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SEXUELLE DES ECCLÉSIASTIQUES ?

III. Aux marges de la sexualité ecclésiastique

a) Libertinage et sexualité

Après avoir établi les normes de la « sexualité conjugale » ecclésiastique, il est nécessaire de s’intéresser à la sexualité des clercs qui ont une liaison ou qui multiplient les relations. Il faut tenter de comprendre, si ces hommes, qui ne respectent ni le célibat ni une certaine moralité propre au mariage, sont davantage déviants sexuellement que leurs homologues concubinaires. Les sources fournissent peu de détails sur leur sexualité et le vocabulaire s’y rattachant apparaît d’une insigne pauvreté. Comment distinguer les pratiques sexuelles de ces ecclésiastiques en fonction des concubinaires lorsque les sources mentionnent « avoir affaire ensemble », « copulation charnelle », « œuvre de chair » ?

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Finalement, leur comportement sexuel se laisse approcher par des corrélations avec des lieux, des pratiques diverses et quelques témoignages.

Liaisons amoureuses

106 hommes d’Église n’eurent qu’une seule liaison. Ces relations sont consenties et témoignent d’un réel attachement entre les protagonistes. On ne peut ici affirmer qu’il s’agisse d’amour, au sens passionnel et amoureux, puisque nous ne disposons que de documents indirects visant à minimiser les faits mais certains actes de la vie quotidienne témoignent bien de la tendresse, de l’amitié éprouvée. D’après ces gestes, citons les repas partagés tel celui de Pierre Clerquin, curé de Dour, avec Barbe Estievenart, qui se fait une joie de déguster un « poulet sur un blocqueau »720. Mentionnons les nuits passées ensemble : Firmin Vérité passe ses nuits chez Anne721. Enfin, citons simplement les gestes tendres témoignant d’une affection sincère comme le curé Pierre Paul Selle dont l’interrogatoire stipule :

« Il regardait souvent laditte dame Lariviere en sourriant et bien passant meme en procession devant les chapelles ou elle se mettoit ou il ne s’arretoit par quelque fois pour lui parler, lui donner du tabac ou pour lui pincer le bout du né par une badinerie tres deplacée »722.

De même, il faut accorder du crédit aux témoins indiquant « qu’ils donnoient l’un a l’autre des signes d’amitié »723. Évoquons aussi les gestes comme les baisers ou les caresses qui reviennent 17 fois dans les dépositions des 106 dossiers et attestent bien de l’engagement amoureux de ces hommes de Dieu. Ces liaisons stables pouvant durer toute une vie ou quelques mois résultent d’un amour vrai, d’un désir charnel accompagné de respect ou de sentiments amicaux. Ils sont le fruit d’un engagement non circonstanciel et attestent d’une attirance et d’émotions sincères. Le prêtre est engagé auprès d’une femme et lui témoigne ses sentiments, notamment lorsque la relation prend fin à l’initative de la compagne. L’ecclésiastique écrit sa douleur comme Antoine Joseph Bricout 724 ou en fait part à son entourage proche. De même, au sein des 65 dossiers où l’homme d’Église est accusé de deux délits, il est à noter que huit d’entre eux ne furent pas accusés de fréquenter deux femmes simultanément, mais à des périodes bien distinctes. Le curé Bastien Gillet résida tout d’abord

720 A.D. Nord, 5G 509, Pierre Clerquin, 1622. 721 A.D. Oise, G 4579, Firmin Vérité, 1642-1643. 722 A.N., Z10 225B, Pierre Paul Selle, 1760. 723 A.D. Nord, 5G 517, Gilles Deleplancq, 1701.

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avec une femme, qui n’était autre que sa nièce, en 1777, et avec une autre en 1788725. Gilbert Deligne vécut plusieurs années avec Jeanne Buissin avant de la remplacer par Jeanne Broigné726. Jacques Bellot mit fin à sa relation avec Isabelle, certes en la battant et en la chassant, avant d’entamer une liaison avec une certaine Guillemette727. Adrien Tallon délaissa sa première compagne, Nicole, au profit de Françoise Tourante lorsqu’il quitta la cure d’Angivillers pour celle de Farivillers728. Exemples qui attestent indubitablement d’une déviance selon les préceptes de l’Église mais qui montrent au chercheur des hommes ayant une sexualité et une conjugalité « classique » et non adultérine.

Ces hommes avaient un comportement amoureux et sexuel que nous pouvons qualifier de « normal », sauf aux yeux des instances ecclésiastiques qui condamnaient à la fois l’adultère et le non-respect du célibat sacerdotal. Il est essentiel d’exposer que ces attitudes concernaient plus de la moitié des ecclésiastiques condamnés pour luxure, leurs attentes conjugales n’étaient donc pas celles d’un clergé défroqué et pervers comme de nombreux auteurs eurent tendance à le présenter. Ils s’attachaient à une femme, ils recherchaient uniquement une compagne de vie qui leur apportait réconfort, soutien et présence. Ces ecclésiastiques n’abusaient pas de leur statut, ne violaient pas et se comportaient comme des laïcs, respectant même l’un des trois biens du mariage comme les définit François de Sales, à savoir la fidélité729. Le diocèse de Troyes met parfaitement en évidence ce phénomène : sur les 55 accusations ayant eu lieu avant la promulgation des décrets tridentins, nous comptabilisons 31 prêtres ayant une liaison suivie et consentie avec une seule et unique partenaire. Gérard Lespelucheux, curé de Nesle-la-Reposte, a une liaison avec Huguette depuis plus de 13 ans730. Vautherin Ladvocat, curé de Fresnay, entretient depuis plusieurs années une relation amoureuse avec l’une de ses paroissiennes731. Ces exemples démontrent clairement les réalités des liaisons ecclésiastiques avant la normalisation tridentine et ses conséquences. Affirmer que l’ensemble des délinquants du XVIe siècle aspirait à une vie familiale serait inexact, néanmoins c’est, entre 1500 et 1550, que nous rencontrons la plus forte stabilité sentimentale des ecclésiastiques dits déviants.

725 A.N., Z10 226, Bastien Gillet, 1777-1788. 726 A.D. Nord, 5G 514, Gilbert Deligne, 1697. 727 A.D. Aube, G 4191, Jacques Bellot, 1507-1508. 728 A.D. Oise, G 4559, Adrien Tallon, 1643-1662.

729 Saint François de Sales, Introduction à la vie dévote, La Pléiade, Gallimard, Paris, 1969 (1ère éd. 1619), p.234. 730 A.D. Aube, G 4187, Gérard Lespelucheux, 1502-1503.

169 Une sexualité modérée

La majorité des prêtres ayant une seule liaison de longue durée ont une sexualité qui ressemble à celle de leurs homologues concubinaires. Bocquet, curé de Rouvillers dans le diocèse de Cambrai, reçoit chez lui, la nuit, sa maîtresse, et ils couchent dans le même lit732. Didier Bernisseau, curé de Liry, fréquente la même femme depuis 10 ans et l’emmène avec lui à la taverne avant de la ramener au presbytère et de partager une seule et unique couche733. L’acte sexuel en lui-même suit la même logique qu’au sein des couples concubinaires : Robert Gaude et Hélaine Tasson commencent par « des attouchements deshonnestes a boire dans le verre dudit curé et ledit curé dans celluy de laditte Tasson et se baiser l'ung l'autre, laquelle Tasson se laissoit toucher le sein par ledit curé a la veue de ceux qui estoient a sa compagnie et ledit curé alloit souvent en sa chambre [...] »734. Nous n’avons que très peu de mention d’actes sexuels réprouvés par la morale chrétienne : deux occurrences se référent à des positions non conformes, Louis Dubuisson pratique le péché d’Onan lorsqu’il ne peut recourir à ses « habitudes criminelles » avec Marguerite Huart735, Claude Rivot « se retiroit au moment de l’action en disant qu’il etoit honnete homme »736. À 89%, les prêtres ayant une relation suivie respectent les différents conseils pratiques que l’on peut retrouver dans les traités sur le mariage. Toutefois, ils peuvent parfois se montrer pressants, voire violents lorsqu’ils n’obtiennent pas immédiatement satisfaction. Georges Joseph Belfille en est l’exemple type : sa relation avec Aldegonde Craleux, qui l’amène à se rendre régulièrement à Douai, ne semble pas satisfaire à tous ses besoins surtout lorsque sa maîtresse se refuse à lui, le poussant à commettre « des violences iusques a la meurtrir, lui faisant entendre qu’elle ne pouvoit lui refuser sans sa permission »737. Louis Loth s’emporte également, injurie et violente sa maîtresse lorsqu’elle refuse de le suivre dans la chambre738. Les violences subies par ces femmes s’accompagnent d’une absence totale d’émotion et de plainte. Une abnégation et une familiarité très distantes de nos repères actuels mais révélatrices de la violence diffuse qui sévissait sous l’Ancien Régime.

732 A.D. Oise, G 4186, Bocquet, 1689-1704. 733 A.D. Marne, 2G 1919, Didier Bernisseau, 1708. 734 A.D. Oise, G 4333, Robert Gaude, 1663. 735 A.D. Marne, 2G 1950, Louis Dubuisson, 1776. 736 A.N., Z10 227AB, Claude Rivot, 1747-1773. 737 A.D. Nord, 5G 516, Georges Joseph Belfille, 1693. 738 A.D. Marne, 2G 1945, Louis Loth, 1767.

170 Les lieux de l’amour

Une autre différence notable avec les concubinaires tient à la nécessité pour les amants de se retrouver et de se toucher furtivement, en public ou à l’abri des regards indiscrets. Ils se tiennent par la main, se parlent d’un peu trop près, font preuve d’une connivence à l’égard des autres, se promènent ensemble, s’embrassent derrière une haie, dans un jardin ou dans la sacristie. Les différents récits, dont nous disposons, donnent le sentiment d’assister à des jeux adolescents visant à la découverte des corps et à l’éveil de la sexualité. Jacques Reboul s’empresse de rejoindre sa maîtresse dans les jardins afin de l’embrasser ; on les croise « dans les petitz chemins » tendrement enlacés739. Ces couples multiplient les attentions que nous pouvons qualifier de « romantiques » comme la maîtresse du curé Pierre Paul Selle qui « vouloit etre la premiere a lui souhaiter la bonne année »740. D’autres montrent leurs sentiments lors de jeux publics tel François Camus, prêtre desservant de Villenauxe dans le diocèse de Troyes, qui « au jeu tant avec des hommes, femmes que filles, joue au volant avec sa calotte au lieu de raquette et joue a loup » avec la fille qu’il fréquente741 ; or, jouer à loup signifiait dans les campagnes rosser un garçon ou attraper une fille et s’emparer d’un baiser ou plus. Tous les instants semblent précieux et dès qu’une rencontre est possible, tout est mis en œuvre pour satisfaire un désir impérieux, urgent. Ces rencontres sont planifiées notamment dans les auberges : Louis René Blanchet, prêtre à Mantes-sur-Seine, se rend dans « une hôtellerie de cette ville de Paris, accompagné d’une jeune personne du sexe, qu’il a faussement dit être sa sœur, d’y avoir demandé et obtenu pour lui et pour cette jeune personne une chambre a deux lits a dessein d’y passer la nuit et dans laquelle ils ont effectivement l’un et l’autre passé la nuit »742 ; jeune personne qu’il fréquente depuis plusieurs mois au grand dam de la famille de la demoiselle. François Deschamps, quant à lui, retrouve sa belle sur les remparts743. Le curé de Chevreuse fait « a ladite Buchard des signaux dans l’église pour l’apeller, quelque fois pour la faire aller derriere les chœurs et d’autres fois pour la faire venir chez luy ; que quelque fois ils faisoient beaucoup de bruit derriere les chœurs »744.

Si la discrétion est toute relative, elle témoigne d’une volonté de se voir qui donne lieu à des rencontres dans des endroits insolites. Nous avons relevé la mention de : six jardins,

739 A.D. Oise, G 4529, Jacques Reboul, 1636-1639. 740 A.N., Z10 225B, Pierre Paul Selle, 1760.

741 A.D. Aube, G 4269, François Camus, 1721-1723. 742 A.N., Z10 226, Louis René Blanchet, 1781.

743 A.D. Marne, 2G 1907, François Deschamps, 1694-1695. 744 A.N., Z10 225B, Jean Louis Moret, 1757.

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cinq étables745, quatre granges, trois greniers, des remparts, d’une pièce de grain, des champs de froment, de bois746, des « chemins creux et brossailles » pour Jacques Duhoux et Marguerite Lesdernet747 et même du cimetière d’Angivillers où Adrien Tallon et Nicole ont été trouvés « dans l’action »748. Ajoutons à cela treize lieux situés au sein même de l’église paroissiale : derrière les chœurs pour Jean Louis Moret749, dans la chapelle de l’église pour René Lefevre et Nicole750, dans l’église sans plus de précision pour Jean Cuvelier751. Autant de lieux peu propices aux relations sexuelles codifiées mais très pratiques pour ces amants se retrouvant en catimini, cherchant une liberté grisante mais non contraignante.

L’ecclésiastique, un libertin ?

À la différence des ecclésiastiques fidèles à une seule femme, des hommes de Dieu multiplient les relations consenties. Peut-on évoquer un libertinage en raison d’un « excès de l’appétit corporel […] qui […] fait ardemment souhaiter de s’unir à lui »752. Peut-on comparer ces ecclésiastiques friands de sensualité à la figure du libertin des XVIIe et XVIIIe siècles ? Nous sommes ici loin des frasques libertines de la noblesse dépeintes par de nombreux historiens, tel Antoine Adam dans Les libertins au XVIIe siècle753. Il ne s’agit, dans notre étude, que d’un libertinage des mœurs, négligeant entièrement les spéculations philosophiques et intellectuelles, de séducteurs impénitents, de « don juan » qui ne s’embarrassent pas de convictions religieuses. Nous pourrions, de plus, qualifier l’ensemble des ecclésiastiques rencontrés dans les officialités de « libertins » si l’on prend en compte qu’ils « recouvrent l’éventail entier des opinions, tendances ou comportements qui s’écartent des croyances enseignées par le magistère ecclésiastique »754. Sans nous intéresser aux différents courants de pensée relatifs au libertinage sous toutes ses formes, comme le rationalisme ou l’épicurisme, contentons-nous de dépeindre ces hommes tumultueux, non respectueux des convenances et multipliant les conquêtes féminines. Si les frasques des prêtres dans Les lauriers ecclésiastiques ou Les confessions de Rousseau font parfois rougir par leur aspect cru, les

745 Par exemple, Louise Billois se couchait dans une étable en attendant son amant le curé d’Hédouville (A.D. Oise, G 4262, Jean Danthin, 1633-1634.).

746 Charles Rirault et Françoise Pantre ont été trouvés « accouplés par ensemble » dans le bois du Quesnoy (A.D. Oise, G 4419, Charles Rirault, 1641-1642.).

747 A.D. Marne, G 937, Jacques Duhoux, 1703. 748 A.D. Oise, G 4559, Adrien Tallon, 1643-1662. 749 A.N., Z10 225B, Jean Louis Moret, 1757. 750 A.D. Oise, G 4419, René Lefevre, 1642. 751 A.D. Nord, 5G 510, Jean Cuvelier, 1657.

752 D. Diderot et J. d’Alembert, Encyclopédie, ou Dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers, 1ère Édition, Paris, 1751, p. 909.

753 A. Adam, Les Libertins au XVIIe siècle, Buchard-Chastel, Paris, 1974, 327 p.

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prêtres « Casanova » rencontrés dans les sources judiciaires suscitent également une certaine gêne. Citons Claude Rivot755, curé de Gentilly, qui est l’archétype du concubinaire libertin : engagé, dès les années 1740, auprès de la demoiselle Chardon, en tant que curé de Coubert, avec qui il a « contracté une espèce de mariage »756, il débute, dès son arrivée à Gentilly, un concubinage avec sa servante, Mademoiselle Dandurant, âgée de quarante ans, et continue à entretenir une liaison avec Mademoiselle Charron. Leur échange épistolaire laisse peu de doute quant à leur relation : « C’est ce qui fait que je t’aime de tout mon cœur. Je désire ardemment que tu viennes bientôt me voir ». Pour l’anecdote, quand la fille Charron se rend à Gentilly, le curé évite toute jalousie en dormant au milieu des deux femmes. Rivot n’étant pas satisfait pas de ces deux relations, il débute une liaison avec la veuve d’un boucher nommée Goy, relation qui perdure jusqu’à l’ouverture de son procès en 1747. Il a également des relations sexuelles avec une jeune fille nommée Despinal, dite « simple d’esprit » et qui, malgré les interdictions de sa mère, retourne hanter la maison de Rivot dès le lendemain de leur entente sexuelle. À nouveau dans les rouages de la justice ecclésiastique, en 1773, on apprend qu’il a pris des libertés avec Marie-Françoise Angélique Vincent, qu’il vit en concubinage avec sa nouvelle servante Marie Claude Lecat, âgée de 22 ou 23 ans et que des « personnes du sexe » couchent fréquemment au presbytère. Autre « don juan » notoire : Guislain Turpin, curé de Glageon, dans le diocèse de Cambrai, qui, en plus de son concubinage avec sa servante, se lance à la conquête de la veuve Marie Gillet, avec qui il entretient une relation passionnelle, ce qui ne l’empêche pas de rejoindre dans « une estable la femme Martin Blanpain avecq laquelle debmeroit seul quelque espace de temps », ni de hanter une « femme mariée de Dimont en sa maison » se couchant près d’elle et lui maniant les parties intimes. Peu sensible à la théologie, il partage également quelques moments érotiques avec une nonne, sœur Magdelaine Meurisse, à qui il n’hésite pas à dire « j’ay ung bon cul » et à lui parler de ses « jartiers », tout en l’enlaçant langoureusement à trois heures du matin. Enfin, la jeune et jolie Marie Le Clercq subit régulièrement ses assauts. À ce comportement sexuel plus que libertin, notons également qu’il est loin de respecter l’ordre public attendu, notamment « en laissant allé son urine au milieu de l’Église »757. En 1725, Bertrand Louis Duplessis folâtre en oubliant péché, salut et repentance. Il a 37 ans, est bachelier en théologie, possède des finances convenables et souhaite profiter des plaisirs de la

755 A.N., Z10 227A, Claude Rivot, 1747-1773.

756 Il renouvelle ce « vœu » comme en atteste le dossier de procédure : « avant qu’il vint prendre possession de la cure de Gentilly et que pour mieux la séduire, il a renouvellé ce prétendu mariage depuis qu’il est curé de Gentilly avec les principales cérémonies prescrittes par le rituel. »

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vie, se disant lui-même épicurien. Parmi ces plaisirs, si le vin en est un, les jolies filles et le sexe en sont d’autres : il mène grande vie avec la dame Bordillon, mariée, tout en embrassant aux visages des filles qui viennent chez lui, a des libertés criminelles avec la nièce du sieur Gabbés, caresse et baise au visage une femme de chambre, a tenté d’abuser plusieurs fois de la femme de Philippe Manemure et se lance dans divers jeux sexuels avec sa servante Barbe Mannier, ce qui conduit à une grossesse et un éloignement de la fille. Ce prêtre qui « devoit avoir copulation charnelle 3 fois sur le jour » renie donc toute morale et tout est mis en œuvre pour satisfaire des besoins sexuels obsessionnels.758 Corruption des mœurs et recherche continuelle du plaisir également dans le cas d’Antoine de Corneille qui réalise ses frasques dans la paroisse de la Neuville-sur-Oudeuil, diocèse de Beauvais. Son amour du vin concurrence celui des femmes et ses liaisons avec Jéhanne Sercy, Marie Noël et Marguerite Vaillan défrayent la chronique759. François Garitte profite de l’absence de sa servante-concubine, partie chercher de l’eau, pour assouvir sa passion avec Jacqueline Bourlart, à tel point que « le lict dudit imposé a esté trouvé tout souillé et laditte Bourlart toute despinglé et tous deux en chaleur et dans un estat d’avoir eub copulation charnelle ensemble »760. Louis Corion change très régulièrement de partenaire : engagée auprès de la demoiselle Laval, il la quitte pour la femme Leblanc et une certaine Joseph. Mais la jalousie des deux femmes étant trop exacerbée, il les abandonne toutes les deux pour « une fille de la rue Mazarine » ; regrettant vite son choix, en raison de l’âge de cette fille, il met fin à son idylle et s’accoquine avec Marie Forus761. Que penser de Valentin Draux, curé de Beugnies, qui passe des bras de Christine Deledicque à ceux de sa servante Jeanne George, tout en jetant sur son lit et « la baisant malgré elle et la voulant touché et lever ses iuppes » Martine Lie, sa paroissienne ? Il a également « beaucoup de familiarité avec la femme de Jean le Vacher » et on « l’at veu plusieurs fois luy donner des baisers » ou partager la même couche. Il multiplie les frasques avec la femme de Jean Allard, a également violenté sa sœur décédée pour parvenir à ses fins et tente d’abuser de Françoise Mairesse762. Les ecclésiastiques présentés ne partagent pas le libertinage érudit mais uniquement celui des mœurs et présentent tous les aspects cyniques et déplorables des libertins de Sade. Libertins malgré eux ou marginaux sexuels ? Il n’est pas aisé de les distinguer, tant est difficile la perception que ces hommes avaient de leur comportement.

758 A.D. Marne, 2G 1926, Bertrand Louis Duplessis, 1725. 759 A.D. Oise, G 4243, Antoine de Corneille, 1644-1655. 760 A.D. Nord, 5G 511, François Garitte, 1674.

761 A.N., Z10 225B, Louis Corion, 1736. 762 A.D. Nord, 5G 517, Valentin Draux, 1697.

174 b) Viol et tentatives de viol

Le viol, simple transgression morale ?

Nous avons relevé 107 tentatives ou viols763 sur un total de 730 délits, ce qui signifie que 14,66% des crimes commis par ces ecclésiastiques impliquaient une violence certaine. Ce pourcentage semble élevé face aux chiffres des violences sexuelles retrouvés dans les archives