• Aucun résultat trouvé

I - UN ENCADREMENT STRICT DE L’ACCÈS À L’AMP ET SES CONSÉQUENCES SUR LE DROIT DE LA FILIATION

Le cadre technique de l’assistance médicale à la procréation est délimité par les articles L. 2141-1 et suivants du code de la santé publique, ses conséquences sur la filiation sont définies par les articles 311-19 et 311-20 du code civil.

A - LE CADRE TECHNIQUE DE L’AMP

L’article L. 2141-1 définit l’AMP : « L'assistance médicale à la procréation s'entend des pratiques cliniques et biologiques permettant la conception in vitro, le transfert d'embryons et l'insémination artificielle, ainsi que toute technique d'effet équivalent permettant la procréation en dehors du processus naturel, dont la liste est fixée par arrêté du ministre chargé de la santé, après avis de l'Agence de la biomédecine. »

L’article L. 2141-2 en délimite le champ : « L'assistance médicale à la procréation est destinée à répondre à la demande parentale d'un couple. Elle a pour objet de remédier à l'infertilité dont le caractère pathologique a été médicalement diagnostiqué ou d'éviter la transmission à l'enfant ou à un membre du couple d'une maladie d'une particulière gravité ».

Ainsi l’AMP est réservée aux couples de sexes différents mariés ou en mesure d’apporter la preuve d’une vie commune d’au moins deux ans. Ils doivent être vivants et unis. L’insémination ou le transfert d’embryon n’est pas possible en cas de décès de l’un d’entre eux, de dépôt d'une requête en divorce ou en séparation de corps, de cessation de la vie commune ou de révocation écrite de son consentement par l’un ou l’autre.

Les deux membres du couple doivent également être en âge de procréer.

La conception in vitro d’un embryon doit être réalisée avec les gamètes d’au moins l’un des deux membres du couple. Le double don de gamètes par des tiers est en principe interdit et le don est anonyme, sauf s’il répond aux critères définis par les articles L. 2141-2 et L. 2142-6 du code de la santé publique.

B - UNE PROCÉDURE RIGOUREUSE AYANT DES CONSÉQUENCES SUR LA FILIATION DE L’ENFANT À NAÎTRE

Préalablement à l’AMP, l’équipe médicale doit procéder à des entretiens avec le couple demandeur, afin de vérifier la motivation de l'homme et de la femme formant le couple et leur rappeler les possibilités ouvertes par la loi en matière d'adoption, de les informer des possibilités d’échec ou de réussite, des risques à court et à long terme, de la pénibilité et des contraintes techniques, et de leur rappeler les règles légales. La demande du couple doit être confirmée, par

écrit, à l’expiration d’un délai de réflexion d’un mois à compter du dernier entretien. L’article 2141-10 du code de la santé publique détaille ces règles et la procédure à suivre.

La mise en oeuvre de l'assistance médicale à la procréation doit être précédée d'entretiens particuliers des demandeurs avec les membres de l'équipe médicale pluridisciplinaire du centre auquel ils s’adressent. La demande ne peut être confirmée que par écrit et à l'expiration d'un délai de réflexion d'un mois à l'issue du dernier entretien.

À ces règles, communes à toutes les techniques d’assistance médicale à la procréation, s’ajoutent des dispositions particulières aux techniques de procréation exogène. En effet, le dernier alinéa de l’article précité dispose :

« Les époux ou les concubins qui, pour procréer, recourent à une assistance médicale nécessitant l'intervention d'un tiers donneur doivent préalablement donner, dans les conditions prévues par le code civil, leur consentement au juge ou au notaire ».

1 - L’AMP avec tiers donneur

En cas d’implantation avec tiers donneur, le couple doit exprimer son consentement par acte authentique, devant le président du Tribunal de grande instance ou devant notaire ; le juge ou le notaire doit informer les demandeurs des conséquences de leur engagement, notamment de l’interdiction de contester ultérieurement la filiation (article 311-20 du code civil).

Dans ce cas, « aucun lien de filiation ne peut être établi entre l'auteur du don et l'enfant issu de la procréation » et « aucune action en responsabilité ne peut être exercée à l'encontre du donneur » article 311-19 du code civil.

Ainsi, la loi interdit toute action en contestation de filiation ou en réclamation d’état sauf s’il est soutenu que l’enfant n’est pas issu de l’assistance médicale à la procréation ou que le consentement a été privé d’effet. Il en résulte qu’il est impossible pour l’un des membres du couple de recourir à une expertise génétique à l’étranger après la naissance de l’enfant pour établir devant le juge français qu’il n’est pas le parent biologique. Si le couple est marié, la présomption de paternité s’applique; s’il vit en concubinage, le « père » qui ne reconnaîtrait pas l’enfant issu de la procréation assistée à laquelle il a consenti engagerait sa responsabilité envers la mère et envers l’enfant.

Donner une filiation stable et incontestable à l’enfant, tel a été le souci du législateur car ce mode de procréation introduit un hiatus entre filiation biologique et filiation juridique. C’est la raison pour laquelle la procréation avec tiers donneur est traitée par le code civil. Les règles applicables à l’assistance médicale à la procréation ont été conçues à l’origine pour aider les couples

infertiles, l’intérêt de l’enfant, ses possibles questionnements étant pris en compte surtout à travers des règles protectrices de sa filiation.

Comme le montre Mme Geneviève DELAISI de PARSEVAL, psychanalyste, dans son ouvrage « Famille à tout prix », le législateur s’est inspiré du modèle d’établissement de la filiation naturelle fondée sur le lien biologique pour traiter de la procréation avec donneur. Le donneur anonyme s’efface pour faire place au mari ou au compagnon de la mère. La donneuse d’ovocyte s’efface aussi, puisque la mère est celle qui accouche.

2 - Le don d’embryon

Il est fréquent que les couples disposent d’embryons qui n’ont pas été implantés lors des tentatives de fécondation. Pour éviter une conservation illimitée des embryons in vitro, chaque année les deux membres du couple sont consultés par écrit par les équipes médicales sur le point de savoir s’ils maintiennent ou non leur projet parental (article L. 2141-4 du code de la santé publique).

S’ils n’ont plus de projet parental ou en cas de décès de l’un d’eux, les deux membres du couple ou le survivant, peuvent consentir à l’accueil d’embryons par un autre couple. Lorsque les deux membres d'un couple, ou le membre survivant, ont consenti, dans les conditions prévues aux articles L. 2141-5 et L. 2141- 6, à l'accueil de leurs embryons et que ceux-ci n'ont pas été accueillis dans un délai de cinq ans à compter du jour où ce consentement a été exprimé par écrit, il est mis fin à la conservation de ces embryons.

Les centres constatent d’ailleurs qu’il arrive que les couples ne répondent pas à leur sollicitation car la décision est difficile à prendre.

D’après les psychologues, il n’est pas simple d’assumer l’existence d’embryons surnuméraires, de décider de mettre fin à un projet parental et de l’exprimer. Mme Geneviève DELAISI de PARSEVAL, psychanalyste a attiré l’attention des rapporteurs à ce sujet55.

Les articles L. 2141-4 et suivants du code de la santé publique réglementent le don d’embryons. Le consentement au don d’embryon(s) est exprimé par écrit, et confirmé par écrit devant l’équipe médicale après un délai de réflexion de trois mois. Ce consentement par écrit est précédé d’un entretien avec l’équipe médicale, d’un contrôle de l’inexistence de certaines maladies ou d’infections. Ce consentement confirmé est réitéré devant le Président du tribunal de grande instance dans le ressort du centre d’assistance médicale à la procréation.

En effet, l’accueil d’un embryon par un couple, qui déroge au principe de l’interdiction du double don de gamètes, est subordonné à une décision de l’autorité judiciaire après réception du consentement écrit du couple demandeur (article L. 2141-6 du code de la santé publique). Le juge doit s’assurer que le

55 Audition des rapporteurs du 16 avril

couple remplit toutes les conditions légales et fait procéder à une enquête permettant d’apprécier les conditions d’accueil de l’enfant sur les plans familial, éducatif et psychologique.

Cette procédure s’inspire de l’enquête qui conditionne la délivrance de l’agrément pour l’adoption. Le consentement peut être révoqué par écrit par l’un ou l’autre membre du couple, et devient caduc en cas de décès, de dépôt d’une requête en divorce ou en séparation de corps, ou de cessation de la vie commune.

Ainsi le modèle de la filiation adoptive plénière négligé dans l’AMP avec tiers donneur apparaît dans le cas de l’accueil d’un embryon ne faisant plus l’objet d’un projet parental.

Il efface le couple à l’origine du don, et renforce l’anonymat des donneurs.

À ce titre Mme Pauline TIBERGHIEN56, présidente de l’association Procréation médicalement anonyme (PMA), y est hostile, car cela brouille encore plus l’accès aux origines de l’enfant à naître.

3 - Assistance médicale à la procréation et adoption

L’article L 2141-10 du code de la santé publique fait allusion à l’adoption.

Il dispose : « La mise en oeuvre de l'assistance médicale à la procréation doit être précédée d'entretiens particuliers des demandeurs avec les membres de l'équipe médicale…. Ils doivent notamment :

1° Vérifier la motivation de l'homme et de la femme formant le couple et leur rappeler les possibilités ouvertes par la loi en matière d'adoption »

Il est certes utile de rappeler qu’il est possible d’adopter un enfant. Chacun sait que dans le cas de l’adoption, il s’agit de donner des parents à un enfant qui n’en a pas ou plus, et dans le cas de l’AMP, il s’agit d’aider un couple infertile à avoir un enfant. Toutefois, les rapporteurs s’interrogent sur l’impact de cette disposition dans la pratique. L’adoption est-elle présentée comme une démarche concurrente et incompatible avec l’AMP ? A contrario, le couple qui souhaite obtenir un agrément en vue d’une adoption doit-il cacher son engagement dans un parcours d’AMP ?

Le fait d’avoir déjà des enfants ne retire pas à un couple le droit d’adopter.

S’engager dans un parcours d’AMP ne devrait pas valoir renonciation implicite à entreprendre des démarches en vue d’adopter un enfant.

Dans la pratique c’est le cas, ce qui conduit les couples à cacher le fait qu’ils mènent les deux démarches parallèlement, pour être plus surs d’avoir un enfant, et éviter les limites d’âge attachées à l’adoption comme à l’AMP.

56 Audition des rapporteurs du 29 avril 2008

Lors des entretiens que les rapporteurs ont eus avec Mme Laure CAMBORIEUX, présidente de l’association Maia57, cette question a été évoquée.

Ainsi pour obtenir l’agrément à adoption, les couples prétendent avoir « fait le deuil de l’enfant biologique », ce qui rassurerait les services sociaux. En revanche, lors de la mise en oeuvre de l’AMP, les couples prétendent qu’ils ne souhaitent pas adopter un enfant.

Recommandation

Les rapporteurs s’interrogent sur les effets pervers de la mise en concurrence indirecte de deux démarches distinctes d’accession à la parenté que sont l’adoption et l’AMP. Ils estiment que l’une n’exclut pas l’autre.

Il conviendrait de :

- clarifier la pratique des centres d’AMP vis-à-vis des couples qui souhaitent également adopter un enfant,

- éviter de poser des questions sur « le deuil de la parenté biologique » lors de l’agrément pour adoption.

57 Audition des rapporteurs du 9 avril 2008

II - LES FONDEMENTS DE LA LOI DE 2004 EN DÉBAT : DROIT DE