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Homologation et refus

Partie 3. Les entretiens : résultats bruts

2. La procédure

2.7. Homologation et refus

À l’échelle nationale, le taux de refus s’élève à 9 %, mais comment le contrôle de la rupture con- ventionnelle est-il, en pratique, exercé par l’administration du travail ?

La rupture conventionnelle fait l’objet d’une convention élaborée entre les parties et homologuée par le directeur départemental du travail, de l’emploi et de la formation professionnelle (agent char- gé du contrôle) pour être effective. En cas d’erreurs ou de vices, elle peut être refusée puisque la convention de rupture est soumise à homologation, c’est-à-dire « à une procédure spécifique pour garantir la liberté du consentement des parties ». Or, dans les faits, le contrôle du consentement ne peut être effectué (à l’exception des salariés protégés où un entretien spécifique est prévu), seuls les données factuelles le sont (signatures, montant de l’indemnité minimale, ancienneté, salaires, dates). En réalité, plus que de la liberté du consentement, la DDTEFP s’assure donc de la validité de la demande (montants de l’indemnité, délai de rétractation, signatures). L’enquête de terrain a mis

au jour dix cas de refus d’homologation par l’unité territoriale sur les cent salariés interrogés.

Certains n’ont pas représenté de procédure après le premier refus et d’autres ont connu plusieurs refus avant homologation ; jusqu’à trois (erreur de dates, puis sur l’ancienneté et enfin sur le mon- tant de l’indemnité) pour cette salariée :

- « on a signé une première rupture qu’il avait très mal rempli. Donc on a essuyé un refus. En fait,

on a signé trois ruptures avant de signer une rupture définitive et bonne. C’était sa comptable qui avait rempli le premier formulaire, mais elle s’était trompée sur la date du premier entretien et sur la date du délai de rétraction (il avait mis la date de notre entretien). Le deuxième refus, c’était sur l’ancienneté et la troisième, c’était sur les indemnités de licenciement qui n’avaient pas été bien calculées ; c’était une erreur de cinq cents euros. À ce moment-là, quand il a vu la somme qu’il me devait pour les indemnités, il a refusé d’en signer une quatrième parce que ça lui coûtait trop cher. J’ai appelé l’inspection du travail. Donc, il s’est dit qu’il allait être coincé. Donc, on en a signé une quatrième. Donc là, j’ai tout vérifié et j’ai fait vérifier par un ami. Celle-ci c’est la bonne, donc je vais l’encadrer (rires). Mon sentiment ? Oui, je pense qu’il l’a fait exprès. Il espérait que je démis- sionne pour que je parte sans qu’il paie ».

- La demande d’homologation de X a été refusée, car les salaires de plusieurs mois (pendant les- quels le salarié était en AM) notifiés sur le Cerfa correspondaient à zéro. Le salarié avait pourtant fait remarquer à la représentante de son employeur que les salaires normaux devaient figurer malgré l’arrêt maladie. Cette remarque n’avait pas été prise en compte.

- Y n’avait pas daté sa signature sur le Cerfa et son employeur non plus. Un nouveau formulaire a dû être rempli, ce qui a repoussé la date de départ.

- J ouvrier agricole travaillant dans le Gaec de ses parents, s’est vu refuser sa demande d’homologation, car l’indemnité de rupture était nulle.

- Pour un défaut dans le calcul du montant de l’indemnité, la RC est refusée. En effet, la somme, trop faible, ne tient pas compte de la convention collective du bâtiment. La deuxième tentative se fait immédiatement après et les dates des entretiens restent identiques. Un nouveau montant de l’indemnité est cependant calculé : 2 354,78 euros à la place des 1 883,84 euros précédents. Jusqu’à l’homologation, il peut rester à son domicile tout en percevant son salaire.

Nous avons également rencontré le cas d’un autre refus par l’unité territoriale (indemnité inférieure à l’indemnité légale et signatures manquantes), mais celui-ci a ensuite donné lieu à un licenciement avec transaction puisque l’employeur n’a pas souhaité entamer une deuxième procédure :

- ingénieur-logiciels : « on a essayé de faire une rupture conventionnelle, mais elle a été refusée

lettre de l’inspection du travail… En fait, il y avait deux problèmes : il y avait aussi une signature qui a été oubliée. Après, ça ne les intéressait pas de représenter un autre dossier. C’était mon RH qui m’avait proposé la rupture conventionnelle, moi je ne connaissais pas. En même temps aussi, c’était aussi mon choix d’être mutée, de partir… Ça a été rapide, d’ailleurs tellement rapide qu’on a oublié de faire une signature. C’est bénéfique parce qu’ils m’ont licencié pour faute grave. Je ne sais pas si c’était une erreur intentionnelle, mais la situation dans laquelle j’étais… Légalement, j’aurai dû démissionner… Dans la moralité de la chose, c’était moi qui faisais mon choix, donc j’aurai dû démissionner. Mais c’est quelque chose que je ne pouvais pas me permettre. Partir sans boulot et avec deux enfants, ça aurait été un peu compliqué ! Donc, j’ai aussi profité du truc un peu aussi… Mais oui, à mon avis, c’est voulu, ça les arrangeait d’avoir une faute grave alors qu’il n’y a rien. (…) Au refus, on se met d’accord sur le fait qu’on va faire un licenciement pour faute grave parce qu’il ne voulait pas refaire la procédure, que ça allait faire encore un délai d’attente de deux mois et que ça leur ferait me payer des salaires. Donc on négocie, on fait une transaction. C’est ce qu’il devait y avoir avant la rupture conventionnelle, ils sont restés sur les vieux principes. Mais, pour la transaction, ils m’ont donné plus quand même, ils m’ont donné dix mille euros nets (six mille cinq cents pour la RC). Comme je récupère le montant que je voulais au départ, je n’essaie même pas de les comprendre. (…) Ils m’ont fait ça comme un abandon de poste. Ça m’était égal parce que je me tournais vers un autre emploi. Je me suis renseignée aux Assedic si je touchais bien le chômage pour faute grave. Comme c’était bon, peu importe l’un ou l’autre ».

Voici un autre cas de licenciement suite à une non-homologation de RC :

- Pour un défaut dans le calcul des délais, la RC est refusée. Il n’y aura pas de deuxième tentative et le salarié sera licencié pour motif économique.

Nous avons également rencontré des salariés protégés pour lesquels l’inspection du travail doit avoir une vigilance particulière : il évalue le consentement des parties, le bon déroulement de la procédure (et plus globalement, il vérifie l’application du droit du travail dans l’entreprise) durant un entretien collectif avec l’employeur et le salarié, puis deux entretiens individuels. Selon la sala- riée, l’inspectrice du travail ne s’est pas révélée être indépendante :

« Quand j’ai eu ma rupture conventionnelle, j’ai été convoquée à l’inspection du travail pour voir

si cette rupture n’était pas du fait de ma fonction de déléguée du personnel. C’était pas le cas, mais, quand je suis arrivée au rendez-vous, j’avais l’impression d’avoir quelqu’un en face de moi qui était pro-employeur et pas pro-salarié, alors que cet entretien c’était justement pour me protéger. Déjà par rapport aux questions et l’entretien avec elle a duré bien moins longtemps que celui avec mon employeur. Alors que c’est pas son rôle. Normalement, l’entretien, c’est pour voir si la rupture n’est pas du fait de ma protection. Il y a eu un premier entretien où on était tous les trois (l’inspectrice a vérifié les différents documents) et après, chacun a passé un entretien indivi- duel avec l’inspectrice. Ils vérifient que c’est bien un consentement mutuel. Par exemple, lors de l’entretien collectif, mon employeur a demandé à l’inspectrice si j’avais le droit aux heures de re- cherche d’emploi et elle a répondu que c’était lui qui choisissait, alors que ça peut être assimilé à un licenciement et j’y avais le droit ! Quand elle a fait cette réponse, je me suis dit qu’elle n’était pas avec moi ! Elle aurait pu dire qu’on pouvait partir sur du 50/50. En plus, ça m’intéressait d’avoir ces heures pour trouver du travail le plus vite possible. Et dans l’entretien individuel, mes réponses étaient presque truquées puisque ce que je voulais, c’est qu’elle valide mon licenciement ! C’est à partir de cet entretien qu’on reçoit le courrier d’homologation ou de refus de la rupture conventionnelle ».

En revanche, dans le cas de ce salarié, l’inspection du travail s’est avérée opérante :

- Le salarié et son employeur se rendent ensemble à la direction du travail pour déposer le dossier de RC. Ils sont convoqués le même jour pour des entretiens par l’inspecteur du travail. Au total, trois entretiens sont effectués : le salarié seul, son employeur seul et les deux hommes ensembles. L’inspecteur demande au salarié si les indemnités lui conviennent. C’est au cours de cet entretien que l’inspecteur s’aperçoit qu’il manque l’accord signé du CE comme pièce au dossier. Il dit au

salarié que l’homologation sera de fait rejetée. Tous les salariés élus savaient que le salarié allait partir sur sa demande, mais rien n’avait été voté officiellement (il s’agit d’un oubli). L’inspecteur le rassure en lui précisant que la date de son départ restera inchangée. Par la suite, le CE donne son accord sans aucune difficulté. Le formulaire est rempli de nouveau à l’identique du premier (même date).