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LES FEMMES SONT DE LA NOURRITURE

Dans le document en fr (Page 49-51)

CHAPITRE 1 : ASPECTS THÉORIQUES

1.3 Métaphore du genre

1.3.4 LES FEMMES SONT DE LA NOURRITURE

Les recherches de Hines (1994, 2000) sont pionnières et révèlent que les femmes sont comparées aux desserts en anglais, ce qui encode les positions idéologiques dominées par les hommes dans la société anglophone occidentale. La métaphore LES FEMMES SONT DES DESSERTS est basée sur ces notions plus élémentaires : LES HUMAINS SONT DES OBJETS, et

LES FEMMES SONT SUCRÉES. De plus, le processus ATTEINDRE UN OBJET DESIRÉ est comparé à PRENDRE QUELQUE CHOSE À MANGER. Dans cette métaphore, les hommes intègrent leur rôle d’agent en tant que mangeurs, et réduisent les femmes à être un objet de désir en impliquant leur impuissance et procurabilité.

Cette métaphore est associée à une autre métaphore plus active : L’ACTE SEXUEL EST MANGER (Kövesces, 2006). Comme le suggèrent Ger, Belk et Askegaard, (1996), la notion du « désir apéritif » est apparentée aux désirs du sexe, à la faim et aux addictions. Pour cela, certaines expressions linguistiques liées à la nourriture et au sexe sont interchangeables. Fernández (2008) analyse les euphémismes et les dysphémismes liés au sexe en anglais. L’auteur mentionne que l’association particulière entre les domaines de l’acte sexuel et de la nourriture donne aux locuteurs une manière alternative de parler d’un sujet sexuel considéré comme un tabou et en facilite l’atténuation sexuelle.

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Baider (2004) a montré dans ses travaux en français que les parties du corps féminin sont fréquemment comparées à la nourriture, la tête de la femme peut être comparée à une poire, à une pomme et à une fraise par exemple (Tu la ramènes moins ta fraise ?). En outre, les concepts du domaine aliment sont particulièrement utilisés pour se référer au corps féminin : une jolie fille est appétissante, bonne ; on en mangerait (Idem : 194). Pour décrire les seins des femmes on a recours aux formes alimentaires pleines tels que des mandarines, des

framboises, des pommes, des œufs au plat.

Une étude comparative (López Rodríguez, 2008) sur la métaphore LES FEMMES SONT DES DESSERTS est effectuée en anglais et en espagnol à l’aide de données récoltées dans les journaux et les magazines. Tout d’abord, l’auteure explique l’association entre les femmes et la nourriture à travers des trajectoires biologiques, historiques et anthropologiques, suivie d’une analyse montrant les réseaux métaphoriques dans les deux langues où ils partagent la ressemblance : la désirabilité sexuelle des femmes est le sujet essentiel.

Ces résultats concernant LES FEMMES SONT DES DESSERTS sont également attestés en mandarin. L’étude de Li (2012) montre que les objets sucrés, notamment des fruits et des desserts, sont des images parlantes pour décrire les parties du corps de la femme (櫻桃小嘴 « petite bouche cerise »), et les termes désignant l’appétit sont employés pour évoquer le désir sexuel des hommes (秀色可餐 « cette femme a l’air si bonne qu’on en mangerait »).

Tsang (2009) examine les métaphores liées au sexe dans les journaux chinois à Hong Kong. Dans ses données concernant L’ACTE SEXUEL EST MANGER, on constate que les agents qui cherchent à manger sont principalement masculins (un homme célibataire cherche à rencontrer une fille, un homme marié cherche une liaison) pendant que les femmes sont comparées aux objets consommables.

Makoni (2015) analyse les métaphores décrivant l’organe génital féminin en Afrique du Sud en demandant aux participants de fournir des noms à y associer. Le résultat montre que la catégorie NOURRITURE représente la métaphore la plus importante (47%) parmi tous les noms fournis par les participants. En outre, à la différence de la représentation métaphorique dans les langues indo-européennes, des expressions concernant la viande jouent un rôle prépondérant, représentant plus d’une moitié (56%) des métaphores alimentaires, suivie de la métaphore des desserts et des fruits. Cela atteste d’une spécificité culturelle à l’Afrique du Sud où la viande est l’aliment indispensable valorisé traditionnellement.

Bien que le sexe des participants ne soit pas pris en considération dans cette étude, l’auteur fait une analyse préliminaire sur la différence d’utilisation par les locuteurs et locutrices.

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Premièrement, il n’y a pas de distinction entre les choix de mots fournis par les femmes et les hommes. Cela montre que les femmes intériorisent et rendent inconsciemment raisonnables les termes s’adressant à elles et reproduisent la valeur hégémonique menée par les hommes. Deuxièmement, malgré l’utilisation homogène des termes, les locutrices développent des nouvelles interprétations sur ces mots, représentant une réappropriation des significations négatives. Par exemple, certaines locutrices associent la métaphore de la nourriture à la force cachée des femmes pour soutenir la vie, alors que les locuteurs masculins lient principalement cette métaphore de la nourriture à leur désir et à la faiblesse des femmes.

En reprenant la remarque de l’étude de Silaški (2013), les femmes donnent des interprétations plus négatives sur les termes qui décrivent les femmes que ne le font les hommes en serbe, mais le travail de Makoni (2015) montre au contraire que les femmes effectuent une réappropriation sur des mots dont les implications sont péjoratives. Bien que ces deux recherches dévoilent deux directions différentes, elles affirment que le sexe des locuteurs peut effectivement jouer un rôle pour les métaphores genrées.

Conclusion de la revue des métaphores de genre

Dans la littérature, les femmes sont plus régulièrement conceptualisées en tant qu’animaux ou objets que ne le sont les hommes. Cependant, ces deux métaphores conceptuelles ne sont pas nécessairement séparées nettement. Une femme peut être considérée comme un animal de ferme ou du gibier, ce qui souligne sa fonction sexuelle et reproductrice, ou sa passivité dans une relation amoureuse (être chassée). Par la suite, cet animal chassé ou acheté devient un aliment posé sur la table, dont l’agentivité a été retirée. En même temps, l’objet de la métaphore n’est plus la fonction de cet animal, mais la dégustation de cet aliment, lié à la métaphore du désir et du sexe. En outre, les parties du corps sont également comparées aux mêmes domaines sources (ANIMAUX, OBJETS), notamment en se fondant sur la ressemblance d’image.

Le point commun parmi ces utilisations réside dans le fait que les femmes sont regardées comme L’AUTRE d’un point de vue du SOI des hommes, qui créent et imposent leurs valeurs représentées par la langue.

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