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Identification du niveau de mentalisation en jeu chez l’enfant Voici une section qui vous guidera dans l’identification du niveau de mentalisation que

Exploration Situation problématique

C. Mode « comme-si »

7. Identification du niveau de mentalisation en jeu chez l’enfant Voici une section qui vous guidera dans l’identification du niveau de mentalisation que

le jeune présente de façon prédominante ou dans un contexte donné. Il est à savoir qu’un enfant peut certes agir ou effectuer un retour en arrière de façon préférentielle à un stade pré-mentalisant. Toutefois, sa capacité peut varier selon la situation ou le contexte, l’enfant pouvant, par exemple, mentaliser dans une situation, mais revenir à un mode pré-mentalisant à un autre moment.3

A. Mode téléologique

Raisons possibles d’un fonctionnement prédominant en ce mode

• Prédisposition quand l’enfant a vécu des traumas sévères (abus et négligence). Même s’il aurait l’habileté de le faire, l’enfant ne considère généralement pas les états mentaux car cette considération pourrait engendrer une grande détresse (le donneur

Grandes lignes

• Régulation axée sur le corps : agir, hétéro- et auto-agressivité, surexcitation. • Compréhension du monde axé sur l’observable et non sur les états mentaux. • Mode de « crise », de désorganisation.

Un enfant est dans un mode téléologique lorsque :

• Il croit qu’il est bon/gentil ou encore mauvais/méchant parce qu’il a posé un certain geste.

• Il a la certitude que vous ne l’aimerez plus parce qu’il a fait ceci ou cela. • Il veut que vous vous arrêtiez de parler lorsqu’il ne va pas bien !

• Il parle et se régule avec son corps (surexcitation, automutilation, agitation) et il croit que vous en faites autant.

• Il « agit » ses émotions.

• Il interprète son intention et votre intention à partir du comportement ou d’une compréhension mécanique (qui ne tient pas compte des états mentaux de l’autre). • Il se retire rapidement du monde mental et n’aime pas le considérer car cela lui cause

de la détresse.

• Il est incapable de considérer autre chose qu’une explication réelle, tangible et observable pour justifier un comportement.

• Il a de la difficulté ou est incapable de considérer ou identifier ses états mentaux et les vôtres.

• Il perçoit que seule une action ayant un impact physique et tangible est apte à affecter son monde mental ou le vôtre. Par exemple, il veut une preuve tangible d’affection ou agit pour attirer l’attention.

• Il n’est plus capable de faire des tâches qu’il réussit bien, habituellement (surtout les tâches demandant un effort cognitif).

Quelques exemples concrets :

• Pour montrer qu’il n’est pas content, Marco lance son cahier par terre.

• Quand les éducateurs parlent fort, même si c’est en racontant une histoire drôle, Magalie a peur.

• L’éducateur de Martin doit le contenir physiquement alors que ce dernier est en crise. Martin crie « Tu veux me faire mal ! ».

• L’éducatrice retire Mélia car elle a insulté Camille. Elle rétorque alors : « C’est ça, tu veux plus me voir hein ! ».

• Mikaël est fâché contre son éducateur, il met donc le chandail que ce dernier lui a acheté à la poubelle.

• L’éducateur est occupé à intervenir auprès de Gabrielle quand Fanny vient le voir pour lui demander quelque chose. L’éducateur lui signifie qu’il n’est pas disponible pour l’instant. Fanny pense alors que l’éducateur préfère Gabrielle.

Ce que cela peut faire vivre, en tant qu’intervenant : • Anxiété

• Détresse

• On se sent obligé d’agir, l’enfant met l’intervenant dans l’action. Visée de l’intervention

• Avant tout :

- Tolérer l’intensité des gestes posés et, une fois l’enfant en sécurité, prendre le temps d’y réfléchir sans se laisser happer par l’action.

- Ne pas le prendre personnel en se rappelant que c’est la perception (ou plutôt les distorsions) de l’enfant et non le reflet de la réalité.

• Si l’enfant est en crise :

- Sécuriser jusqu’au retour à un niveau d’activation tolérable pour l’enfant. - Ne pas recommencer à nommer les états mentaux en jeu avant qu’il ne soit

sécurisé.

• S’il fonctionne généralement ou dans certains contextes précis sous ce mode : - Amener l’enfant à considérer les états mentaux dans sa compréhension de lui-

même et d’autrui.

- Aider l’enfant à graduellement moins se référer à l’observable au profit de ce qui ne l’est pas (les états mentaux).

B. Mode d’équivalence psychique

Raisons possibles d’un fonctionnement prédominant en ce mode

Le donneur de soins a réussi partiellement ou en totalité à répondre de façon contingente à ce qu’exprime l’enfant, mais sans réussir à lui refléter des émotions marquées et contenir sa détresse. Le donneur de soin ne contribue donc pas à symboliser, à interpréter les états internes pour l’enfant. La distinction entre ce dernier et l’enfant disparaît donc. L’enfant peut aussi en comprendre que sa détresse génère de la détresse équivalente chez autrui et peine à départager le rôle de ses états internes et celui de l’environnement dans les états mentaux des autres. Les enfants victimes ou témoins d’abus peuvent aussi fonctionner sur ce mode, c’est d’ailleurs généralement sur ce mode qu’ils fonctionnent lorsqu’ils ne sont pas en crise.

Grandes lignes

• Régulation par le contrôle et la tentative de faire correspondre l’autre et l’environnement à son monde interne.

Un enfant est dans un mode d’équivalence psychique lorsque : • Il dit savoir exactement ce que vous pensez, parce qu’il pense pareil…

• Il dit savoir comment ça marche, même avant qu’on le lui montre.

• Il croit que ce qui l’habite peut être destructeur pour l’autre, qu’il a un grand pouvoir. • Il se sent très coupable quand il a pensé ou dit du mal de vous.

• Quand il ne se sent pas bon, il est certain que vous ne le trouvez pas bon.

• Il peine à « jouer avec les états mentaux » et faire semblant, car cela lui semble trop réel et authentique. Il est plutôt lui-même dans ces jeux et peut agir « pour vrai » (par exemple, se débattre et donner un coup lorsqu’on simule un combat)

• Il assume ce que vous pensez sans aller vérifier.

• Il peut être difficile à suivre car ce qui suscite ses réactions provient de l’intérieur et influence sa vision de vous et de l’environnement.

• Son monde interne est terrifiant (flashbacks)

• Ses cognitions et affects négatifs par rapport à vous sont trop réels et intenses. Quelques exemples concrets

• Zackary est fâché aujourd’hui car sa mère n’est pas venue à leur rencontre hebdomadaire. Quand un intervenant ou un autre jeune lui fait un commentaire, il est certain que ce dernier est fâché contre lui et se met sur la défensive.

• Benjamin a peur des monstres et est persuadé qu’il y en a un qui vit dans son garde- robe. Le monstre vit réellement dans son garde-robe pour lui, même si son éducatrice lui montre l’intérieur de celui-ci pour l’en dissuader rationnellement.

• Igor a un costume très réaliste de Batman pour l’Halloween, quand il se voit dans le miroir la première fois, il fige et reste muet.

• Alors qu’il joue au jeu de voleur et policier avec son éducateur, Philippe frappe réellement ce dernier pendant qu’il simule de l’arrêter.

• Emmanuelle a passé une soirée difficile où elle a reçu plusieurs interventions, quand son éducateur lui demande de ranger ses jouets de façon anodine, elle répond : « Tu trouves que je suis pourrie hein ? »

- Quand Marc-André demande ce qu’on mange pour souper, son éducatrice répond à la blague : « Juste des brocolis ce soir ! ». Il fait alors une grande colère, persuadé que son éducatrice le prend pour un « niaiseux ».

- Patricia aime beaucoup son éducatrice de suivi et est incapable de nommer qu’elle est fâchée contre elle lorsque c’est effectivement le cas, car elle a peur que celle-ci arrête d’être son éducatrice de suivi.

Ce que cela peut faire vivre, en tant qu’intervenant : • Confusion.

• On ne sait pas trop quoi dire.

• On se demande si on en a manqué un bout. • Suscite la colère et l’impuissance.

Visée de l’intervention • Avant tout :

situation et à ce qui appartient plutôt à l’enfant.

• Recréer la séparation entre la pensée et le monde extérieur : favoriser la mentalisation d’autrui et nuancer la mentalisation de soi (les distorsions).

C. Mode « comme-si »

Raisons possibles d’un fonctionnement prédominant en ce mode

• Le donneur de soins n’a pas bien réussi à s’accorder à ce qu’exprime l’enfant. Le donneur de soin lui a reflété des émotions marquées, mais qui ne correspondent pas à son vécu. Son monde interne ne correspond donc pas à la réalité externe ou à ce qu’il ressent, l’enfant ayant alors tendance à ne pas comprendre certains aspects de son expérience ou à développer « faux self ». Il peut aussi ne plus avoir confiance qu’on puisse comprendre ses états mentaux.

Grandes lignes

• Régulation et compréhension du monde détachée de la réalité.

Un enfant est dans un mode comme-si lorsque :

• Il a un discours rigide qui ne correspond pas au discours d’un enfant de son âge ou encore qui n’est pas en lien avec ce qui se passe.

• Il parle pour parler, avec un message vide.

• Il est peu en contact avec ses émotions, mais il pense beaucoup. • Il se justifie beaucoup.

• Il est peu dans l’agir.

• Il est « trop » dans un monde de fantaisie, surtout quand ça ne va pas bien (et surtout chez les enfants plus vieux).

• Il a l’air d’un mini-adulte ou d’un « schtroumpf à lunettes ».

• Il se préoccupe beaucoup de ce que les autres pensent et ressentent.

• Il peut parfois bien comprendre les états mentaux des autres, mais pas les siens. • Il a un faux self.

• Il se comprend difficilement, à une vision incohérente de son « self ». • Il a des sentiments de vide et de non-sens.

• Il dissocie parfois.

• Il attaque parfois son corps qui n’est pas lié à son esprit.

• Il a tendance à faire de l’évitement, de la rationalisation ou de l’intellectualisation. Quelques exemples concrets :

• Nicolas parle rarement de comment il se sent, malgré le fait que cela aille très difficilement dans sa famille dernièrement. Quand l’éducateur tente de l’aider à

semaine de sortie dans sa famille. Lorsque l’éducatrice effectue un retour sur la situation après un retrait, elle répond comme toujours qu’elle est stressée pour sa sortie et devrait plutôt parler à l’adulte. Par contre, les éducateurs sentent qu’ils n’ont pas d’emprise pour l’aider à ne plus agir de la sorte.

Ce que cela peut faire vivre, en tant qu’intervenant • Ennui.

• Impression d’enfant « autopilote », d’un disque qui joue et rejoue. • Difficile de moduler de façon appropriée l’affect.

• Sentiment d’avoir peu d’emprise. Visée de l’intervention

• Avant tout :

- Se questionner quand on ressent de l’ennui ou de la distance dans la relation. • Recréer le pont entre la pensée et la réalité : agir comme ancrage à la réalité en

reconnectant aux représentations primaires et aux autres personnes. D. Mentalisation

Raisons possibles d’un fonctionnement prédominant en ce mode

De façon générale, le donneur de soins a été suffisamment sensible aux besoins de l’enfant et a réussi à contenir sa détresse tout en répondant de façon contingente et accordée à ce qu’il exprimait. Il a donc su sécuriser l’enfant et l’aider à réguler ses émotions et son comportement.

Grandes lignes

Bonnes capacités d’autorégulation et d’insight. • Bonnes habiletés relationnelles.

Un enfant est dans un mode de mentalisation lorsque :

• Il considère ce que vous pensez ou ressentez et peut le comparer à ce qu’il pense ou ressent.

• Il va valider auprès des autres ses hypothèses quant à leurs états mentaux. • Il fait semblant, mais peut revenir dans la réalité au besoin.

• Il est en contact et exprime ses émotions ou demande de l’aide pour le faire. • Il est curieux.

• Il est débrouillard et imaginatif.

• Il comprend qu’il peut se tromper, parfois, lorsqu’il fait des hypothèses par rapport à ce que l’autre pense ou ressent (et accepte que cela arrive parfois chez les autres qui émettent des hypothèses à son sujet).

• Et bien d’autres.

Quelques exemples concrets :

• Johanna est très bonne lorsqu’elle doit faire semblant et mettre en scène des situations conflictuelles au sein d’une activité clinique. C’est aussi elle qui est la plus imaginative pour trouver des solutions aux conflits.

• Ivan montre à son éducateur un nouveau jeu vidéo qui l’enchante vraiment. Devant la réaction plutôt neutre de ce dernier, il rétorque : « Bien c’est sûr que moi j’aime plus ça que toi parce que je suis un enfant, mais est-ce que tu aurais aimé ça quand tu étais jeune ? ».

• Corinne vient demander conseil à son éducatrice de suivi : aujourd’hui à l’école, Karine avait l’air fâchée contre elle, mais elle ne sait pas trop pourquoi. Elle demande à son éducatrice si cela lui est déjà arrivé et se questionne sur ce qu’elle doit faire. Ce que cela peut faire vivre, en tant qu’intervenant :

• Joie et légèreté. • Satisfaction.

• Sentiment d’accomplissement et de fierté. • Relation enrichissante.

Visée de l’intervention

• Nourrir la mentalisation et son maintien dans d’autres contextes ou des circonstances plus difficiles ou stressantes.

Inspiré d’Allen, Fonagy, & Bateman (2008), de Bateman (2010), de Fonagy, Gergely, Jurist, & Target (2004), de

Gergely (2003), de Schmeets (2009)et de Verheugt-Pleiter, Zevalkink, & Schmeets (2008)

Comme mentionné précédemment, nous ne sommes pas toujours en train de mentaliser activement. Cela ne veut pas dire pour autant que nous avons des défauts de mentalisation. Par exemple, dans une situation où nous nous sentons bien et en sécurité, la nécessité de sonder ce qui nous habite ou habite l’autre est moindre…

8. Identification du niveau de mentalisation en jeu chez l’intervenant.