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Chapitre II Libération tonale

B. Honte

Notre thèse de l’acheminement rhétorique à la philosophie présente des affinités formelles avec la maïeutique socratique. Nous proposons de commencer par développer les caractéristiques générales de cette dernière, en nous appuyant sur ce qu’en dit très synthétiquement Jacques Brunschwig dans son article de l’Encyclopædia Universalis :

Socrate, c’est d’abord un geste, une interpellation enjouée, secrètement impérieuse. Les hommes vont à leurs affaires, ils exercent ce qu’ils appellent leurs compétences. Socrate lève son bâton, et dit : « Arrête-toi, mon ami, et causons un peu. Non d’une vérité que je détiendrais, non de l’essence cachée du monde ; mais de ce que tu allais faire quand je t’ai rencontré. Tu croyais cela juste, ou beau, ou bon, puisque tu allais le faire ; explique-moi donc ce que c’est que justice, beauté, bonté. » Ainsi naît le dialogue, au ras de l’activité quotidienne, et la prenant à contre-pied, puisqu’il l’oblige à rendre ses comptes143.

C’est « au ras » de la quotidienneté que la maïeutique commence : Socrate surprend son homme là où il se trouve, et l’enjoint (« interpellation […] secrètement impérieuse ») à « rendre des comptes ». Comment s’y prend-il ? D’abord Socrate interroge. Il fait parler son interlocuteur, le flatte ironiquement. Plus celui-ci se gonfle, moins il s’aperçoit du bateau où le mènent les questions de Socrate. Puis vient le moment de la chute, le cœur de la réfutation socratique, qui n’est finalement qu’une mise en évidence des contradictions, des inconsistances : du vice de la pensée. De gonflé qu’il était, l’interlocuteur est paralysé :

140 Cf. à ce sujet Phänomenologie des religiösen Lebens (SS 1921), p. 291-2/333 : « L’amour authentique a la tendance

fondamentale de se diriger vers le dilectum, <la chose aimée>, ut sit, <pour qu’elle soit>. (Le sens d’être intrinsèque doit correspondre à la particularité de l’objet aimé.) [...] L’amour qu’on partage dans le monde commun a pour sens d’aider l’autre qu’on aime à accéder à l’existence, de manière à ce qu’il se trouve lui-même. » Reden und andere

Zeugnisse eines Lebensweges (1910-1976), GA16, p. 316/12 : « L’amour veut dire : vouloir que ce qui est aimé soit ce

qu’il est. » Wegmarken, GA9, p. 316/35 : « Prendre charge d’une ‘chose’ ou d’une ‘personne’ dans leur essence, c’est les aimer : les désirer. Ce désir signifie, si on le pense plus originellement : don de l’essence. » Hölderlins

Hymnen "Germanien" und "Der Rhein" (WS 1934-35), GA39, p. 82/86 : « Selon la sagesse ancienne, l’amour est

un vouloir, il veut que ce qu’il aime soit, sous sa forme particulière ; qu’il soit fidèle à son essence. »

141 Ou le Vorläufer (cf. Christian Sommer, Heidegger, Aristote, Luther : Les sources aristotéliciennes et néo-testamentaires

d’Être et Temps, p. 264), qui, en ski, ouvre la piste…

142 Sein und Zeit (1927), §34/163.

143 Jacques Brunschwig, « Socrate (~469-~399) et écoles socratiques », Dictionnaire des philosophes, Encyclopædia

Socrate, j’avais entendu dire, avant même de te rencontrer, que tu ne fais rien d’autre que t’embarrasser toi-même et mettre les autres dans l’embarras. Et voilà que maintenant, du moins c’est l’impression que tu me donnes, tu m’ensorcèles, tu me drogues, je suis, c’est bien simple, la proie de tes enchantements, et me voilà plein d’embarras144 !

C’est Ménon qui parle et qui avoue bien franchement son embarras, après avoir comparé Socrate à la « raie torpille », qui jette ses adversaires sous-marins dans un état de langueur… Il semble donc que la réfutation socratique, la mise en évidence du vice de la pensée dépasse le domaine de la validité logique et qu’elle sache atteindre l’homme derrière l’énoncé.

Cette réfutation se dit en grec ἔλεγχος, substantif qui provient du verbe ἐλέγχειν. En plus de signifier réfutation, l’elenkhos peut également signifier : indication d’une faute ; preuve de cette faute145. Derrière cette réfutation, au-delà de la sphère logique, il y a donc ce que nous

appellerions une remontrance. Elenkhein signifie d’ailleurs chez Homère « faire honte146 », ce

qui marque que cette remontrance peut être plus ou moins violente, car la remontrance relève une faute, la met en évidence, et ce parfois aux yeux de tous. Ce qui nous approche sensiblement de l’humiliation pure et simple, d’autant plus violente que l’humilié en mène large. C’est par là qu’on explique couramment la condamnation de Socrate : il dérangeait malgré tout bon nombre de ces « menant large » !

La réfutation socratique, par delà le vice logique, commence donc par éveiller la honte chez l’interlocuteur147. Elle lui fait ressentir son état comme un moindre, un pire (χείρον), toujours à

partir d’une satisfaction initiale, d’une insouciance, voire d’un souci de quitter tout souci qui marque assez souvent le quotidien. Mais Socrate l’indique ailleurs, s’il faut réfuter, c’est pour que l’humilié se purifie : « C’est pour cela, Théétète, qu’il faut proclamer que la réfutation est la plus importante et la plus juste des purifications, et qu’il faut dire, en même temps, que celui qui n’est pas réfuté, même s’il est le Grand Roi, restera impur et conservera inculte et enlaidie ce qui devrait être la chose la plus pure et la meilleure pour celui qui aspire au véritable bonheur148. » Pour employer une métaphore commune, il s’agit de faire comprendre à celui qui

144 Platon, Ménon, tr. M. Canto-Sperber, 80a, p. 1064. (Nous citons Platon à partir de l’édition des œuvres

complètes dirigée par Luc Brisson chez Flammarion.)

145 Dans son dictionnaire, Bailly cite Thucydide, qui l’emploie pour parler des preuves de la culpabilité de

Pausanias.

146 Cf. p. ex. Illiade, II, v. 235 ou encore V, v. 786.

147 cf. p. ex. le début du discours d’Alcibiade, dans : Platon, Le Banquet, tr. L. Brisson 213b-216e, p. 147-150. 148 Platon, Sophiste, tr. N. L. Cordero, 230d-e, p. 1829. cf. le commentaire qu’en fait Heidegger : Platon : Sophistes

(WS 1924/25), GA19, p. 359 ; tr. l. : « Quelque chose qui possède en soi certes la possibilité vers un βέλτιον, mais qui est réprimé par un χείρον, est rendu manifeste par la κάθαρσις en tant qu’ἔλεγχος, et ce rendre manifeste est en soi lui-même une ἐκβολή, un rejet du χείρον et ainsi une libération du βέλτιον. »

se croit sain qu’il est malade, et c’est d’ailleurs là le sens de l’allégorie de la caverne149. En

analysant cette allégorique, Heidegger fait ressortir du processus de libération la violence150 de

l’arrachement : il faut tirer de force le « malade » à la lumière, ce qui est nécessairement souffrant151. La honte est cette violence, cette souffrance de la libération : la réfutation n’est pas

un mouvement de surface, c’est un « ébranlement » profond152, elle ne doit pas se limiter à faire

voir, mais elle doit faire voir de telle sorte que l’état moindre soit éprouvé dans la honte, c’est-à- dire paraisse à rejeter au plus vite.

De ce que Socrate dit à Théétète dans le Sophiste à propos de l’homme qui n’est jamais réfuté, nous pouvons dire que celui-là n’a pas de bons amis. Car c’est en quelque sorte le rôle de l’ami (qui nous aime, qui veut que nous soyons ce que nous sommes) de nous adresser des reproches que nous ne saurions nous adresser nous-mêmes, ou comme l’indique Aristote :

[N]ous ne pouvons pas nous contempler nous-mêmes à partir de nous-mêmes : ce qui le prouve, ce sont les reproches que nous adressons à d’autres, sans nous rendre compte que nous commettons les mêmes erreurs, aveuglés que nous sommes pour beaucoup d’entre nous, par l’indulgence (eunoia) et la passion (pathos) qui nous empêchent de juger correctement. Par conséquent, à la façon dont nous regardons dans un miroir quand nous voulons voir notre visage, quand nous voulons apprendre à nous connaître, c’est en tournant nos regards vers notre ami que nous pourrions nous découvrir, puisqu’un ami est un autre soi-même153.

Est-ce l’ami lui-même que l’on regarde pour se connaître, comme si justement il était identique à soi-même, ou est-ce plutôt son regard que l’on cherche ? ce regard par définition silencieux, et pourtant souvent teinté de reproche, ce regard de l’ami que l’on cherche parfois aussi à éviter, trop conscient peut-être du frein qu’il représente pour nos appétits, du recul qu’il impose à nos impétuosités ? Et parfois également, l’ami au regard plein de reproche saisit le bras de l’ami égaré, l’ébranle et le force à croiser le regard. Cet ébranlement, quelquefois violent, auquel à contrecœur un ami se résout, peut être humiliant, car il arrive que le chemin de l’humiliation soit le seul qui parvienne à atteindre l’ami « entêté » dans sa bêtise.

149 Platon, République ,VII, tr. G. Leroux, 515c, p. 1680.

150 Il n’est pas le seul, cf. p. ex Victor Goldschmidt, Les Dialogues de Platon : structure et méthode dialectique, Paris, Puf,

1947, p. 17 : « Si l’on prend au pied de la lettre la description de la Caverne, l’action libératrice de la dialectique serait liée à l’emploi de la contrainte. La philosophie apporterait la lumière à des gens qui se sentent parfaitement à leur aise dans les ténèbres et qui se révolteraient d’abord contre leurs libérateurs. De fait, le Socrate platonicien ne procède que par persuasion. / Il est vrai que cette persuasion est parfois ressentie comme une violence. »

151 Vom Wesen der Wahrheit (WS 1931/32), GA34, p. 76/97 : « Nous avons vu que la libération impliquait même la

βία, la violence. »

152 Platon : Sophistes (WS 1924/25), GA19, p. 383.

153 Aristote, Les Grands livres d’éthique (la grande morale), tr. C. Dalimier, Paris, Arléa, 1995, II, XV, 1213a15-24, p.

Le miroir honteux

Mais Heidegger n’est ni Socrate, ni notre ami intime. Heidegger est ici le nom de l’auteur, cette figure ambiguë qui nous guide tout au long de notre lecture. Le texte se donne comme une œuvre de philosophie, qui semble donc contenir une sorte de « contribution » à un de ses « domaines ». L’auteur qui marche devant nous nous rend compte de ses « recherches ». En l’occurrence, celles-ci portent sur une nouvelle façon de comprendre l’homme. Mine de rien, et surtout en insistant pour dire que cela n’est rien154, l’auteur introduit un vocabulaire dépréciatif

(inauthenticité, quotidienneté, On, etc.). Il y fait la description d’une existence qui ne s’est pas saisie de son « pouvoir-être le plus propre ». On lit ces descriptions, c’est-à-dire qu’on suit plus ou moins l’auteur, jugeant tel ou tel trait « bien trouvé », se plaçant toujours dans le rôle de celui à qui on parle d’un tiers. Et dans un vocabulaire « neutre » ! Peut-être cela rappelle-t-il une critique de la société contemporaine qu’on formule toujours à part soi, c’est-à-dire une critique qui comprend toujours le critiqué comme étant l’autre. La « laideur » du portrait du On frappe. Et tout à coup, un détail glace par sa vérité. « C’est très juste… » Ce trait est en fait si juste qu’à partir de lui, comme en une contagion, le portrait entier s’illumine et trouve son sens. On se rend compte… qu’on est représenté !

Derrière l’objectivité apparente d’Être et Temps (après tout, une méthodologie y est définie, on y fait des expériences, on y est soucieux de tout attester, etc.), il y a finalement un piège ! Il est sans doute possible de lire l’ouvrage sans jamais tomber dans ce piège, sans jamais se rendre compte qu’on y est peint, et alors on croit avoir affaire à une « philosophie de l’existence », à un traité sur l’être de l’homme (ou à tout le moins qui s’arrêterait à n’être que cela)155. Mais le

piège, s’il n’est pas nécessaire qu’y tomber soit aussi « dramatique » que nous venons de le décrire, est entier : personne ne lit Heidegger, a fortiori Être et Temps sans être mû par un désir de philosophie, et sans donc un certain orgueil qui l’accompagne, l’orgueil de n’être pas « comme tout le monde », et la certitude (vague sans doute) de tendre vers quelque chose qui est à la fois difficile et nécessaire (même si on ne sait pas toujours justifier cette nécessité). Et justement la description du Dasein inauthentique commence comme la réfutation socratique :

154 « Par rapport à ces phénomènes, il ne sera peut-être pas superflu d’observer que leur interprétation a une

intention purement ontologique, et qu’elle se tient à cent lieues d’une critique moralisante du Dasein quotidien… »

Sein und Zeit (1927), §34, p. 167.

155 Überlegungen II-VI (Schwarze Hefte 1931-1938), GA94, p. 74 ; tr. l. « ‘Être et temps’ (cf. p. 20) – ce qui y était

moyen et chemin afin de parvenir à poser la question de l’être, tous ceux qui se réclament de la « philosophie de

par une flatterie ironique. On se sent du même côté que l’auteur, c’est-à-dire de ce côté où l’on peut observer la médiocrité de haut. Et même si le « coup » n’est pas aussi brutal ou dramatique, comme nous disions, le soupçon qui vient de cette description ne quitte plus le lecteur. Le divertissement, le bavardage, la curiosité, la complaisance de la facilité, c’est ce qu’on aperçoit ensuite partout… dans sa propre existence ! Heidegger n’est pas un ami intime, et pourtant c’est bien un miroir pour se connaître qu’il tend ; dans ce miroir, c’est le regard sévère de l’ami qu’on retrouve.

Heidegger n’est pas Socrate non plus, nous l’avons dit. Il ne se promène pas à Athènes, il ne s’est jamais promené dans sa Forêt-Noire pour enjoindre ses voisins à se connaître eux-mêmes. Il ne s’est pas adressé directement à tel ou tel homme, à vrai dire il ne s’adresse à personne, et c’est là prudence et force rhétorique. Prudence, car, si Heidegger a été condamné par la Cité, ce n’est pas (à première vue du moins) par les remontrances qu’il adressait aux orgueilleux. Force rhétorique, d’une part parce que le On n’étant personne, il est aussi tout le monde ; d’autre part parce que le lecteur s’y fait prendre à son propre jeu, comme le personnage de Goliadkine dans le Double de Dostoïevski, qui à force de vouloir se cacher et se faire observateur156, finit par se

voir (double !) véritablement.

Ce procédé rhétorique n’est pas (à notre connaissance) revendiqué explicitement par Heidegger. Et pourtant, ainsi que nous allons le voir par la suite, des procédés voisins de celui- ci nous permettent de supposer que nous ne l’inventons pas. Ce n’est par ailleurs pas un procédé très rare. Nous l’avons déjà fait remarqué en introduction chez Descartes, qui raconte son chemin en insistant pour dire qu’il ne l’impose à personne, que c’était très bien pour lui, et voilà tout. On peut aussi y voir toute la force des Confessions d’Augustin, livre de conversion s’il en est un. Les Lettres à Lucilius de Sénèque ne s’adressent pas à soi (elles s’adressent à Lucilius…), et pourtant ses remontrances ne nous quittent plus. Les moralistes, en enfermant les caractères dans un aphorisme lapidaire, usent du même procédé. La Bruyère l’indique même dans son avant-propos au lecteur157 :

Je rends au public ce qu’il ma prêté ; j’ai emprunté de lui la matière de cet ouvrage : il est juste que, l’ayant achevé avec toute l’attention pour la vérité dont je suis capable, et qu’il

156 Fédor Dostoïevski, Le Double, tr. André Markowicz, Paris, Actes Sud (Babel), 1998, p. ex. p. 65 : « Finalement,

il atteignit un petit recoin et s’y plaça comme un observateur étranger, plus ou moins indifférent… »

157 Il est à remarquer que c’est à cet endroit seul (l’avant-propos) que l’auteur s’adresse directement au lecteur, et que

dans le corps de l’ouvrage, cette adresse est toujours médiatisée par la description, c’est-à-dire par le procédé rhétorique lui-même.

mérite de moi, je lui en fasse la restitution. Il peut regarder avec loisir ce portrait que j’ai fait de lui d’après nature, et s’il se connaît quelques-uns des défauts que je touche, s’en corriger158.

Par la lecture du texte, le lecteur doit « prendre conscience » de son inauthenticité ; comme par la réfutation socratique, il doit reconnaître dans sa chair n’être pas celui qu’il croit être. Heidegger, lorsqu’il traduit elenkhos, interprète cette violence pathique en disant que réfuter, c’est « clouer au pilori » (an den Pranger stellen). Cette violence pathique, ce « dans sa chair » est nécessaire, car autrement le malade qui se croit toujours sain fuit le remède comme poison ! Et il s’entête dans la maladie159.

Par ce que nous avons dit, le choix « méthodologique » de la quotidienneté comme point de départ de l’analytique existentiale acquiert un nouvel éclairage, qui n’invalide cependant pas nécessairement la justification qu’en donne Heidegger. Un peu comme Socrate, celui-ci va en effet chercher par ce moyen l’homme là où il se trouve, tout en passant sous le couvert d’une considération en apparence objective « méthodique ». Il y a donc bien un « chemin » (hodos) : c’est celui que Heidegger en éclaireur (le Vorläufer160) trace depuis la satisfaction quotidienne de

soi-même jusqu’à la prise honteuse de conscience de la médiocrité. Et le portrait se change d’autant mieux en miroir que Heidegger répète cette formule : ce que nous sommes de prime abord

et le plus souvent.

Ce On que nous sommes de prime abord et le plus souvent, c’est lui qui nous empêche de nous connaître (Dasein). Nous avons vu que pour Aristote, celui qui veut se connaître ne peut s’interroger lui-même, qu’il a besoin d’un ami, parce qu’envers lui-même, il est (1) complaisant et (2) passionné. Nous retrouvons dans le On ces deux caractéristiques qui font que nous avons besoin de l’ami.

Le On décharge ainsi à chaque fois le Dasein en sa quotidienneté. Mais il y a plus encore : avec cette décharge d’être, le On complaît au Dasein pour autant qu’il y a en lui la tendance à la légèreté et à la facilité, et c’est précisément parce que le On complaît ainsi constamment au Dasein qu’il maintient et consolide sa domination têtue161.

158 La Bruyère, Les Caractères, éd. A. Adam, Paris, Gallimard (folio classique), 1975, p. 17.

159 Vom Wesen der Wahrheit (WS 1931/32), GA34, p. 36/55. Dans cet état, l’homme manque de quelque chose, il

est malade, une guérison est nécessaire. La guérison présuppose, cependant, une juste appréciation de la maladie. C’est justement ce qui manque lors de cette délivrance. [...] C’est pourquoi, après avoir été délivré, le prisonnier veut retourner dans les chaînes.

160 Christian Sommer, Heidegger, Aristote, Luther : Les sources aristotéliciennes et néo-testamentaires d’Être et Temps, p. 264. 161 Sein und Zeit (1927), §27/128.

Dans ce premier extrait, Heidegger explique que dans le On, l’homme est constamment déchargé de son être, c’est-à-dire du fait d’être un Soi qui a à être soi-même, de ce que nous avons appelé « la tâche ». Non seulement le On décharge, mais il (1) complaît à l’homme qui voudrait se connaître, en ce qu’il ne lui fait pas voir un juste reflet de lui-même comme qui, mais qu’il lui montre toujours un quoi, c’est-à-dire la légèreté ou la facilité de ce qui est déjà déterminé d’avance. Ou encore, lorsque dans le On l’homme parvient à s’apercevoir lui-même, c’est sans la violence pathique (la honte) qui pourrait l’ébranler profondément. C’est que – et c’est là la seconde (2) « caractéristique » du On qui fait que nous avons besoin de l’ami – le On sait également se servir de la tonalité. Nous essayons de chasser une pensée honteuse en faisant des gestes rapides, comme s’il s’agissait d’une mauvaise odeur que nous pourrions balayer, ou encore nous grimaçons pour conjurer cette honte en l’exprimant. Mais la réaction la plus éloquente consiste à siffloter un air gai. Nous l’avons dit plus haut, la tonalité concerne la remise à l’homme de la tâche d’être soi-même. Et pourtant, c’est le plus souvent dans l’esquive, dans la fuite, qu’elle intone l’homme par rapport à cette tâche. C’est ainsi que la tonalité propre au On détourne l’homme de soi-même et rend nécessaire l’ami.

Exemples du miroir au-delà d’Être et Temps

Cette stratégie du miroir n’est pas exclusive à Être et Temps dans l’œuvre de Heidegger. Au

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