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III – LE PATIENT FACE A LA TECHNIQUE DU CHIRURGIEN

Dans le document The DART-Europe E-theses Portal (Page 108-137)

Une intervention chirurgicale mobilise bien sûr de nombreuses personnes, de l’anesthésiste jusqu’à la panseuse ou encore la ménagère qui sera en charge de la propreté de la salle d’opération. Elle nécessite ensuite un environnement technique de plus en plus sophistiqué, en particulier en chirurgie orthopédique où le matériel ancillaire prend une importance tous les jours plus grande. Mais, puisque nous avons le projet d’une « petite phénoménologie » de cette action, il faut insister sur les deux acteurs fondamentaux, les autres, dit sans aucun mépris, n’étant qu’accessoires ou complémentaires. Ces deux acteurs sont le patient bien sûr, sans lequel il n’y aurait pas lieu de réaliser une intervention et le chirurgien, comme agent efficient de cette intervention, au-delà peut-être de sa « médicalité ». Mais peut-on simplifier ainsi,

ramenant le patient à la cause matérielle de l’opération ? Car alors le chirurgien en serait bien la cause efficiente et la santé la cause finale. Mais où serait la cause formelle ? Si l’opération elle-même était cette cause, il y aurait danger qu’elle devienne une fin. En réalité il semble bien que ce soit la corporéité, comme la réalité de la vie de l’homme-opéré qui demeure la seule cause finale de toute intervention.

Le patient comme celui qui attend et se confie

Patient vient du latin patior qui veut dire « subir ». Le patient est donc « passif », comme impassible. Plus que celui qui « subit », c’est celui qui « attend » (d’où le glissement sémantique vers « patience »). Il attend physiquement dans la salle

« d’attente » ou bien à la porte du bloc opératoire, mais il attend aussi du chirurgien qu’il le prenne en charge. Ainsi le patient est à la fois celui qui attend et celui qui fait confiance. Il confie sa maladie et son corps totalement au chirurgien avec un fond d’angoisse existentielle, métaphysique :

« Le patient se confie au médecin non seulement à cause de sa souffrance, mais par peur de la mort »200.

La chirurgie introduit une dimension supplémentaire à la passivité du patient : celle de l’anesthésie. La crainte dont elle est régulièrement l’objet de sa part dépasse la réalité du risque qu’elle recèle pour traduire l’angoisse qui saisit inconsciemment le patient de s’abandonner totalement au chirurgien. C’est dire comme la confiance est, en chirurgie, une nécessité encore plus incontournable qu’en médecine.

Précisons cela.

La question de la confiance

Il y a deux manières, pour un malade, de rencontrer un chirurgien : par l’intermédiaire de son médecin généraliste ou directement, par sa seule décision.

Lorsque son propre médecin le lui a conseillé – en réalisant ainsi à la fois le diagnostic de son affection et en indiquant le traitement, la chirurgie – ce malade est alors doublement pris en charge. Il n’attend du chirurgien que la réalisation d’un acte dont on lui a plus ou moins expliqué les modalités, mais aucunement une discussion sur la réalité de l’indication de cet acte (quand bien même le chirurgien contesterait a

200Ivan Illich, La convivialité, op. cit., p. 64.

posteriori cette indication). Dans cette première situation il suffit au patient d’avoir confiance – ou au chirurgien de lui inspirer cette confiance, c'est-à-dire d’être convainquant – pour qu’il accepte la décision.

Lorsque le malade est venu de lui-même, devinant (ou supposant) que son état nécessite un acte chirurgical, c’est qu’il a alors choisi son opérateur par recommandation – la réputation de celui-ci se faisant par le « bouche à oreille » d’un patient satisfait à un autre.

Dans les deux cas la confiance est le dénominateur commun entre le patient et le chirurgien. Confiance dans l’indication opératoire et dans la compétence technique du chirurgien : il attend de son opérateur tout à la fois de la science et de la technique. Mais aussi confiance subjective que lui inspire intuitivement l’homme-chirurgien. On ne peut raisonnablement pas accepter d’être opéré par une personne pour laquelle on ne ressentirait pas un minimum de sympathie201.

Hegel a écrit que « la confiance est une caractéristique de la vie éthique »202, elle ne peut être régie par des contrats ni des règles formelles. En effet la confiance ne peut se décréter, elle s’établit entre deux personnes de manière intuitive, et il serait impossible de la mesurer aussi strictement qu’on le ferait de la mobilité d’une articulation par exemple. Puisque faire confiance, c’est étymologiquement « croire ensemble », il y a dans la confiance, en même temps de la foi – comme d’accepter une chose qui n’est pas tout à fait sûre –, et de l’espérance – comme l’espoir d’un bien plus grand que la crainte d’un mal. Hobbes, plus critique, la définit comme une passion. Or une passion est par définition pathologique.

C’est souligner qu’il y a une nécessaire faiblesse à faire confiance, mais que cette faiblesse est bien le signe de la vulnérabilité de ce patient. L’asymétrie d’information dans laquelle il se trouve face au savoir médical et sa propre souffrance de se ressentir malade, le rendent vulnérable et dépendant. Toutes les lois et les réglementations visant à lui donner l’autonomie la plus grande – et c’est tant mieux – ne pourront jamais supprimer cette irréductible nécessité de la confiance.

201Dans cette optique on peut apporter une nuance supplémentaire à cette liberté de choix du patient pour son opérateur et remarquer, – sans toutefois y adhérer complètement, notamment à propos de l’adjectif éclairé – avec Elisabeth Roudinesco que « plus la relation du thérapeute avec l’Etat repose sur un système libéral, plus le patient est regardé comme un sujet libre, éclairé ayant le droit de se soigner auprès de qui il choisira de le faire ». E. Roudinesco, Le patient, le thérapeute et l’Etat, Paris, Fayard, 2004, p. 159.

202 Hegel, Philosophie du droit, § 147.

« La confiance dans le soignant n’équivaut pas à une confiance dans l’avenir – dont une bonne partie dépend moins des soins que de l’état actuel de la thérapeutique – mais elle permet de considérer ces derniers comme les meilleurs humainement possibles »203. La relation humaine intersubjective est indispensable pour qu’il y ait confiance.

Car il ne s’agit plus d’une confiance confisquée. L’époque du paternalisme médical qui, fort de son pouvoir et de son autorité, exigeait la confiance du patient par une injonction sans appel : « Faites-moi confiance ! » est heureusement révolue. La confiance qu’aujourd’hui le patient donne à son opérateur est au contraire un état de dépendance

« accordée » : il se confie. C’est la confiance qui « oblige ». Comment, en effet, ne pas observer deux aspects fondamentaux à propos de la confiance en matière de soins ? Elle est nécessaire et elle oblige.

Sa nécessité est une évidence. On connaît l’aphorisme des premiers responsables de l’Ordre des médecins à propos de la relation entre un médecin et son malade, considérée comme « une confiance qui rejoint librement une conscience »204. Laissons pour l’instant la conscience – qui concerne en propre le soignant – et considérons la confiance seule. Quand bien même aucun texte, aucune procédure, aucune loi, ne saurait le stipuler, aucun soin, serait-il le plus futile et donc a fortiori un acte chirurgical, ne peut être réalisé sans que le patient, d’une manière ou d’une autre, accorde sa confiance.

Et cela pour deux raisons.

Dans la mesure d’abord, nous l’avons vu, où il existe une irréductible asymétrie d’information entre le soignant qui sait et le soigné qui ignore, et cela malgré l’accumulation d’informations dont il peut aujourd’hui disposer, grâce à l’internet en particulier. Car ces informations sont neutres. Elles ne sont malgré tout que des descriptions théoriques qui ne pourront jamais vraiment le concerner, lui dont le corps – son corps – n’est pas une virtualité statistique, mais une réalité.

Mais cette asymétrie n’est pas qu’intersubjective, entre le malade et son médecin, puisqu’elle se retrouve encore entre l’homme-rationnel qu’est tout malade et l’homme-malade qu’il est aussi. Car, sans jamais nier l’autonomie qu’il possède toujours – essentiellement –, autonomie qui impose le respect que tout soignant lui doit et la nécessité de son consentement, le malade est encore dans un questionnement permanent quant au sens de sa maladie. La preuve en est, s’il le fallait, qu’un médecin

203 A. Froment, Maladie, donner un sens, Paris, Archives Contemporaines, 2001, p. 191. C’est nous qui soulignons.

204 Louis Portes, « Du consentement du malade à l’acte médical », A la recherche d’une éthique médicale, Paris, Masson, 1964, p. 169.

malade reste d’abord et avant tout un malade. Sa qualité de médecin s’efface obligatoirement devant l’absurdité de sa maladie, absurdité que, comme tout être humain, il cherche à annuler – trop souvent désespérément – par la quête d’une raison.

Raison qu’il ne trouvera jamais puisque, par nature, la médecine n’est pas une science où l’on peut raisonner par causalité. On n’y rencontre au contraire que des corrélations, ce qu’illustre parfaitement la courbe de Gauss205 qui permet par exemple de déterminer une médiane de survie, médiane qui n’exprime que des probabilités et non des réalités.

Notre soigné ne dispose donc pas – ou ne peut pas disposer – des connaissances qui lui permettraient d’appréhender clairement son état et, d’autre part, il reste sans cesse en quête d’explications rationnelles à cet état de malade. A ce premier niveau, faute de se désespérer, ce qui serait hors de sa nature, il ne peut s’en remettre qu’à la confiance qu’il va accorder à son soignant.

Mais la nécessité de la confiance apparaît encore du fait de notre nature.

Appelons cela comme on voudra : « l’instinct de conservation », ou le « déni », le principe en fait reste le même. Nul être humain ne saurait accepter, au moins au début, un état de mal – une maladie – sans l’espoir d’en être guéri. Peut-être d’ailleurs cela ressort-il de cette humaine condition que nous subissons, plus que nous l’acceptons vraiment, puisqu’elle n’a pas été objet de notre choix ? Dans ce refus initial de la maladie, et d’autant qu’elle met en jeu le pronostic vital – mais toute maladie, dans le fond, n’est-elle pas potentiellement mortelle ? –, nous ne pouvons qu’espérer en être débarrassés. Or qu’est-ce là, sinon que faire confiance ? Hobbes écrit que la confiance est « une passion produite par la croyance ou la foi que nous avons en celui de qui nous attendons ou nous espérons du bien »206. Il y a dans la confiance, en effet, de la foi et de l’espérance. De la foi qui consiste à « accepter une chose qui n’est pas tout à fait sûre » et de l’espérance qui fait que « l’espoir du bien l’emporte sur la crainte du mal possible ». N’allons pas jusqu’au froid réalisme de Diégo Gambetta207 qui remarque

« qu’il peut être rationnel de faire confiance à la confiance ».

205 La courbe de Gauss, ou « courbe en cloche », étudiée par de Moivre en 1718 et par Gauss en 1809 correspond à la courbe de « la fonction de densité d'une loi de probabilité normale ». Si, pour une pathologie donnée, on place le temps en abscisses et le nombre de malades en ordonnées, le sommet de la courbe en cloche correspondra à la moitié du nombre de patients atteints et déterminera un temps au-delà duquel ils seront décédés. Mais il reste impossible de situer le vrai malade sur une telle courbe.

206 Hobbes, Elements of Law Natural and Politic, I, chap. IX, § 9, in Dictionnaire d’éthique et de philosophie morale, dir. Monique Canto-Sperber, op. cit., p. 354.

207 Williams, Bernard, Formal Structures and Social Reality, in Trust Making and Breaking Cooperative Relations, Diego Gambetta (dir.), New York, Blackwell, 1988, pp. 3 - 13.

On pourrait dire que dans cette quête désespérante, la raison l’emporte qui, faute de trouver du sens, autorise la confiance à remplir le vide de l’angoisse devant la maladie. Ainsi, tel chirurgien orthopédiste, pourtant très au fait, et de l’anatomie, et du caractère irréparable d’un arrachement des racines cervicales de son plexus brachial, ayant en outre analysé les images incontestables de l’IRM, fit dire à sa secrétaire qu’il serait rétabli d’ici six mois, pour reprendre ses opérations. Plus qu’un simple déni, c’était là l’illustration de toute la confiance – fût-elle naïvement illusoire – qu’il mettait dans son confrère et dans l’opération qu’il allait pratiquer sur lui. Or, aurait-elle été un succès, elle ne pouvait pourtant que parvenir à ré-innerver un ou deux muscles, ce qui, en aucun cas, n’aurait été suffisant pour redonner à son bras et à sa main une motricité permettant la reprise de son métier de chirurgien.

Mais en quoi, dira-t-on alors, la confiance a-t-elle à voir avec la sacralité ? En ceci qu’elle crée une obligation du soignant vis-à-vis du soigné. Il ne s’agit pas de cette obligation que l’on rendrait équivalente avec les contraintes et leurs interdits, mais l’obligation inhérente à la liberté :

« Etre en obligation, se sentir obligé […], c’est être enraciné au plus intime de l’être, en l’intériorité spirituelle, dans une obligation de soi qui, défiant toute contrainte, bravant tout interdit, est précisément au cœur de la liberté, marque indélébile de l’être libre »208. Or toute faillite à cette obligation aura des conséquences nécessairement morales, car il s’agit bien d’une obligation morale. Alors qu’est-ce à dire ? Aucun réfrigérateur ne peut faire confiance à son réparateur ni aucun réparateur n’être obligé par une telle absurdité. Le frigoriste, certes, peut ressentir une certaine obligation quant à l’excellence de sa réparation. Nous dirons, s’il est consciencieux, qu’il agira avec conscience professionnelle. Mais ce qui est en jeu pour lui, c’est lui-même, lui face à sa conscience de frigoriste, et non pas le réfrigérateur dont, en réalité, il n’a cure. Que cet objet soit bien réparé ou non n’a de véritable importance que pour le réparateur, jamais pour l’objet lui-même. Il en va tout autrement pour notre chirurgien qui intervient, non sur un objet chirurgical, mais sur une personne humaine. Car la confiance que lui a accordée cette personne et qui, nous disons, va l’obliger, ne le concerne pas lui, véritablement en tant que chirurgien. Elle le concerne, bien sûr, mais d’abord et avant tout en tant que personne humaine à qui son malade, une autre personne humaine, a accordé une chose – la confiance – qui est à proprement sacrée, en ce sens qu’elle

208 Claude Bruaire, « L’être de l’esprit », in Encyclopédie Philosophique universelle, op. cit., p. 36.

dépasse absolument tout ce qui pourrait être décrit, écrit ou contracté sur un document.

Elle ne saurait être décrétée, elle n’est pas chose matérielle : elle est en dehors de tout cela, comme transcendante. Sentiment totalement étranger au frigoriste qui ne peut avoir, avec son réfrigérateur, qu’une relation de personne à chose. C’est bien dire que le chirurgien ressent, face à cette personne-malade, un interdit de faillite à son obligation morale. Pour le dire autrement : il a donc bien affaire au sacré.

D’ailleurs l’oubli de l’obligation morale que renvoie le malade au soignant en général, mais plus encore au chirurgien, en tant qu’il touche plus profondément à la chair, cet oubli peut être lourd de conséquences. Illustrons cela par un récit.

Il s’agissait d’une jeune fille, gravement accidentée de la route, dont la jambe présentait de telles lésions que l’éventualité d’une amputation fut un moment envisagée.

Le jeune chirurgien qui la prit en charge, porté sans doute par sa jeunesse et par son désir de toute-puissance, décida contre l’avis de son patron, de sauver le membre.

Louable projet, certes, mais qui masquait en réalité, l’oubli de la jeune fille elle-même en tant que personne, pour ne s’intéresser qu’à sa jambe traumatisée. Car celle-là accorda au jeune praticien toute sa confiance, d’autant plus qu’elle ne disposait d’aucune connaissance médicale et qu’elle ne pouvait accepter, si jeune, d’être amputée d’une jambe. Fort de ses compétences et de son désir, notre chirurgien, d’ailleurs, ne ménagea pas sa peine. Et en effet, au bout de quelques mois, après de nombreuses interventions et de longues hospitalisations, le membre sembla sauvé. La jeune blessée, nourrie et confortée par la confiance qu’elle avait donnée au chirurgien, lui demanda alors d’être le parrain de l’enfant qu’elle avait conçu. Une telle responsabilité, pour notre praticien, n’était pas anodine et il réalisa – mais, comme dans la fable « un peu tard » – que c’était là une profonde marque de confiance. Or, depuis le début, il n’avait de fait jamais pris en compte cette confiance, ni l’obligation qu’il eût dû en avoir, ne s’intéressant qu’à la stricte réparation d’une jambe. Il ne put donc accepter, et la jeune blessée, désemparée et perdue, réalisant que toute sa confiance n’avait pas été prise en compte, décida de quitter le service. Quelque temps plus tard, dans un autre établissement, elle dut être amputée. Rien ne permet bien sûr d’affirmer que sa jambe aurait pu être définitivement sauvée, mais on peut raisonnablement le supposer, lorsque l’on sait que de tels patients, pris en charge en « deuxième main » et dans un contexte lourd, d’infections, de ré-interventions, de difficultés chirurgicales, sont hélas assez

souvent traités de manière « radicale », pour résoudre facilement tous les problèmes qu’ils pourraient poser.

A travers ce récit – qui ne veut en rien être moralisateur – on devine la responsabilité morale qu’implique, pour le chirurgien, la confiance que lui donne son malade, mais surtout, les conséquences humaines que peut entrainer l’oubli de cette nécessaire dimension de confiance. Ici notre chirurgien s’est réduit à n’être – comme le frigoriste – que le réparateur d’un objet – la jambe – sans prendre en compte la dimension sacrée – transcendante – de sa malade qui, précisément, ne saurait être un objet. Si aucun réfrigérateur ne saurait faire confiance à aucun frigoriste, c’est que la confiance dépasse toute objectivation. Elle est transcendante et c’est bien pour cette raison qu’elle ne peut exister dans aucun texte réglementaire, purement normatif. La chirurgie, de plus, par son caractère transgressif et particulièrement agressif, nous le reverrons, donne à la confiance une importance sans doute bien plus grande que tout autre acte médical. Ce que souligne encore sa dimension très technique.

La responsabilité morale du chirurgien devant son patient est en effet d’autant plus grande que, si à l’instar de son collègue clinicien il est en asymétrie d’information par rapport à son opéré, qui est de ce fait en grande vulnérabilité, il dispose en outre du pouvoir d’ouvrir son corps, ce corps qui pour le patient est ce qui le fait être une personne. Or comment mieux prendre conscience de cette responsabilité que dans le regard de son opéré ? Levinas parle ici de « l’épiphanie du visage »209 comme d’une présence qui va bien au-delà de la simple perception. La phénoménologie bute ici sur l’être dont la pure connaissance objective est totalisation. Nous dirions que la prise en compte de l’autre, au-delà de sa pathologie et au-delà même du fait qu’il est « devant-être-opéré », ramène tout chirurgien un peu attentif à sa sacralité. Cet autre est plus qu’un corps organique, serait-il animé, il est une personne humaine donc sacrée qu’il

La responsabilité morale du chirurgien devant son patient est en effet d’autant plus grande que, si à l’instar de son collègue clinicien il est en asymétrie d’information par rapport à son opéré, qui est de ce fait en grande vulnérabilité, il dispose en outre du pouvoir d’ouvrir son corps, ce corps qui pour le patient est ce qui le fait être une personne. Or comment mieux prendre conscience de cette responsabilité que dans le regard de son opéré ? Levinas parle ici de « l’épiphanie du visage »209 comme d’une présence qui va bien au-delà de la simple perception. La phénoménologie bute ici sur l’être dont la pure connaissance objective est totalisation. Nous dirions que la prise en compte de l’autre, au-delà de sa pathologie et au-delà même du fait qu’il est « devant-être-opéré », ramène tout chirurgien un peu attentif à sa sacralité. Cet autre est plus qu’un corps organique, serait-il animé, il est une personne humaine donc sacrée qu’il

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