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La HTT et sa phosphorylation à la sérine 421 dans l’adhésion intercellulaire

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Les résultats présentés ont contribué à décrire les fonctions de la HTT dans l’adhésion intercellulaire au sein de la glande mammaire dans un contexte normal et pathologique. D’autres études suggèrent que la HTT est impliquée dans l’adhésion cellulaire, à la fois dans des jonctions serrées et dans les jonctions adhérentes.

I.1. Les jonctions serrées

La HTT régule la cadhérine neuronale, la N-cadhérine, une protéine d’adhésion essentielle au développement neuronal (Reis et al., 2011; Lo Sardo et al., 2012). Dans des neurones exprimant une forme mutante de HTT, l’expression transcriptionnelle est diminuée et est associée à une altération de l’adhésion intercellulaire ainsi que l’adhésion cellule-substrat (Reis et al., 2011). La HTT, en interagissant avec ADAM10 (ADAM metallopeptidase domain 10), régule le clivage de la N-cadhérine par ADAM10. Ainsi, l’absence de HTT conduit à une augmentation du clivage de la N-cadhérine par ADAM10 ; ce clivage excessif est responsable de l’altération de l’adhésion. En absence d’expression de la HTT, on observe une altération de l’organisation des cellules neuroépithéliales accompagnée d’une diminution d’expression de la N-cadhérine et de ZO1 (Lo Sardo et al., 2012). Dans cette même étude, l’inactivation de la HTT chez le poisson zèbre entraîne une désorganisation de ZO1 au niveau de la ligne médiane, dans la région antérieure du tube neural en développement, ainsi qu’une diminution de son expression.

D’une façon similaire, au cours du développement normal de la glande mammaire, nous avons montré que l’ablation de la HTT dans l’assise basale des canaux mammaires altère l’orientation du fuseau mitotique des cellules progénitrices mammaires et l’acquisition de leur identité basale ou luminal (Article 4, Elias et al. 2014). Ces résultats rappellent ceux que nous avions observés au cours de la neurogenèse où la diminution de HTT entraîne une altération du fuseau mitotique et une altération du destin cellulaire des cellules progénitrices (Godin et al., 2010a). Le promoteur kératine 5 conduit spécifiquement à l’expression de la Cre dans l’assise basale chez les souris K5-cre. Cependant, dans le modèle K5-cre/Hdhflox/flox, l’expression de la HTT est diminuée dans l’assise basale et également partiellement dans l’assise luminale. Nous ne pouvons donc pas exclure que la diminution de l’expression de la HTT dans l’assise luminale participe également aux phénotypes observés. Dans l’épithélium mammaire de ces souris, nous avons observé une diffusion des

187 marqueurs des jonctions intercellulaires (la E-cadhérine, PAR3, ZO1 et aPKC) de la membrane plasmique vers le cytoplasme des cellules épithéliales. Ce défaut de polarisation cellulaire est probablement lié à l’altération de la différentiation luminale de ces cellules et, potentiellement, à la diminution d’expression de la HTT dans les cellules luminales.

Dans le contexte pathologique de la carcinogenèse mammaire, la HTT est impliquée dans la stabilité des jonctions intercellulaires (Article 1 et Article 3, Moreira Sousa et al. 2013). Dans des modèles murins de la MH combinés à des modèles de carcinogenèse mammaire, l’expression de la HTT-m entraîne une perte d’expression de certaines cadhérines, et une diminution de ZO1 associées à une augmentation des capacités métastatiques des cellules tumorales.

Une diminution de HTT entraîne une diminution d’expression de ZO1 et une délocalisation des protéines ZO1 encore exprimées de la membrane plasmique au cytoplasme (Article 1). A l’inverse, une diminution de l’expression de ZO1 n’altère pas l’expression de la HTT. Nous n’avons pas observé de diminution majeure de E-cadhérine ni de β-caténine dans nos modèles cellulaires et murins.

Dans des lignées mammaires et des carcinomes humains in situ, la forme phosphorylée de la HTT colocalise avec ZO1 aux jonctions serrées. De plus, nous avons observé que l’expression de ZO1 et celle de la HTT corrèlent dans les carcinomes mammaires humains. A l’instar de la S421-P-HTT, l’expression de ZO1 est diminuée dans les tissus tumoraux en comparaison des tissus mammaires sains (Tokes et al., 2012). ZO1 partage une homologie de séquence avec le suppresseur de tumeur DLG (discs, large homolog) exprimé chez la drosophile (Willott et al., 1993), suggérant qu’il pourrait posséder les mêmes propriétés de gène suppresseur de tumeur chez les mammifères. L’expression de ZO1, comme celle de la HTT, corrèle avec la différentiation tumorale et particulièrement la différentiation glandulaire des tumeurs mammaires (Hoover et al., 1998). La perte d’expression de ZO1 est liée à un pronostic défavorable et est observée dans les tumeurs primaires métastatiques (Martin et al., 2004).

Au niveau moléculaire, ZO1, la HTT et la S421-P-HTT sont fortement exprimés dans les carcinomes différenciés de type luminal où ZO1 et la S421-P-HTT sont localisés au niveau des jonctions intercellulaires en comparaison des carcinomes de type basal qui présentent un plus faible marquage membranaire de ZO1. De façon très intéressante dans les carcinomes de type basal, nous avons observé une localisation nucléaire de ZO1. ZO1 régule la progression du cycle cellulaire et la prolifération cellulaire de façon dépendante de la densité cellulaire, par le transcription de facteur ZONAB (Balda et al., 2003). Dans des cellules épithéliales en prolifération, ZONAB est distribué aussi bien au niveau nucléaire qu’au niveau des jonctions serrées mais il ne se localise pas dans les noyaux des cellules confluentes non prolifératives (Balda and Matter, 2000; Balda et al., 2003). La perte d’expression de ZO1 au cours de la progression tumorale favoriserait la prolifération cellulaire et

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diminuerait l’adhésion intercellulaire participant ainsi à la perte de polarité et d’inhibition de contact favorisant ainsi la progression métastatique. Dans notre étude, la prolifération des carcinomes mammaires murins exprimant une forme de HTT mimant une perte de phosphorylation est accrue en comparaison des souris exprimant une forme de HTT mimant une phosphorylation constitutive. Dans nos modèles cellulaires, la diminution de HTT n’altère pas la prolifération des cellules néoplasiques mammaires. On pourrait émettre l’hypothèse que la HTT participe aussi à la régulation de ZONAB par ZO1. Afin de tester cette hypothèse, il serait intéressant d’étudier la localisation de ZONAB ainsi que la régulation de ses gènes cibles en absence de HTT ou en forçant la phosphorylation à la sérine 421 de la HTT.

La HTT et ZO1 semblent donc faire partie d’un même complexe moléculaire impliqué dans l’adhésion intercellulaire, régulé par la HTT elle-même. Ce rôle dans l’adhésion intercellulaire peut, en partie, expliquer la perte d’expression de la HTT dans les cancers métastatiques. En effet, l’altération des contacts intercellulaires contribue à la perte de polarité et d’inhibition de contact entraînant, d’une part, une prolifération incontrôlée à l’origine du développement de cancer, et constituant, d’autre part, un avantage sélectif à la progression métastatique. Nous proposons que la HTT, en modulant l’expression et la localisation de ZO1 (notamment par sa forme phosphorylée qui séquestrerait ZO1 et potentiellement d’autres facteurs de transcription comme ZONAB au niveau des jonctions serrées) contrôle la stabilité des jonctions intercellulaires et ainsi la différentiation épithéliale et la prolifération cellulaire. La HTT potentialiserait ainsi les effets suppresseurs de tumeur de ZO1.

Les microtubules sont essentiels à la dynamique des jonctions serrées bien que leur rôle soit peu décrit dans ce contexte (Glotfelty et al., 2014). Comme abordé précédemment (voir Chap.4, IV.2), la S421-P-HTT module la direction du transport vésiculaire dans un contexte neuronal ; on peut imaginer que la HTT régule le transport de ZO1 vers les jonctions serrées. Cependant, lorsque le plasmide ZO1-GFP est exprimé dans des cellules MCF7 dans lesquelles l’expression de la HTT est stablement diminuée, ZO1-GFP se localise aux niveaux des jonctions intercellulaires (donnée non montrée). Bien qu’en condition de surexpression, ce résultat suggère qu’en absence de HTT, ZO1 peut être transporté aux jonctions intercellulaires, renforçant l’idée que la HTT participerait à la stabilité des jonctions intercellulaires, plus qu’au transport des protéines constituant ces jonctions. Etant donné que la HTT interagit avec PAR3 ou encore avec la spectrine (Shirasaki et al., 2012), une protéine d’échafaudage faisant le lien entre les filaments d’actine et ZO1, elle pourrait, par ces interactions, réguler la stabilité des jonctions serrées et cela en fonction de son état de phosphorylation à la sérine 421. Ainsi, en présence de HTT et notamment de S421-P-HTT, la localisation de ZO1 est majoritairement membranaire et la dynamique des jonctions serait stabilisée favorisant la différentiation épithéliale plutôt que la progression métastatique des cellules tumorales mammaires. En absence de HTT ou lorsqu’elle n’est pas phosphorylée, ZO1 serait déstabilisé des

189 jonctions serrées et pourrait se relocaliser au niveau du noyau. De plus, la perte de ZO1 au niveau des jonctions intercellulaires libérerait ZONAB des jonctions lui permettant de réaliser son rôle de facteur de transcription au sein du noyau, ce qui pourrait expliquer l’augmentation des capacités prolifératives des tumeurs exprimant une forme mimant une perte de S421-P-HTT.

I.2. Les jonctions adhérentes

L’implication de la HTT dans l’adhésion intercellulaire ne se limite pas aux jonctions serrées. En effet, nous avons vu précédemment que la déplétion de la HTT ainsi que l’expression de la HTT-m pouvaient diminuer l’expression de la E-cadhérine et de β-caténine dans des lignées et tissus mammaires (Article 1 et Article 3, Moreira Sousa et al. 2013). La HTT est impliquée dans la régulation de la β-caténine, notamment dans sa dégradation et dans l’activation de la voie WNT (Gines et al., 2003; Godin et al., 2010b; Dupont et al., 2012). La β-caténine joue un rôle majeur (1) dans l’adhésion cellulaire en se localisant aux jonctions adhérentes par son interaction avec les cadhérines et (2) dans la signalisation cellulaire et la transcription comme coactivateur transcriptionnel de la voie WNT, impliquée dans la prolifération et la différentiation cellulaire (pour article de revue, voir (Kim et al., 2013)). Plusieurs études ont mis en évidence une accumulation de β-caténine et de armadillo, son homologue chez la drosophile, dans des modèles de la MH (Gines et al., 2003; Godin et al., 2010b; Dupont et al., 2012). La β-caténine est retrouvée accumulée dans des extraits de cerveaux post- mortem d’individus atteints de la MH et des souris modèles pour la MH (Godin et al., 2010b). Dans un contexte neuronal, la HTT interagit avec la β-caténine et son complexe de dégradation par son interaction avec β-TrCP (β-transducin repeat containing protein) et l’axine. La présence d’une expansion pathologique de glutamines dans la HTT-m diminue son interaction avec la β-caténine, qui se lie alors moins avec son complexe de dégradation, entraînant ainsi son accumulation toxique. L’inhibition de cette accumulation de β-caténine ou de la voie WNT lorsque la HTT est mutante est neuroprotectrice démontrant que cette voie de signalisation WNT/β-caténine participe à la toxicité induite par la présence de la HTT-m (Godin et al., 2010b; Dupont et al., 2012).

Nous n’avons pas observé de diminution majeure de E-cadhérine ni de β-caténine dans la plupart de nos modèles cellulaires et murins. Cependant, dans les cellules 4T1, la diminution de la HTT entraîne une réduction de l’expression de E-cadhérine et de β-caténine. Cette différence pourrait être due aux spécificités et origines des lignées mammaires utilisées au cours de nos études. Il serait intéressant de déterminer si la phosphorylation de la HTT à la sérine 421 est impliquée dans la régulation de la dégradation de la β-caténine. La HTT phosphorylée pourrait réguler l’équilibre entre localisation membranaire, dégradation et localisation nucléaire de la β-caténine. Il est aussi envisageable que la S421-P-HTT module directement l’interaction de la HTT avec ZO1 et la β-caténine ou encore qu’elle module la localisation de β-caténine.

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