1. GENETIQUE et MALADIES
1.4 Notions de génétique des populations
1.4.2 Déséquilibre gamétique et déséquilibre de liaison
L’étude de la composition génétique d’une population et de son évolution pour un seul gène est
très restrictive, d’autant plus que de nombreux caractères ou de nombreuses pathologies se
révèlent multigénique.
L’étude de l’évolution simultanée de plusieurs gènes devient rapidement si complexe qu’elle
ne permet pas de mise en équation comme pour l’équilibre de Hardy-Weinberg, mais s’avère
d’un grand intérêt. En effet, l’analyse de cette situation permet d’introduire le concept de
déséquilibre gamétique, important pour élaborer une cartographie des gènes, analyser l’origine
de certaines mutations mais également pour l’élaboration de nouveaux marqueurs
diagnostiques de risque génétique.
1.4.2.1 Définition du déséquilibre gamétique
Lorsque l’étude de la diversité génétique se focalise sur un gène, la fréquence d’un allèle est
égale à la fréquence du gamète portant cet allèle. Cette égalité ne tient plus quand deux gènes
ou plus sont étudiés simultanément.
Considérons :
un gène A dont les allèles sont A
1de fréquence p et A
2de fréquence q
un gène B dont les allèles sont B
1de fréquence u et B
2de fréquence v
Quatre types de gamètes différents portant chacun une combinaison d’allèles de chaque gène
sont potentiellement observables :
le gamète (A
1, B
1) de fréquence f
11 le gamète (A
1, B
2) de fréquence f
12 le gamète (A
2, B
1) de fréquence f
21 le gamète (A
2, B
2) de fréquence f
22Nécessairement, il existe une relation entre les fréquences gamétiques et les fréquences
alléliques de chaque gène, bien que celle-ci ne soit pas évidente.
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Supposons que les allèles des deux gènes soient « réunis » indépendamment les uns les autres
et aléatoirement dans les gamètes. Cette hypothèse conduit alors à une situation appelée
équilibre gamétique et les fréquences de chaque gamète sont égales au produit des fréquences
des allèles qu’il porte :
Toutefois, même si la population est à l’équilibre de Hardy-Weinberg pour chacun de ces deux
gènes, cette situation d’équilibre gamétique ne revêt ni un caractère obligatoire ni un caractère
courant. Le non-respect de ces égalités est appelé le déséquilibre gamétique, défini comme la
différence entre la fréquence réelle d’un gamète et sa fréquence théorique à l’équilibre :
Tous les mécanismes supposés inexistants dans le modèle d’Hardy-Weinberg, tels que les
migrations de population ou les mutations, peuvent être à l’origine d’un déséquilibre gamétique.
1.4.2.2 Evolution du déséquilibre gamétique
Lorsqu'il existe un déséquilibre gamétique dans une population, le mode de reproduction
panmictique associé aux recombinaisons intergéniques qui se produisent au moment de la
méiose tend à faire diminuer ce déséquilibre. Ce phénomène de recombinaison résulte de la
ségrégation indépendante des loci portés par des chromosomes différents ou des crossing-over
qui se produisent entre loci d'un même chromosome.
En utilisant les mêmes notations qu’au paragraphe précédent, il est possible de quantifier le
temps nécessaire à la disparition du déséquilibre gamétique entre les gènes A et B en fonction
du taux de recombinaison r entre ces deux gènes.
Notons f
11, i-1la fréquence du gamète (A
1, B
1) à la génération i-1. A la génération i, ces gamètes
seront issus de deux phénomènes :
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les gamètes (A
1,B
1) de la génération i-1 qui n’ont pas recombiné. La probabilité
d’occurrence de cet événement est (1 – r).
les nouveaux gamètes (A
1,B
1) issus de recombinaisons associant l’allèle A
1(de
fréquence p) et l’allèle B
1(de fréquence u).
La fréquence de ce gamète à la génération i s’écrit alors :
Cette équation, après avoir retranché pu à ses deux membres, équivaut à :
d’où,
Cette dernière équation prouve que le déséquilibre gamétique tend vers 0 avec le temps. La
vitesse de cette décroissance dépend seulement de r et donc de la liaison génétique, existante
ou non entre les gènes A et B. Ainsi, si les gènes ne sont pas liés, ce déséquilibre gamétique va
disparaître très rapidement. En revanche, si les gènes sont fortement liés génétiquement (r
faible), le déséquilibre pourra perdurer au cours du temps (Figure 6). Le complexe majeur
d’histocompatibilité est un exemple de déséquilibre persistant au fil des générations.
Figure 6. Vitesse de disparition du déséquilibre gamétique pour différentes valeurs du taux de
recombinaison entre deux loci. Plus le taux de recombinaison est grand, plus le déséquilibre
disparaît rapidement.
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1.4.2.3 Déséquilibre de liaison
Un déséquilibre gamétique entre deux loci peut perdurer en raison d’une importante liaison
génétique entre ceux-ci. Les Anglo-Saxons ont alors qualifié cette situation de linkage
disequilibrium, traduit en français par déséquilibre de liaison (LD). Ainsi, le déséquilibre de
liaison entre deux loci suggère qu’il existe une liaison génétique et un déséquilibre génétique.
Cependant, cette formule est souvent employée à tort. En effet, une liaison génétique entre deux
gènes peut exister sans qu’un déséquilibre gamétique ne puisse être observé, et inversement.
L’observation d’un déséquilibre gamétique n’est pas nécessairement l’indication d’une liaison
génétique. Cette confusion est fréquente dans de nombreuses études d’épidémiologie génétique.
Dans la suite de cette thèse, par souci de simplicité, nous assumons volontairement la confusion
entre ces deux notions. De plus, nous travaillons sur de petites régions chromosomiques dans
lesquelles la liaison génétique semble pertinente.
1.4.2.4 Les différentes mesures du déséquilibre de liaison
Plusieurs mesures du déséquilibre de liaison ont été développées à partir de la comparaison des
fréquences alléliques et des fréquences des couples d’allèles. En utilisant les mêmes notations
que précédemment, la première mesure introduite est notée D (9):
L’équilibre gamétique se traduit par un coefficient D égal à 0. Cette mesure n’est que très
rarement utilisée en pratique. En effet, elle est dépendante des fréquences alléliques et la
comparaison de cette mesure pour deux couples de polymorphismes n’est pas aisée. Afin de
pallier cet inconvénient, une mesure normalisée, notée D’, a été proposée (10):
Ce coefficient D’ varie entre -1 et 1. Lorsqu’il vaut 0, l’équilibre de liaison est vérifié. Quand
il est égal à 1 ou -1, cela signifie qu’une ou deux combinaisons d’allèles ne sont pas observées
au sein de la population. Cependant, cette mesure est encore une fois dépendante des
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fréquences. La mesure la plus utilisée permettant de s’affranchir de cette dépendance aux
fréquences est le r
2(11):
Ce coefficient varie de 0 à 1 : un r
2égal à 0 indique une situation d’équilibre alors qu’un r
2égal
à 1 indique une situation de déséquilibre de liaison total. Le déséquilibre de liaison total désigne
la situation où les allèles des deux SNPs sont parfaitement corrélés et systématiquement
co-transmis. Dans ce cas, la connaissance du génotype d’un SNP détermine totalement le génotype
de l’autre SNP.
Dans le document
Analyse génomique de la coinfection par le virus VIH et VHC
(Page 31-35)