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Historique et définition

Approches thérapeutiques

II. Transplantation de microbiote fécal

1. Historique et définition

Le concept de transfert de flore digestive n‘est pas nouveau. Il est décrit dans le «Handbook of Emergency Medicine », il y a plus de 1700 ans, par le chinois Ge Hong pour traiter des patients ayant une diarrhée sévère. Au XVIIe siècle, le transfert de flore digestive a été utilisé par voie orale ou rectale en médecine vétérinaire sous le terme de « transfaunation». Plus proche de nous, la consommation de selles fraîches de chameaux a été une pratique des bédouins pour guérir la dysenterie bacillaire et son efficacité a été documentée chez les soldats allemands en poste en Afrique du Nord pendant la Seconde Guerre mondiale. La première description scientifique de transfert de flore digestive a été publiée par Eiseman en 1958 chez 4 patients souffrant de colite pseudo-membraneuse et traités par des lavements de selles d‘un donneur sain. Le transfert de flore par lavement dans le cadre de l‘infection à C difficile a été rapporté pour la première fois par Schwan et al. en 1983. Et C‘est en 2013 que le traitement a à nouveau été remis sur la table, après la parution dans le New England Journal of Medicine d‘une étude intitulée «Duodenal Infusion of Donor Feces for Recurrent Clostridium difficile». Alors que les premiers essais utilisaient encore un lavement rétrograde dans le gros intestin, l‘étude de 2013 a introduit des matières fécales d‘un donneur sain dans l‘intestin grêle par voie antérograde via une sonde nasale. De plus, des méta-analyses récentes ont rapporté une efficacité de plus de 90% de la TMF dans le traitement de l‘infection à Clostridium difficile, cette technique pourrait donc représenter un traitement de troisième intention en cas d‘échec de thérapie par probiotiques ou antibiotiques [81]. A l‘heure actuelle, il y a un intérêt croissant pour la

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manipulation du microbiote à visée thérapeutique d‘une manière générale et pour la TMF en particulier, y compris en dehors du traitement des infections récidivantes à Clostridium difficile, par exemple, en cas de maladies cardio-métaboliques, de maladies auto-immunes et d‘autres affections extra-intestinales.

Aujourd‘hui, l‘administration thérapeutique de selles est appelée transplantation de microbiote fécal [83].

La transplantation fécale désigne l‘infusion d‘une suspension fécale d‘un sujet sain vers le tube digestif d‘un autre individu, Son efficacité et sa tolérance ont été rapportées dans plus de 40 études dans différentes affections digestives mais aussi extra-digestives, Les termes « transplantation fécale » sont aujourd‘hui associés à plus de 1000 citations dans Pubmed [82].

2. Réglementation

A l‘échelle internationale, le microbiote fécal n‘a pas le même statut dans les différents pays. Les Etats-Unis considèrent qu‘il s‘agit d‘un médicament alors que certains Etats membres (Royaume-Uni, Danemark et Pays-Bas) ne le qualifient pas comme tel (certains comme un tissu) et la Belgique comme MCH « Métière du corps humain ».

En France, la TMF répond à la définition d‘un médicament conformément à l‘article L.5111-1 du Code de santé publique (CSP) : « toute substance ou composition présentée comme possédant des propriétés curatives ou préventives à l‘égard des maladies humaines ou animales, ainsi que toute substance ou composition pouvant être utilisée chez l‘homme ou chez l‘animal ou pouvant leur être administrée, en vue d‘établir un diagnostic médical ou de restaurer,

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corriger ou modifier leurs fonctions physiologiques en exerçant une action pharmacologique, immunologique ou métabolique… ».

En France, A ce jour, le Code de la Santé publique ne prévoit pas de statut particulier pour le microbiote fécal. Toutefois, dans la mesure où le microbiote fécal est utilisé à visée curative à l‘égard de maladies humaines, il doit être considéré comme un médicament conformément à l‘article L. 5111-1 du Code de la Santé publique, qui définit un médicament comme « toute substance ou composition présentée comme possédant des propriétés curatives ou préventives à l‘égard des maladies humaines ou animales, ainsi que toute substance ou composition pouvant être utilisée chez l‘homme ou chez l‘animal ou pouvant leur être administrée, en vue d‘établir un diagnostic médical ou de restaurer, corriger ou modifier leurs fonctions physiologiques en exerçant une action pharmacologique, immunologique ou métabolique.[…] ». A ce stade précoce de développement de ce produit et en l‘absence d‘autorisation de mise sur le marché, celui-ci peut être utilisé dans le cadre législatif et réglementaire applicable aux préparations magistrales et hospitalières (article L. 5121-1 du Code de la Santé publique), ou aux médicaments expérimentaux destinés à un essai clinique (article L. 5121-1-1 du même code).

Pour mieux évaluer la balance bénéfice/risque, l‘Agence Nationale de Sécurité du Médicament (ANSM), encourage la mise en place d‘essais cliniques contrôlés. Cela permettra d‘évaluer les effets escomptés mais également les risques immédiats (infectieux, allergique...) ou des risques à long terme plus méconnus, liés au remplacement d‘une communauté complexe de micro-organismes par une autre.

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Le microbiote fécal répond à la définition d‘un médicament et sa préparation sera sous la responsabilité d‘une Pharmacie à Usage Intérieur (PUI).

3. La transplantation

La première étape essentielle à la transplantation est le choix du donneur. Celui–ci peut être une personne familière ou un anonyme.

Le donneur potentiel doit répondre à un questionnaire de présélection, retrouvé dans les recommandations rédigées par l‘ANSM, associé à un entretien médical, ayant pour but de diminuer le risque de transmission d‘un agent pathogène. Cet entretien est du même principe que ceux réalisés dans le cadre d‘un don de sang. Le même questionnaire est utilisé mais il est complété par des critères additionnels pour l‘adapter au don de selles et au contexte de transplantation fécale. Ces critères, ils sont présentés sur la figure ci-dessous :

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Tableau 5: Questionnaire de présélection (ANSM)

INFORMATIONS CRITERES DE NON

INCLUSION ABSOLUE

CRITERES DE NON INCLUSION <<RELATIVE>>

(A JUSTIFIER)

Co-morbidités

Donneur avec une pathologie

chronique connue

Antécédent de fiévre typhoide

Troubles digestifs (diarrhée

aigué ou chronique) dans les 3 mois précédant le don

Donneurs avec antécedents familiaux :

- MICI (lien de parenté)

- maladies auto-immunes (lien de

parenté)

- cancer colique (lien de parenté et

âge d’apparition

Traitement médicamenteux

Donneur suivant un traitement curatif au long cours

Donneur traité par anti-infectieux au cours des 3 mois précédant le don

Voyages

Séjour en zone intértropicale

au cours de 3 mois précedant le don

Résidence de plusieurs

années en zone intertropicales

Hospitalisations à l’étranger

de plus de 24 h dans les 12 derniers mois (y compris membres de l’entourage du donneur)

Âge Donneur mineur Donneur âgé (> 65 ans )

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Si le candidat est retenu, l‘équipe médicale devra l‘informer des mesures à prendre pour limiter le risque de contamination par tout comportement à risque, voyage et risques liés à l‘alimentation, jusqu‘au don.

A la suite du premier questionnaire, un prélèvement de selles est réalisé pour effectuer de tests de dépistage de maladie transmissibles.

Tableau 6 : Liste des agents infectieux à dépister chez les donneurs (ANSM)

SANG SELLES

Treponema pallidum

Coproculture standard et orientée :

Clostridium difficile

Listerie monocytogenes

Vibrio chlorae/Vibrio parahemolyticus

Salmonelle

Shigella

Bactéries multirésistantes aux

antibiotiques

Virus de l’immunodéficience humaine (HIV)

Virus T-lymphtropique

humain (HTLV)

Virus des hépatites B et C

(HVB HVC) Cytomégalovirus (CMV)/virus Epstein-Barr(EBV) Adénovirus Astrovirus

Calcivirus (norovirus, sapovirus)

Picornavirus (entrérovirus,Virus Aichi)

Rotavirus

Virus des hépatites A et E

Strongloides stercoralis Toxoplasma gondii Trichinella spiralis Strongyloides stercoralis Cryptospordium sp. Cyclospora sp. Entamoeba histolytica Giardie intestinalis Isospora sp. Microsporidies B ac rie s Vir u s Par asi tes

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Cette liste est exhaustive et permet d‘éviter toute contamination du receveur. Lorsque le questionnaire de présélection et les tests de dépistage ont permis d‘écarter tout risque, le don peut être réalisé.

Le jour du don, un nouvel entretien avec un questionnaire simplifié aura lieu pour analyser le risque de contamination depuis le dernier rendez-vous. Avec une nouvelle recherche bactérienne sur un prélèvement de selles émises dans la semaine précédant le don. C‘est à l‘issue de cet entretien que le donneur sera définitivement sélectionné ou non.

Tableau 7 : Questionnaire de sélection (ANSM)

CRITERES DE NON INCLUSION INCLUSION SUR LA BASE D’UNE APPRECIATION INDIVIDUELLE

Episode de diarrhée (>3 selles molles à

liquide/j) chez le donneur ou les membres de son entourages

Situations à risque de contamination : - Voyage à l’étranger

- Contact avec du sang humain

(piercing, tatouage, piqûre, plaie, projection, soins dentaires ….)

- Comportement sexuel à risque - Présence de lésions anales

(afin de limiter le risque de

transmission du virus du papillome humain et des virus de l’herpés)

Recherche des événements suivants :

Consultation médicales (motif) Maladie contractée (laquelle,date et durée) Prise de médicaments (mesquels,date de la dérniére prise )

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Ces critères doivent exclure le donneur potentiel car ils traduisent soit un risque d‘infection ou de microbiote altéré (diarrhées) ou des risques d‘avoir été exposé à une contamination.

Un recueil des événements survenus chez le donneur dans les semaines qui suivent le don est conseillé, comme la survenue d‘une maladie infectieuse.

Figure 17: Chronologie (versant"donneur") de la transplantation fécale (en l'absence de congélation) (84)

L‘administration au receveur se fait sous contrôle médical, après signature d‘un consentement éclairé dans le cadre d‘une hospitalisation.

Le don doit être caractérisé par un aspect normal des selles c‘est-à-dire des selles moulées et un examen macroscopique normal (absence d‘urine, de sang, ou de pus). De plus, le don destiné à la transplantation doit être administré, une fois préparé, dans le délai le plus court possible et le jour de l‘émission de selles.

La préparation en elle-même ne pose pas de difficulté, il s‘agit de mettre en suspension les selles fraiches dans une solution saline, d‘homogénéiser et filtrer. Cette préparation relève de la responsabilité de la Pharmacie hospitalière « PUI ».

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Plusieurs voies d‘administration sont utilisées selon les services. Dans la majorité des cas, l‘administration est réalisée par l‘utilisation d‘une sonde nasogastrique ou naso-duodénale, mais peut aussi être réalisée lors d‘une coloscopie ou par lavement.

Des études sont en cours pour étudier l‘efficacité d‘une administration par voie orale, sous la forme de gélules gastro-résistantes. Des préparations de capsules orales de transplants fécaux congelés ont été étudiées (84). Il a été rapporté une guérison prolongée après une administration orale unique de 30 capsules chez 147/180 patients avec un ICD récidivant ou réfractaire. Une deuxième administration réalisée chez 26 personnes qui ont rechuté a été couronnée de succès chez 17, ce qui a entraîné une résolution globale chez 91% des patients. L'ICD a disparu chez 82% des patients après un seul traitement, atteignant un taux de guérison de 91% avec deux traitements. Ces résultats sont comparables avec ceux rapportés pour l'administration par coloscopie.

Le patient transplanté fera l‘objet d‘une surveillance étroite à la suite de la procédure. De plus, une coprothèque doit être réalisée sur les selles du donneur.

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Figure 18: Une transplantation en pratique (85)

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