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Humanisme et réformation de l’Église ou les progrès du débat

CHAPITRE II : LE CÉLIBAT ECCLÉSIASTIQUE, DÉBATS ET CONTROVERSES CONTROVERSES

II. Humanisme et réformation de l’Église ou les progrès du débat

a) Volonté de réforme et réformation, une ouverture au mariage ecclésiastique

Humanisme et célibat

Au XVIe siècle, dans la continuité d’un courant de pensée qui visait au renouveau intellectuel et spirituel, incarné par la Devotio Moderna et l’humanisme, de nombreux auteurs

139 A. Houtin, op.cit., p.158.

140 « Tout concubinaire, aussitôt que sa faute vient à la connaissance des prélats, doit être sommé par eux de renvoyer sa concubine. S’il refuse de le faire, ou s’il la reprend ou bien s’il en prend une autre, il doit, par ordre du synode, être dépouillé de tous ses bénéfices. Bien plus, s’il a renvoyé sa concubine, même dans ce cas, il restera inhabile à recevoir des bénéfices, des biens ou des emplois ecclésiastiques, jusqu’à ce que son évêque, après avoir constaté une amélioration dans ses mœurs, le relève de cette incapacité. Que si dans la suite, il retombe dans ses anciennes fautes, il deviendra par le fait inhabile pour toujours à obtenir des bénéfices. Si un prélat ecclésiastique ne punit pas ces concubinaires, il doit lui-même être puni, et on lui retira le droit de conférer des bénéfices. […]. De plus, comme il y a dans certains pays des prélats qui tolèrent le concubinage pour de l’argent, on leur interdira rigoureusement cette condescendance criminelle en les menaçant de la damnation éternelle. S’ils s’obstinent, ils devront, outre le châtiment infligé à leur lâcheté, payer le double de la somme qu’ils auront reçue […]. Les évêques devront chasser des maisons des clercs, même en faisant appel au bras séculier, les concubines et les autres personnes du sexe suspectes, et ils ne toléreront pas que les enfants de ces clercs, nés d’une union illégitime, habitent chez leur père. On promulguera cette ordonnance avec beaucoup de soin dans tous les synodes provinciaux et diocésains, ainsi que dans les chapitres et on pressera fortement les clercs de renvoyer leurs concubines. » (K. J. Hefele, op.cit., vol. 11, p. 307.)

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et théologiens préconisaient un idéal de réforme et, certains d’entre eux, condamnaient le célibat obligatoire, vu comme une des causes des difficultés de l’institution. Erasme, lui-même fils de prêtre, dénonçait les mœurs délétères des ecclésiastiques dans son Éloge de la folie ; la question sexuelle était au centre de ses préoccupations et il reprenait le questionnaire désormais « classique » : le vœu sacerdotal de chasteté est-il vraiment exigé des prêtres ? Peuvent-ils se marier s’ils n’ont pas les motivations suffisantes pour l’observer ? L’humaniste plaidait pour la transformation de la concubine en épouse et défendait le mariage des prêtres sous certaines conditions, tout comme le prêtre anglais et humaniste John Colet qui s’élevait davantage contre le célibat ecclésiastique142. Ulrich de Hutten, dans une satire intitulée La seconde fièvre, mettait en avant les inconvénients du célibat mais aussi les misères de leurs attachements clandestins ; il ne débattait pas du point de vue théologique mais uniquement d’un point de vue moral, en mettant clairement en évidence, avec un langage très cru, les mœurs déchues du clergé, son impudence, tout en montrant comment le mariage pourrait les ramener vers un bonheur simple, vertueux143. Hutten concluait par la nécessaire abolition du célibat ou par une réforme du clergé qu’il considérait comme trop nombreux et trop riche pour avoir une vocation sincère et une rigoureuse conduite. François Rabelais, à travers le personnage de Frère Jean des Entommeures, aimait rappeler que le froc des curés était capable de mettre en rut n’importe qui144. Polydore Virgile expliquait « que loin que cette chasteté forcée l’emporte sur la chasteté conjugale, au contraire, l’ordre sacerdotal a été extrêmement déshonoré, la religion profanée, les bonnes âmes affligées et l’Église flétrie d’opprobe par les débauches ou entraîne l’obligation au célibat ; de sorte qu’il seroit de la république chrétienne et de l’ordre ecclésiastique qu’enfin, on restitua aux prêtres le droit du mariage public, dans lequel on pouvoit vivre saintement »145.

Face à l’apologie de l’abolition du célibat au XVIe siècle, d’autres auteurs rappelaient son absolue nécessité : Jacques Lefèvre d’Étaples réaffirmait la tradition146, le dominicain et inquisiteur Jacques d’Hochstrat rédigeait un Discours contre les prêtres concubinaires147. En 1516, le concordat de Bologne, conformément à la Pragmatique sanction de Bourges, édictait des mesures répressives analogues à celles du concile de Bâle sous le titre De publicis

142 H-C. Lea, op.cit., p. 445.

143 J. Zeller, Ulrich de Hutten, sa vie, ses œuvres, son époque, Joubert, Paris, 1849, p. 112. 144 F.Rabelais, Gargantua, Points, Seuil, Paris, Reéd. 1997, p. 348-359.

145 D. Diderot, J. Le Rond d’Alembert, op.cit., vol. 36, p. 303.

146 C-L. Richard, Dictionnaire universel dogmatique, canonique, historique, géographique et chronologique des

sciences ecclésiastiques, 1760, p. 211

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concubinariis. Les peines portées contre les clercs concubinaires étaient la privation totale ou partielle de leur bénéfice, ou l'inhabilité à posséder des bénéfices, selon les circonstances148. Le pape Léon X (1513-1521), dans la constitution Supernæ dispositionis, exhortait à employer à l'encontre des clercs concubinaires les peines existantes et à « ne pas se laisser arrêter par la multitude des pêcheurs »149. Suivant le même concordat de Léon X, « les Evêques et autres Juges Ecclésiastiques, doivent être exacts et vigilants dans la poursuite de ce crime ; autrement, ils doivent être punis de leur négligence par la suspense de la nomination aux bénéfices, ou autre peine convenable »150.

La rupture luthérienne

Malgré l’abondance des traités contre les prêtres concubinaires et des textes édictés par l’Église pour punir les ecclésiastiques contrevenant à la règle du célibat, le concubinage pratiqué par certains d’entre eux n’avait jamais pu être annihilé et la rupture surgit avec Martin Luther. Après avoir été excommunié en janvier 1521 et mis au banc de l’Empire suite à l’Édit de Worms du 18 avril 1521, Luther exposa sa doctrine et modifia fortement l’image que les hommes et les femmes se faisaient de la religion en général et des ecclésiastiques en particulier. Au curé parfois inculte, auquel on pouvait reprocher de se contenter trop souvent d’ânonner sa messe en latin, qu’il la comprenne ou non, devait se substituer de manière toujours plus affirmée le « VDM » de Verbi Divini Minister ou ministre de la parole divine. Préparé à lire les Écritures dans le texte original hébreu ou grec, il était capable d’instruire les populations dans une vérité évangélique plus claire et plus efficace, parce que mieux expliquée et mieux comprise. Pour Martin Luther, la vie du chrétien devait être un perpétuel combat contre le vice

148 Durand de Maillane a précisément énuméré ces peines : « Que le concubinaire public sera privé pendant trois mois de la perception et jouissance de tous les fruits de ses bénéfices. [...] Que dès le moment que le Supérieur Ecclésiastique aura connoissance du désordre, il sera tenu d'avertir le coupable de renvoyer sa concubine sans délai, et de le priver de tous ses bénéfices, s'il n'obéit pas, ou si après l'avoir renvoyée il en prend une autre. Que tous les concubinaires publics seront incapables d'être pourvus d'aucuns offices ou bénéfices, sans dispense de leurs supérieurs. Que cette dispense ne pourra être accordée qu'à ceux qui, après avoir renvoyé leurs concubines, auront donné des preuves manifestes du changement de leur vie. Que si après cette dispense ils retombent dans leurs premiers désordres, ils seront inhabiles pour toujours à toutes sortes de dignités, offices et bénéfices. Qu'on doit entendre par concubinaires publics non seulement ceux qui auront confessé en justice, ou qui auront été juridiquement atteints et convaincus de leur crime, ou dont le concubinage est si public et si notoire par l'évidence du fait, qu'il ne peut être contesté sous quelque prétexte que ce soit, mais encore ceux qui retiennent chez eux des femmes suspectes ou de mauvaise réputation, après que le Supérieur les a inutilement avertis de les congédier ». Durand de Maillane ajoutait que les jugements rendus contre des clercs concubinaires devaient être précédés des monitions requises, et n’étaient exécutoires par provision qu'en ce qui regardait les mœurs, comme suspense, prison et non en la privation des fruits du bénéfice ou du bénéfice même (P-T. Durand de Maillane, op.cit., tome I, « Concubinage », p. 645).

149 R. Naz, Dictionnaire de droit canonique, tome III, Letouzey et Ainé, Paris, 1938, p. 108. 150 D. Jousse, Traité de la justice criminelle de France, tome III, Paris, Debure Père, 1771, p. 295.

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et tendre à l’imitation de Jésus-Christ. Mais comment, dans ce cas, concilier la vertu du pasteur avec ses besoins physiques ? Dès 1520, il exhortait la noblesse allemande à s’interroger sur cet état contre nature151 ; en 1521, dans un courrier adressé au juriste strasbourgeois N. Gerbel venant de contracter mariage, il blâmait l’obligation de célibat en ces termes : « Le déplorable célibat des garçons et des filles me révèle chaque jour tant d’horreurs qu’aucun mot ne sonne si odieusement à mes oreilles que ceux de nonne, moine et de prêtre […] »152. Ses réflexions l’amenèrent à organiser structurellement sa pensée autour du mariage et du célibat et à rédiger plusieurs traités, dont le Jugement sur les vœux monastiques153, De la vie conjugale154, Du

mariage et du célibat155 ou encore des prédications sur le sujet156. Il indiquait également que

« le vœu de chasteté, s’il est conforme à la piété, doit nécessairement impliquer la liberté de l’abandonner »157.

Dès les années 1520, beaucoup d’amis et de connaissances de Luther se marièrent : Mélanchton le 18 août 1520, Carlstadt le 19 janvier 1522, Justus Jona le 10 février 1522. En mai 1521, ses premiers étudiants le firent également, invoquant ses critiques du célibat. Luther dévalorisait la chasteté et la vie monastique. Il demandait à la noblesse allemande d’accueillir les moines et les nonnes en fuite et appelait explicitement religieux et religieuses à quitter leurs couvents dès 1523. Cet Appel provoqua une certaine débâcle dans les couvents, particulièrement chez les augustins. En Allemagne, les moines « jetaient leur froc aux orties », et les nonnes, pareillement, quittaient leurs cloîtres en nombre. Nous pouvons évoquer les neuf nonnes, dont Catherine de Bora, future épouse de Martin Luther, qui quittèrent le couvent de Nimbschen, le 5 avril 1523, et qui allèrent loger chez le réformateur sur les conseils des bourgeois de Torgau. En revalorisant la vie sociale et familiale, le corps et l’amour charnel, Luther rompait définitivement avec l’idéalisation de la femme sous la forme du culte marial et avec sa diabolisation en tant que pécheresse et séductrice. De plus, le mariage permettait de mettre fin à la débauche tant décriée des ecclésiastiques : l’hyménée était, selon Luther et les futurs penseurs protestants, un remède contre l’impudicité même si Luther avouait « Je préférerais qu’on en mît deux paires en supplément, plutôt que de m’en laisser couper une »158.

151 M. Luther, De la captivité babylonienne de l’Église. Œuvres, éd. Positions luthériennes, tome II, Labor et Fides, Genève, 1966, p. 232-244.

152 M. Luther, Lettres. Œuvres, op.cit., tome VIII, p. 75.

153 M. Luther, Le jugement de Martin Luther sur les Vœux monastiques. Œuvres, op.cit., tome III, 1963, p. 79-219. 154 M. Luther, De la vie conjugale. Œuvres, op.cit., tome III, p. 225-251.

155 M. Luther, Du mariage et du célibat. Œuvres, op.cit., tome XI, Genève, Labor et Fides, 1970, p. 232-261. 156 Par exemple M. Luther, Prédication prononcée le lundi après Quasimodo pour le mariage de Caspar Cruciger

à Eilenburg [24 avril 1536]. Œuvres, op.cit., tome IX, 1961, p. 255-269.

157 M. Luther, Le jugement de Martin Luther… Œuvres, op.cit., p. 144.

158 Cité par R. Grimm, Luther et l’expérience sexuelle. Sexe, célibat, mariage chez le réformateur, Labor et Fidès, Genève, 1999, p. 87.

41 Le mariage, signe distinctif des pasteurs

Les contemporains de Luther et de Calvin furent, en premier lieu, frappés par l’abolition du célibat ecclésiastique obligatoire, qui allait améliorer les mœurs des prédicants. Tous les réformateurs furent unanimes sur ce point : l’obligation faite aux prêtres de rester célibataires était une tyrannie inadmissible de l’Église romaine et cette obligation une source d’immoralité bien connue. Zwingli réaffirma dans ses 67 thèses l’éradication du célibat des prêtres. Luther écrivit à Spalatin « Que l’on considère ton mariage comme de la débauche, mon cher Spalatin, tu dois non seulement ne pas t’en affliger, mais encore bien plutôt t’en réjouir, puisque tu sais avec certitude que ce mode de vie est approuvé par Dieu, loué par les anges et tenu en honneur par les saints […] »159. Les raisons de leur attitude sont les suivantes : en premier lieu, le mariage des ecclésiastiques ne peut être considéré comme de la débauche car cet état a été créé par Dieu et est donc légitime. La lettre même des Écritures prévoit que les ecclésiastiques, en l’occurrence les « évêques » ou les « anciens », peuvent être mariés. Elle prescrit même qu’ils soient le mari « d’une seule femme ». Secondement, le mariage est une liberté que Dieu a donnée à l’homme et à la femme dans l’acte même de sa création : les hommes n’ont pas le droit de restreindre cette liberté, même pour une catégorie déterminée d’individus. L’Église n’a pas à priver des hommes ou des femmes de ce que Dieu a trouvé bon pour eux. Foi et liberté vont ensemble pour les réformateurs, qui rappellent souvent l’affirmation de l’apôtre Paul : tout ce qui ne vient pas de la foi est péché. Ce choix doit rester personnel, non imposé par l’Église. Les pères du protestantisme n’ont donc jamais songé à imposer aux pasteurs l’obligation de se marier mais l’ont souhaité et l’état de mariage est très rapidement devenu en Europe occidentale un signe distinctif des ecclésiastiques réformés160. Par leur propre mariage, les Réformateurs furent les premiers à prêcher l’exemple : Luther en épousant Catherine de Bora ; Zwingli, ancien curé de Glaris et curé-administrateur du Grossmünster de Zurich, en s’unissant à Anna Reinhardt, une veuve déjà mère de deux enfants. Le mariage était pour Martin Luther un état divin et bienheureux. Il était peut-être plus aisé pour les clercs du Saint-Empire de se rallier au protestantisme et de se marier car en France, « il est défendu aux apostolats de contracter mariage à peine de nullité et punition exemplaire et aux ministres de marier les apostats »161. Finalement, ce qui aurait pu signifier la fin du célibat ecclésiastique exacerba le débat et affermit la règle : il ne s’agissait plus désormais d’un choix moral mais doctrinal.

159 Ibid., p. 331.

160 B. Reymond, La femme du pasteur. Un sacerdoce obligé ?, Entrée Libre, Labor et Fidès, Genève, 1991, p. 211-236.

42 b) Le concile de Trente, la fin du débat ?

Un appel à la suppression du célibat ecclésiastique

Durant ce concile, on avait pleinement conscience que la loi du célibat n’était pas une loi divine positive et certains étaient d’avis qu’il valait mieux abroger cette règle pour calmer les esprits. Après que Paul III (1534-1549) légitima, en 1540, les deux enfants de François Rabelais, qu’il avait eus avec une veuve162, tous les espoirs étaient permis pour l’abolition du célibat. En 1548, Charles Quint, dans l’Interim d’Augsbourg, s’interrogeait sur la possibilité d’autoriser le mariage ecclésiastique163. Proposition qui entraîna, selon l’historien Fra Paolo, « un cri contre le mariage des prêtres : on disoit que la liberté de ces sortes de mariage alloit à détruire toute la foi catholique »164.

Treize ans plus tard, au moment où approchait la décision concernant le célibat ecclésiastique, les princes catholiques continuèrent à prodiguer des conseils à la curie romaine, toujours convaincue de la supériorité de la condition de célibataire. En France, les évêques présents au colloque de Poissy de 1561, adressèrent une requête à Charles IX, le priant d’intervenir auprès du pape pour réclamer l’autorisation du mariage des prêtres. Le roi donna des ordres en ce sens à son ambassadeur, Lansac, auprès du pape Pie IV. La même année, l’empereur Ferdinand présenta au pape un mémoire dont la demande était similaire165. Le duc de Clèves appuya la proposition de l’empereur, tout comme le duc de Bavière qui adressa, au pape, un mémoire justificatif où il exposait les raisons politiques et morales qui rendaient le mariage des prêtres nécessaire. Il notifiait « que les conciles n’avaient pas toujours exigé le célibat, que les papes eux-mêmes avaient donné l’exemple du relâchement ; qu’il valait beaucoup mieux, dans l’état où se trouvaient les mœurs, abroger la loi du célibat que de tenir la porte ouverte à un commerce impur ; qu’enfin le célibat était loin d’être une constitution divine ou apostolique, mais seulement une institution disciplinaire dont le pape pouvait dispenser, et que, si l’on persistait à défendre le mariage, il fallait se résoudre à ne sacrer que des

162 A. Lefranc, « Mémoire de M. l'abbé Lesellier sur l'absolution de Rabelais par le Pape Paul III, ses circonstances, ses résultats », Comptes rendus des séances de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, n°3, 1936, p. 177-179.

163 « Sans doute on doit reconnaître avec l’Apôtre que le célibataire s’occupe mieux des choses de Dieu, et il est souverainement désirable que nombreux soient les clercs attachés sincèrement à la pratique du célibat. Mais comme, dans une foule d’endroits, on trouve de nombreux clercs, qui, tout en remplissant les fonctions du ministère ecclésiastique, ont pris des femmes et refusent de s’en séparer, on attendra sur ce point la décision du concile général […]. » (A. Houtin, op.cit., p. 173).

164 F-P. Sarpi, Histoire du concile de Trente, Blaeu, Amsterdam, 1713, p. 346.

165 « Bien que toute chair ait corrompu sa voie, la plus grande corruption paraît être dans le clergé. […] Il faut que le clergé recouvre son ancien éclat, en sorte que les clercs ne soient pas une chose en apparence et une autre chose en réalité… La faiblesse actuelle des chrétiens conseille que les anciens canons soient relâchés sur le célibat ecclésiastique. Il y a de graves raisons d’autoriser les prêtres à se marier. » (A. Houtin, op.cit., p. 174).

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vieillards »166. Le souverain pontife, sentant quelques indécisions face à ces requêtes, fit tout son possible pour qu’elles fussent repoussées167. Les négociations se poursuivirent entre Rome et les Princes mais finalement lors de la XXIVe session du concile, sous l’impulsion des jésuites espagnols168, les Pères confirmèrent l’obligation de célibat pour les hommes de Dieu.

Une réaffirmation du célibat

La polémique du célibat obligea le concile à aborder le sujet ; ce fut l’objet du canon 9 de la XXIVe session. Théologiens et Pères du concile étaient d’accord sur un certain nombre de points fondamentaux : le lien intime entre célibat et sacerdoce, la nécessité d’un vœu de chasteté parfaite inhérent à la réception du sacrement de l’Ordre169, enfin, la réception du sacrement de l’Ordre rendait invalide tout mariage subséquent. Ils étaient également divisés, et même vivement opposés, quand il s’agissait de déterminer la nature du lien entre célibat et sacerdoce. Selon certains, ce lien était essentiel, divin, l’Église ne pouvait donc pas en dispenser car la loi ecclésiastique du célibat ne faisait qu’imposer aux hommes une obligation d’origine divine. Pour d’autres, ce lien n’était pas fondamental puisqu’il ne concernait que des points de droit ecclésiastique. Les opinions divergeaient également sur l’origine de l’invalidité du mariage impudemment contracté par un prêtre. Mais le canon 9 ne trancha pas ces discussions et se contenta de confirmer la règle adoptée depuis le XIIIe siècle. Le canon 10, qui rappelait la prééminence de la virginité sur le mariage visait surtout à condamner la doctrine protestante170 qui attaquait le célibat ecclésiastique en refusant qu’une loi puisse empêcher les clercs de contracter un mariage si eux-mêmes ne pouvaient pas choisir entre célibat et ordination.