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11 Etat de la question – Généralités

11.1 Hypothèses physiopathologiques

La cause exacte de la SLA reste inconnue. Dans 90%, la SLA est dite « sporadique » et dans 10% la SLA est « familiale », elle est alors caractérisée par une transmission le plus souvent autosomique dominante. Plusieurs gènes responsables de la SLA (dans les SLA familiales) ou associés à la SLA (dans les SLA sporadiques) ont été décrits (Van Damme and Robberecht 2009). Les mutations SOD1 (mutations du gène codant pour la SuperOxyde Dysmutase 1 situées sur le chromosome 21) sont les causes les plus fréquentes des cas familiaux (20%), les mutations de TARDBP (5%), FUS (5%), ANG (<1%) soit moins fréquentes (Kiernan et al. 2011).

Les hypothèses physiopathologiques de la SLA reposent en grande partie sur des travaux fondés sur des modèles animaux de souris mutées SOD1. Il est probable que plusieurs mécanismes agissent conjointement ou successivement. Les principales hypothèses physiopathologiques sont les suivantes :

Le stress oxydatif

La SOD1 est une métallo-enzyme qui catalyse la conversion de radicaux superoxydes toxiques en oxygène et péroxyde d’hydrogène. Les mutations SOD1 seraient responsables de la maladie par un gain de fonction toxique de l’enzyme induisant un stress oxydatif. Des études réalisées dans le modèle murin SOD1 et qui avaient pour cible la cascade oxydative médiée par SOD1 ont identifié une réduction de la production de radicaux libres et un allongement de la durée de survie des animaux (Harraz et al. 2008). Les cellules microgliales seraient particulièrement impliquées dans la production de radicaux libres (Boillee and Cleveland 2008).

L’activation microgliale

Une caractéristique commune de la SLA avec les autres maladies neurodégénératives est la survenue d’une neuroinflammation médiée par les cellules gliales activées (microgliales, astrocytes) et les cellules T. L’hypothèse de la contribution de ces cellules à la dégénérescence des neurones moteurs a suscité la mise en place d’essais cliniques médicamenteux ciblant les processus neuro-inflammatoires chez les patients atteints de

SLA (minocycline, celecoxib, Vitamine E, coenzyme Q10, ONO-2506, acétate de de glatiramère). A ce jour aucune étude n’a prouvé l’intérêt d’une molécule ciblant cette voie (Philips and Robberecht 2011).

L’excito-toxicité

L’excito-toxicité est le processus par lequel les acides aminés neuromodulateurs comme le glutamate deviennent toxiques lorsqu’ils sont présents à des quantités supra-physiologiques. D’autres excito-toxines potentielles sont l’AMPA et le kainate. Les processus excito-toxiques entraîneraient la mort neuronale du fait d’un afflux excessif de calcium dans le neurone moteur au travers de la membrane cellulaire, lequel stimulerait une cascade de mécanismes intraneuronaux incluant des radicaux libres (Mitchell and Borasio 2007). L’hypothèse excito-toxique a conduit à l’identification du Riluzole, un inhibiteur de la libération du glutamate qui est à ce jour le seul médicament qui modifie l’évolution de la maladie en prolongeant de 3 mois en moyenne la survie des patients (Miller et al. 2007).

L’hypothèse de l’implication de L-BMAA (L-β-Methylaminoalanine) dans la survenue, sur l’Ile de Guam, du complexe « SLA-Parkinsonisme-Démence », rejoint cette hypothèse excito-toxique. L-BMAA produite par des cyanobactéries est, en effet, un agoniste glutamatergique (Spencer et al. 1986; Cox et al. 2005). Dans cette hypothèse, l’agent responsable de l’excito-toxicité serait donc une toxine exogène.

Les anomalies mitochondriales et métaboliques

Les anomalies mitochondriales neuronales

Chez les souris mutées SOD1, les anomalies mitochondriales apparaissent avant la dégénérescence neuronale et les symptômes de la maladie, suggérant qu’elles sont activement impliquées dans la pathogénie (Kawamata and Manfredi 2010). Les anomalies ont été décrites en détail chez la souris mutée SOD1 (Doi et al. 2008) et ont également été observées dans les tissus de patients atteints de SLA sporadique (Sasaki et al. 2007). Dans le modèle animal, lors du début de la maladie, la chaîne respiratoire mitochondriale et la production d’ATP est défectueuse dans le cerveau et la moelle épinière (Jung et al. 2002; Mattiazzi et al. 2002; Kirkinezos et al. 2005). Ces anomalies pourraient jouer un rôle dans les processus de perte neuronale. Toutefois, l’atteinte de la chaîne respiratoire a également été identifiée dans le tissu musculaire de patients atteints de SLA

Les anomalies du métabolisme musculaire

Le concept de SLA, maladie multisystémique émerge progressivement (Dupuis et al. 2011). S’il est établi que l’expression clinique de la pathologie est liée à une dégénérescence des motoneurones, il est également clair que le métabolisme énergétique global des patients est altéré.

Les patients présentent en effet fréquemment un hypermétabolisme de repos (Desport et al. 2001) et une perte de poids (Desport et al. 1999). Des constatations similaires ont été faites chez la souris SOD1 dont le métabolisme est plus élevé tandis que le poids et la masse grasse sont plus bas que chez les souris témoins (Dupuis et al. 2004). Ces signes sont par ailleurs présents avant le début de l’expression clinique de la maladie. Dans le modèle animal, une correction du déficit énergétique par une alimentation enrichie en graisse retarde le début de la maladie, prolonge la survie, réduit la dénervation musculaire et améliore la survie des neurones moteurs (Dupuis et al. 2004; Mattson et al. 2007). A contrario, une restriction calorique accélère la progression de la maladie et la survenue du décès (Hamadeh and Tarnopolsky 2006; Patel et al. 2010). Des études réalisées chez des patients atteints de SLA ont rapporté la présence de déficit mitochondrial dans les tissus musculaires et une progression de celui-ci avec l’évolution de la maladie (Wiedemann et al. 1998; Crugnola et al. 2010). La réduction de l’efficience du métabolisme énergétique musculaire et le déficit énergétique global pourraient jouer un rôle dans la dégénérescence des motoneurones.

Les anomalies du cytosquelette

Les inclusions intracellulaires de neurofilaments mises en évidence dans des motoneurones pathologiques pourraient être impliquées dans la pathogénie de la SLA. Ces anomalies seraient responsables de perturbations du transport axonal induisant la dégénerescence neuronale (Cleveland and Rothstein 2001).

11.2 Facteurs de risque

Il n’existe aucune association entre un facteur de risque exogène et la survenue de SLA sporadique qui ait pu être démontrée de manière reproductible (Gil et al. 2007a), à l’exception notable du tabagisme qui favoriserait la survenue de la maladie (Armon 2009). Toutefois, ce dernier facteur de risque qui semblait établi fait encore débat en raison de nouvelles données publiées (Alonso et al. 2010a; Alonso et al. 2010b).

Les discordances des résultats peuvent être liées à la nature des facteurs de risque investigués, aux échantillons de patients étudiés et aux biais méthodologiques des études.

Les études analytiques sont représentées majoritairement par les études cas-témoins en raison de la faible incidence de la maladie, elles confèrent donc aux résultats un niveau de preuve scientifique modeste (niveau III). Il n’est sans doute pas étonnant que le tabagisme, seul facteur globalement reconnu, soit le seul qui ait pu être étudié au travers d’études de cohortes (Gallo et al. 2009; Wang et al. 2011).

L’hypothèse d’une longue période de latence entre l’exposition et la survenue de la SLA concoure également à ce choix méthodologique tourné vers les études cas-témoins. Cela rend l’évaluation rétrospective des expositions complexe alors que la nature même des facteurs potentiellement impliqués est parfois floue. D’autres limites peuvent être liées aux biais de sélection entachant la constitution des échantillons d’études et au manque de puissance en raison d’échantillons limités.

Nous présentons, dans la table 1, les principaux facteurs exogènes de risque envisagés en distinguant les facteurs exogènes uniques et les modes de vie (Armon 2003; Beghi et al. 2006; Gil et al. 2007a; Sutedja et al. 2008; Sutedja et al. 2009).

Table 1. Hypothèses : facteurs de risque exogènes de Sclérose Latérale Amyotrophique

Facteurs exogènes uniques

Exposition aux métaux lourds Plomb Mercure Cuivre Sélénium Aluminium Cadmium

Exposition aux pesticides/herbicides Exposition aux solvants

Facteurs traumatiques Electrocution Mode de vie Travail agricole Activité physique Football professionnel Activités militaires Consommation de tabac Consommation d'alcool Habitudes alimentaires Régime pauvre en fibres

Régime pauvre en acides gras polyinsaturés Prise de glutamate

Régime pauvre en Vitamine E Régime pauvre en Vitamine C

Adapté de : Gil J, Funalot B, Torny F, Lacoste M, Couratier P. [Exogenous risk factors in sporadic ALS: a review of the literature]. Rev Neurol (Paris). 2007 Nov;163(11):1021-30.