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II – CORPS PHILOSOPHIQUE ET CORPS CHIRURGICAL

Dans le document The DART-Europe E-theses Portal (Page 160-200)

Quoi de plus mystérieux en effet que le corps humain ? Si l’on a bien un corps, On devine intuitivement qu’il est aussi la personne qui l’habite, en même temps qu’il ne cesse de changer, de se modifier, de la naissance à la mort en passant par la maladie ou les blessures des traumatismes. Les présocratiques avaient déjà compris cette contradiction du monde entre l’être et le changement, entre l’Un et le Multiple. Contre Héraclite qui pose que l’être des choses est dans le changement (« on ne saurait entrer deux fois dans le même fleuve ») montrant que la pensée rationnelle, commune à tous les hommes est de nature dialectique, Parménide, recherche l’être, à travers l’un transcendant (« …seul l’être est, un rien en revanche n’est pas »320). Les matérialistes, atomistes en tête, vont tenter de résoudre le problème en décomposant en quelque sorte, l’être qui constitue le monde en une multitude de petites unités d’être, immuables, insécables (a-tomes) dont les possibilités infinies d’agencement provisoire expliqueraient le changement où se déroule la vie. On connaît l’interprétation qu’en tirera Zénon d’Elée à partir du trajet de la flèche, pour montrer les limites de cette logique321. Mais cette rationalité annonçait en quelque sorte une première explication naturaliste du monde, transposant le questionnement métaphysique sur l’être dans une science purement physique.

Comment le chirurgien, dont le champ d’activité est ce corps si difficile à discerner, ne serait-il pas concerné par ce questionnement ? Car le discours actuel sur notre corps traduit encore ces tentatives d’explication : il est tout en se modifiant,

320 Cité par Jeanne Hersch, L’étonnement philosophique, Paris, Gallimard, « Folio-essais », 1993, p. 22.

321 Ce qui correspond en réalité à une spatialisation erronée du temps que dénoncera Henri Bergson en introduisant la notion de durée.

puisque de la naissance à la mort le corps se modifie et dépérit. De là le désir exacerbé à notre époque, de pouvoir contrôler plus ou moins complètement ces modifications, comme pour tenter d’échapper à notre condition humaine. D’autant que ce contrôle du corps est aussitôt justifié comme visée de ce que l’on évalue être « mieux », afin de ne pas risquer d’être accusé, sinon, de dégrader ce corps. Or l’on touche là à l’essentiel, nous le reverrons avec les dérives auxquelles peut amener ce que l’on nomme le

« transhumanisme ». Car, en même temps qu’on ne peut se passer d’un corps, nous savons pourtant que nous ne sommes pas que notre corps. Faut-il alors le considérer comme un objet, comme une réunion de particules physiques insécables, ou bien changer de plan et revenir nécessairement à une métaphysique de l’être ? Michela Marzano, dénonçant ce dualisme réducteur, constate que :

« Pendant des siècles, le corps a été conçu seulement par rapport à l’âme ou l’esprit, sans considération du fait qu’il est surtout unificateur de catégories ontologiques opposées (l’intérieur et l’extérieur, le cognitif et l’affectif, l’objectif et le subjectif), de même que le siège de plusieurs tensions (être-devenir, incorruptibilité-corruptibilité, éternité-contingence) »322.

Le dictionnaire323 nous dit d’ailleurs que le corps « est la partie physique des êtres vivants. Synonyme : organisme ». La définition de Lamarck, dans sa Physiologie zoologique (1809) complète ce matérialisme : « ensemble des parties matérielles constituant l’organisme, siège des fonctions physiologiques et, chez les êtres animés, siège de la vie animale »324. Encore faudrait-il alors éclaircir ce que l’on entend par

« vie animale », c'est-à-dire ce qui pourrait animer cette vie. D’autant que dans ces définitions du XIXe siècle toutes imprégnées de dualisme, le corps y est une substance matérielle, physique, organique que l’on peut opposer à l’esprit, substance autre. Ainsi le cadavre, dans la tradition tertullienne, reprise par Bossuet est « ce qui n’a plus de nom dans aucune langue »325, c’est le corps mort, « sans » corps qu’évoque Aristote. Or, considérer qu’un cadavre n’est plus vraiment un corps, c’est découvrir une faille dans le dualisme. Car c’est dire qu’un corps est nécessairement vivant et que le corps-en-vie est plus que l’objet corporel. A-t-on jamais rencontré d’esprit sans corps ?

322 Michela Marzano, Penser le corps, op. cit., p. 30. C’est nous qui soulignons.

323 Dictionnaire de la Langue française, Paris, en ligne.

324 Cité par Georges Vigneaux, L’aventure du corps, op. cit., p. 7.

325 Jean-Bénigne Bossuet, Sermon sur la mort (1662). « Il n’y aura plus sur la terre aucun vestige de ce que nous sommes : la chair changera de nature ; le corps prendra un autre nom ; même celui de cadavre ne lui demeurera pas longtemps : il deviendra, dit Tertullien, un je ne sais quoi qui n’a plus de nom dans aucune langue… ». C’est nous qui soulignons.

D’ailleurs, sur le plan étymologique le mot corps provient du latin corpus, qui évoque un rassemblement, une réunion – on dit « faire corps » et on parle bien du

« corps médical » à propos de l’ensemble des médecins – et qui définit encore une certaine « matérialité » : le corps d’un bâtiment en est en quelque sorte l’ossature, son support matériel et sa partie essentielle, ce qui fait qu’il est un bâtiment. Le mot lui-même326 est issu de la racine indo-européenne krp qui signifie « forme », ce qui lui donne alors un sens plus subtil. Il y aurait ainsi deux approches du corps : selon l’instrumentalité (donc du côté d’un objet que l’on pourra s’approprier ou transformer) ou bien selon la beauté – sens du radical sanscrit karp – ce qui le rapproche de la sacralité327. Le chirurgien en effet aura une action différente selon qu’il se servira du corps pour sa chirurgie ou qu’il servira le corps de la chirurgie.

Etonnamment les phénoménologues, Husserl et Heidegger en tête, n’ont que très peu soulevé la question du corps, « celle de la corporéité et de son étrange opacité »328. Car il y a bien impossibilité d’objectiver la corporéité. Pourtant Gadamer, posant la question des limites de ce qu’il est possible d’objectiver, n’hésite pas à prophétiser que

« le destin de notre civilisation occidentale est en jeu ici »329. Il semble en effet certain que de ne pas parvenir à préciser ce qu’il faut entendre par corps, en particulier pour un chirurgien qui va « l’opérer », en se contentant d’une objectivation abstraite – qui ne peut rendre compte de « l’être de la personne » –, recèle un risque non négligeable de perdre des repères pourtant essentiels. Il en va de notre existence d’êtres humains et de notre être-au-monde dans le Tout – hole ousia. Et Dominique Folscheid de questionner :

« Comment comprendre que l’homme soit le seul vivant jouissant d’un corps, irréductible à l’organisme biologique, parce que ce corps est complètement investi par l’humanité ? »330.

Et n’est-ce pas l’humanité présente dans tout corps humain qui le rend nécessairement sacré ? Et s’il l’est en effet, comment alors le chirurgien pourra-t-il parvenir, en l’ouvrant, à le désacraliser en quelque sorte ? D’autant que deux nouvelles questions apparaissent aussitôt. Peut-il vraiment le désacraliser ? Ou pour le dire autrement : en quoi son ouverture serait-elle forcément une désacralisation ? D’autre

326 David Le Breton remarque que le mot corps se dit toujours au pluriel, confortant l’idée de rassemblement.

327 Michela Marzano, « Corps », in Dictionnaire de philosophie morale, T. I, Monique Canto-Sperber (direct.), Paris, PUF, « Quadrige », 2004, p. 415.

328 Gadamer, Philosophie de la santé, op. cit.,p. 81.

329 Ibid., p. 82.

330 Dominique Folscheid, Cours Master Recherche 2e Année – 2007-2008, Université Marne la Vallée, p.

90.

part, si le chirurgien ne le peut pas, comment alors peut-il l’opérer ? – ou : dans quelle mesure l’intervention n’attente-t-elle pas nécessairement à la sacralité du corps ? Nous allons voir que la seule et nécessaire solution réside en son objectivation, mais en tant qu’elle est une construction de l’esprit et non une réalité. L’objectivation n’est pas un apparaître.

Revenons pour l’instant à la distinction entre le corps philosophique et le corps chirurgical et tâchons de voir en quoi le premier peut aider à mieux comprendre le second. D’une manière schématique et très théorique on peut distinguer ainsi des conceptions dualistes, pour lesquelles le physique et le mental sont des substances hétérogènes, et des conceptions monistes où au contraire il n’y a qu’un seul principe constitutif. Mais chacune de ces deux approches peuvent à leur tour être nuancées. Les théories dualistes seront dites « parallélisme » si le physique et le mental sont indépendants ou « interactionnisme » s’ils sont interdépendants. De même il existe un monisme spiritualiste – tout est spirituel comme le proposent Leibniz ou Bergson par exemple, voire Berkeley – et un monisme matérialiste – tout est matière, celle de l’âme n’étant qu’une matière très subtile, comme le pensaient les Epicuriens.

Il nous semble moins artificiel d’aborder l’étude de ces différentes théories, non pas comme on le ferait d’une collection de papillons sous l’angle de « l’entendement diviseur » comme dirait Hegel, mais bien plutôt selon l’apport des conceptions philosophiques du corps à la chirurgie.

Puisque aucun chirurgien ne pourrait intervenir sur une personne s’il n’y avait pas de corps, qu’est-ce qui, dans ce corps, pourrait poser problème ?

La question du dualisme

Vaste question à laquelle nous n’aurions pas la prétention de répondre. Elle est pourtant fondamentale puisque s’en débarrasser reviendrait à banaliser absolument tout acte chirurgical, ramenant l’opéré à un bout de viande. C’est d’ailleurs une question métaphysique comme le remarque Claude Bruaire :

« Toute philosophie du corps est inévitablement liée à une métaphysique précise qui constitue ses prémisses nécessaires »331.

331 Claude Bruaire, Philosophie du corps, op. cit., p. 9.

En ce sens que la science ne peut rien nous en dire, incapable qu’elle est de connaître ce qui n’est pas strictement objectif. Or notre expérience de tous les jours atteste de cette subjectivité, mystérieuse symbiose entre ces deux concepts – parler de concepts semble plus approprié que la notion matérielle de « parties » – qui permettent de parler d’un homme : son âme et son corps. D’autant que ce dernier recèle une évidente matérialité, et que celle-là peut être appréhendée indistinctement comme la pensée, l’esprit, ou le logos, ce qui sera source de nombreux malentendus.

« L’union de l’âme et du corps dont l’expérience témoigne et que tous les hommes éprouvent, s’accorde mal avec l’immortalité de l’âme que la raison conçoit et que certains hommes espèrent »332.

C’est en outre une question majeure pour le chirurgien dont le corps de l’opéré est le champ concret de son action. Car selon que ce corps sera perçu comme pure matérialité ou au contraire investi du mystère de la vie humaine, l’action du chirurgien, au-delà de son simple geste opératoire (« coup de bistouri »), sera radicalement différente. La tendance en médecine, pourtant, a toujours été d’être très dualiste, considérant le malade et sa maladie ; pour le chirurgien : l’opéré et son corps, réceptacle de sa pathologie « chirurgicale », toujours organique et donc nécessairement concrète.

L’éthique impose bien entendu de tenir compte de l’opéré pour opérer correctement l’organe atteint. Mais le dire ainsi, c’est rester d’emblée prisonnier du dualisme. Alors qu’en est-il ?

La notion d’âme d’essence divine, exilée dans un corps terrestre, est très ancienne. En Inde c’est l’Upanishad qui identifie l’Atman (le Soi) avec le Brahman (la Totalité). La notion d’un Soi individuel et qui aurait une existence propre à la manière de Descartes, y est pure illusion. La religion orphique (VIe siècle avant J.-C.) envisage, elle, la réincarnation comme le long travail de l’âme pour se purifier de sa part mauvaise. L’âme et le corps sont « deux principes hétérogènes et irréductibles l’un à l’autre ». C’est là l’origine tout autant du dualisme platonicien que de celui de Descartes pour lesquels Michela Marzano établit une « sorte de liaison intellectuelle entre la fuite platonicienne de la réalité corporelle et la nécessité chez Descartes, de s’éloigner des sens trompeurs »333.

332 André Perrin, « L’âme et le corps », op. cit.

333 Michela Marzano, « Corps », Dictionnaire d’éthique et de philosophie morale, direct. Monique Canto-Sperber, op. cit., p. 416.

On pourrait dire que ce n’est qu’à partir de Platon que se posent les véritables problèmes de fond qui concernent l’approche chirurgicale du corps : celui-ci n’est-il qu’un organisme de plus posé dans la nature, ou bien fait-il partie de cette nature, contribuant alors à l’harmonie du monde ?

Dans le Phédon le dualisme platonicien est flagrant : l’âme est complètement à part du corps qui n’en est que la prison, le tombeau : « Le positif est toujours dans le ciel, siège de l’éternel, le négatif toujours dans la terre, siège de la matérialité »334. Dans le Timée au contraire, Platon discourant de la génération du monde et des animaux mortels, dont l’homme est le plus haut, relie indiscutablement le corps de l’homme à son âme immortelle et les deux à l’univers entier. Il s’agit là d’une spéculation symbolique sur le statut du corps. Chaque partie de celui-ci correspond au siège d’une partie de l’âme elle-même. Le principe immortel de l’âme est situé dans la tête, tandis que sa partie mortelle se trouve dans le tronc. Sa composante courageuse, virile, est au dessus du diaphragme, le cœur, grâce au sang, servant d’intermédiaire avec l’âme raisonnable. La partie proprement végétative, hors de toute raison, soumise aux seules nécessités de la vie se trouve proche du foie. Il nous reste des traces fortes de cette tripartition de l’âme platonicienne, depuis les trois stades de l’altération de la vigilance335, jusque dans les spécialisations chirurgicales. La neurochirurgie recèle toujours une part mystérieuse : c’est un peu la chirurgie de « l’esprit » et, assimilant la pensée au cerveau, on pourrait l’imaginer comme démiurgique puisqu’elle est censée

« opèrer » la pensée, alors qu’elle n’agit que sur l’organe qui n’en est que la condition de possibilté. Le chirurgien du « cœur » bénéficie de l’aura que lui confère l’organe qu’il répare. Au contraire on est moins recueilli devant l’urologie ou la gynécologie qui concernent des organes moins nobles, tandis que le chirurgien digestif travaille

« dans la tripe ».

Certes il y a séparation de l’âme et du corps, chez Platon, mais on constate tout de même que dans le Timée le corps n’est pas autant dénigré qu’il l’est dans le Phédon et cette observation est importante puisqu’elle signifie que le corps, en tant qu’il est le siège de l’âme, est bien vivant et mérite alors quelque attention. Car Platon relie tout de même l’âme au corps : « Les liens de la vie qui unissent l’âme au corps sont comme les racines qui soutiennent l’espèce mortelle »336. Mais pour autant ces liens

334 Idem, p. 415-416.

335 On parle d’états pauci-relationnels puis de coma « végétatif ».

336 Platon, Timée, 73 b.

ont été tissés par les bons démiurges qui font du corps mortel le réceptacle et le soutien de l’âme : « Les deux cercles divins de l’âme dans la tête […], ils lui donnèrent le corps comme un char pour la porter »337.

Le corps platonicien est le « tombeau de l’âme »

Dans l’opposition ontologique qu’établit Platon, entre le monde sensible, celui que nous donne nos sens et celui, intelligible, des Idées, notre corps n’est ramené qu’à la nature, qu’aux choses sensibles, l’âme, intemporelle, n’étant que provisoirement logée dans cette prison. Du coup le corps représente le pire obstacle à la connaissance, d’autant qu’il peut être malade. Et, d’obstacle, il devient méprisable : « L’âme du philosophe méprise profondément le corps »338. Notons au passage que la maladie accentue le dénigrement du corps. Un corps malade sera dans une déchéance d’autant plus grande qu’on pourrait se demander quel médecin serait assez futile pour s’en occuper. Le corps platonicien – comme plus tard le corps cartésien du Discours de la méthode, absolument dissocié du sujet pensant – n’est rien, totalement abandonné à la nature « dans une pure et fatale extériorité »339. Cette conception, développée par un néo-platonisme réducteur, continue d’imprégner en partie le discours médical, en particulier lorsqu’il s’agit de douleur par exemple. Celle-ci n’apparaît encore trop souvent que secondaire, comme si, ne touchant que le corps elle devait être méprisable et donc méprisée. De la même manière, oublier que toute intervention est nécessairement agressive et touche la totalité de l’être de l’opéré peut amener à la banaliser, lui ôtant toute importance, toute gravité dans un : « ça n’est rien » qui, là encore, sous-entend qu’elle ne concerne qu’un genou ou qu’une hanche.

Le corps, perdu dans la nature, le monde sensible, perd tout intérêt. L’âme ne s’échappera de sa prison corporelle qu’avec la mort, lorsque « …le corps, séparé de l’âme reste seul, à part avec lui-même, et quand l’âme, séparée du corps, reste seule, à part avec elle-même »340. Le dualisme ne peut pas être affirmé plus clairement.

Le médecin a du mal à accepter cette séparation ontologique du corps, ramené à une pure matérialité, de l’âme, seule véritable nature-essence. Dans le Théétète, lorsque Socrate s’adresse à Alcibiade, c’est Platon en réalité qui affirme ainsi que l’homme

337 Ibid., 44 e.

338 Platon, Phédon, 65 d.

339 Eric Fiat, La notion d’âme animale dans la philosophie de la nature d’Aristote à Hegel, Mémoire de DEA, Université de Marne-la-Vallée, 1995, p. 5.

340 Platon, Phédon, 64 c.

n’est ni son corps, ni l’union de son âme et de son corps, mais bien son âme seule341. Jouant sur les mots, il l’enferme d’ailleurs dans une prison, dans ce tombeau qu’est le corps. Le terme grec sôma en effet, désigne en même temps le corps, mais aussi l’esclave qui n’est qu’une partie du corps de son maître (un « instrument animé » dira même Aristote342), tandis que sèma signifie tombeau. Le chirurgien, tant qu’il ne touche pas à l’âme – et l’on sait qu’aucun ne l’a jamais rencontrée sous son bistouri – pourrait agir sans retenue.

Fort heureusement la conception de Platon est plus nuancée. Dans le Phèdre, il nous parle, certes, d’une chute de l’âme antérieure à son incarnation, mais c’est en s’incarnant qu’elle déterminera le corps particulier et différent de chaque homme. On a le corps de son âme en quelque sorte, celui qu’on mérite et personne ne peut avoir le même corps. Si l’on oublie le prétendu voyage des âmes, cette idée qu’on a le corps de son « âme » est intéressante pour nous chirurgiens qui l’observons bien : on ne peut parler du corps en général, ce qui serait une abstraction, mais de ce corps-là, du corps de monsieur Dupont que je vais devoir opérer. D’ailleurs, plus loin, Platon fait dire à Socrate que bien connaître les effets de certaines drogues ne saurait suffire à faire un médecin, mais qu’il faudrait en outre qu’il sache « à qui et quand il faut appliquer chaque traitement, et à quelle dose »343. Il explique encore qu’il faut, pour posséder l’art de la médecine, analyser la nature du corps. On se contenterait sinon de la routine et de la simple expérience ce qui ne serait pas efficace. Citant la méthode d’Hippocrate, il dit à Phèdre qu’il convient d’abord de savoir si « la chose que l’on veut connaître méthodiquement » – le corps pour la médecine – est « simple ou multiple ». Et s’il est composé, de le dénombrer et d’appliquer la méthode valable pour le simple : cela ressemble étonnamment à la méthode de l’analyse, que reprendra plus tard Descartes.

Cela ne résout pas pourtant la question de la substance de l’âme ou de sa

Cela ne résout pas pourtant la question de la substance de l’âme ou de sa

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