli, chez (exemple: Ziombli c chez Zion).

Nous avons longuement analysé àans le paragraphe consacré à l'historique du village de Ziombli les facteurs qui ont

contribué i la constitution de la communauté villageoise actuelle. Nous avons conclu que l'on ne pouvait pas réel-lement parler de communauté villageoise, puisqu'il n'y avait ni unité, ni homogénéité, ni cohésion internes. Le village actuel n'est qu'un agglomérat de communautés clani-ques, qui coexistent mais ne s'interpénètrent pas.

La structure interne du village, en tant que communauté de réeidence, est celle-mOme des groupements lignagers.

Ziombli est théoriquement divisé en trois quartiers ; l'ancien Ziombli, Guiriambli et Klabo. Aucune séparation

matérielle ne concrétise la limite entre quartiers. A l'inté-rieur mOme de ces entités géographiques, lignages et segments de lignage se juxtaposent, sane cloisonnement apparent, mais sans interpénétration véritable.

B - Les unités familiales

Le t'ka est constitué par l'ensemble des individus appartenant en ligne agnatique à un mOme groupe de descen-dance par référence à un ancOtre connu (patrilignage majeur ou étendu) ou mythique (clan). Le t'ke s'identifie par un

(nom clanique). Il est excessivement rare qu'à travers les vicissitudes des luttes tribales et de l'occupation colonia-le un t'ke soit parvenu à conserver jusqu'à nos jours son intégrité physique. Ainsi les individus appartenant au mOme lignage majeur se retrouvent-ils tràs souvent éparpillés dans une série de villages à travers le 'bloa. Mais le t'ke, en dépit de cstte dispsrsion, continue à etre l'unité socia-le organique de la société Guéré. C'est le clan ou

patrili- -46-gnage étendu qui constitue l'unité exogamique, qui organise la vie rituelle et religieuse ("rétiche du clan", gardé dans une cese par l'a!né de la branche gardienne du rétiche)J tous les membres du t'ke respectent le mOme interdit alimen-taire (totem). Le chef du t'ke, oU)~~-kla ("l'homme vieux"), véritable patriarche, organise la vie du patrilignage, dispo-se des biens collectifs (troupeau, pOcheries du clan), tran-che les litiges, joue, dBns la société traditionnelle, un rele prépondérant dans la régulation des alliances matrimo-nialee •••

2Il. Le 'u: nu

Le 'Ulnu ou lignage mineur est le résultat de la frag-mentation et de la dispersion géographique du t'ke. Il

désigne, eu niveau d'un mOme village, l'ensemble des indivi- "

dus appartenant au mOme patrilignage. Le terme ·ulnu recou-vre une réalité plus géographique (au sens de communauté de résidence) que sociologique. En effet, un 'ulnu regroupe rarement la totalité des membres d'un mOme groupe de descen-dance. Aussi les effectifs varient-ils considérablement da

'u:nu à 'u:nu.

Il arrive fréquemmant aujourd'hui qu'un t'ka étende aon autorité à un ansemble de 'u:nu dispersés dans 5, 6 villages ou mOme davantage. L'étude historique de Ziombli nous donne une idée de cette dispersion. Le chef de 'u:nu ou

'u:nu-di'oi (littéralement propriétaire du 'u:nu) reste étroitement dépendant du\~-kla pour tout ce qui engage le patrimoine collectif du t'ke. Le 'ulnu-di'oi ne peut, par exemple, de sa propre initiative, puiser, à l'occasion d'un

payement de dot, dans le troupeau collectif, sans l'accord préalable du·r~-kla. Ses fonctions aociales sont tr~s limi-tées : i l participe au payement de la dot, règle les litiges à l'intérieur du 'u:nu, représenta san t'ka dans le village.

Maie il n'a aucune compétence rituelle DU religieuse.

Le 'u:nu est divisé en g'bou~ (littéralement "porte de la maison") ou segments de lignage. Le nombre de glbauo que l'on trouve dans un 'u:nu est fonction de l'importance numé-rique de ce dernier. Dans le 'glaa-u'nu, on dWtingue deux g'boua. l'un a à sa tBte Naud' Gabriel, qui est également

'u:nu-di'oi. L'autre est dirigé par Tewé Jean, qui est l'alné du segment issu de Guei~Bohi. le k'pao-'u:nu se divise en 3 g'boU~, dirigés respectivement par Flan-Kalou, qui est également 'ulnu-di'oi, Fléan Alphonse, et Glés, parti avec

N

une partie de son g'bouo à Douhozan lors du ~egroupement

de Guiriambli à Ziombli en 1961.

le g'boua est le résultat d'une segmentation lignagère qui s'opère à un niveau généalogique donné et différencie une branche alnée d'une branche cadette. La même segmenta-tion peut également différencier lee enfants d'un mema p.re mais de màres différentes.

L'introduction de l'économis monétaire et l'é~latement

du ~adre lignager traditionnel tend à donner une place pré-pandérante au g'bouo dans la société Guéré actuelle. les~

segments de lignage ont tendance à se constituer en

vérita-~

blee unités sociales autonomes. C'est le chef du g'bouo qui, à l'heure actuelle, assure ds plus en plus, pour son groupe, les charges matrimoniales.

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SCHEMA .N'f : . .ORGANISATION

• •

PYRAMIDAL.E

ET

STRUCTURE POLYSEGNENTAÏRE

DE LA SOCiÉTE GUÉRÉ

4!. Le g'bo

Le g'bo (litt6ralement "la maison") au famille reetrein-te constitue l'unit6 de famille de base. Il correspond à la famille polyginique composée du mari, de ses femmes, des fràres cadets du mari c6libataires, et de tous les enfants.

Le g'bo forme sous l'autorit6 du chef de m6nage, la v6rita-ble unité de production st de consomma~ion. Mais son autono-mie s'arrête là.

51. La famille matricentrigue

La famille matricentrique (la màrs at ses enfants) est désignée par un vocabls compos6 du nom de la m~re suivi de la désinence di 1 "ventre", psr extension "enfants". Exemple Glehinon-di : les enfants de Glehinon. Elle est concràtement mat'rialis6e par la case, qui abrite la mère et ses enfante, tant qu'ils sont en bas 8ge.

Conclusion

L'organisation sociale .Gu6r6 a remarquablement resisté aux changements 6conomiques et politi~ues qui affectent 1.

pays depuis un demi-siècle environ. Elle a le m6rite d'inté-grer l'individu dans un cadre sociologique solidement struc-turé. La dispersion géographique mOrne des 'u:nu a contribué à créer antre villages un tissu relationnel plus dense. De la base au sommet de la pyramide l'individu a le sentiment d'appartenir à un groupe où chacun a sa place. Les contrain-tes elles-marnes (dans le domaine des 6changes matrimoniaux surtout) ne eont encore que rarement rejet6s par les géné-rations mDntantes, et continuent à jouer dans un sens

intégratiDnniste.

-49-Il est évident que dans un tel contexte la mise en

ep-~~icetion du nouveau Code Civil se heurtera ~ dea difficul-tés sérieuses et remettra entièrement en question l'équi~i­

bre si minutieusement entretenu de l'édifice social tradi-tionnel. La suppression de la dot prive le chef du t'ke

(ou du 'u:nu) de ea fonction fondamentale de régulateur des alliances matrimoniales, et partant, contribue ~ amenuiser considérablement son autorité. Il est encore trop t6t pour savoir comment réagimla société traditionnel~e.

'I2QO:U:DU - . ,

D/HE. : Chef de ménage (9'00)

GLEA

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