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1 Introduction

Après l‘identification botanique des plantes choisies pour l‘étude et le recueil de leur usage traditionnel auprès des populations autochtones, une sélection minutieuse des extraits à étudier s‘impose afin de confirmer ou d‘infirmer la réputation de ces espèces dans leurs conditions usuelles d‘emploi.

Le chemin qui mène du matériel végétal aux produits actifs est très long (Hostettmann, 1997). La nécessité du passage par plusieurs étapes démontre ainsi l'importance d'une prise en charge rationnelle du matériel végétal dès qu'il a été sélectionné pour une investigation pharmacologique et/ou phytochimique. Après le choix du matériel végétal à étudier, le chercheur devra définir les types d‘extractions à mettre en œuvre ainsi que les protocoles pharmacologiques et phytochimiques.

 Criblage ethnopharmacologique

Le choix de la technique pour la préparation des extraits à étudier est primordial, car l‘extraction des composés actifs en dépend étroitement. De nombreuses méthodes sont préconisées en médecine traditionnelle pour la préparation des extraits utilisés dans les soins thérapeutiques. Soucieuse de conserver le patrimoine végétal diversifié et de valoriser le savoir ancestral local (toujours à disposition), la société est souvent guidée par l‘utilisation de

solvants « verts » principalement l‘eau et par le recours aux techniques de préparation culturellement installées.

 Criblage biologique

Après l‘obtention des extraits en quantité suffisante, un screening biologique est effectué via une série de tests pharmacologiques in vivo et in vitro afin de mettre en œuvre les potentiels effets thérapeutiques de ces extraits. Les tests doivent être simples, rapides et spécifiques pour permettre une sélection efficace des extraits bruts pouvant constituer la base d‘un éventuel fractionnement bioguidé par l'activité.

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 Criblage chimique et biochimique

Pour évaluer les molécules potentiellement responsables des effets thérapeutiques d‘un extrait et guider la séparation de nouveaux principes actifs, un screening phytochimique est effectué via des tests colorimétriques, chimiques et spectroscopiques. Les tests colorimétriques sont d‘une grande importance, ils pré-renseignent sur les grandes classes de substances présentes dans les extraits criblés comme ils aident à cibler rapidement les composés actifs et guider leur isolement.

En prenant compte des critères précités, l‘extrait aqueux, l‘huile essentielle et le goudron végétal sont les trois extraits sélectionnés pour faire l‘objet de cette étude. En se référant aux usages traditionnels de chaque extrait (Chapitre 1(II)), les activités antifongiques, anti-inflammatoires et antioxydantes seront évaluées (Chapitre 4(II), 5(II), 6(II)). Un screening phytochimique, une analyse HPLC/MS et/ou CPG/MS seront également réalisés pour une étude qualitative de chacun des extraits (Chapitre 7(II)).

2 Matériel et méthodes

2.1 Préparation des goudrons

L‘extraction du goudron est effectuée par carbonisation des branches de chacune des espèces sélectionnées. Le bois (100 g) est placé dans une fiole (250 mL) où il est chauffé jusqu‘à carbonisation (1 h). La vapeur dégagée lors de la distillation est conduite par un tuyau puis condensée dans une cuve de décantation froide (Figure 20). Le goudron se vaporise au fur et à mesure de son exsudation. Après refroidissement, la fiole contenant au préalable le bois est vidée du charbon tandis que le goudron contenu dans l‘erlenmeyer de récupération est laissé à décanter. Une heure après, deux couches distinctes se forment, l‘une supérieure, composée d‘un liquide aqueux de couleur jaune brunâtre, correspondant à la phase inutilisée en médecine traditionnelle marocaine, l‘autre inférieure, correspondant au goudron est récupérée dans un flacon en verre opaque puis stockée à 4°C jusqu'à utilisation. Le rendement du goudron est exprimé en gramme de goudron pour 100 g de matière végétale sèche.

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2.2 Préparation des huiles essentielles

L‘extraction des huiles essentielles est effectuée par hdrodistillation en utilisant un appareil de type Clevenger (Meyer-Warnod, 1984). Pour chaque espèce, 200 g de feuilles sont immergées dans un bain d‘eau puis le tout est porté à ébullition pendant 5 à 6 heures

(Figure 21). Sous l‘effet de la chaleur, les substances volatiles contenues dans les glandes sécrétrices de chacune des espèces étudiées sont entraînées avec la vapeur d‘eau qui,

une fois refroidie et condensée, conduit à la séparation du mélange huile essentielle / hydrolat au niveau de la partie ‗essencier‘ de l‘hydrodistillateur. Les huiles

essentielles récupérées sont conservées dans des flacons en verre ambré à une température de 4°C. Les rendements sont calculés en gramme d‘huile essentielle pour 100 g de matière végétale sèche.

Figure 20 : Procédé d’extraction du goudron

Goudron 100 g de Bois

Huile essentielle

Feuilles sèches

Hydrodistillation

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81 2.3 Extrait aqueux

L‘extrait aqueux de J. thurifera, J. phoenicea, J. oxycedrus et T. articulata est obtenu par infusion de 100 g de poudre de feuilles sèches dans un litre d‘eau distillée bouillante (100 °C). Après 1 heure d‘agitation, les extraits obtenus sont filtrés sur papier Whatman puis concentrés à sec, sous vide, au moyen d‘un évaporateur rotatif à 65°C, puis d‘un lyophilisateur jusqu‘à obtention d‘une poudre (Figure 22).

3 Résultats et discussion

3.1 Caractérisations organoleptiques des extraits obtenus

Les extraits aqueux, les huiles essentielles et les goudrons extraits de J. thurifera, J. phoenicea, J. oxycedrus et T. articulata présentent des propriétés organoleptiques

caractéristiques pour chaque espèce végétale et pour chaque type d‘extrait (Tableau 14). Les extraits aqueux issus des quatre plantes étudiées, présentent une couleur jaune à brun-orangé avec un aspect lyophilisé et une odeur sucrée. Les huiles essentielles sont plutôt des liquides incolores à jaune pâle avec un aspect visqueux et une odeur qui rappelle celle de la plante. Quant aux goudrons végétaux (GV) issus des quatre espèces étudiées, ils présentent une couleur brun foncé à noirâtre, une saveur âcre et une odeur empyreumatique très forte

(Tableau 14). Plusieurs facteurs peuvent être à l‘origine de ces variations, notamment la composition chimique de chaque espèce et la méthode d‘extraction effectuée (Botton et al., 1990).

Les propriétés physico-chimiques des goudrons obtenus dans cette étude sont comparables à celles citées dans la littérature. Une enquête ethnopharmacologique menée auprès des

Extrait aqueux

Infusion Feuilles sèches

pulvérisées

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herboristes, des guérisseurs traditionnels et des producteurs de goudron végétal de la région de Marrakech a révélé que le goudron utilisé en médecine traditionnelle marocaine est caractérisé par une couleur rouge brunâtre à brun foncé, une odeur de fumée et un aspect plus au moins épais (Julin, 2008). Selon les résultats obtenus par Lindborg (2008), le goudron traditionnellement issu de conifères est un liquide brun rougeâtre avec une odeur de fumée. Les paramètres organoleptiques des huiles essentielles sont en accord avec les données de la

littérature. Plusieurs études ont rapporté que l‘huile essentielle isolée des feuilles de T. articulata a une couleur jaunâtre et une odeur balsamique (Bourkhiss et al., 2015;

Bourkhiss et al., 2016; Toumi et al., 2011). Par ailleurs, Ramdani et al. (2013) a montré que les huiles essentielles issues de J. phoenicea sont des liquides visqueux de couleur jaunâtre et dont l‘odeur rappelle celle de la plante.

Tableau 14 : Propriétés organoleptiques des extraits aqueux, des huiles essentielles et des goudrons de J. thurifera, J. phoenicea, J. oxycedrus et T. articulata

Aspect Couleur Odeur Densité

Extraits aqueux

JT Poudre Jaune Sucrée -

JP Poudre Brun-orangé Sucrée -

JO Poudre Brun Sucrée -

TA Poudre Brun-orangé Sucrée -

Huiles essentielles

JT Visqueux Jaune pale Forte et

Intense 0.91

JP Visqueux Jaune pale Forte et caractéristique

des genévriers 0.90

JO Visqueux Limpide Balsamique

caractéristique 0.90

TA Visqueux Jaune pale Forte et

balsamique 0.92

Goudrons

JT Visqueux Noir Très forte,

empyreumatique 1.30

JP Visqueux Noir Forte, boisée

Tenace 1.30

JO Visqueux Brun foncé à

Noir

Très forte,

empyreumatique 1.20

TA Visqueux Noir Forte, tenace,

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83 3.2 Rendements en extraits

Le calcul des rendements des extraits présente un intérêt majeur dans la mesure où il permet d‘envisager la quantité de matière végétale première nécessaire pour l‘extraction des principes totaux. L‘évaluation du rendement en extrait de J. thurifera, J. phoenicea, J. oxycedrus et T. articulata a montré que les meilleurs résultats ont été obtenus pour les extraits aqueux avec des taux compris entre 16.86 et 20.16 %. L‘extrait aqueux de J. phoenicea et de rendement le plus élevé (20.16 %), suivi de celui de J. oxycedrus (18.01 %) puis de l‘extrait aqueux de J. thurifera (17.69 %). Le rendement le plus faible (16.86 %) est obtenu pour l‘extrait aqueux de T. articulata (Figure 23).

Suivent les rendements en goudron avec des taux variant entre 3.32 et 8.52 %. J. thurifera a fourni le rendement le plus élevé avec un taux de 8.52 % ± 0.36, suivi de T. articulata avec un rendement de 7.12 % ± 1.12. En revanche, les populations de J. phoenicea, J. oxycedrus se sont révélé les moins riche en goudron végétal avec des pourcentages deux fois plus faibles par rapport à J. thurifera, de l‘ordre de 3.32 % ± 0.52 et de 2.76 % ± 0.69 respectivement. Concernant l‘extraction des huiles essentielles, T. articulata s‘est montrée la plus riche avec un rendement de 2.69 %, suivi de J. phoenicea (1.43 %) puis de J. thurifera (1.32 %). Le rendement le plus faible (0.12 %) est présenté par J. oxycedrus (Figure 23).

E A % ( g /1 0 0 g d e m a ti è r e s è c h e ) EA JT EA JP EA JO EA TA 0 5 1 0 1 5 2 0 2 5 E A J T E A J P E A J O E A T A H E % ( g /1 0 0 g d e m a ti è r e s è c h e ) HE JT HE JP HE JO HE TA 0 1 2 3 H E J T H E J P H E J O H E T A G V % ( g /1 0 0 g d e m a ti è r e s è c h e ) GV JT GV JP GV JO GV TA 0 2 4 6 8 1 0 G V J T G V J P G V J O G V T A

Il est notoire que le rendement en extrait varie en fonction de l‘espèce et l‘origine géographique de la plante, de la période de récolte et des conditions du stockage, de la méthode et des circonstances dans lesquelles l‘extraction a été effectuée (Chaouche et al., 2014). Il reste difficile de comparer nos résultats avec ceux cités dans la littérature. Toutefois, il parait que le taux en huiles essentielles obtenu par J. thurifera est similaire à celui obtenu

Figure 23 : Rendements en extraits aqueux (EA), en huiles essentielles (HE) et en goudron végétal (GV) de J. thurifera, J. phoenicea, J. oxycedrus et T. articulata

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par Mansouri et al. (2010a) pour des échantillons de rameaux issus du Moyen Atlas oriental du Maroc évaluée de 1.32 %. Néanmoins, ce rendement reste supérieur par rapport à ceux obtenus par Achak et al. (2008) et par Akkad et al. (2001) pour des échantillons de feuilles de cette espèce, soit 0.8 % et 1.03 % respectivement.

Les rendements en huile essentielle fournis par J. oxycedrus, testé dans la présente étude (0.12 % ± 0.01) sont six fois supérieurs par rapport à ceux obtenus par (Achak et al., 2009) qui n‘ont pas dépassé 0.02 % pour des échantillons de plantes issu de la même région. Toutefois, ces taux restent moins importants que ceux rapportées par (Mansouri et al., 2010a) soit 0,15 % pour des échantillons issus du Moyen Atlas oriental du Maroc.

De plus, la teneur en huile essentielle de J. phoenicea est supérieure à celle obtenue par (Achak et al., 2009) pour des échantillons de feuilles de cette espèce qui ne dépasse pas 0.94 %. De même, la teneur en huile essentielle fournie par T. articulata est supérieure à celles rapportées par Djouahri et al. (2013) et Fatiha et al. (2015) de 0,56 et 0.11 % respectivement pour des échantillons de feuilles originaire d'Algérie.

Selon les résultats obtenus par (Adida et al., 2016), les extrais aqueux se démarquent souvent par le rendement le plus important en comparaison avec les autres types d‘extraction.

4 Conclusion

La préparation des extraits aqueux, des huiles essentielles et des goudrons de J. thurifera, J. phoenicea, J. oxycedrus et T. articulata a pu montrer que le rendement en extrait varie considérablement en fonction de l‘espèce végétale et de la technique d‘extraction entreprise.

Par ailleurs, chaque extrait présente des propriétés organoleptiques distinctives, qui représenteraient de précieux indicateurs de différentiation de l‘extrait selon le type de préparation.

PARTIE II

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Chapitre 3

(II)

: Étude de la toxicité aiguë des extraits de