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b.ii. Des profils de concentration aux coefficients de diffusion

Méthodes expérimentales

III.3. b.ii. Des profils de concentration aux coefficients de diffusion

Les cartes de D/(D+H) réalisées par spectrométrie Raman et par NanoSIMS montrent que pour ces faibles températures et les durées d’expérience utilisées (14h et 240h), les profils de diffusion sont très courts, de l’ordre du micron, et que la concentration en deutérium est nulle au centre des cristaux. Dans le cas des expériences à basse température (315°C et 350°C), il est donc possible de considérer le cristal d’antigorite comme un demi-espace infini de concentration initiale en deutérium nulle. De plus, des simulations d’évolution de la concentration dans les expériences en presse Belt (échantillon analysé par spectroscopie Raman) ont montré qu’à 315°C sur une durée de 14 heures, les échanges D/H entre l’antigorite et l’eau ne sont pas assez importants pour changer la composition isotopique du fluide de manière significative (Chapitre 3, partie III), il est donc possible de considérer la composition isotopique de l’eau constante et égale à la composition de départ. La préparation de l’expérience en cellule à enclumes de diamant (échantillon analysé par NanoSIMS) permet d’avoir un volume d’eau bien supérieur au volume de roche, assurant ainsi une composition isotopique du fluide constante. Pour les deux types d’expériences, Belt et cellule à enclumes de

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diamants, l’eau peut donc être considérée comme un demi-espace infini de composition isotopique constante pendant toute la durée de l’expérience, gardant la composition isotopique de départ D/(D+H) = 1. Il est donc possible d’utiliser un modèle de diffusion à travers une interface séparant deux demi-espaces infinis, l’un étant l’antigorite et l’autre étant l’eau D2O (Ingrin and Blanchard, 2006) (équation 2.2)

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C est la concentration en deutérium D/(D+H) en un point donné, C0 est la concentration dans le cristal (C0 = 0) et C1 est la concentration dans l’eau (C1 = 1). d est la distance de diffusion, DD/H le coefficient d’inter-diffusion D/H et t la durée de l’expérience.

Les profils de diffusion D/H ont été systématiquement réalisés perpendiculairement aux interfaces de diffusion du cristal. Les profils commencent dans un grain (ou sous-grain) d’antigorite, traversent deux interfaces antigorite-eau et eau-antigorite séparées par une distance négligeable et se terminent dans un autre grain (ou sous-grain) d’antigorite. Les observations de profils de diffusion de part et d’autre d’une interface entre deux grains (ou deux sous-grains) montrent que, dans la plupart des cas, les profils de diffusion présentent une symétrie axiale de forme gaussienne dont l’axe est l’interface entre les grains. Le profil de diffusion de part et d’autre de l’interface correspond à l’intersection de deux fonctions erreur qui modélisent la diffusion D/H (Figure 2.24). En première approximation, la somme de deux fonctions erreur de signe opposé peut être assimilée à une gaussienne. Les profils de diffusion obtenus expérimentalement ont donc été modélisés par des gaussiennes dont la hauteur apparente Cmax et la largeur à mi-hauteur FWHM ont été mesurées pour chacune d’entre elles (Figure 2.24). La similitude de taille entre le diamètre du faisceau et les distances de diffusion a plusieurs conséquences sur la forme des profils mesurés. Cmax sera plus basse que la concentration vraie, alors que FWHM sera plus grande que la largeur à mi-hauteur vraie. Afin de s’affranchir du biais d’échantillonnage et d’obtenir les concentrations et les largeurs à mi-hauteur vraies, des abaques Cmax versus DD/H et FWHM versus DD/H ont été réalisés.

Dans le cas du faisceau de la NanoSIMS, de 400 μm de diamètre, les abaques ont été réalisés pour les deux formes de faisceau utilisées précédemment, une forme de faisceau gaussienne et une forme de faisceau rectangulaire (Figure 2.25). Les deux formes de faisceau mènent à des valeurs de diffusivité proches. Les profils de diffusion sont plus larges dans la direction perpendiculaire à c* que dans la direction parallèle à c*. Pour les profils perpendiculaires à c*, l’abaque FWHM versus DD/H a été utilisé. Dans le cas des profils parallèles à c*, le résultat est peu précis ou indéterminé si FWHM < 800 nm. Les diffusivités des profils parallèles à c* ont donc été obtenues grâce à l’abaque Cmax versus DD/H. Néanmoins la concentration n’ayant pas été calibrée par un standard de composition

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isotopique proche et de matrice similaire, les valeurs de Cmax ont été calibrées d’après les résultats de diffusivité obtenus sur les profils perpendiculaires à c* déduits de l’abaque FWHM versus DD/H. Pour chaque profil de diffusion, la diffusivité est calculée en faisant la moyenne des valeurs obtenues avec un faisceau de forme gaussienne ou rectangulaire. Pour chaque direction (perpendiculaire et parallèle à c*) le coefficient d’inter-diffusion DD/H a été calculé en moyennant tous les résultats des profils de la direction donnée.

Figure 2.24 – À gauche, exemples de modélisations de l’évolution du rapport D/(D+H) à travers une interface de l’expérience CED03 dans la direction perpendiculaire (profil 2) et la direction parallèle à l’axe c* (profil 4b), pour la localisation des profils, voir Figure 2.19. À droite, comparaison des formes des fonctions erreur (erf) et fonction erreur conjuguée (erfc) et d’une gaussienne.

Dans le cas du faisceau du spectromètre Raman, de 500 μm de diamètre, les abaques ont été réalisés pour un faisceau de forme gaussienne (Figure 2.26). Les largeurs de profils étant très faibles, l’abaque de FWHM en fonction de la diffusivité ne sera pas suffisamment précis, c’est donc l’abaque de Cmax en fonction de la diffusivité qui a été utilisé afin de déterminer les diffusivités des profils réalisés en spectroscopie Raman sur l’échantillon ayant été soumis à une température de 315°C.

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Figure 2.25 – Abaques permettant d’obtenir la diffusivité du deutérium pour l’expérience de basse température (350°C) analysée par NanoSIMS (diamètre de faisceau de 400 nm) à partir des paramètres de la gaussienne modélisant le pic de concentration du deutérium pour un profil réalisé perpendiculairement à une fracture, soit en utilisant la largeur à mi-hauteur de cette gaussienne (à gauche), soit en utilisant la concentration maximale en deutérium (à droite). Ces abaques ont été réalisés pour deux formes de faisceau : un faisceau de forme gaussienne (orange) et un faisceau de forme rectangulaire (en bleu).

Figure 2.26 – Abaques permettant d’obtenir la diffusivité du deutérium pour l’expérience de basse température (315°C) analysée par spectroscopie Raman (diamètre de faisceau de 500 nm) à partir des paramètres de la gaussienne modélisant le pic de concentration du deutérium pour un profil réalisé perpendiculairement à une fracture, soit en utilisant la largeur à mi-hauteur de cette gaussienne (à droite), soit en utilisant la concentration maximale en deutérium (à gauche). Ces abaques ont été réalisés en considérant une sonde de forme gaussienne.

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IV. MICROSCOPIE ÉLECTRONIQUE À BALAYAGE ET ANALYSE CHIMIQUE

La microscopie électronique à balayage a été utilisée, d’une part, pour imager les échantillons avec une résolution supérieure à la microscopie optique en lumière réfléchie et, d’autre part, pour analyser les veines riches en nickel. Le microscope électronique à balayage (MEB) a permis de caractériser les échantillons de départ et d’imager les résultats des expériences en presse Belt, afin d’identifier la géométrie des grains analysés par spectroscopie Raman, et de comparer les caractéristiques des cartographies isotopiques aux caractéristiques physiques des échantillons telles que les fractures, les clivages et la déformation des grains. La spectroscopie Raman et la microscopie électronique à balayage sont donc deux méthodes complémentaires d’analyse des échantillons (Tableau 2.6). Le MEB a également permis d’imager et d’analyser des veines riches en nickel qui ont cristallisé pendant l’expérience. La microscopie électronique a été choisie par rapport à la microscopie optique afin de pouvoir étudier finement certaines structures, telles que certaines fractures et les veines riches en nickel, qui ont des tailles caractéristiques inférieures au micron (Figure 2.27).

Spectroscopie Raman MEB

Type de mesure Mesure de vibrations des liaisons Mesure des émissions de rayons X lors du bombardement électronique Éléments

mesurables Détection de l’H et du D

Détection à partir du C/H, métaux (Fe, Ni),…

Type de données Cartes et profils de diffusion Géométrie des grains, croissances cristallines et porosité

Identification Identification des minéraux Établissement de formules chimiques Information

spectrale

Sensible aux orientations

cristallographiques (hauteurs de pics relatives)

Sensible à la topographie, chimie, orientation cristallographique (non discriminables) Résolution imagerie / analyse Imagerie : optique Spectroscopie : résolution de 500 nm pour le spectromètre Raman imageur confocal

Imagerie : résolution env. 10 nm Analyse : résolution env. 50-500 nm La résolution dépend entre autre de la composition de l’échantillon analysé et de la tension d’accélération du faisceau incident

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Figure 2.27 – À gauche : images en électrons rétrodiffusées de veines de nickel (lignes subverticales plus brillantes), les largeurs des veines de cette image sont représentatives des veines trouvées dans le reste de cet échantillon et dans les autres échantillons étudiés. À droite : image en électrons secondaires d’un grain d’antigorite micro-fracturé, la petite taille et la densité des fractures nécessite l’utilisation de la microscopie électronique par rapport à la microscopie optique.