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Chapitre I : Rivalités mimétiques et conflit israélo-arabe

II. La FDI et la « victoire empoisonnée » de la guerre des Six Jours

1. Hubris de la victoire et stagnation doctrinale

Conforté par la victoire de la campagne de 1967, le commandement militaire confirme sa doctrine opérationnelle offensive basée sur le « tout blindé », qui donne une place centrale au tandem char-avion dans la conduite des opérations militaires. Les forces spéciales conservent un rôle particulier pour mener des raids dans la profondeur du territoire adverse. L’acquisition de nouveaux armements, plus sophistiqués, est censée permettre de mettre en œuvre de manière plus efficace, plus rapide et à plus grande échelle les stratégies et tactiques qui ont fait le succès militaire de 1967. Ce saut technologique ne s’accompagne pas d’une réflexion sur l’emploi de ces nouvelles technologies. L’accroissement des effectifs alourdit l’outil militaire alors même que celui-ci doit désormais couvrir de multiples fronts.

La conquête des nouveaux territoires148 implique des changements aussi bien stratégiques qu’opérationnels. La défense des frontières semble, à première vue, devenue plus simple car l’« agrandissement artificiel » de la profondeur stratégique israélienne éloigne la menace du cœur d’Israël. Au niveau opérationnel, les forces israéliennes doivent cependant faire face à de nouveaux défis. Les théâtres d’opérations ainsi que la longueur des frontières et le nombre d’objectifs à défendre ont démultipliés. Ces nouvelles contraintes stratégiques obligent le commandement israélien à pré-positionnées une grande partie de ses troupes dans ces nouveaux territoires. L’allongement des distances rend en effet impossible le basculement des forces d’un théâtre à l’autre.

Le pré-positionnement des forces encourage une défense statique, basée sur la modernisation des installations abandonnées par les armées arabes ou la construction de nouvelles fortifications et de dispositifs d’interdiction. L’armée israélienne

148 Sur l’état des lieux des différentes armées et les opérations de la guerre des Six Jours, voir Pierre Razoux, op. cité, pp.

207-246 et Martin Van Creveld, op. cité, pp. 269-294, voir en annexes 13 et 14 les cartes sur les opérations des fronts du Sinaï et du Golan

entreprend ainsi au cours de l’année 1968 la construction, dans le Sinaï, d’un vaste complexe fortifié, la Ligne Bar Lev, pour contenir la menace égyptienne. Cette « Ligne Maginot » israélienne est constituée d’une trentaine de positions fortifiées (meozim), réparties sur un axe allant de la côte méditerranéenne et Suez.

Chacun de ces meozim « pouvait abriter entre 15 et 60 soldats ; à

proximité se dressaient des levées de terre destinées à servir d’alvéole aux chars. Tous étaient reliés aux arrières par un réseau routier susceptible

d’acheminer les renforts nécessaires à une contre-attaque. »149

Des travaux de fortification sont également menés dans le Golan. Ce nouveau dispositif inverse donc le rapport offensive-défensive qui caractérisait jusque-là l’approche opérationnelle israélienne, au risque d’exposer les forces à la puissance de feu de l’adversaire. La stratégie de défense israélienne devient statique et défensive alors même que la doctrine opérationnelle reste fondamentalement offensive. Les ouvrages fortifiés et le « tout blindé » démontrent que pour le commandement militaire israélien indiquent la priorité donnée au conflit interétatique, tout d’abord avec l’Egypte et dans une moindre mesure avec la Syrie.

Le commandement militaire fait donc le choix de « sanctuariser » ses nouvelles conquêtes. C’est qu’à partir de 1967, une partie de la classe politique se révèle en faveur de la conservation de ces nouveaux territoires. Désormais, les frontières de l’Etat hébreu tendent à s’identifier à celles du Grand Israël biblique. Cette nouvelle dimension symbolique tend à modifier les perceptions de la souveraineté israélienne et pose la question de la légitimité des revendications israéliennes sur ces territoires.

Mais, ces conquêtes impliquent de nouvelles problématiques sécuritaires. Afin d’y répondre, les forces israéliennes vont développer une stratégie de contrôle qui combine plusieurs volets. Elle constitue une voie médiane entre l’assimilation des populations occupées, impossibles parce qu’elle remettrait en cause le caractère juif de l’Etat d’Israël, et leur expulsion pure et simple, également inconcevable. Au-delà

des opérations de sécurisation des Territoires face aux velléités de résistance qui se manifestent dans les premiers jours de l’occupation, notamment dans la bande de Gaza et en Cisjordanie, l’armée administre désormais à travers les structures du gouvernement militaire la vie quotidienne des populations placées sous son contrôle. Les autorités israéliennes mettent un point d’honneur à parler d’ « administration » et non d’ « occupation », ce qui leur permet de ne pas respecter les dispositions des conventions de Genève, notamment en ce qui concerne le sort de personnes déplacées et leurs biens. Les expropriations se poursuivent. Dans les premiers mois qui suivent la guerre de 1967, les autorités israéliennes mettent en place des mesures visant à faciliter le départ des déplacés vers la Transjordanie et commencent à réorganiser l’état civil des populations sous occupation. Elles encouragent par ailleurs l’intégration économique entre Israël et les Territoires occupés, en y facilitant l’entrée des marchandises israéliennes ainsi que les va-et-vient des ouvriers palestiniens entre Israël et les Territoires.

Le gouvernement militaire est toutefois rapidement obligé de construire des infrastructures (routes, électricité, eau, téléphone, etc.) afin d’assurer le maintien de l’ordre en Cisjordanie et dans la bande de Gaza et soutenir le développement des colonies. Cette politique de colonisation à Gaza, en Cisjordanie, dans le Golan et dans le Sinaï, s’inscrit dans le prolongement de la stratégie du « tour et enceinte » (Homa

u-Migdal) des années 1930. L’objectif est de mieux quadriller le territoire et de créer

des zones tampons, qui renouent avec la fonction d’ « amortissement » d’une éventuelle attaque sur les frontières initialement dédiées kibboutzim. Cette « politique de la présence »150 instaure une contiguïté territoriale et démographique avec le « cœur » d’Israël en même temps qu’elle isole les Territoires occupés de leurs voisins arabes.

Comme le rappelle Jean-Paul Bruckhert, « outre le peuplement de régions

faiblement habitées (Golan), l’installation de colonies dans les territoires peuplés est destinée à pallier la faiblesse démographique, à remplir en même temps des fonctions de défense, de tampon avec Israël et de contrôle des villes palestiniennes (Naplouse contrôlée par la controversée Elon

Morah, Ramallah par Givon et Ofra, Béthléem par le Goush Etzion, Héron

par Kyriat Arba). »151

Ainsi, les zones occupées du Sinaï152 isolent Gaza de l’Egypte; la vallée du Jourdain sert de barrière naturelle contre les infiltrations venues de Transjordanie et les fortifications érigées sur le Golan protègent Israël de la menace syrienne.

A terme, le plan Allon153 va conduire à un mitage des Territoires occupés du fait de la multiplication des implantations juives (hitna’halout – plantations en hébreu) et des routes de contournement. Ces faits accomplis permettront alors d’accrocher définitivement ces territoires au territoire israélien. La réunification («l’unification » dans la terminologie israélienne) de Jérusalem en 1967154 et l’extension de certaines banlieues au cours des décennies suivantes serviront à étendre la souveraineté israélienne bien au-delà de la Ligne verte.

Jean-Paul Bruckhert rappelle ainsi les différents aspects de cette stratégie d’extension de Jérusalem : « Restauration du quartier juif de la vieille

ville, achats dans les autres parties de la ville, construction en continuité avec la ville de nouveaux quartiers (Ramat Eshkol, Givat Ha Mitvar, Givat Shapira), marquage de l’espace par des colonies (Gilo ou Har Homa au Sud), édification plus loin d’une ceinture d’implantations délimitant un « Très Grand Jérusalem » (le Goush Etzion au Sud-Ouest, ou Maale Adoumim à l’Est). La population palestinienne se trouve ainsi enclavée dans un ensemble d’établissements juifs dont le nom même souligne qu’ils se situent en surplomb : Givat = colline, Maale = montée, Har = mont, Pisgat = sommet… . Les implantations israéliennes

151 Jean-Paul Bruckhert, « Israël et les territoires occupés : de la Guerre des six jours (1967) à Oslo (1993) », in Raphaël

Porteilla, Jacques Fontaine, Philippe Icard, André Larceneux (dir.), Quel Etat ? Pour quelle Palestine ?, Comprendre le Moyen-Orient, L’Harmattan, Paris, 2011, p.90 ; voir en annexe 20 la carte de la progression de la colonisation en Cisjordanie entre 1967 et la première Intifada

152 Les forces israéliennes occupent l’ensemble de la côte méditerranéenne jusqu’à al Arich et toute la bordure égyptienne du

Golfe d’Akaba jusqu’à Charm al Cheikh.

153 Voir Henry Laurens, Paix et guerre au Moyen-Orient. L’Orient arabe et le monde de 1945 à nos jours, 2 éd., Fonds

classiques Armand Colin Sedes, Armand Colin, Paris, 2005, p.253

154 Jérusalem-Est, la partie arabe de la ville, est annexée en juin 1967 par l’Etat israélien. La loi fondamentale de 1980 fera

par ailleurs de Jérusalem la capitale « éternelle et indivisible » de l’Etat hébreu. Il faut toutefois préciser que dès 1949, Jérusalem fut proclamée capitale de l’Etat israélien ; le statut de la ville fut par ailleurs confirmé par une motion de la

ceinturent ainsi comme une sorte de herse, et surplombent le plus souvent,

les villages ou villes arabes »155.

En parallèle de cette stratégie de maillage et d’encerclement des zones de peuplement palestinien, l’attitude des autorités d’occupation oscille entre répression – notamment lors de la campagne de pacification de Gaza – et cooptation des notables locaux, notamment en Cisjordanie156. Le contrôle social prend la forme de mesures administratives qui complexifient à l’extrême la vie quotidienne des Palestiniens. Les activités économiques et sociales des populations locales sont drastiquement limitées. 250 gouverneurs locaux sont nommés dans les villes et campagnes de Palestine fin 1967. En parallèle, une sévère répression menée sur le modèle de la contre- insurrection britannique pendant les dernières années du Mandat, étouffe toute velléité de résistance. Des détentions, individuelles ou collectives, des couvre-feux, des démolitions de maisons, des interdictions de voyager ou de commercer, ainsi que de nombreuses expulsions vers la Jordanie contribuent à limiter les activités de résistance. Les forces israéliennes recrutent de nombreux collaborateurs au sein de la population palestinienne et les interrogatoires musclés permettent de collecter de nombreuses informations sur les mouvements de guérilla renaissants; les mesures de sécurité aux frontières sont également renforcées. La contre-insurrection se renforce avec l’annonce par le Fatah en septembre 1967 du lancement de sa guérilla. 180 guérilléros et sympathisants sont capturés en septembre, et une autre centaine d’activistes, du Fatah, du MNA et d’autres groupes, sont arrêtés d’octobre à décembre. Dans la lutte contre les groupes « terroristes » palestiniens, les services de renseignement israéliens vont donc jouer un rôle primordial. Grâce aux services

155 Jean-Paul Bruckhert, « Israël et les territoires occupés : de la Guerre des six jours (1967) à Oslo (1993) », in Raphaël

Porteilla, Jacques Fontaine, Philippe Icard, André Larceneux (dir.), Quel Etat ? Pour quelle Palestine ?, Comprendre le Moyen-Orient, L’Harmattan, Paris, 2011, p.91

156 Jean-François Legrain explique ainsi l’attitude des notables cisjordaniens dans les premières années de l’après-guerre des

Six Jours : « Bien qu'ébranlée par la défaite éclair des armées arabes coalisées et déstructurée par le nouvel exil de milliers

de familles, la population de la Rive occidentale du Jourdain demeure encore tournée vers la Rive orientale. Défendre le lien entre les deux rives du Jourdain apparaissait alors aux élites de Cisjordanie, favorables au trône hachémite ou dans l'opposition, comme le seul recours pour sauvegarder leur arabité. Israël encouragea une telle position : la normalisation de la vie quotidienne palestinienne et la défense d'une "option jordanienne" pour une solution globale du conflit israélo-arabe constituaient alors les deux principes de sa politique. Les résultats des élections municipales de 1972 ont d'ailleurs manifesté cette convergence : encouragés à poser leur candidature tant par Israël que par la Jordanie, les notables traditionnels pro-jordaniens ont remporté la majorité des sièges. », voir la partie « Un leadership éclaté de notables liés à la Jordanie » dans Jean-François Legrain, Les Voix du soulèvement palestinien, 1987-1988, consultable en ligne :

http://iremam.cnrs.fr/legrain/voix02.htm#Heading04 ainsi que Jean-Pierre Filiu, Gaza. A History, Oxford University Press, New York, 2014, pp.147-165

spéciaux (forces spéciales et commandos), ils organisent et coordonnent des actions décisives et clandestines pour éliminer les chefs palestiniens.

Mais l’occupation coûte chère et exerce une pression croissante sur les dépenses militaires, au détriment des ressources dédiées aux unités opérationnelles157 Le délaissement relatif des ressources combattantes au profit de celles dévolues à l’administration militaire des Territoires occupés aura des conséquences importantes dans les suivantes sur les performances des forces israéliennes dans le combat de haute intensité.

Dès la fin des hostilités, la résistance palestinienne a, en effet, tenté de s’organiser en Cisjordanie et dans la Bande. Des éléments du Fatah se sont infiltrés en Cisjordanie à partir de la Transjordanie. Leur installation va cependant rester précaire du fait de la forte répression des autorités israéliennes et d’une certaine hostilité des notables cisjordaniens qui cherchent à vivre en bonne intelligence avec les autorités d’occupation. Ces derniers sont en effet persuadés que l’occupation ne sera que de courte durée et s’accommodent bien de la politique de « normalisation » israélienne. La population oppose une résistance silencieuse, le sumud, aux forces d’occupation. La population cisjordanienne reste largement liée à la Jordanie où se sont installés les mouvements armés liés à l’OLP. Par ailleurs, après avoir été partie intégrante de la Jordanie pendant 19 ans, des liens ont inévitablement été noués avec le royaume hachémite, qui continue de pourvoir aux traitements des fonctionnaires et des enseignants. Cette double tutelle de l’administration militaire et des autorités jordaniennes explique, qu’en dépit de quelques attentats ou d’attaques à l’arme blanche, il n’y eut jamais d’embrasement populaire en Cisjordanie. Il en fut autrement dans la bande de Gaza, où la surpopulation et l’exiguïté du territoire favorisa une renaissance de la résistance, bien que celle-ci ne fut qu’éphémère158. La débandade des troupes de l’ALP permet à la résistance palestinienne, dirigée par les factions de la gauche, de récupérer les stocks d’armes abandonnés et de bénéficier de l’expérience combattante des soldats de l’ALP restés sur place.

157Voir Martin Van Creveld, op. cité, p.308

158 Sur la renaissance de la guérilla à Gaza après 1967, voir Jean-Pierre Filiu, Gaza. A History, Oxford University Press, New

A Gaza, les forces égyptiennes avaient été rapidement balayée par l’attaque blindée israélienne: après 2 jours de combats à Rafah et Khan Younes, le gouverneur égyptien avait capitulé le 7 juin. L’ALP, de son côté, était la seule force palestinienne à avoir pris part aux combats de la guerre de 1967. Au début de l’année 1967, les

Forces ‘Ayn Jalut à Gaza, fortes de 5000 hommes, avaient été renforcées par la 19è

Brigade des Gardes nationaux et 4000 réservistes. Le commandement égyptien et le commandement de l’ALP s’étaient mis d’accord en février 1967 pour former trois bataillons de « résistance populaire » forts de 420 hommes avec le reste des réservistes et pour faire appel à des volontaires pour constituer 5 autres bataillons. Les structures de commandement avaient été transférées à Gaza fin mai en vue de la guerre imminente. Les forces de la Brigade Hittin (411è, le 412è et le 413è bataillons commandos) en Syrie avaient, quant à elles, été regroupées près de Dera’a dans le Sud de la Syrie début juin.

Mais à Gaza comme en Syrie, les forces palestiniennes de l’ALP avaient confinées à des tâches de soutien aux armées arabes et à la protection de Gaza. Sur le front syrien, les forces de l’ALP furent envoyées dans les monts du Golan, puis rejoignirent dès l’arrêt des combats les forces syriennes à Sheikh Miskin après le 10 juin, où elles furent dispatchées le long des crêtes du mont Hermon pour créer un écran masquant les mouvements de recomposition de l’armée syrienne.

Dans l’immédiat après-guerre, l’ALP fut démantelée à Gaza par les forces israéliennes. Au cours des premières semaines de l’occupation israélienne, pas moins de 6000 officiers, soldats et réservistes de l’ALP furent capturés. 1000 d’entre eux furent emprisonnés au camp-prison d’’Atlit et les 5000 restants déportés en Egypte. Les fedayin du 141è bataillon furent emprisonnés à la prison centrale de Gaza. Plusieurs centaines d’entre eux fuirent vers l’Egypte ou la Jordanie, d’autres se cachèrent dans la Bande ou dans le Sinaï. Ces derniers réussirent à collecter des armes et des munitions abandonnées par l’armée égyptienne ou l’ALP.

A la fin des combats, une partie de l’ALP resta donc sur place, de même que le reste des groupuscules nationalistes. L’ALP, devenue autonome opérationnellement, se transforme en Forces populaires de libération. Les partis politiques présents s’accordent pour constituer le front le plus large possible contre l’occupant israélien

(communistes, baathistes, nationalistes arabes, syndicalistes arabes, personnalités patriotes). Le MNA de Georges Habache et Wadih Haddad connait alors un nouvel essor sous la forme du Front Populaire de Libération de la Palestine (FPLP). Cette organisation résolument révolutionnaire, inspirée par les guérillas des mouvements de décolonisation de l’époque, connaîtra par la suite plusieurs scissions. Dès 1968, s’en détachent le FPLP-CG (FPLP-Commandement Général) d’Ahmad Jibril et le FDLP (Front Démocratique de Libération de la Palestine) de Nayef Hawatmeh159.

Les Frères Musulmans, de leur côté, refusent de participer au front de résistance, essayant de sauvegarder ce qu’ils peuvent des institutions de la confrérie. L’objectif de la résistance est double: s’opposer aux forces d’occupation et empêcher la population d’accepter le fait accompli en reprenant une vie normale. Pour cette raison, les groupes armés vont s’ingénier à empêcher les habitants de la Bande d’aller travailler en Israël en même temps qu’ils mènent une lutte féroce contre les collaborateurs. Les attaques contre les forces d’occupation se multiplient sous l’influence du FPLP entre 1969 et 1970. A partir de 1970, Ariel Sharon, qui commande le front Sud, s’attèle à la « pacification de Gaza »160. La violence de la répression, qui atteint son point d’orgue au cours de l’été 1971, va décapiter pour longtemps les factions palestiniennes de la Bande. Un grand nombre de combattants sont déportés dans le Sinaï, en Jordanie, ou tués; des centaines d’individus arrêtés. Une grande partie des installations des camps est détruite. La campagne de pacification voit la mise en œuvre d’une méthode de contre-insurrection urbaine, dont certaines approches seront reprises à la fois lors des opérations dans la capitale libanaise et au cours de l’Intifada Al Aqsa. La Bande est bouclée. Des patrouilles la quadrillent de manière incessante alors que des bulldozers élargissent les voies de communication et « aplanissent » le terrain pour améliorer la vision d’ensemble des opérations du commandement et priver la guérilla de ses caches. Par ailleurs, les services de renseignement vont apprendre au cours de cette campagne, qui va durer

159 Le Front Démocratique de Libération de la Palestine (Al-Jabha al-Dimuqratiya Li-Tahrir Filastin), qui s’appela jusqu’en

1974, le Front démocratique populaire de Libération de la Palestine, fut fondé par Nayef Hawatmeh (ancien du MNA), qui se détacha en 1968 du FLP. Inspiré par un mélange d’idéologies maoïste, marxiste-léniniste et nationaliste arabe, le mouvement prône, à ses débuts, l’établissement d’un Etat binational, sans lutte des classes et offrant aux deux communautés la possibilité de conservant chacune leur culture nationale. Le FDLP obtint acquit une visibilité internationale avec la prise d’otage de l’école de Ma’alot (Israël) le 15 mai 1974, au cours de laquelle furent tués plus d’une vingtaine de personnes dont de nombreux enfants.

160 Sur la pacification de la bande de Gaza, voir Jean-Pierre Filiu, Gaza. A History, Oxford University Press, New York,

presque quatre ans, à décrypter les pratiques et les codes de la société palestinienne. La brutalité de la répression aura un effet inhibiteur pour longtemps sur la population gaziote. La majorité des leaders ont été éliminés161 ou exilés dans le Golfe. Désormais, les Frères musulmans vont avoir le champ libre pour mener leur projet de