1. GENETIQUE et MALADIES
4.2 Histoire naturelle de la coinfection
4.2.1 Effet de la coinfection VIH/VHC sur l’histoire naturelle du VHC
La coinfection par le VIH a un impact significatif sur le cycle réplicatif du VHC ainsi que sur
l’histoire naturelle de l’infection par le VHC. Des charges virales plasmatiques VHC plus
élevées ont été montrées parmi les patients coinfectés VIH/VHC (289, 290) et la virémie a été
inversement corrélée aux taux de CD4
+(291). Une augmentation d’ARN VHC hépatique a aussi
été observée chez les individus coinfectés VIH/VHC (292). Cet effet serait dû à
l’immunodépression liée au VIH ou bien à une interaction entre les deux virus. Depuis
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l’introduction des thérapies par HAART, les individus coinfectés montrent une légère
augmentation paradoxale des niveaux d’ARN VHC sériques (293, 294), suggérant que
l’immunosuppression et un effet direct du VIH ne sont pas les seuls facteurs impliqués.
L’impact majeur de la coinfection VIH/VHC sur l’évolution de l’infection liée au VHC est une
accélération de la progression des maladies hépatiques. La coinfection montre une mortalité
plus élevée que lors des cas de monoinfection (295). Avant l’ère des thérapies par HAART, la
mortalité des coinfectés était due au SIDA masquant d’autres causes potentielles. Cependant,
depuis l’introduction des thérapies VIH efficaces, la mortalité liée au SIDA a fortement diminué
et la comorbidité associée aux maladies du foie a émergé comme la cause principale de décès
chez les patients infectés par le VIH et spécialement parmi les coinfectés VIH/VHC (296).
Les complications en phase terminale de maladies hépatiques ou un HCC sont associés à la
principale cause de mortalité parmi les patients coinfectés VIH/VHC (297). Plusieurs études
ont démontré un degré d’inflammation hépatique et des taux de progression de fibrose plus
élevés lors de la coinfection VIH/VHC par rapport à la monoinfection VHC (284), et les
biopsies hépatiques de patients coinfectés montrent des fibroses avancées dès la phase aiguë de
l’infection par le VHC (298). Il a aussi clairement été démontré que la coinfection augmente le
risque de déclarer une cirrhose de deux fois par rapport à l’infection VHC seule (299).
4.2.2 Effet de la coinfection par le VHC sur les maladies associées au SIDA
Le VHC ne semble pas avoir d’impact majeur sur l’évolution du SIDA. Avant l’ère des
thérapies par HAART, aucun effet du VHC n’a pu être observé sur la progression du SIDA
(300). Depuis, plusieurs études ont cherché à identifier des effets mais les rapports étaient
souvent contradictoires (301). Selon The Swiss Cohort Study, l’infection par le VHC accélère
la progression du SIDA et la mort des patients (302) alors qu’une étude américaine n’a pu
trouver de différences entre des patients coinfectés et monoinfectés VIH (303). Cependant, les
deux études se basaient sur des cohortes dont la date de séroconversion VIH était inconnue et
l’analyse présentait des biais potentiels (304). Il est aussi difficile de savoir si la coinfection
VIH/VHC est associée à la restauration des propriétés des cellules CD4
+par la thérapie par
HAART. Encore une fois, les études réalisées sont contradictoires, et montrent souvent des
effets faibles (305).
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4.2.3 Les mécanismes d’interaction VIH/VHC
Figure 28. Interaction entre le VIH et le VHC dans les hépatocytes et les HSC, contribuant à
la fibrose hépatique. Le VIH active plusieurs mécanismes qui augmentent la fibrose, la
réplication du VHC et l’induction de l’apoptose (306). Abbréviations: CCR5, C-C chemokine
receptor type 5; COL1A1, type 1 collagen; CXCR4, C-X-C chemokine receptor type 4; DR,
death receptor; HSC, hepatic stellate cell; MCP-1, monocyte chemoattractant protein 1; ROS,
reactive oxygen species; TGF-β1, transforming growth factor beta-1; TIMP-1, tissue inhibitor
of metalloproteinases; TRAIL, TNF-related apoptosis-inducing ligand.
Plusieurs mécanismes pathogéniques pourraient expliquer l’accélération du taux de progression
des maladies hépatiques chez les individus coinfectés (Figure 28). Bien que le VIH ne se
transmette pas directement aux hépatocytes, il a été montré que le VIH améliore la réplication
du VHC dans des cellules hépatiques in vitro. Cet effet pourrait être médié par l'interaction
entre la gp120 du VIH et les corécepteurs CCR5/CXCR4 sur les hépatocytes, par l'intermédiaire
du TGF-β (307). Le TGF-β est un médiateur clé dans le processus de fibrose du foie, car il est
l'une des cytokines les plus profibrogénique. Le VIH peut également favoriser la fibrogenèse
par l'induction de la production d'espèces réactives d'oxygène par les hépatocytes et les HSC,
par l'intermédiaire de la voie de NFκ-B dépendante ; cet effet est renforcé en présence du VHC.
Le VIH peut également induire l'apoptose des hépatocytes par une sensibilité accrue au TRAIL
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(TNF-related apoptosis-inducing ligand en anglais) induisant l'apoptose (308). L'activation
systémique du système immunitaire lors de l'infection VIH a été associée à l'activation des HSC,
qui ont un rôle central dans le développement de la fibrose (voir Introduction section 3.4.3).
L'infection directe des HSC par le VIH a été documentée, bien que le mécanisme exact reste
inconnu (309). De plus, l’activation des HSC altère l’activité anti-fibrotique des cellules NK,
observée lors de l’infection au VIH, en raison de la perte de fonction des cellules CD4
+(310).
L’infection au VIH a été associée à des taux sanguins élevés d’hepcidine, plus que ceux
observés lors de la monoinfection VHC et la coinfection VIH/VHC (311, 312). L’hepcidine est
une hormone peptidique qui régule l’homéostasie du fer. L’augmentation des réserves de fer
hépatique dans la monoinfection VHC et la coinfection VIH/VHC reste à prouver. Néanmoins,
le fer hépatique a été démontré comme étant stimulant des HSC et affecte négativement la
progression de la fibrose parmi les individus monoinfectés par le VHC (313).
Les réponses immunitaires anti-VHC sont compromises lors de la coinfection par le VIH. Un
taux faible de CD4
+engendre des réponses immunitaires T CD8
+spécifiques du VHC
largement atténuées (314). La population virale d’infection VHC semble plus diversifiée dans
les cas de coinfections VIH/VHC. Ceci reflète la faible pression de sélection par le système
immunitaire affaibli. De ce fait, la forte hétérogénéité en quasi-espèces pourrait affecter
négativement la réponse au traitement par le PEG-IFN (315).
Le VIH conduit à une dérégulation et à une activation chronique du système immunitaire. La
baisse des CD4
+dans le tissu lymphoïde associé à l’intestin se produit relativement tôt dans
l’évolution de l’infection par le VIH et conduit à une translocation microbienne à travers la
muqueuse intestinale avec la forte présence de LPS dans la circulation sanguine (75). Ces
niveaux élevés en LPS circulant ont été associés à un risque plus élevé de développement d’une
cirrhose lors de la coinfection VIH/VHC (316).
Dans le document
Analyse génomique de la coinfection par le virus VIH et VHC
(Page 80-83)