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Chapitre II : Stabilisation en température d’un réseau de Bragg standard : méthode dite de

A. Les réseaux chimiques

2. Hypothèses sur les origines du phénomène de régénération

inscrit dans une fibre germano-silicate, est chauffé à une température avoisinant les 1000 °C. Le réseau initiateur s’efface jusqu’à disparaitre. Un nouveau réseau, appelé réseau régénéré, se forme en conservant les caractéristiques du réseau initiateur jusqu’à une valeur optimale de sa réflectivité.

Le phénomène physique sous-jacent n’est pas encore entièrement élucidé, cependant différentes hypothèses ont été émises :

a) L’hypothèse des réactions chimiques localisées

La première hypothèse est celle d’un mécanisme de type physico-chimique, soutenue initialement par M. Fokine à propos des Chemical Composition Gratings [2]. N’excluant pas des mécanismes liés à un changement de structure de la silice, M. Fokine attribue néanmoins la cause prépondérante de la formation d’un CCG à la combinaison de la réaction et de la diffusion d’espèces chimiques (dans son cas avec un rôle particulier attribué au fluor) au sein du cœur de la fibre.

En effet, lors de l’inscription par laser UV des réseaux de Bragg dans des fibres préalablement chargées en hydrogène (H2), des groupes hydroxydes (OH) se forment dans le

cœur de la fibre de manière localisée et périodique sous l’effet des radiations UV, reproduisant ainsi le même motif que le réseau. Lors du traitement thermique du réseau initiateur, les groupes OH créés précédemment réagissent avec le fluor contenu dans le cœur, formant du fluorure d’hydrogène (HF) et de l’eau moléculaire (H2O). Ces espèces diffusent à

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leur tour dans le cœur de la fibre. Les groupes HF diffusent alors principalement des régions insolées par UV (à fort niveau d’indice de réfraction) vers des régions non insolées (à faible niveau d’indice de réfraction). L’indice de réfraction de la silice augmentant à mesure que la concentration en fluor diminue, il se produit des variations d’indice localisées sur le motif du réseau le long du cœur de la fibre. Nous sommes alors en présence d’une modulation d’indice ayant les mêmes caractéristiques que celle du réseau initiateur mais de nature différente et plus stable en température.

Figure 2 : Mesure de la distribution radiale de fluor pour (a) une fibre non traitée, (b) une fibre chauffée à 1000 °C pendant 10 minutes, (c) une fibre hydrogénée chauffée à 1000 °C

pendant 1 seconde suivant la méthode de photosensibilisation par saturation d’ions hydroxyles et (d) une fibre chauffée à 1000 °C pendant 10 min, d’après [1].

b) L’hypothèse des changements de structure localisés En 2008, J. Canning et son équipe propose une nouvelle hypothèse. S’appuyant sur des publications précédentes, montrant qu’il était possible d’obtenir des CCG sans fluor mais dans des fibres dopées erbium [3] puis dans des fibres germano-silicate, simplement chargées

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en hydrogène [4], il suggère que le second réseau, issu du réseau initiateur, provient de changements de phase de la silice localisés au niveau du motif du réseau initiateur.

Pour argumenter sa théorie J. Canning se base sur deux expériences :

Lors de la première expérience [5], des réseaux sont régénérés sous contrainte. Les réseaux sont inscrits dans deux types de fibres germano-silicates : des fibres chargées en H2 et des

fibres non chargées en H2. Une tension est alors appliquée à la fibre durant le processus de

régénération. Seuls les réseaux inscrits sur les fibres chargées en H2 régénèrent. De plus, il

observe un décalage entre la longueur d’onde de Bragg du réseau initiateur et celle du réseau régénéré. La diffusion seule des espèces chimiques ne semble pas expliquer ce décalage en longueur d’onde de la raie de Bragg. D’autres mécanismes seraient en jeu, tels que des changements de phase induits par la température et des différentiels de contraintes localisés au niveau de l’interface cœur-gaine de la fibre.

Dans la deuxième expérience, les fibres dans lesquelles sont inscrits les réseaux ne sont plus chargées en hydrogène mais chargées en hélium [6, 7]. L’expérience montre que le rôle de l’H2 n’est pas prépondérant mais qu’il peut être substitué par un gaz inerte. Ce ne serait donc

pas la réactivité de l’hydrogène qui serait en cause mais la pression du gaz au sein de la silice et son effet sur la relaxation des contraintes à l’interface cœur-gaine.

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Figure 3 : Régénération de fibre chargée, avant ou après inscription, en hydrogène ou en hélium, la réflectivité des réseaux est représentée par des points, la température par des

lignes, d’après [8].

De ces deux expériences, J. Canning déduit d’une part que le rôle de l’hydrogène au sein de la fibre n’est pas prépondérant, et d’autre part, que la nature du phénomène physique de régénération n’est pas de nature chimique, mais est due à des changements au niveau de la structure de la silice. Il est en effet possible, à hautes températures, et sous de très fortes pressions, que la silice passe d’une phase vitreuse amorphe à une phase cristalline. Lors de l’augmentation de la température durant le procédé de régénération, la différence entre les coefficients d’expansion du cœur et de la gaine de la fibre peut induire, à l’interface cœur- gaine, des pressions allant de 100 MPa (pour les parties non insolées de la fibre) à plus de 250 MPa [9] (pour les parties insolées).

Il en conclut que la régénération pourrait être due à un phénomène de cristallisation de la silice aux interfaces cœur-gaine irradiées par UV lors de l’inscription du réseau initiateur. Les conditions de pression et de température pourraient suggérer la formation d’une structure cristalline polymorphe de la silice telle que la cristobalite, pouvant cristalliser et persister dans un état métastable sous 1470 °C [10, 11]. La limite de tenue en températures des réseaux régénérés serait donc similaire aux réseaux de types II, c’est-à-dire à la température de transition vitreuse de la silice.

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3. Etat de l’art de la régénération