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II - LES PROGRÈS DE LA RECHERCHE FONDAMENTALE SUR LES CELLULES SOUCHES

Les trois types de cellules souches des vertébrés sont les suivants :

- les cellules totipotentes de l’embryon précoce (morula, blastocyste). Elles sont à un état transitoire qui peut être capté ;

- les cellules souches restreintes à un lignage déterminé, qui servent à construire l’embryon pendant le développement embryonnaire ;

- les cellules souches adultes qui servent au renouvellement des tissus.

Mme Nicole le DOUARIN, Professeur au Collège de France, membre de l’Académie des sciences, a montré que lorsqu’une cellule se différencie, on s’aperçoit que dans la grande majorité des cas, elle cesse de se multiplier. Elle ne peut plus proliférer, sa durée de vie est limitée.

Elle rappelle que « dans les organismes hautement multicellulaires, avec des tissus hautement différenciés, toutes nos cellules sont destinées à mourir, et à mourir avant même que nous ne mourions. Par conséquent, l’existence d’un système de remplacement des cellules est indispensable. Ce système de remplacement, dans tous les tissus, est assuré par des cellules ayant gardé le souvenir de l’embryon, de leur statut embryonnaire ; ce sont les cellules souches.

Ces cellules souches sont très peu nombreuses parce qu’elle se divises très peu.

Elles ont une division dite asymétrique, et ne produisent pas de cellule semblable à elles-mêmes. Elles donnent une cellule semblable à elle-même qui restera cellule souche, et une autre cellule ayant un pouvoir prolifératif considérable, qui donnera de nombreuse cellules, qui possèderont à leur tour la capacité de se différencier en divers types cellulaires ».131.

La cellule souche est une cellule douée d’auto renouvellement, et en même temps pluripotente, c’est-à-dire qu’elle produit plusieurs lignées de cellules à partir d’elle-même.

Selon le Professeur Nicole LE DOUARIN, « Les cellules les plus extraordinaires sont les cellules embryonnaires. Ces cellules souches embryonnaires représentent la capture en culture d’une phase, normalement transitoire, du développement où les cellules embryonnaires sont pluripotentes ».

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A - LES CELLULES SOUCHES PLURIPOTENTES INDUITES (IPS) 1 - Une avancée considérable

a) Les découvertes récentes

À partir de cellules adultes, issues de la peau, ont été insérés dans leur noyau quatre gènes s'exprimant normalement qu'au stade embryonnaire. Après quelques semaines, des cellules capables de donner naissance à tous les tissus et organes du corps humain, ont été obtenues. Deux équipes de chercheurs, l'une menée par le Professeur Shinya YAMANAKA de l'Université de Kyoto, et l'autre dirigée par le Professeur James THOMSON de l'Université de Wisconsin, sont parvenues pour la première fois à « reprogrammer » des cellules adultes humaines en cellules possédant des propriétés similaires à celles des cellules souches embryonnaires (Cell, 30 novembre 2007 ; Science, édition, 20 novembre 2007). Ces cellules, dites

« pluripotentes induites » (CPi ou iPS en anglais pour induced pluripotent stem), ont ensuite été orientées in vitro vers différents types cellulaires, notamment des cellules musculaires cardiaques qui se sont mises à battre au bout de douze jours dans le tube à essai. Cet exploit fut salué par la plupart des experts, qui n'hésitent pas à parler d'une véritable « révolution scientifique ».

« On ne pensait pas que ce serait si facile, a expliqué le Professeur James THOMSON lors de la présentation de ses travaux. Des milliers de laboratoires aux États-Unis pourraient le faire demain ». L’expérience est reproductible. Les chercheurs américains ont prélevé des cellules issues de la peau d'un fœtus et du prépuce d'un nouveau-né. Puis ils y ont inséré quatre gènes (Oct3/4, Sox2, LIN28 et NANOG) au moyen d'un vecteur viral (rétrovirus). Ces gènes ont été choisis car ils s'expriment lors des premières phases du développement embryonnaire et semblent ne jamais s'exprimer ensemble par la suite.

Les chercheurs Japonais ont utilisé des cellules de peau et de tissu conjonctif et un autre cocktail de gènes spécifiques aux cellules embryonnaires a été inséré (Oct3/4, Sox2 également et Klf4). À ces trois gènes, ils en ont ajouté un autre (c-Myc) qui ne s'exprime que dans les cellules cancéreuses. Ils l'ont utilisé pour forcer la prolifération cellulaire.

Grâce aux rétrovirus, ces gènes intègrent le génome des cellules adultes et activent plusieurs centaines d'autres gènes qui enclenchent un retour en arrière. Les cellules ainsi manipulées génétiquement deviennent alors capables, comme les cellules souches embryonnaires, de se différentier en plusieurs types cellulaires (peau, muscle, neurone…).

b) De nouvelles définitions ?

Mme Laure COULOMBEL132 s’est interrogée : « Qu’entend-on par

« cellule souche embryonnaire » ou, désormais, par « cellule souche pluripotente », qui pourrait avoir un intérêt thérapeutique ? Il convient de distinguer deux populations cellulaires complètement différentes : d’une part, des cellules souches embryonnaires dérivées à partir d’embryons obtenus après une fécondation in vitro, et donc à la suite d’un don de l’embryon à la recherche , entité embryonnaire normale, même si le fait de la cultiver in vitro lui confère des contraintes qui ne sont pas physiologiques, et d’autre part, nous disposons désormais d’une seconde catégorie, qu’on appelle des « cellules souches adultes », qui sont reprogrammées, et auxquelles on reconfère une capacité de pluripotence qu’elles ne possèdent pas spontanément ». Dans cette catégorie, entrent les cellules que l’on obtient par transfert nucléaire, et depuis très récemment, une troisième catégorie de cellules adultes, auxquelles on peut reconférer des propriétés de pluripotence.

2 - Des tentatives d’utilisation dans un but thérapeutique chez l’animal

Dans la droite ligne de ces travaux, pour tenter de guérir des souris atteintes de drépanocytose, une maladie sanguine due à un défaut de structure de l'hémoglobine et responsable notamment de graves anémies, une troisième équipe a eu recours à la même expérience, en la combinant cette fois avec une technique de thérapie génique. Outre les quatre gènes nécessaires à la reprogrammation des cellules adultes, en cellules souches, le gène « normal » de l'hémoglobine a également été introduit pour corriger le gène défaillant.

L'injection des cellules « pluripotentes induites » - qui ont reçu les quatre gènes reprogrammateurs et une copie dans le sang des souris leur permet de produire des globules rouges normaux et diminue les symptômes de la maladie.

Cette publication133 ainsi que les précédents travaux, prouveraient que la technique est réalisable chez l'homme. Cependant si les cellules « pluripotentes induites » sont effectivement capables de se transformer en tissus fonctionnels in vitro, rien ne prouve qu'une fois transplantées elles parviendront à remplacer efficacement l'organe déficient. Surtout, on ne sait pas comment évolueront ces cellules modifiées génétiquement.

Les recherches sur les souris ont en effet montré que cette manipulation génétique entraînait des tumeurs ce qui s’explique car, parmi les « gènes re programmateurs », certains sont cancérigènes et sont justement utilisés pour forcer la prolifération cellulaire. Par ailleurs, les virus utilisés pour insérer ces gènes dans le génome de la cellule adulte représente également un risque de cancers. « Ces résultats vont sans aucun doute accélérer la recherche vers la thérapie cellulaire, a

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133 « Science » 7 décembre 2007

déclaré le Professeur James Thomson à l'issue de sa publication. Mais d'autres travaux sont nécessaires avant d'envisager une quelconque application ».

3 - Des débats sur les possibilités thérapeutiques chez l’homme Certains chercheurs ont vu dans ces deux publications la fin du clonage thérapeutique. Le biologiste écossais Ian WILMUT, qui avait cloné le premier mammifère en 1997, a même décidé d'abandonner la technique du transfert nucléaire pour se consacrer à la reprogrammation, plus simple et plus réalisable à ses yeux. Selon M John GEARHART, directeur du programme de recherche sur les cellules souches à l'Université de Johns Hopkins (Baltimore, États-Unis) « si la stratégie de la reprogrammation s'avère efficace – ce qui devrait être démontré très prochainement – cela diminuera le rôle du transfert nucléaire pour obtenir des cellules pluripotentes dont le patrimoine génétique est identique aux patients ».

Selon le Professeur Shoukrat MITALIPOV de l'Université d'Orégon : « La façon la plus naturelle de reprogrammer des cellules adultes en cellules souches embryonnaires est d'utiliser les ovules ! Par cette méthode, vous n'avez besoin d'aucune manipulation génétique, d'aucun gène susceptible d'entraîner des cancers, d'aucun virus… Le problème, c'est que personne n'a encore réussi cette technique chez l'homme et qu'elle paraît encore très compliquée. Il faut beaucoup d'ovules et il y a peu d'aides financières à cause des questions éthiques que ces recherches soulèvent. Voilà pourquoi certains chercheurs abandonnent cette voie ».

Pour le Professeur Shinya YAMANAKA, il serait « prématuré de conclure que les cellules pluripotentes induites remplaceront les cellules souches embryonnaires ».

Pour le Professeur Jean-Claude AMEISEN, président du Comité d’éthique de l’INSERM, « cela constitue sans doute l’un des arguments pour repenser un dispositif assez restrictif et très ambigu dans la loi de 2004, qui est de subordonner le développement de recherches sur des cellules aux applications thérapeutiques prévisibles un jour ». Claude HURIET, président de l’Institut Curie, membre du Comité international de bioéthique de l’UNESCO s’interroge : « Est-ce que ces données nouvelles à vérifier, auront des traductions législatives dans le sens de la suppression du moratoire, ce qui équivaudrait à supprimer l’interdiction. Il ne fait aucun doute pour moi que les informations scientifiques récentes posent à l’évidence la nécessité d’une révision de la loi »134

Le risque tumoral a été évoqué par le Docteur Leila MAOUCHE-CHRETIEN, lors de la visite des rapporteurs à l’Institut des maladies émergentes et des thérapies Innovantes (IMETI) du CEA qui travaille avec le Professeur George DALEY du Harvard Stem Cell Institute sur l’évaluation de l’utilisation thérapeutique des IPS chez le singe et le chien, en particulier sur les maladies génétiques, et la maladie de Parkinson. Une analyse de près de 30 000 gènes a ainsi

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