• Aucun résultat trouvé

b.ii Recouvrement de la fluorescence

Dans le document Rupture et fusion d'un cristal bidimensionnel (Page 137-143)

Le premier effet observable de l'éclairage intense en lumière bleue d'un cristal, est la diminution de fluorescence de ce dernier. Cette diminution de l'intensité de fluorescence est aussi nommée photoblanchîment. Dans la plupart des applications de la fluorescence, on tente de supprimer ou d'éviter ce phénomène; néanmoins, le photoblanchîment est utilisé dans les expériences de F.R.A.P. (Fluorescence Recovery After Photobleaching) [12,13]. Cette technique permet de mesurer des coefficients d'auto-diffusion dans des systèmes tels que les cellules biologiques. En effet, l'évolution avec le temps d'une figure géométrique, tracée dans le système par photoblanchîment, permet d'avoir accès au coefficient d'auto-diffusion des molécules fluorescentes, sous certaines conditions (voir par exemple la référence [14]). Les mécanismes mis en jeu dans le processus de photoblanchîment ne sont pas connus de façon précise. Il semble néanmoins prouvé que le photoblanchîment ne mette en jeu que des mécanismes à un seul photon et que les cinétiques de photoblanchîment puissent être convenablement approchées par une cinétique du premier ordre [15].

Nous avons ici étudié le photoblanchîment des molécules du cristal afin de déterminer s'il existe une liaison entre le photoblanchîment et la fusion. Le principe de notre expérience est le suivant.

• Dans un premier temps, une partie du cristal est éclairée à pleine puissance pendant une durée que nous fixons à 15 secondes. La sélection de la zone à éclairer s'effectue en réglant l'ouverture du diaphragme du microscope. On procède ainsi au photoblanchîment d'une partie d'un cristal, comme le montre la zone grise de la figure IV.12 .

• Dans un second temps, l'éclairage est supprimé et on mesure

périodiquement l'intensité de fluorescence Ib, dans la partie photoblanchie, et

l'intensité de fluorescence Is , dans la partie du cristal qui n'a pas été blanchie.

La mesure d'une intensité de fluorescence s'effectue de la façon suivante : le signal recueilli par la camera, est numérisé par une carte d'acquisition qui donne

Chapitre IV 127

à l'intensité réfléchie des valeurs s'étalant entre zéro et deux cent cinquante six (niveaux de gris). L'intensité mesurée de cette manière est en unités arbitraires, ce qui importe peu car nous nous intéressons à des variations relatives d'intensité. Nous supposerons seulement que la caméra est linéaire, ce qui est légitime en première approximation. La mesure d'intensité de fluorescence nécessite la prise d'une photo et donc un éclairage supplémentaire du cristal. Bien que cette dernière étape nécessite une intensité lumineuse très atténuée, la répétition de cette opération aboutit néanmoins à un photoblanchîment supplémentaire du cristal et donc à des mesures erronées. Par conséquent, les différentes mesures d'intensité n'ont pas été effectuées sur le même spécimen mais sur un cristal différent à chaque fois, avec les mêmes conditions initiales.

Fig. IV.12: Eclairage concentré sur une partie du solide par réduction de l'ouverture du diaphragme du microscope. La partie photoblanchie, au centre, a un diamètre de 60 µm. Le cliché a été pris au bout de 15 secondes d'éclairage à pleine puissance.

Les résultats obtenus en figure IV.13-a décrivent le rapport entre la diminution de l'intensité de fluorescence (Is-Ib) de la partie préalablement photoblanchie et

l'intensité de fluorescence de la partie du cristal non blanchie Is, en fonction du

Chapitre IV 128 0 0.2 0.4 0.6 0.8 1 0 500 1000 1500 2000

(I-I

b s

)/I

s

temps d'éclairage (sec.)

excitation initiale : 15 sec.

Fig. IV.13-a: Points expérimentaux décrivant le retour de la fluorescence après photoblanchîment. La température de la sous-phase liquide est fixée à 19(±0.1)°C et le son pH est 5.5 . 0,001 0,01 0,1 1 0 400 800 1200 1600 2000

(I

b

-I

s

)/I

s

temps d'éclairage (sec.)

(Ib-Is)/Is=e-t/20+0.4 e-t/600

Fig. IV.13-b: Mêmes points expérimentaux qu'à la figure IV.13-a en échelle semi-logarithmique. La courbe qui s'ajuste le mieux avec les résultats expérimentaux fait apparaître deux temps de relaxation dont les ordres de grandeur sont : 20 secondes et 10 minutes.

Chapitre IV 129 0.01 0.1 1 0 200 400 600 800 1000

(I-I

b s

)/I

s

temps d'éclairage (sec.)

e

-t/20

e

-t/600

Fig. IV.13-c: Même graphe qu'en figure IV.13-b mettant en évidence deux temps de relaxation différents.

L'évolution de l'intensité de fluorescence Ib de la partie photoblanchie,

décrite par les points expérimentaux, montre qu'il y a en fait un retour de la fluorescence avec le temps dans la zone préalablement excitée. En fait, 30 minutes après l'excitation initiale, on ne distingue plus la zone photoblanchie, à l'oeil.

La figure IV.13-b présente les mêmes points expérimentaux placés sur une échelle semi-logarithmique. Les points expérimentaux se placent sur deux droites traduisant l'existence de deux temps caractéristiques pour le retour de la fluorescence.

Le premier temps caractéristique est du même ordre de grandeur que celui mesuré dans l'expérience précédente ( paragraphe IV.2.d) : 20 secondes. Le deuxième temps caractéristique, correspondant à la deuxième partie de la courbe, est de l'ordre de 10 minutes et suggère qu'un deuxième processus intervient dans le retour de la fluorescence.

Peut-on relier ce recouvrement de fluorescence à la diffusion de molécules ? Comme nous l'avons déjà dit plus haut, le retour de fluorescence après photoblanchîment est une technique d'étude de la diffusion dans certains systèmes d'amphiphiles par exemple. Les temps de diffusion mesurés peuvent être assez longs, de l'ordre de grandeur des temps de relaxation mesurés dans nos expériences. Cependant, si l'on regarde l'évolution au cours du temps du profil

Chapitre IV 130

d'intensité de fluorescence mesuré dans la zone préalablement photoblanchie (figure IV.14), l'éventualité d'une migration des molécules photoblanchies peut être écartée. En effet, la distribution d'intensité garde la même forme 20 secondes, 5 minutes ou 20 minutes après l'arrêt de l'excitation lumineuse : l'intensité de fluorescence reste uniforme dans la partie photoblanchie et la frontière entre la zone photoblanchie et la zone non photoblanchie diminue de hauteur sans s'étaler. Un processus de diffusion entraînerait un étalement de la frontière entre les deux zones du fait de la diffusion des molécules blanchies vers la zone non blanchie et des molécules non blanchie vers la zone blanchie.

Fig. 14: Variation d'intensité réfléchie sur la zone d'un cristal préalablement photoblanchi pendant 15 secondes (voir photo en figure IV.11).

Existe-t-il un échange de molécules entre le solide et la sous-phase ?

Reste à envisager que ce recouvrement de fluorescence soit dû à un échange de molécules entre la phase solide et la sous-phase liquide. Une telle diffusion des molécules d'un site du solide à un autre, à travers la phase liquide, semble difficilement envisageable du fait des interactions importantes qui règnent dans

Chapitre IV 131

le cristal. Pour s'en persuader, nous avons comparé l'évolution de l'intensité de fluorescence après photoblanchîment en fonction du pH de l'eau supportant la monocouche. En effet, les parties hydrophiles ioniques des molécules amphiphiles sont sensibles aux conditions de pH du substrat liquide. Ainsi, le pH de la sous-phase influe beaucoup sur la solubilité des molécules de la monocouche. Par conséquent, en changeant le pH de l'eau, on devrait observer une modification des temps de retour de la fluorescence dans la cas où un échange de molécules avec la sous-phase a lieu.

Le résultat expérimental est donné sur la figure IV.15 . Nous obtenons les mêmes résultats dans le cas où l'eau est porté à un pH acide (pH=2), condition habituelle d'étude de la monocouche d'acide NBD-stéarique, et dans le cas de l'eau pure (pH=5,5 en présence de gaz carbonique de l'air).1

Cette observation écarte ainsi une explication du retour de fluorescence basée sur l'échange de molécules entre le solide et la sous-phase liquide.

0

0.2

0.4

0.6

0.8

1

0

(I

b

-I

s

)/I

s

200

400

600

800

1000

temps

(sec.)

eau pH=2 eau pH=5,5

Fig. 15: Variation d'intensité de fluorescence relative entre une zone préalablement photoblanchie pendant 15 secondes et la partie non blanchie du cristal, en fonction du temps. Cette étude à été faite pour deux valeurs différentes du pH du liquide supportant la monocouche. Le courbe tracée en pointillés prend en compte la moyenne des points correspondant aux deux valeurs du pH. La température de la sous-phase est fixée à 19±0.1°C.

1 Les mesures à pH=2 ont été refaites simultanément avec les mesures à pH=5.5, dans des conditions

rigoureusement identiques. Le vieillissement de la lampe excitatrice entre les deux séries de mesures est ainsi éliminé.

Chapitre IV 132

Les précédentes remarques permettent de conclure que le photoblanchîment observé est dû à un changement réversible de l'état d'une ou de plusieurs molécules. Un tel changement suggère une réaction photochimique réversible auquel participeraient ces molécules.

Remarque sur les échelles de temps de relaxation :

Les temps de relaxation mesurés ont des ordres de grandeurs bien distincts. Il est possible qu'ils correspondent chacun aux réponses des groupements fluorescents orientés différemment dans la structure. Ceci est à rapprocher des différentes orientations moléculaires obtenues déduites des expériences de diffraction électronique par C. Flament et al [16]. Ainsi, ces temps de relaxation correspondent peut-être à des environnements moléculaires différents. Une expérience non encore réalisée et qui pourrait peut-être mettre en évidence ce phénomène, consisterait à exciter un cristal immobilisé, avec un faisceau de lumière de faible extension spatiale et de direction bien définie car issu d'un laser. Il serait alors possible de mesurer les temps de relaxation, correspondant au recouvrement de fluorescence après photoblanchîment, en fonction de l'angle d'incidence du faisceau laser excitateur.

IV.2.b.iii- Rôle de l'oxygène dans la fusion par illumination

Dans le document Rupture et fusion d'un cristal bidimensionnel (Page 137-143)