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Chapitre II : Stabilisation en température d’un réseau de Bragg standard : méthode dite de

A. Etalonnage d’un réseau régénéré aux basses températures

1. Contexte

Contrairement aux environnements soumis à des hautes températures, dans les milieux cryogéniques, les mesures à l’aide de capteurs à fibres optiques à réseaux de Bragg ne sont pas limitées par l’effacement du motif photo-inscrit dans le cœur de la fibre. La limitation provient des coefficients thermo-optiques et de la dilatation de la silice qui diminuent drastiquement aux basses températures jusqu’à devenir quasi nuls autour de quelques degrés Kelvin. La sensibilité en température des réseaux de Bragg diminue en conséquence. A partir d’une certaine limite, la résolution des systèmes de mesure spectraux ne permet plus de

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fournir une information valable et la mesure de température devient impossible de manière directe.

Ne pouvant pas suffisamment influer sur la résolution des systèmes de mesure pour pallier à la baisse de sensibilité thermique des réseaux de Bragg en température cryogénique, il faut trouver des méthodes permettant d’augmenter leur sensibilité. Il est ainsi possible d’amplifier la sensibilité des réseaux par un conditionnement avec des matériaux ayant d’une part un module de Young suffisant pour entrainer une fibre optique par déformation ; et d’autre part des coefficients de dilatation thermique à basses températures suffisamment importants pour être mesurés par un réseau. Un réseau conditionné avec un tel matériau peut mesurer la déformation thermique et par conséquent la température.

La structure des réseaux régénérés étant légèrement différente des réseaux inscrits, il est nécessaire de les étalonner dans le domaine cryogénique pour caractériser leur comportement et les comparer aux réseaux de Bragg standard.

2. Dispositif

Pour étalonner les capteurs fibres optiques à réseaux de Bragg aux basses températures, une canne cryogénique en fibre de verre a été réalisée. Elle permet de limiter la conduction thermique autour de la zone amenée à contenir les fibres optiques à réseaux de Bragg à étalonner. La canne est plongée dans une cuve d’hélium liquide présentant un gradient de température allant de 277 K à 4 K, entre la surface et le fond du cryostat. Les capteurs ont été insérés et collés dans une petite cellule de cuivre afin d’augmenter l’inertie thermique et de rendre les mesures moins sensibles aux perturbations lors de l’insertion en hélium liquide. Deux diodes CERNOX ont été installées aux extrémités de la cellule afin d’en mesurer la température et de vérifier son homogénéité. La tension aux bornes des diodes CERNOX a été acquise par un module d’acquisition Lake Shore®, et ce en continu tout au long de l’expérience avec une résolution de 0,1 K. Un réseau préalablement régénéré et conditionné dans un capillaire métallique, de 0,4 mm de diamètre intérieur et de 1 mm de diamètre extérieur, scellé en son extrémité, a été placé dans la canne. En utilisant le gradient naturel de température au sein de la bombonne d’hélium, et en tenant compte de l’inertie thermique de la cellule en cuivre, plusieurs dizaines de paliers (de 15 à 20 minutes chacun) ont été effectués dans la gamme de température [4 K ; 277 K].

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La canne cryogénique a été réalisée par l’équipe du CNRS de l’Institut des NanoSciences de Paris (INSP) de Jussieu, et les expériences ont été menées dans leurs locaux.

Disposition des RdB Canne cryogénique Dispositif d’étalonnage

Figure 13 : Schémas de la canne cryogénique et du dispositif d’étalonnage -réalisés par Mathieu Bernard, (CNRS-INSP-Jussieu)-

3. Résultats et discussions

Nous avons étalonné un réseau régénéré sur la gamme [4 K ; 270K] durant l’étape de descente en température. Cependant, à la suite d’une casse du réseau lors de l’étape de remontée en température, il ne nous a pas été possible d’effectuer des mesures complémentaires. Néanmoins, nous avons réalisé des mesures comparatives au cours de cette expérience avec d’autres réseaux de Bragg classiques, inscrits dans différentes fibres, amplifiés ou non par différents matériaux.

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Figure 14 : Suivi de la longueur d’onde de Bragg (en bleu) d’un réseau de Bragg immergé dans une bombonne d’hélium liquide. En vert la régression polynomiale d’ordre 5 donnant la

loi d’étalonnage du réseau de Bragg. En rouge la sensibilité du réseau de Bragg.

Un premier dépouillement des données de mesures acquises pour le réseau de Bragg régénéré a mis en évidence une réponse inattendue du réseau, avec à la fois une sensibilité thermique bien supérieure à celle de réseaux de Bragg classiques non conditionnés et similaire à certains réseaux de Bragg amplifiés. A titre de comparaison, à 77 K (température de l’azote liquide), la sensibilité du réseau régénéré est de 8,7 pm/°C, tandis qu’un réseau de Bragg non régénéré présente une sensibilité de 1,6 pm/°C, et qu’un réseau de Bragg amplifié par un boîtier en zinc a une sensibilité de 15,4 pm/°C.

En outre, on observe une évolution non monotone de la sensibilité thermique avec la température, ce qui est surprenant. De plus, une mesure comparative a été menée au laboratoire sur le décalage spectral d’un réseau de Bragg régénéré similaire, entre la température ambiante et un bain dans l’azote liquide (entre 300 K et 77 K). La valeur du décalage spectral de la longueur d’onde de Bragg est de Δ𝜆𝐵≈ 1,22 𝑛𝑚, ce qui est équivalent au décalage spectral d’un réseau de Bragg non régénéré sur la même plage de température. Ce résultat contredit donc ceux obtenus dans le cas de l’étalonnage en hélium liquide pour lequel le décalage spectral sur la gamme 77 K – 300 K est plutôt Δ𝜆𝐵 ≈ 2,72 𝑛𝑚.

Pour expliquer le résultat expérimental observé lors de l’étalonnage en hélium liquide, nous supposons que le gradient de température le long de la canne a créé, au sein du capillaire

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métallique conditionnant le réseau régénéré, une dépression aspirant l’air ambiant qui aurait, en se refroidissant, donné naissance à une couche de glace ancrant la fibre à la surface métallique intérieure du capillaire. Le réseau ainsi emprisonné aurait alors été entrainé par la dilatation thermique du capillaire lui-même, ce qui peut expliquer l’allure de sa courbe de sensibilité. Une étude comparative avec des réseaux régénérés et non régénérés, conditionnés et non conditionnés devra être menée à l’issue de cette thèse.

Malgré ce résultat ambigu, il est anticipé de penser que le comportement des réseaux régénérés en environnement cryogénique est analogue à celui d’un réseau standard. Toutefois, les réseaux régénérés peuvent présenter bel et bien un intérêt pour la mesure de température dans le domaine cryogénique. Ainsi, si effectivement les réseaux régénérés ne présentent pas de sensibilité supérieure aux réseaux classiques, ils gardent un avantage sur le potentiel d’amplification par conditionnement. Contrairement aux réseaux classiques. Il est tout à fait possible d’utiliser des procédés de dépôt de matériaux à hautes températures sur fibre sans dégrader les propriétés du réseau régénéré du fait de sa grande stabilité en hautes températures (voir section IV.A). En utilisant des matériaux choisis à bon escient, on pourrait alors amplifier la sensibilité des réseaux de Bragg tout en contrôlant l’épaisseur du dépôt et optimiser la force de traction du dépôt sur la fibre et le temps de réponse du capteur. L’intérêt de la tenue en hautes températures n’interviendrait donc pas lors de la mesure, mais lors du conditionnement du réseau, en autorisant la mise en œuvre de procédés inenvisageables avec des réseaux conventionnels.