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Identification des substrats de la caspase-8 dans les HCT-116 CASP3/7 KO – TAILS

Figure 25 : Validation in cellulo du clivage de PFN2

Les CP et les cellules HCT-116 CASP3/7 KO ont été traitées avec différentes concentrations (A) de STS durant 24 h ou (B) de TRAIL durant 6 h afin d’induire l’apoptose. Pour chaque condition, la profiline-2 a été détectée par immunobuvardage avec la protéine HSP90 comme contrôle de chargement.

3.10 Identification des substrats de la caspase-8 dans les HCT-116 CASP3/7 KO –

Figure 26 : Schéma expérimental de l’approche TAILS

Des cellules HCT-116 CASP3/7 KO traitées ou non avec 100 ng/ml de TRAIL durant 3 h ont été récoltées et analysées. Se référer au texte pour l’explication plus détaillée. Les peptides jaunes sont ceux générés par l’activité des caspases. Figure réalisée avec BioRender.com.

Tableau 5 : Protéines identifiées avec l’approche TAILS qui possédaient un ratio LÉGER/MÉDIUM > 1,5

Essai #1 Essai #2

Nom de la protéine

Ratio LÉGER/

MÉDIUM normalisé

Fonction de

la protéine Nom de la protéine

Ratio LÉGER/

MÉDIUM normalisé

Fonction de la protéine

Alpha-1,3-mannosyl-glycoprotein 4-beta-N-acetylglucosaminyltrans

ferase (MGAT4A)

129,9 Transport du glucose

Ubiquitin-conjugating enzyme E2 variant 2

(UBE2V2) 478,6

Module la transcription

de certains gènes Tubulin beta-6 chain

(TUBB6) 117,2

Composante des microtubules

IQ domain-containing

protein C (IQCC) 155,7 -

Histone H2A type 1-J

(H2AC14) 52,9

Participe à la condensation de l’ADN en chromatine

Histone H2A.V 94,6

Remplace l’histone H2A

dans certains nucléosomes Interferon epsilon

(IFNE) 43,2 Lutte contre

les infections

Heterogeneous nuclear ribonucleoprotein A0

(HNRNPA0) 57,7 Lie l’ARNm N-glycosylase/DNA

lyase (OGG1) 26,3 Répare l’ADN Tubulin beta-6 chain

(TUBB6) 25,6

Composante des microtubules

Serine/threonine-protein phosphatase 6 regulatory subunit 1

(PPP6R1)

17,9 Sous-unité régulatrice de

PP6

60S ribosomal protein

L29 (RLP29) 23,8

Composante de la grande sous-unité du

ribosome Dystroglycan 1 (DAG1) 16 Composante

de la membrane

Gem-associated protein

7 (GEMIN7) 22,6 Épissage de l’ARNm Heterogeneous

nuclear ribonucleoprotein A0

(HNRNPA0)

15,4 Lie l’ARNm

Serine/threonine-protein phosphatase PP1-beta

catalytic subunit (PPP1CB)

14,7 Division cellulaire et métabolisme THO complex subunit

4 (ALYREF) 14,4 Exporte

l’ARNm du noyau

Heat shock protein HSP 90-beta (HSP90AB1)

9,9 Protéine chaperon Putative ubiquitin

carboxyl-terminal

hydrolase 41 (USP41) 14,2

Hydrolyse des liens peptidiques

Heat shock 70 kDa

protein 6 (HSPA6) 9,5 Protéine chaperon Forkhead box protein J3

(FOXJ3) 13,4 Régule les

fibres musculaires

Tubulin beta-6 chain

(TUBB6) 7,6 Composante

des microtubules Heat shock protein

HSP 90-beta

(HSP90AB1) 9,9 Protéine

chaperon

THUMP domain-containing protein 1

(THUMPD1) 6,4

Lie l’ARNt et aide à son acétylation

TGF 9 Routage

intracellulaire

T-complex protein 1 subunit epsilon

(CCT5) 5,5 Protéine

chaperon

Ras

GTPase-activating-like protein IQGAP1 6,2

Assemblage du cytosquelette

d’actine

Heterogeneous nuclear ribonucleoprotein A1

(HNRNPA1) 4,8

Transport l’ARN du noyau au cytoplasme PDZ domain-containing

protein 2 (PDZD2) 6,1 Adhésion

cellulaire Annexin A2 (ANXA2) 4,4 Liaison membranaire

KRBA1 6,1 Régulateur de

transcription Adenylate kinase 2

(AK2) 4,2 Métabolisme

de l’AMP

Zinc finger protein 175

(ZNF175) 5,1

Diminue l’expression des certains récepteurs chémokines

Heterogeneous nuclear ribonucleoproteins A2/B1 (HNRNPA2B1)

4,1 Aide au transport de

l’ARN Mitochondrial import

inner membrane translocase subunit Tim8 B (TIMM8B)

4,7

Transporte certaines protéines dans

la mitochondrie

Probable ATP-dependent RNA helicase DDX17

3,4

Déroule et modifie

l’ARN Adenylate kinase 2

(AK2) 4,1 Métabolisme

de l’AMP

Les informations sur la fonction des protéines proviennent d’UniProt (https://www.uniprot.org/). Les protéines en gras sont des substrats potentiels des caspases déjà répertoriés par Degrabase (Crawford et al., 2013).

Tableau 6 : Protéines identifiées avec l’approche TAILS qui possédaient un ratio LÉGER/MÉDIUM < 0,5

Essai #1 Essai #2

Nom de la protéine

Ratio LÉGER/

MÉDIUM normalisé

Fonction de la

protéine Nom de la protéine

Ratio LÉGER/

MÉDIUM normalisé

Fonction de la protéine

THO complex subunit

4 (ALYREF) 0,182 Exporte

l’ARNm nucléaire

NAD kinase 0,496 Métabolisme de l’ATP Sorbitol dehydrogenase 0,162 Métabolisme du

sorbitol

Ral GTPase-activating protein

subunit alpha-2 (RALGAPA2)

0,397

Sous-unité catalytique du

complexe RalGAP Heterogeneous

nuclear ribonucleoproteins A2/B1 (HNRNPA2B1)

0,035 Déroule et modifie l’ARN

Adenylate kinase 2

(AK2) 0,337 Métabolisme

de l’AMP Acyl-protein

thioesterase 2 (LYPLA2)

0,014 Hydrolyse les

acides gras Frizzled-8 (FZD8) 0,083 Récepteurs des protéines

Wnt Ras-related protein

Rab-40C 0,027 Sous-unité de l’ubiquitine

E3

Les informations sur la fonction des protéines proviennent d’UniProt (https://www.uniprot.org/). Les protéines en gras sont des substrats potentiels des caspases déjà répertoriés par Degrabase (Crawford et al., 2013).

La première analyse TAILS a identifié en preTAILS (analyse faite avant l’enrichissement négatif des peptides de clivages) 9746 peptides. Le TAILS a condensé ce nombre à 436 peptides, mais aucun de ceux-ci ne possédait un résidu aspartate en P1. Le Tableau 5 montre les peptides qui ont augmenté à la suite de l’induction de l’apoptose et le Tableau 6 montre les protéines qui ont diminué. Plusieurs de ces protéines sont identifiées dans la

base de données Degrabase (Crawford et al., 2013) comme des substrats potentiels des caspases. Par contre, aucun de ceux-ci n’est un substrat connu de la caspase-8. De ces peptides, 35 correspondaient à l’extrémité N-terminale usuelle d’une protéine. Comme ces résultats suggèrent qu’aucun peptide n’ait été généré par l’activité des caspases et que cela était surprenant, nous avons réanalysé ces mêmes échantillons une seconde fois, sans avoir plus de succès (Figure 27). Nous attendons présentement d’autres résultats de TAILS avec de nouveaux échantillons.

Figure 27 : Schéma à l’échelle des différentes classes de peptides détectés en spectrométrie de masse – TAILS

Les échantillons ont été analysés à deux reprises et ont permis d’obtenir en preTAILS 9746 et 9495 peptides, respectivement. De ces analyses, il y a eu 436 et 306 peptides d’identifiés à la suite de l’enrichissement TAILS, mais aucun de ceux-ci ne possédait un résidu aspartate en P1.

DISCUSSION

Bien qu’ils ne soient pas encore tous connus, les substrats des caspases dans des conditions d’apoptose normale ont été étudiés par plusieurs groupes avec une variété d’approches expérimentales. Cependant, il n’y a pas eu d’étude sur les substrats que les caspases, plus spécifiquement sur ceux de la caspase-8 (et caspase-10) initiatrice, ont dans un contexte de résistance à l’apoptose. Comme notre laboratoire l’a montré, la caspase-8 possède certains substrats, comme SNX1 et SNX2, qui, une fois clivés, pourraient avoir des effets tumorigènes et métastatiques (Duclos et al., 2017). Le manque de donnée ainsi que les effets potentiellement néfastes de la caspase-8 dans le cancer nous ont poussés à identifier ces substrats dans un contexte de résistance à l’apoptose. Si de nouveaux substrats étaient identifiés, nous voulions tester les effets que le clivage de ceux-ci pourrait avoir. Nous devions d’abord générer un modèle cellulaire présentant une résistance à l’apoptose, ce qui fut accompli via l’invalidation complète de l’expression des caspases exécutrices 3 et 7. La caractérisation de cette nouvelle lignée nous a permis de montrer que la caspase-8 était toujours activable et qu’en comparaison avec les CP, elle ne proliférait et ne migrait pas plus rapidement. Ensuite, deux approches protéomiques ont été testées pour identifier les substrats de la caspase-8. PFN-1 fut identifiée, mais sans pouvoir démontrer hors de tout doute qu’il s’agissait réellement d’un substrat. Bien que cette étude n’aille pas permis d’identifier de nouveaux substrats, elle a permis de bâtir un modèle intéressant pour étudier la résistance à l’apoptose.

4.1 Induction d’une résistance à l’apoptose

Les cellules HCT-116 sont des cellules de type II et ce qui implique une mobilisation préférentielle (exclusive) de la voie intrinsèque de l’apoptose (Özören et El-Deiry, 2002).

Les premières approches pour induire une résistance à l’apoptose qui furent tentées sans succès visaient cette voie, soit en diminuant l’expression de BAK et BAX ou en augmentant celles d’XIAP et de BCL-XL. Dans ces deux cas, l’absence de résistance est surprenante, car plusieurs études ont montré qu’une dérégulation de ces protéines dans les cellules de type II procurait une résistance importante à l’apoptose induite avec le

ligand TRAIL (Kandasamy et al., 2003 ; Maksimovic-Ivanic et al., 2012). De plus, plusieurs publications montrent que ces stratégies fonctionnent dans les cellules HCT-116 (Gillissen et al., 2013 ; LeBlanc et al., 2002 ; Ravi et Bedi, 2002). L’explication la plus plausible expliquant l’absence de résistance serait soit la diminution des protéines pro-apoptotiques ou soit l’augmentation des protéines anti-apoptotiques était insuffisante pour induire une résistance à l’apoptose. Dans les études citées, les protéines comme BAK et BAX sont complètement retirées des cellules, chose que nous n’avons pas obtenue, car nous utilisions des DsiRNA. Une autre étude montre qu’augmenter seulement XIAP ou BCL-XL ne procure pas une grande résistance à l’apoptose; il faut augmenter les deux protéines simultanément pour obtenir cette résistance (Sauerwald et al., 2006). Il se pourrait que le niveau obtenu de XIAP avec la transfection de plasmides n’ait pas été suffisant pour instaurer une résistance.

Nous avons aussi montré que l’absence seule de la caspase-7 n’était pas suffisante pour induire une résistance. Ce résultat n’est pas surprenant, car la caspase-3 est considérée comme la caspase exécutrice la plus cruciale au déroulement de l’apoptose (Walsh et al., 2008). De plus, il est connu que le retrait seul de la caspase-7 n’est pas suffisant pour stopper l’apoptose (Safari et Akbari, 2022). Nous avons par la suite montré qu’une diminution importante de la caspase-3 dans les cellules HCT-116 CASP7 KO n’était pas suffisante pour induire une résistance significative. Il se pourrait que ce phénomène soit dû au fait que lors du retrait de la caspase-7, l’activité enzymatique de la caspase-3 se voit augmentée (Safari et Akbari, 2022). Donc, même avec une expression réduite de la caspase-3, celles restantes pourraient être activées à un pourcentage plus élevé ou elle pourrait être plus facilement activable et pourrait compenser sa diminution. Comme ces deux protéases ont une certaine redondance, la caspase-3 serait en mesure de cliver aussi efficacement une grande majorité des substrats de la caspase-7.

C’est le retrait complet des caspases-3 et -7 qui nous ont permis d’obtenir une résistance à l’apoptose, comme le montrent les différents essais apoptotiques. Les pourcentages de cellules apoptotiques pour des conditions similaires dans les cellules HCT-116 sont semblables à ceux retrouvés dans la littérature (De Miguel et al., 2016 ; Lee et al., 2011).

Le marquage des noyaux nous a aussi permis de confirmer la résistance à l’apoptose. En effet, l’absence de fragmentation du noyau dans les cellules HCT-116 CASP3/7 KO est due à l’absence de la caspase-3 qui est responsable de l’activation de la caspase-6 (Wang et al., 2015). Cette dernière est majoritairement responsable des changements nucléaires durant l’apoptose comme la condensation et la fragmentation du noyau causés par le clivage de la nuclear mitotic apparatus protein (NuMa), des lamines et le récepteur de la lamine B1, LBR (Hirata et al., 1998 ; Orth et al., 1996).

4.2 Caractérisation des HCT-116 CASP3/7 KO

Certaines caspases, comme la caspase-8, sont connues pour avoir un rôle dans la prolifération, notamment des cellules T (Oberst et Green, 2011). Les caspases semblent aussi avoir la capacité d’induire la prolifération sous certaines conditions spécifiques. En effet, si les caspases exécutrices déclenchent, mais ne complètent pas le phénomène d’apoptose, elles peuvent promouvoir la prolifération des cellules saines avoisinantes en induisant la sécrétion des signaux mitogènes (Pérez-Garijo, 2018). Comme ces conditions n’étaient pas présentes où l’apoptose était partiellement déclenchée, cela pourrait expliquer pourquoi aucune différence dans la vitesse de prolifération n’a pu être observée.

Nous avons montré que le retrait des caspases 3 et 7 ne modifie pas la vitesse de prolifération des cellules. D’ailleurs, une étude a montré que la caspase-3 semblait avoir un effet négligeable sur la prolifération (Liu et al., 2015). Cela explique potentiellement pourquoi le retrait de la caspase-3 et 7 n’a pas impacté la vitesse de prolifération. Avec cette information, nous pourrions émettre l’hypothèse que la caspase-7 ne semble pas avoir de rôle important dans la prolifération. Le traitement au TRAIL des cellules HCT-116 CASP3/7 KO a causé un ralentissement important de la vitesse de prolifération des cellules. Bien que l’activation des caspases ait un rôle dans la prolifération, il est possible qu’à la concentration utilisée de TRAIL (10 ng/ml), les caspases initiatrices n’aient pas été fortement activées; la Figure 18 montre d’ailleurs qu’à cette concentration, l’activation de la caspase-8 est minime. De plus, comme le TRAIL est connu pour sa capacité à réduire la prolifération des cellules cancéreuses, ces résultats ne sont pas surprenants, mais suggèrent que le mécanisme est indépendant de l’exécution de

l’apoptose (Liu et al., 2021). D’ailleurs, dans cette étude, les auteurs montrent que cet effet est obtenu, car le TRAIL diminue l’expression des protéines Wnt qui sont impliquées dans la prolifération et la migration. Cependant, comme ici nous étions dans des cellules résistantes à l’apoptose, ce qui n’était pas le cas des études citées plus haut, nous voulions venir tester si dans ces conditions, les caspases initiatrices pouvaient promouvoir la prolifération.

Tout comme pour la prolifération, c’est encore la caspase-8 qui est la plus connue pour son rôle dans la migration cellulaire, plus spécifiquement celle des cellules tumorales (Graf et al., 2014). Dans les publications étudiant ce rôle, les auteurs analysaient l’effet produit par l’absence de la caspase-8 sur la migration, mais pas l’effet qu’a son activation sur ce phénomène. Dans les cellules HCT-116 CASP3/7 KO où nous avons activé les caspases initiatrices avec le TRAIL, aucune différence importante n’a été observée dans la vitesse de migration. Comme ces cellules ont été en contact pendant 48 h avec le TRAIL, il se peut que malgré leur résistance, ce ligand ait induit un début de nécroptose, ce qui ne favorise pas la migration. La nécroptose est normalement déclenchée lorsque l’activité de la caspase-8 est compromise (Linkermann et Green, 2014). Dans les essais de prolifération, les cellules ont été en contact avec le TRAIL durant 120 heures, soit 48 heures de plus que pour les essais de migration. Cela pourrait expliquer pourquoi le TRAIL a influencé négativement la prolifération, mais pas la migration. Pour ce qui est des cellules non traitées, les caspases exécutrices ne semblent pas avoir d’effet important sur la migration puisque leur retrait n’affectait pas la vitesse de migration cellulaire. Des études ont cependant montré que dans d’autres types de cancers (glioblastome et du poumon) la caspase-3 pouvait permettre aux cellules cancéreuses de migrer (Cheng et al., 2008 ; Gdynia et al., 2007). Il se peut que ces effets soient spécifiques à certains cancers et comme nous étudions un modèle cellulaire du cancer colorectal, il est possible que la caspase-3 n’ait pas ce rôle dans la migration cellulaire dans ce cancer.

Un autre facteur important qui serait intéressant de tester est le pouvoir métastatique et la capacité à former des colonies des cellules HCT-116 CASP3/7 KO. En effet, une étude a montré que le retrait complet de la caspase-3 des cellules HCT-116 diminuait grandement

le pouvoir métastatique de ces cellules chez des modèles animaux. De plus, dans un test de gélose molle permettant d’analyser la capacité à former des colonies sans être attachées à la matrice extracellulaire, les cellules HCT-116 CASP3 KO formaient cinq fois moins de colonies (Zhou et al., 2018). Il pourrait être intéressant de vérifier si ces effets sont seulement dus à la caspase-3 en reproduisant les essais avec les cellules HCT-116 CASP7 KO. Nous pourrions aussi répéter ces tests avec les cellules doubles KO traitées avec TRAIL pour voir si l’activation des caspases initiatrices permet à elle seule, la formation d’un plus grand nombre de colonies et peut-être compenser pour l’absence de la caspase-3. Si c’est le cas, cela viendrait supporter la notion que les caspases initiatrices dans un contexte de résistance à l’apoptose peuvent avoir des effets tumorigènes et métastatiques.

4.3 Identification des substrats de la caspase-8 par différentes approches de protéomiques

De multiples ressources existent déjà et listent les substrats des caspases et parfois même d’une caspase spécifique. Degrabase permet de savoir si une protéine est le substrat d’une caspase et identifie le site de clivage (Crawford et al., 2013). MEROPS donne une liste non exhaustive, mais relativement complète des substrats pour différentes protéases, dont ceux des caspases (Rawlings et al., 2018). Il n’existe cependant pas de liste citant les substrats de la caspase-8 dans des cellules résistantes à l’apoptose. Pour établir cette liste, nous nous sommes tournés vers la spectrométrie de masse qui est l’outil de prédilection afin de trouver les substrats d’une protéase de manière non biaisée.

Nous avons d’abord tenté l’approche SILAC. Comme le montre le Tableau 4, cette technique nous a permis d’identifier 11 peptides avec un aspartate en P1. Parmi ceux-ci, il y avait 4 sites de clivage typiques à ceux d’une caspase, dont deux appartenant à la profiline-1. Toujours au même tableau, il est possible de voir pour ces 11 peptides, le ratio

> 1, mais seulement 2 sont > 1.5. Normalement, les ratios en dessous de 1,3-2 ne sont que rarement considérés et seulement ceux supérieurs à cette valeur sont analysés plus en profondeur (Mann, 2006). Comme nous voulions des substrats des caspases, les peptides identifiés auraient préférentiellement dû avoir un ratio plus élevé afin de montrer qu’ils

découlaient bien de l’apoptose. Outre pour la protéine KMT2D, on ne peut pas dire que les sites que nous avons identifiés sont clivés de façon plus importante dans l’une des deux conditions. Une hypothèse possible pour ces ratios faibles est que comme seulement les caspases initiatrices sont activées dans les cellules HCT-116 CASP3/7 KO, leur activation seule ne produirait pas une quantité de peptides suffisante. En y ajoutant le bruit de fond présent en spectrométrie de masse et les peptides provenant de protéines abondantes, comme ceux de l’actine, il devient difficile de détecter des différences de ratios pour des peptides qui sont probablement très peu abondants.

L’un des sites de clivage de la profiline-1, LLQD81-G, avait déjà été identifié comme clivé par les caspases (Crawford et al., 2013). Cette protéine semble avoir un rôle protecteur dans le cancer, car sa perte est associée à une progression tumorale (Yao et al., 2013). Cette même étude a aussi démontré qu’une surexpression de cette protéine rendait les cellules cancéreuses plus sensibles à l’apoptose par la voie intrinsèque. La diminution de la profiline-1 est aussi connue pour favoriser la mobilité des cellules du cancer du sein alors que son augmentation avait les effets contraires (Bae et al., 2009 ; Zou et al., 2010).

Ces informations justifiaient amplement l’analyse du clivage de cette protéine malgré le ratio < 1,5.

Tel que mentionné précédemment, la profiline-2 n’a pas été identifiée dans l’expérience SILAC, mais possédait les mêmes sites de clivage que la profiline-1. Ces sites n’ont jamais été identifiés comme clivés par les caspases. La surexpression de cette protéine est associée à une plus grande migration et invasion des cellules du cancer colorectal (Kim et al., 2015). Son clivage dans les cellules HCT-116 semble moins probable, comme il aurait un effet délétère. Cependant, une autre étude indique un rôle opposé voulant que la présence de la profiline-2 diminuerait la migration des cellules du cancer colorectal (Zhang et al., 2018). Le rôle de ces protéines est donc incertain dans le cancer et pourrait dépendre du type de cancer. Comme il ne fut pas possible de démontrer que la profiline-2 était bel et bien un substrat des caspases, il ne nous est pas possible d’éclaircir son rôle dans cette pathologie. Les fragments clivés pour cette protéine et la profiline-1 seraient d’environ 7 kDa, les rendant difficiles à observer par immunobuvardage. Même si notre

technique d’immunobuvardage est adéquate afin de détecter des polypeptides avec une taille inférieure à 7 kDa, une publication a montré qu’avec une méthode similaire à la nôtre, 3 petites protéines sur 6 n’étaient pas détectées (Tomisawa et al., 2013). Il serait possible de tester certaines solutions que cette étude suggère telle que de faire des lavages moins longs ou faire un immunobuvardage avec détection sous vide qui ne nécessite pas d’étape avec agitation. Ces modifications ont permis aux auteurs de détecter des peptides de petite taille, qu’il était impossible de voir avec une méthode traditionnelle d’immunobuvardage. Une autre explication de l’absence de fragments clivés peut dépendre de la demi-vie de ceux-ci. Cependant, par l’utilisation d’un calculateur de temps de demi-vie (ProtParam), le fragment clivé de la profiline-1/2 devrait théoriquement être d’environ 24 h (Gasteiger et al., 2005).

L’une des limitations du SILAC est qu’il ne ‘simplifie’ pas l’échantillon, c’est-à-dire via une sélection positive ou négative des peptides d’intérêt. Or, lorsqu’un spectromètre de masse est utilisé, les peptides des protéines plus abondantes masquent ceux des protéines moins présentes. De plus, les peptides provenant de la protéolyse ne sont pas très nombreux, surtout parce que les caspases sont des protéases de signalisation et non de dégradation. Couplée à une faible abondance, la relative rareté du clivage par les caspases rend la détection de peptides de clivage difficile (Savickas et al., 2020). Afin de plus facilement identifier les peptides issus de la protéolyse, il est avantageux d’enrichir les peptides d’intérêt. C’est ce que permet la technique TAILS dans laquelle elle enrichit les résidus lysine et les amines libres présentes sur les extrémités N-terminales naturelles des protéines ainsi que ceux générés par des protéases. Comme l’apoptose a été induite, l’activité protéolytique majeure sera celle des caspases et permettra d’enrichir les peptides découlant de leur activité. La digestion à la trypsine permet de générer des amines libres qui seront retirées avec l’utilisation d’un polymère les liant. Donc, les peptides résultants seront majoritairement ceux des extrémités N-terminales naturelles des protéines et les peptides générés par la protéase d’intérêt (Rogers et Overall, 2013).

Nous avons donc procédé à une analyse TAILS, mais cette approche ne nous a pas permis d’identifier de substrats. D’abord, la liste de peptides suivant l’analyse TAILS ne

contenait aucun peptide issu du clivage suivant un résidu aspartate. Les Tableaux 5 et 6 ne semblent pas non plus montrer de patrons clairs dans les protéines qui ont augmenté ou diminué à la suite de l’induction de l’apoptose. Il semble donc qu’il y eut soit une erreur dans la technique du TAILS ou dans les échantillons. L’une des hypothèses est que puisque les cellules étaient résistantes à l’apoptose, le nombre de peptides générés par les caspases est très faible et que ceux-ci n’ont pas été détectés. Pour tester cette hypothèse, nous avons analysé des CP ainsi que les cellules HCT-116 CASP3/7 KO, dans lesquelles l’apoptose avait été induite. Les conditions utilisées ont été choisies parce que nous avions montré qu’elles induisaient un bon clivage de PARP-1 dans les CP et que l’activation de la caspase-8 y était observée dans les deux lignées cellulaires. Grâce aux cellules CP, nous devions assurément avoir un certain nombre de peptides issus d’un clivage à un résidu aspartate. Nous n’avons encore obtenu aucun peptide de la sorte, nous laissant croire que c’est plutôt la technique qui est défaillante. Les causes potentielles sont multiples, mais il est possible que le polymère utilisé pour retirer les peptides tryptiques soit en cause. Un autre indice montrant que cette technique n’a pas fonctionné adéquatement est le nombre anormalement bas de peptides obtenus en PreTAILS, c’est-à-dire, l’analyse en spectrométrie de masse tandem avant la sélection négative des peptides. Pour les deux essais, près de 10 000 peptides ont été obtenus, alors que ce nombre aurait dû être entre 15 000 et 20 000 (Anderson et al., 2020). D’autres essais sont présentement en cours afin de remédier aux problèmes actuels puisque cette technique semble présentement fonctionner avec d’autres types d’échantillons et de protéases dans des conditions très similaires aux nôtres.

Puisque l’approche TAILS ne nous a pas permis d’identifier de substrats, il serait pertinent de tenter d’autres techniques. Nous planifions utiliser le High-efficiency Undecanal-based N Termini EnRichment (HUNTER). Le principal avantage de cette technique est qu’elle nécessite très peu de matériel de départ afin d’identifier des peptides (Weng et al., 2019). Bien que dans notre cas la quantité de matériel ne soit pas un problème, une technique différente peut tout de même parfois permettre d’identifier de nouveaux substrats. De plus, lorsqu’un même échantillon est analysé avec l’approche TAILS ou HUNTER, seulement 25 % des peptides sont communs, montrant la possibilité

d’obtenir des peptides différents avec une technique différente (Weng et al., 2019). Une autre méthode qui pourrait nous permettre cette fois d’identifier des peptides montrant le clivage d’une caspase est l’immunoprécipitation avec des anticorps qui reconnaissent les peptides avec un acide aminé aspartate en C-terminal (Gitlin et al., 2020). Dans l’étude de Gitlin et al., cette technique a permis d’identifier un nouveau substrat pour la caspase-8, ce qui en fait une technique intéressante. Elle permet de lier les peptides provenant du clivage par les caspases et permet de ‘décomplexifier’ l’échantillon, augmentant les chances d’identifier les substrats clivés. Il serait aussi possible de faire des essais avec le c-TAILS qui permet d’enrichir les peptides C-terminaux aux sites de clivage (Solis et Overall, 2018). Très similaire au TAILS, le c-TAILS nous permettrait d’enrichir des peptides différents et nous donnerait une autre opportunité afin d’identification de nouveaux substrats des caspases.

L’échec apparent dans l’identification de nouveaux substrats pour la caspase-8 peut probablement s’expliquer en partie par plusieurs limitations de la spectrométrie de masse qui rendent cette tâche difficile. D’abord, le spectromètre de masse peut seulement détecter les peptides se trouvant entre 500 et 2000 Da (Fricker, 2015). Afin de réduire la taille des protéines en peptides avec une taille plus près de cet intervalle, les protéines sont digérées avec la trypsine qui clive suivant les résidus lysine et arginine (Keil, 1992).

Prenons l’exemple d’une petite protéine d’une taille de 16 000 Da et qui possède un site de clivage pour les caspases en son centre. Le clivage de celle-ci devrait former deux fragments d’environ 8000 Da, trop grand pour être détectés par le spectromètre de masse, d’où l’utilité de la trypsine. Dépendamment d’où se trouvent les sites de clivage de la trypsine, il se peut qu’aucun peptide de la bonne taille ne puisse être généré comprenant les acides aminés précédant le clivage par une caspase. Donc, même si une protéine est un substrat des caspases, il se peut qu’avec la trypsine, les fragments associés au clivage des caspases ne soient jamais observés. Afin de remédier à ce problème, il pourrait être avantageux d’utiliser une autre protéase que la trypsine. Il serait intéressant d’utiliser la chymotrypsine qui clive majoritairement suivant les résidus phénylalanine, tyrosine et tryptophane, mais clive aussi parfois suivant les résidus leucine et méthionine (Keil, 1992). Il a été montré que la chymotrypsine utilisée seule permettait d’obtenir un

échantillon de peptides identifiables différents de ceux générés par la trypsine. En combinaison avec la trypsine, il est donc possible d’obtenir un plus grand nombre de peptides (Dau et al., 2020). De plus, selon la Global Proteome Machine Database, des 2 milliards de peptides identifiés, plus de 96 % l’ont été avec la trypsine (Tsiatsiani et Heck, 2015). L’utilisation d’une autre enzyme pourrait augmenter les chances de trouver des peptides et des substrats inédits.

Bien que non n’ayons pas identifié de nouveaux substrats de la caspase-8, il est intéressant de se demander quel type de substrat nous aurions pu révéler. D’abord, comme nous l’avons montré à la Figure 18, la caspase-8 est toujours activable et devrait pouvoir cliver ses substrats. Puisque la caspase-8 active est présente à la membrane plasmique, nous aurions pu obtenir des peptides provenant de protéines qui ont des fonctions à cet endroit (Beaudouin et al., 2013). La présence de substrats à la membrane où se trouve la protéase est une manière très intéressante de limiter la signalisation protéolytique et n’affecter que certains processus. En effet, une étude de 2008 a montré que l’efficacité de la caspase-3 varie lorsqu’elle est attachée sur la surface interne de la membrane plasmique, suggérant que l’activité des caspases peut varier selon sa localisation, même au niveau du cytosol.

Ce phénomène est bien documenté chez des protéines agissant dans le trafic intracellulaire et la signalisation post-réceptoriel (Koenig et al., 2008). Cependant, même si nous cherchions à trouver de nouveaux substrats, il aurait été encourageant d’obtenir des substrats connus, comme BID, ou des substrats que nous avions précédemment identifiés, comme SNX1 et SNX2. Tel que mentionné, de nouveaux échantillons sont présentement en analyse et nous sommes confiant que nous arriverons à identifier quelques substrats d’intérêt.

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