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a. Géométrie des grains et perméabilité

Pour qu’une roche soit perméable, elle doit nécessairement avoir une certaine porosité, afin que les fluides, qui sont contenus par cette porosité, puissent percoler au travers de la roche. La circulation de fluides à travers la roche dépend non seulement de la porosité mais aussi de la connectivité des pores, qui dépend de leur forme. Aux jonctions triples entre les grains, si l’angle dièdre est supérieur à 60° et que la fraction de fluide est faible, les pores ont tendance à former des poches d’accumulation de fluides déconnectées les unes des autres, empêchant ainsi la percolation complète du fluide à travers la roche (Figure 1.24). Par contre, des angles dièdres des jonctions triples entre les grains présentant des angles inférieurs à 60° permettent un mouillage complet de la surface des grains, et de ce fait sont favorables à la percolation du fluide à travers la roche (Wark and Watson, 1998; Mibe et al., 1999) (Figure 1.24).

Figure 1.24 – Illustration des formes de porosité (Wark and Watson, 1998). Dans le cas des pores ayant des angles dièdres (θ3) supérieurs à 60°, les fluides sont piégés dans des poches localisées aux coins des grains où le long des limites entre deux grains.

Aux jonctions triples, des angles dièdres inférieurs à 60° permettent le mouillage des bordures des grains et donc la connexion entre les poches localisées au coin des grains. La percolation du fluide à travers la roche est alors possible.

46 III.1.b. Mesures de perméabilité

La porosité et la perméabilité des serpentines ont été très peu étudiées à haute pression (Kawano et al., 2011; Katayama et al., 2012), pourtant la perméabilité est un paramètre clef pour comprendre la circulation des fluides à travers la roche. Des mesures de perméabilités ont été effectuées sur des serpentines en faisant passer un flux de gaz ou d’eau à travers l’échantillon à des pressions de confinement allant jusqu’à 50 MPa. La perméabilité de la serpentine a été mesurée parallèlement et perpendiculairement aux plans des feuillets. Elle est de l’ordre de 10-18 m2 à pression ambiante, elle décroit rapidement jusqu’à 20 MPa, puis elle décroit plus doucement entre 20 MPa et 50 MPa pour atteindre des valeurs de l’ordre de 10-20.5 m2 parallèlement aux feuillets et 10-21.5 m2 perpendiculairement aux feuillets de la serpentine à 50 MPa (Figure 1.25). La forte décroissance de 0 MPa à 20 MPa est interprétée comme la fermeture des fractures et de la porosité de grande taille, tandis que la décroissance plus faible de la perméabilité entre 20 MPa et 50 MPa est due à la compaction élastique de la porosité de plus petite taille. À partir de ces mesures de perméabilité réalisées jusqu’à 50 MPa, la porosité des échantillons de serpentine a été estimée à ~5x10-3 à pression ambiante et entre 4x10-5 et 4x10-6 à 1 GPa (Kawano et al., 2011), ce qui est plus faible que pour les autres roches métamorphiques (Auzende et al., 2015).

Figure 1.25 – Évolution de la perméabilité de la serpentine en fonction de la pression de confinement (Kawano et al., 2011).

La perméabilité des serpentines est un ordre de grandeur plus faible pour une circulation perpendiculaire aux plans des feuillets, favorisant la circulation des fluides parallèlement aux feuillets de serpentine. Ces résultats peuvent être expliqués simplement dans le cas d’une antigorite foliée. En effet le plan basal des cristaux d’antigorite a tendance à s’orienter selon la foliation (Van De Moortèle et al., 2010; Padrón-Navarta et al., 2012) et les micro-fractures présentes dans l’antigorite s’orientent elles-aussi préférentiellement selon les plans de foliation (Escartín et al., 1997; Kawano et

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al., 2011; Auzende et al., 2015). L’orientation des grains d’antigorite et les fractures qui s’y développent favorisent donc une circulation des fluides selon le plan de foliation de la roche.

III.1.c. Textures et perméabilité de l’antigorite de l’échelle pluri-métrique à nanométrique Des textures similaires ont été observées à plusieurs échelles dans des serpentines provenant d’affleurements de la Vallée d’Aoste, du Mont Viso et du massif d’Erro Tobbio en Italie, de la péninsule de Vicaino au Mexique et de la zone de Zaza à Cuba. Ces affleurements sont tous le résultat de l’exhumation de paléo-zones de subduction. Les serpentines de ces affleurements ont subi les conditions de haute température et de haute pression des zones de subduction, elles présentent des structures non pseudo-morphiques et sont souvent très déformées. Une partie de la déformation de ces roches s’est probablement faite en profondeur, lorsqu’elles étaient localisées dans la couche d’antigorite au-dessus de l’interface entre la plaque en subduction et le coin de manteau. Il est possible que plusieurs phases de déformation aient affecté les échantillons, notamment des déformations dues au processus de remontée à la surface qui se fait par exhumation dans les chaînes de collision (Figure 1.26).

Figure 1.26 – Serpentinites déformées de la Vallée d’Aoste et du Mont Viso en Italie. A) Serpentinite foliée, veines principalement parallèles à la foliation. B) & C) Serpentinites plissées. D) Serpentinite foliée, veine avec boudin.

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Les serpentines observées sur le terrain, dans la vallée d’Aoste et au Mont Viso, et les serpentines de l’échantillon BCS-16A de la péninsule de Viçaino présentent de nombreuses veines attestant de la circulation de fluides. Ces veines suivent majoritairement la foliation de la roche (Figure 1.26 & Figure 1.27).

Figure 1.27 – Images MEB (A, B, C) et MET (D) de BCS-16A (Péninsule de Viçaino, Mexique). La direction de la foliation est indiquée par la ligne jaune, en haut à droite de chaque image. A) Fractures sub-parallèles à la foliation. B) Fracture « en marches d’escalier » perpendiculaire à la foliation. C) Fracture sub-perpendiculaire à la foliation et alignement de pores (indiqués par les flèches jaunes) marquant peut-être la présence d’une ancienne veine. D) Porosité alignée montrant peut-être la présence d’une ancienne veine (image B. Van de Moortèle). E) Porosité le long d’un joint de grain, R = recristallisation, μC = micro-crack (Auzende et al., 2015).

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Cependant dans ces échantillons, certaines veines recoupent la foliation. En général, ces veines obliques à la foliation commencent et s’arrêtent sur des veines parallèles à la foliation et sont plus courtes que ces dernières. Les chemins de circulation obliques à la foliation sont plus sinueux que les chemins qui suivent la foliation et présentent des formes en marche d’escaliers (Figure 1.27). Au microscope électronique à balayage (MEB) et à transmission (MET), des alignements de porosité perpendiculaires à la foliation et localisés entre deux veines subparallèles à la foliation ont été observés. Ils sont interprétés comme des chemins de circulation de fluides intra-grain (Auzende et al., 2015) à l’échelle nanométrique et comme des anciens chemins de circulation de fluide intra-grain ou aux limites de grains à l’échelle micrométrique.