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N° 4 HISTORIQUE DE LA CONSCRIPTION EN FRANCE

Le service militaire obligatoire trouve son origine dans la loi Jourdan-Delbrel du 5  septembre  1798, qui met fin à l’armée professionnelle de l’Ancien Régime. Cette loi officialise la « conscription universelle et obligatoire » de tous les Français âgés de 20 à 25 ans189 : la conscription, qui consiste en la réquisition par l’Etat d’une partie de sa population afin de servir ses forces armées, permet alors de conduire les guerres napoléoniennes jusqu’en 1815. Deux principes viennent toutefois limiter fortement le caractère universel de la conscription : le principe du tirage au sort, institué par la loi du 29 décembre 1804, selon lequel sur 100 conscrits d’un canton - célibataires ou veufs sans enfants - 35 sont appelés à servir sous le drapeau ; le principe de remplacement par lequel les familles bourgeoises ou nobles peuvent payer un remplaçant qui effectue le service à la place du conscrit désigné.

La suppression de ces deux principes par la loi Berteaux du 21 mars 1905 permet de toucher une part plus importante des jeunes hommes français. En effet, ce texte transforme la conscription en service personnel obligatoire et rétablit le principe d’égalité en supprimant toute possibilité d’exemption autre que médicale. Selon le député Yves Fromion190 avec la loi de 1905 : « Il ne s’agit plus de posséder un simple réservoir d’hommes : la conscription contribue de manière décisive à la cohésion nationale, au même titre que l’école obligatoire pour tous ». A noter toutefois, que contrairement à l’école, seule la population masculine est concernée par la conscription. Cette dernière a cependant des effets tangibles de brassage social des différentes catégories de la population.

La conscription joue également un rôle civique qui va de pair avec le projet républicain : le service militaire fait partie intégrante de l’histoire du pays, cette expérience permettant de diffuser la conscience d’appartenir à une communauté nationale dont l’union sacrée de 1914 fut le meilleur témoignage. Elle incarne également un apprentissage à l’esprit de défense et aux valeurs de devoir, de discipline et d’honneur, en nouant un lien très fort entre la Nation et son armée, la citoyenneté et la défense nationale.

Après une brève période de suppression (1940-1946), le service militaire bat son plein pendant la guerre d’Algérie (1954-1962), où la durée passe de 12 mois à 30 mois, et où 1,5 million d’appelés sont mobilisés. Un tournant dans l’histoire du service militaire s’opère alors, entre d’une part les très fortes contestations politiques et populaires qui se sont exprimées face au conflit, et d’autre part les nombreuses mutations qui traversent la société française de l’époque : modification des besoins opérationnels des armées, opinion publique de moins en moins favorable à un service purement militaire, allongement de la durée des études, revendications pour les droits des femmes, urbanisation, tertiarisation de l’économie, etc.

En effet, c’est au cours de cette période que le service militaire connaît une évolution importante, marquée par la reconnaissance légale du statut d’objecteur de conscience – entendu comme un individu pacifiste et antimilitariste qui choisit de ne pas participer au

189 Article 1 de la loi : « Tout Français est soldat et se doit à la défense de sa patrie ».

190 Auteur d’un rapport de la commission de la défense nationale du 2  juin  2015 portant sur la proposition de loi visant à expérimenter un Service Civique de défense.

ÉTUDEANNEXESANNEXES service militaire mais de réaliser un service au sein d’une administration ou association – et

la réduction de la durée de 30 mois à 16 mois en 1963, mais surtout la fin de l’unicité de sa forme historique (qui demeure toutefois dominante), au profit de l’émergence de formes nouvelles, dont civiles, du service militaire. Ces évolutions auront un impact majeur dans l’apparition du Service Civique.

Pour justifier le changement de dénomination en service national191, la loi Mesmer du 9  juillet  1965, met en avant les alternatives désormais offertes au service militaire192, à savoir un service de défense193 et deux formes civiles du service  : l’aide technique dans les DOM-TOM194 et la coopération dans un pays étranger. Cette dernière s’effectue obligatoirement à l’étranger, soit pour le compte d’organismes dépendants du Gouvernement français (ambassades, écoles), soit pour des organismes agréés, soit en fonction d’accords avec les anciennes colonies195 françaises devenues indépendantes, pour suppléer leur manque initial de cadres. La coopération est alors considérée par certains comme un bon moyen d’échapper au service militaire, tout en bénéficiant d’une expérience professionnelle valorisable. Le service de la coopération ne survit pas à la suspension de la conscription en 1997. Il a depuis été remplacé par le volontariat international en entreprise et le volontariat international en administration.

Cette diversification des formes civiles se poursuit dans le courant des années 1970, les diverses lois adoptées au cours de cette décennie rendent notamment accessible le service national aux femmes sous la forme du volontariat. De même, les sursis196, qui avaient été supprimés en 1970, sont peu à peu rétablis à partir de 1971 suite à la protestation des milieux étudiants. A la fin des années 1980 avec la généralisation des dispenses et des sursis, il s’avère que 50 % seulement d’une classe d’âge masculine effectue un service réellement militaire.

A partir de 1976197 et jusqu’au début des années 1990, divers protocoles sont progressivement conclus entre le ministère de la défense et d’autres ministères (des anciens combattants, de l’intérieur, de la ville, etc.) pour permettre aux appelés du contingent d’effectuer des tâches autres que d’ordre militaire répondant à un besoin urgent et d’une

191 L’appellation même de service militaire est modifiée par l’ordonnance du 7 janvier 1959.

192 Selon l’article 2 de la loi, le service militaire est destiné à répondre aux besoins des armées.

193 Le service de défense est destiné à satisfaire les besoins de la défense et notamment de la protection des populations civiles, en personnel non militaire.

194 Destiné à être accompli dans les départements, territoires et collectivités territoriales d’outre-mer et en Nouvelle-Calédonie.

195 Au fur et à mesure de l’expiration ou de la dénonciation des accords bilatéraux de coopération entre la France et certaines de ses anciennes colonies, un nombre croissant ou tout au moins une proportion croissante d’appelés de la coopération bénéficiait à de grandes entreprises. À partir de ce moment, le Service de la Coopération a été l’objet d’un débat entre ceux.celles considérant cette forme de service comme utile aux jeunes gens et à la Nation, et ceux.celles le considérant comme une perversion du principe même de la conscription ne visant qu’à fournir de la main d’œuvre bon marché à des grands groupes qui pourraient aussi bien s’en passer.

196 Le sursis militaire ouvre la possibilité d’éviter l’appel sous les drapeaux dans l’immédiat pour des raisons personnelles, familiales ou d’emplois stratégiques.

197 La signature du premier protocole entre le ministère de la défense et celui des anciens combattants a eu lieu le 19 août 1976.

Annexes

durée limitée. A la veille de la suspension de la conscription, six protocoles198 sont encore en vigueur et permettent aux jeunes appelés d’effectuer leur service dans des institutions telles que le Commissariat à l’énergie atomique (CEA), les préfectures dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville, ou les associations etc. Ces formes civiles rencontrent un certain succès : en 1995 près de 13 % des appelés, soit 32 844 jeunes, effectuaient leur service national sous une forme civile.

Cette diversité de modalités d’accomplissement du service national montre la difficulté des pouvoirs publics à réformer de façon globale ce dispositif, qui va être profondément modifié en 1997. Dans son avis du 25 octobre 1995 « Les formes civiles du service national », le Conseil économique et social dressait un constat similaire  : « ces nombreuses lois qui ont modifié la durée, les formes du service national, etc., ont conduit à un foisonnement sans cohérence dont le but était de gérer le flux des appelés et la remise en cause progressive du service national, sans parvenir à déboucher sur une réflexion globale quant à la mise en place d’un réel service civil ».

198 Ville, anciens combattants, santé, solidarité handicapés, culture et CEA.

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N°5 COMPARATIF INTERNATIONAL ET EUROPÉEN DES