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LES HUMAINS SONT DES ANIMAUX

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CHAPITRE 1 : ASPECTS THÉORIQUES

1.3 Métaphore du genre

1.3.1 LES HUMAINS SONT DES ANIMAUX

Les animaux sont depuis toujours un domaine très sollicité pour évoquer métaphoriquement des caractéristiques et des comportements des humains dans chaque langue. Leur présence

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dans des proverbes et des expressions apparaît universelle. Comme Kövecses (1997, 2010a) le suggère, beaucoup des comportements humains sont métaphoriquement compris en termes de ceux des animaux. Sous le cadre de la linguistique cognitive, de nombreuses études (Fontecha et Catalán, 2003 ; Dalbera, 2006 ; Talebinejad & Dastjerdi, 2005 ; Haslam, Loughnan & Sun, 2011 ; Hsieh, 2004 ; Kiełtyka & Kleparski, 2005b ; Rakusan, 2004), unilingues ou inter- linguistiques, sur la métaphore d’animaux posent cette question : comment les termes associés aux animaux sont métaphorisés, et comment ils peuvent nous aider à comprendre quelles métaphores conceptuelles sont universelles et comment d’autres sont culturellement spécifiques ?

Comme nous le présentons plus haut, le modèle culturel METAPHORE DE LA GRANDE CHAÎNE DE LA VIE et LEGÉNÉRIQUE EST SPÉCIFIQUE (Lakoff & Turner, 1989) offrent une explication de comment nous comprenons des comportements et des caractéristiques des humains par ceux et celles des animaux. Avant d’aborder la métaphore LES FEMMES SONT DES ANIMAUX, examinons-en une plus générique : LES GENS SONT DES ANIMAUX (PEOPLE ARE ANIMALS). Selon Kövecses (2010a : 125), afin de comprendre les comportements des humains par l’intermédiaire de ceux des animaux, les animaux sont tout d’abord personnifiés : « les humains attribuent des caractéristiques humaines aux animaux puis réappliquent ces caractéristiques aux humains28».

Pour élucider la connotation associée aux métaphores d’animaux, le modèle LA GRANDE CHAÎNE DE LA VIE (Great Chain Metaphor) de Lakoff et Turner (1989) nous permet de

comprendre les attributs d’un niveau par ceux d’un autre.

Les métaphores LES HUMAINS SONT DES ANIMAUX (PEOPLE ARE ANIMALS) et LE COMPORTEMENT HUMAIN EST UN COMPORTEMENT ANIMAL (HUMAN BEHAVIOR IS ANIMAL BEHAVIOR) concernent l’indésirabilité (objectionability et undesirability) que peuvent comporter au moins celles-ci selon Kövecses (1997, 2010a), ainsi que quelques expressions linguistiques les illustrent :

LES HUMAINS SONT DES ANIMAUX (HUMANS ARE ANIMALS)

Achilles is a lion.(Lakoff & Turner, 1989 : 198). (« Achille est un lion » lorsque les gens courageux sont comparés aux lions)

28 Kövecses (2010a : 125) : « Humans attributed human characteristics to animals and then reapplied these characteristics to humans. »

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He is a complete pig to women in his life. (Kövecses, 1997 : 36). (« C’est un porc avec les femmes dans sa vie quotidienne » où un porc représente un homme dont l'attitude morale envers les femmes suscite un profond dégoût.)

LE COMPORTEMENT PROBLÉMATIQUE HUMAIN EST UN COMPORTEMENT ANIMAL (OBJECTIONABLE HUMAN BEHAVIOR IS ANIMAL BEHAVIOR)

This is a research site. Not the best place for a couple of boys to be horsing around (Kövecses, 1997 : 35). (« Ceci est un site de recherche. Pas le meilleur endroit pour deux de garçons pour faire des

âneries », signifiant qu’il ne faut faire des bêtises ou être bruyant dans cet endroit.)

LES GENS INDÉSIRABLES SONT DES ANIMAUX (OBJECTIONABLE PEOPLE ARE ANIMALS) That man was a brute, he spent the little he earned on drink (Kövecses, 1997 : 36). (« Cet homme était

une brute, il dépensait le peu qu'il gagnait en alcool », où brute décrit une action sans modération.)

LES CHOSES DIFFICILES À MANIPULER SONT DES CHIENS (DIFFICULT-TO-HANDLE THINGS ARE DOGS)

It’s going to be a bitch to replace him (Kövecses, 1997 : 35). (« Cela sera une chienne pour le remplacer » où une chienne représente la nature difficile pour manipuler.)

LES FEMMES SEXUELLEMENT ATTRACTIVES SONT DES CHATONS (SEXUALLY ATTRACTIVE WOMEN ARE KITTENS)

…French sex kitten Brigitte Bardot (Kövecses, 1997 : 35). (un chaton figure une femme sexy)

Par ailleurs, on a souvent eu recours à des instincts animaux pour dénoter les émotions et les désirs humains, notamment la colère et la luxure :

LA COLÈRE EST UN COMPORTEMENT ANIMAL (ANGER IS ANIMAL BEHAVIOR, Gibbs, 1997)

LES PASSIONS SONT DES BÊTES A L’INTÉRIEUR DE NOUS (PASSIONS ARE BEASTS INSIDE US, Lakoff & Kövecses, 1987)

UNE PERSONNE LUBRIQUE EST UN ANIMAL (A LUSTFUL PERSON IS AN ANIMAL, Lakoff, 1987)

LA LUXURE EST UN COMPORTEMENT ANIMAL (LUST IS ANIMAL BEHAVIOR/WILDNESS,

Csábi, 1999 ; Kövecses, 2003)

LE CONTRÔLE D'UNE FORCE IMPRÉVISIBLE OU INDÉSIRABLE EST LE CONTRÔLE D'UN CHEVAL PAR LE CAVALIER (CONTROL OF AN INPREDICTABLE/UNDESIRABLE FORCE IS A RIDER’S CONTROL OF A HORSE, MacArthur, 2005)

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Puisque les humains sont considérés comme pouvant se contrôler, l’impulsion incontrôlable est par conséquent conceptualisée comme animale. Comparer les caractéristiques animales (besoins et instincts biologiques) aux humains, implique une dégradation de l’humanité (pensée, raisonnement, amour). C’est pourquoi des métaphores d’animaux sont souvent utilisées pour déprécier des groupes minoritaires comme les homosexuels, les migrants et les femmes, considérés comme L’AUTRE par le groupe dominant qui s’identifie comme LE SOI

(Arcimaviciene, 2019 ; Arcimaviciene & Baglama, 2018 ; Baider, 2018 ; Charteris-Black, 2006 ; Hart, 2011 ; Musolff, 2011, 2012, 2015 ; Nilsen, 1996 ; O’Brien, 2003 ; Salahshour, 2016 ; Santa Ana, 2002 ; Van Dijk, 2000).

Dans la langue française, Pierre Guiraud a été l’un des pionniers dans la recherche de la métaphorisation des femmes. Comme il travaille sur le symbole de la relation sexuelle homme-femme, il suggère que « le rôle de la sexualité dans le système de l’injure est donc purement métaphorique. Dans une culture où la relation sexuelle (homme-femme) est un symbole de l’action et de la volonté de puissance, toute défaillance ou inversion de l’activité sexuelle métaphorise une défaillance de l’activité de la puissance » (1978a : 105).

À cet égard, la structure grammaticale ainsi que le vocabulaire représentent à l'unanimité cette relation : les rapports sexuels sont exprimés par des verbes transitifs, et d’un sujet-agent masculin sur un objet-patient féminin.

Dans son œuvre Dictionnaire érotique (1978b), il démontre la richesse des mots associés à la sexualité : 1500 mots pour désigner le « coït », 600 pour le « pénis », autant pour le vagin et le reste à l’avenant (1978a : 109). Guiraud a récapitulé comment le pénis et le vagin sont associés aux objets selon leurs emblèmes (idem : 111) : « le pénis est régulièrement représenté comme un instrument (instrument artisanal tel que bâton, manche, cognée ; instrument de musique comme pipeau, pine ; instrument militaire à l’exemple de pique, flèche, poignard, etc.), tandis que le vagin est un creux : instrument creux (pot, sac, étui, etc.) ; un creux naturel (fente, brèche, fosse, etc.), ou une pièce (réduit, cabinet, forteresse) ».

En outre, Guiraud a également attesté que les femmes sont liées aux animaux d’une manière péjorative (idem, 127). Par exemple, une femme réputée pour leur lascivité sont désignées comme une chienne, une truie, ou une guenon ; une poule représente une femme pondeuse, et d’autres mots liés aux gallinacés, caille, pintade, cocote, sont typiquement appliqués aux femmes.

Par la suite, nous abordons des recherches sur des métaphores des femmes en nous fondant sur la Théorie des Métaphores Conceptuelles.

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