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Hypothèses expliquant la dédifférenciation

2. Dédifférenciation de l’adipocyte mature

2.3 Hypothèses expliquant la dédifférenciation

À ce jour, nous en savons peu sur les mécanismes à l’origine du phénomène de dédifférenciation. Cela est dû, en partie, au nombre insuffisant d’études réalisées in vivo. Nous ne pouvons affirmer avec certitude que la dédifférenciation se produise in vivo et nous ne savons pas si elle survient dans des conditions physiologiques normales ou si elle est plutôt reliée à certains phénomènes pathologiques. Par ailleurs, il est probable que les mécanismes à l’origine de la dédifférenciation soient différents en fonction des types cellulaires.

Plusieurs hypothèses ont été mises de l’avant pour expliquer la dédifférenciation et celles-ci ne concernent pas seulement le tissu adipeux. L’une d’elles suggère que le stress, que ce soit un stress physique, chimique ou métabolique, puisse être un facteur déclencheur de la dédifférenciation. La dédifférenciation permettrait aux cellules de se protéger et de minimiser les dommages pouvant survenir. Cette hypothèse a été émise par certains auteurs pour expliquer la dédifférenciation des cellules de Schwann dans un contexte de lésion nerveuse (210, 211). Le groupe de Gao a créé un modèle permettant d’examiner les effets d’un stress physique (dans ce cas-ci une augmentation de la pression) sur les cellules adipeuses en insérant un module d’extension dans la région adipeuse inguinale dans un modèle murin. Des injections d’eau étaient utilisées pour augmenter la taille du module. En réponse à cela, une diminution importante du nombre d’adipocytes, ainsi qu’une augmentation du nombre de cellules interstitielles et de dépôts de fibrose ont été observées. Le nombre d’adipocytes multiloculaires était également augmenté au cours du processus et l’expression de PPARγ, de C/EBPα et de l’ADIPOQ était régulée à la baisse (212). Ces résultats corroborent l’idée selon laquelle un stress physique externe pourrait favoriser la dédifférenciation. Dans un tout autre contexte, il a été proposé que le stress métabolique induit par une abondance chronique de nutriments puisse favoriser le renversement du phénotype mature des cellules pancréatiques en présence d’un diabète de type 2. En restant dans un état non-différencié, les cellules seraient temporairement protégées contre les insultes métaboliques comme l’hyperglycémie (213). D’autre part, une étude in vitro a démontré que l’induction d’un stress au niveau du réticulum endoplasmique pouvait entraîner la dédifférenciation des cellules thyroïdiennes (214). Un autre exemple est celui de la dédifférenciation des cellules gliales de la rétine en réponse à un stress oxydatif (215). Il est probable que les mécanismes menant à la dédifférenciation soient différents in

vitro et in vivo. Weinberg et al. ont émis l’hypothèse qu’in vitro, la dédifférenciation des cellules β

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ensemencés en culture, les îlots pancréatiques perdent leur conformation tridimensionnelle. Le détachement des cellules β de leur environnement cellulaire et la perte de contact avec les cellules de la MEC environnante pourraient déclencher ou aggraver le processus en induisant un stress physique (216). Cette théorie pourrait être applicable au tissu adipeux, puisque celui-ci doit être digéré à la collagénase pour que les adipocytes matures soient isolés. Dans notre laboratoire, nous avons suggéré que la dédifférenciation des adipocytes puisse être impliquée dans le remodelage du tissu adipeux. Ce mécanisme adaptatif pourrait permettre de moduler la capacité de stockage des lipides du tissu en modifiant le nombre de cellules disponibles. Cela pourrait expliquer, en partie, pourquoi les gènes de la MEC sont modulés dans un contexte de prise ou de perte de poids (123). Le vieillissement, de même que les grossesses multiples ont également été suggérés comme des facteurs de stress pouvant induire la dédifférenciation (79, 217). Certaines études ont également mis de l’avant l’hypothèse selon laquelle l’hypoxie contribuerait à induire ou à aggraver la dédifférenciation. Ces études ont toutefois été effectuées dans des chondrocytes et des cellules musculaires lisses (218, 219). Néanmoins, cette hypothèse pourrait également être applicable aux adipocytes, car ceux-ci sont susceptibles au manque d’oxygène (220). Le type de stress, ainsi que l’intensité pourraient donc influencer le devenir des cellules. Par ailleurs, il a été proposé que l’activation de certains sentiers métaboliques pro-oncogènes puisse inciter la dédifférenciation. Cela expliquerait en partie le phénomène de dédifférenciation observé dans certains cas d’ostéosarcomes et de chondrosarcomes (221, 222). In vitro, la densité cellulaire pourrait influencer indirectement la dédifférenciation, car celle-ci module le processus de lipolyse (223, 224). L’adhésion des adipocytes à la surface de plastique du flacon pourrait également influencer leur comportement et induire la dédifférenciation. Cela n’a toutefois pas été clairement démontré. La présence d’un milieu de culture riche en sérum (généralement entre 10% et 20% de sérum) pourrait également favoriser la dédifférenciation et la prolifération des adipocytes. Le sérum contient une multitude de facteurs de croissance (par exemple le TGF-β) qui pourraient jouer un rôle dans ce processus (225, 226). Une étude effectuée récemment par le groupe d’Efrat supporte l’hypothèse selon laquelle le TGF-β joue un rôle dans la dédifférenciation des cellules β du pancréas. Lorsqu’elles sont cultivées

in vitro, les cellules β se dédifférencient (227). Hors, en bloquant le sentier métabolique du TGF-β à

l’aide d’un short hairpin ARN (shRNA) dirigé contre le TβRI, les auteurs ont pu bloquer la dédifférenciation des cellules β (228). Le groupe de Melton a obtenu des résultats concordants en utilisant un inhibiteur du TβRI (229). Ces observations suggèrent que certains facteurs de croissance puissent jouer un rôle dans le processus de dédifférenciation.

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Récemment, une nouvelle hypothèse selon laquelle le microenvironnement des cellules pourrait influencer leur comportement et possiblement induire la dédifférenciation a été mise de l’avant par certains groupes de recherche. Le groupe de Zamboni a observé une diminution de l’expression des gènes associés à l’adipocyte mature et une augmentation de l’expression de certains transcrits associés aux fibroblastes lorsque des cellules 3T3-L1 différenciées étaient ensemencées en co- culture avec des cellules pancréatiques cancéreuses. Ces effets étaient modulés, en partie, via une augmentation de l’activation du sentier WNT (230). Un phénomène similaire a été observé dans un modèle de co-culture visant à reproduire le contexte physiologique du cancer du sein. Dans ce modèle, la proximité des adipocytes et des cellules fibroblastiques cancéreuses a induit une augmentation de la sécrétion de la fibronectine et une augmentation des capacités migratoires des adipocytes. Ces effets étaient modulés par l’activation du sentier WNT en réponse à l’augmentation de la sécrétion de WNT3A par les cellules cancéreuses (231). Ces études supportent l’hypothèse selon laquelle les cellules cancéreuses favorisent la dédifférenciation des adipocytes matures qui, à leur tour, contribuent à la prolifération des cellules cancéreuses en sécrétant des cytokines pro- inflammatoires et en fournissant les métabolites nécessaires à la survie des cellules cancéreuses. Bien que toutes ces hypothèses soient plausibles, dans la plupart des modèles utilisés, les cellules étaient cultivées dans des conditions spécifiques qui ne reflètent pas la complexité des interactions qui surviennent dans le corps humain. Il est effectivement probable que la dédifférenciation soit régulée par plusieurs facteurs tels que des facteurs environnementaux, intrinsèques et hormonaux.