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2. Biomarqueur tissulaire : High temperature requirement factor A1 (HtrA1)

2.4 HtrA1 et d’autres cancers

2.4.1 Études in vitro : HtrA1 et la carcinogenèse

L’invasion cellulaire est un des six pôles de la carcinogenèse(68) et HtrA1 semble y être lié. En effet, les cellules dont l’expression de HtrA1 a été supprimée dans le cancer de l’œsophage(80) et du sein(81) ont montré une plus grande capacité d’invasion. L’expérience inverse, menée avec des cellules de cancer de l’œsophage(80, 82), du sein(81) et de mélanome métastatique(83) a montré que d’induire une surexpression de HtrA1 dans des lignées cellulaires était associé à une diminution de l’invasion cellulaire, quoique de manière non significative dans le cas du mélanome et du sein.

L’expression de HtrA1 a aussi été associée, comme mentionné dans le cancer de l’ovaire, à la prolifération cellulaire. Encore une fois, l’induction de la sous-expression de la protéase était associée à une augmentation du pouvoir de prolifération des cellules et, au contraire, l’augmentation de l’expression de HtrA1 a inhibé ou diminué la prolifération cellulaire, notamment dans le mélanome métastatique(83), le cancer du sein(81) et de l’oesophage(82).

L’expression de HtrA1 a aussi été trouvée associée à l’apoptose dans le cancer de l’œsophage(82). Dans cette étude, l’expression de la protéase a été induite dans des cellules de cancer de l’œsophage et le pourcentage de cellules en apoptose a augmenté significativement par rapport à celui des cellules contrôles. Une étude a identifié un autre rôle à la protéase, cette fois dans la réponse à la chimiothérapie. Xu et al. ont montré que les niveaux d’ARNm et de protéine de HtrA1 étaient statistiquement plus faibles dans une lignée cellulaire d’adénocarcinome du poumon résistant à la chimiothérapie que dans une lignée sensible au traitement (p<0,01 pour la mesure en ARNm et celle en protéine)(84). L’induction de la sous-expression de la protéase par shRNA dans des lignées cellulaires de cancer du poumon était associée à une augmentation significative de la survie des cellules mise dans une solution de chimiothérapie (p<0,01 à 10μM de cisplatine) par rapport aux cellules contrôles exprimant HtrA1. L’expérience contraire, réalisée avec injection de plasmides contenant la protéase, a mené à une diminution significative du nombre de cellules ayant survécu dans une solution de chimiothérapie (p<0,05 à 10μM de cisplatine). Les auteurs suggèrent que le rôle de HtrA1 dans la résistance à la chimiothérapie serait en lien avec une voie de signalement intracellulaire ayant un rôle dans l’apoptose, soit la PI3K/Akt-dependent pathway.

2.4.2 Études in vivo : HtrA1, croissance tumorale et métastases chez la souris

Des cellules de mélanome qui ont reçu une transfection de HtrA1 et qui, par conséquent, surexprimaient la protéase ont été injectées dans des souris(83). Ces souris ont formé des tumeurs significativement plus petites à 30 jours que les souris contrôles (0,2 cm vs 1,2 cm, p=0,001). Une expérience semblable a été menée avec des cellules d’adénocarcinome du poumon(84). Les souris ayant été injectées avec des cellules de cancer du poumon qui sous-exprimaient HtrA1 ont survécu moins de temps que celles ayant été injectées avec des cellules de cancer ayant une expression élevée de la protéase (temps de survie médian d’environ 35 jours vs environ 50 jours).

2.4.3 Études chez les humains

2.4.3.1 Expression en ARN messager et en protéine de HtrA1 dans les tissus de divers

cancers

L’analyse de l’ARNm de HtrA1 a montré qu’il y avait une différence significative entre le tissu normal et le tissu néoplasique de l’œsophage(80, 82) et de sein(81), ainsi qu’entre des lignées de cellules normales et néoplasiques de l’estomac(85) et d’adénocarcinome du poumon(84). Dans toutes ces études, la protéase est sous-exprimée dans le tissu cancéreux. Ces résultats ont aussi été trouvés par la mesure de l’expression de la protéine de HtrA1 dans les tissus normaux et néoplasiques de l’œsophage(82) et du sein(81). Par ailleurs, Baldi et al.(86) ont observé, en comparant l’expression en ARNm de HtrA1 à une lignée cellulaire de métastase de mélanome, que l’expression de la protéase était 3,4 fois plus élevée dans la lignée tumorale primaire que dans celle qui était métastatique. Ces données suggèrent que la protéase a un lien avec la carcinogenèse et la progression maligne. Par contre, l’expression de la protéine HtrA1 n’était pas significativement différente dans des tissus de cancer de la thyroïde (n=20) par rapport à des tissus de néoplasme bénin (n=20)(87). Finalement, dans l’étude de Lorenzi et al., l’étude de l’expression de HtrA1 dans des tissus de cancer de la vessie a permis de montrer la présence de deux formes de HtrA1, une à 50 kDa et une autre à 38 kDa, formes déjà observées dans des études présentées à la section 3.1(88). En comparant l’expression de la forme native (≈ 50 kDa) dans des tissus néoplasiques à celle des tissus normaux provenant des mêmes patients, aucune différence statistique n’a été notée (p=0,32). Par contre, il y avait une diminution significative de la forme auto-catalytique (≈ 38 kDa) dans les tissus néoplasiques par rapport aux tissus normaux (p<0,001).

2.4.3.2 Expression de HtrA1 mesurée par immunohistochimie dans les tissus de divers

cancers

Les analyses en immunohistochimie permettent la visualisation, dans les tissus néoplasiques en histologie, du marquage correspondant aux endroits où se trouve la protéine d’HtrA1. Elles permettent d’étudier plus spécifiquement l’emplacement de la protéase dans la tumeur par visualisation du tissu. Dans une étude en immunohistochimie comprenant les tissus de foie normal et de carcinome hépatocellulaire provenant des 50 mêmes patients, Zhu et al. ont mesuré le pourcentage de cellules marquées par HtrA1 (<1% vs >1%)(89). Ils ont montré que HtrA1 était sous-exprimée de manière significative dans le carcinome hépatocellulaire (44% des tissus de carcinome hépatocellulaire avaient un pourcentage élevé de cellules marquées (>1%) vs 64% des tissus normaux, p=0,04). Lorenzi et al. ont mesuré l’intensité du marquage positif (échelle de 1 à 4) et ont montré que l’expression de HtrA1 était plus faible dans des tissus de néoplasie de la vessie (n=68) que dans des tissus normaux (n=68) ou de vessie atteinte de cystite (n=16)(88). Un test statistique global a montré qu’il

y avait une différence significative de HtrA1 entre les trois types de tissus étudiés (p<0,001). Dans le cancer de l’œsophage, l’étude de Xia et al. sur 115 patients a montré que HtrA1 était sous-exprimé (échelle de mesure non mentionnée) dans les tissus néoplasiques par rapport aux tissus normaux. En effet, 30,43% des tissus néoplasiques étaient marqués par HtrA1 contre 65,22% des tissus œsophagiens normaux (p<0,05)(82). Yu et al. ont aussi travaillé sur le cancer de l’œsophage chez 63 patients et ont eux aussi trouvé une sous- expression de la protéase dans les tissus néoplasiques(80). De plus, dans des études concernant le mélanome(83) et le cancer du poumon(90), l’expression de HtrA1 (intensité marquage 1,2 ou 3 pour les deux études) était plus faible dans les métastases de ces cancers que dans la tumeur primaire provenant du même patient (p=0,016 pour le mélanome, p<0,0001 pour le cancer du poumon).

2.4.3.3 Expression de HtrA1 dans un liquide biologique

Lorenzi et al. ont mesuré l’expression de HtrA1 dans l’urine de patients atteints d’un cancer de la vessie et chez des patients normaux(88). Par immunoblot et densitométrie, ils ont détecté à nouveau deux formes de HtrA1, une forme native de 50 kDa et une forme auto-catalytique de 38 kDa, ayant déjà été observées dans leur étude dans des tissus de cancer de la vessie (voir section 3.4.3.1) et dans d’autres études (voir section 3.1). Contrairement à ce qui a été observé dans les tissus vésicaux, les expressions de la forme native (≈ 50 kDa) et de la forme auto-catalytique (≈ 38 kDa), étaient toutes deux significativement augmentées dans l’urine de patients avec un cancer de la vessie par rapport aux expressions de ces deux formes de HtrA1 chez des patients normaux (forme native p<0,0001 et forme auto-catalytique p=0,0002).

2.4.3.4 Expression de HtrA1 dans le stroma par immunohistochimie dans les tissus de

divers cancers

L’expression de la protéase dans le stroma n’a été étudiée que dans une seule étude. Lorenzi et al. ont mesuré l’intensité du marquage (échelle de 1 à 4) dans le stroma de cancer de la vessie, de vessie atteinte de cystite et de vessie normale(88). Un test statistique global n’a pas montré de différence statistique de l’expression de HtrA1 entre les trois types de tissus (p=0,14).

2.4.3.5 Associations entre HtrA1 et les facteurs pronostiques standards de divers

cancers

L’association entre l’expression de HtrA1 et les divers facteurs pronostiques standards des cancers étudiés n’a pas été trouvée de façon constante dans toutes les études. Tout d’abord, la sous-expression de HtrA1 a été trouvée associée au grade tumoral élevé dans le carcinome hépatocellulaire(89), dans le cancer de l’oesophage(80, 82) et du sein(91). De plus, la sous-expression de la protéase a été associée à un stade TNM

associée au type histologique dans le cancer de la thyroïde(87). En revanche, d’autres études sur le cancer de l’estomac(92) et du poumon(90) ont révélé que l’expression de la protéase n’était pas liée à aucun des facteurs pronostiques.

2.4.3.6 Associations entre HtrA1 et le pronostic des patients atteints de divers cancers

La sous-expression de HtrA1 en immunohistochimie (échelle <1%, 1-20% et >20%) a été trouvée associée à un taux de réponse à la chimiothérapie significativement plus faible chez les patients atteints d’un cancer de l’estomac dans la cohorte de Catalano et al. traités avec une chimiothérapie à base de cisplatine(92). Au total, 28,6% des patients avec une faible expression (<1%) de HtrA1 ont répondu à la chimiothérapie contre 69,2% avec une expression moyenne et forte (>1%) de la protéase (p=0,001). Dans l’étude de Chien et al., aussi menée en immunohistochimie (intensité 0 ou 1) avec des patients atteints de néoplasie de l’estomac traité par chimiothérapie à base de cisplatine, 35% des patients avec une faible expression de HtrA1 (intensité 0) ont répondu au traitement versus 71% des patients avec une expression forte (intensité 1) (p=0,009)(63).

Encore dans l’étude de Catalano et al. en immunohistochimie, les patients qui exprimaient fortement HtrA1 avaient un risque de progression plus faible de leur maladie par rapport à ceux qui avaient une expression plus élevée de la protéase dans le cancer de l’estomac (HR=0,52, IC 95%=0,29-0,93, p=0,027)(92). Dans le cancer du sein, menée sur 2809 patientes durant 15 ans, la surexpression de HtrA1 en ARNm était aussi associée à un risque plus faible de progression (HR=0,79, IC 95%=0,7-0,9, p=0,0003)(91). Les analyses multivariées qui ont permis d’ajuster pour les facteurs pronostiques standards confirmaient l’association inverse (HR=0,46, IC 95%=0,23-0,92, p=0,028)(91). De façon intéressante, les auteurs ont noté que l’association entre HtrA1 et la progression du cancer du sein variait selon si les patientes avaient reçu ou non un traitement adjuvant. En effet, la surexpression de la protéase était associée à un taux de progression plus faible seulement chez les patientes ayant reçu une chimiothérapie ou une hormonothérapie (HR=0,60, IC 95%=0,50-0,89, p=0,006). L’association n’était pas significative chez les femmes n’ayant pas reçu de traitement de chimiothérapie (HR=0,84, IC 95%=0,68-1,05, p=0,123).

La sous-expression de HtrA1 en immunohistochimie était associée à une augmentation de 82% du risque de décès dans l’étude de Catalano sur le cancer de l’estomac (HR=1,82, p=0,037)(92). Dans une étude sur le carcinome hépatocellulaire, la survie médiane des patients qui n’exprimaient pas HtrA1 était plus faible que celle des patients exprimant HtrA1 (15,6 mois vs. 35,5 mois)(89). La même tendance a été observée avec le taux de survie à 3 ans (26% vs. 46%). Dans l’étude de Xia et al. menée chez des patients atteints d’un cancer de l’œsophage, l’expression de HtrA1 a aussi été évaluée par immunohistochimie, sans mentionner où et comment le marquage a été évalué(82). Après un suivi moyen de 40 mois, les patients ayant une tumeur sous-exprimant HtrA1 survivaient significativement moins que les patients avec une tumeur qui exprimait

fortement la protéase (31,4% de survie des patients exprimant faiblement HtrA1 vs. 72,5%, p=0,023). Des résultats similaires ont été trouvés avec la mesure en ARNm chez 971 femmes avec un cancer du sein, où les femmes qui surexprimaient HtrA1 avaient un risque de décès significativement plus faible à 15 ans (HR=0,63, IC 95%=0,48-0,83, p=0,0009)(91).

Parmi l’ensemble des études citées, seuls Lehner et al. ont mené des analyses multivariées qui ont ajusté pour les facteurs pronostiques standards. La surexpression d’HtrA1 était associée à une meilleure survie (HR=0,25, IC 95%=0,08-0,80, p=0,02)(91).

En résumé, l’ensemble de ces études suggère que la perte de l’expression de HtrA1 favoriserait la migration, la prolifération des cellules malignes et la diminution de la capacité de la cellule à entrer en apoptose. La sous- expression de la protéase HtrA1 dans le cancer serait associée à un mauvais pronostic. Cependant, peu d’études de qualité sont disponibles et ces résultats doivent être corroborés par d’autres études. De plus, dans le cancer de l’ovaire, aucune étude n’a évalué l’association entre la protéase HtrA1 et le pronostic des patientes.

Objectifs

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