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5. Allergie au lait de vache

5.5. Histoire naturelle

L’histoire naturelle de l’ALV a été décrite par plusieurs études. Il est généralement reconnu que l’allergie au lait se résout habituellement durant l’enfance et que les allergies aux arachides, noix, poissons et fruits de mer tendent à persister davantage (112).

En 1990, Høst et Halken ont investigué l’histoire naturelle de l’ALV IgE-médiée et non IgE-médiée (137). Sur une cohorte de 1749 nouveau-nés au Danemark, 117 enfants ont démontré durant la première année de vie une possible allergie, 39 enfants ont été

diagnostiqués, les résultats de résolution de l’ALV ont été de 56% à 1 an, 67% à 1 ½ ans, 77% à 2 ans et 87% à 3 ans. Les auteurs ont poursuivi le suivi de ces enfants dans le cadre d’une autre étude publiée en 2002 (138). Le taux de résolution tendait à augmenter en fonction de l’âge, où la tolérance était atteinte chez 92% des sujets à 5 ans, 92% à 10 ans et enfin 97% à 15 ans.

Publiée en 2004, l’étude de Cantani et Micera relate l’histoire naturelle de l’ALV en Italie, chez une cohorte de 115 enfants suivis pendant 8 ans (139). La résolution de l’ALV a été observée à un âge médian de 7 ans et 11 mois. Ils ont constaté que la résolution de l’ALV survenait à un âge plus avancé que pour l’allergie aux œufs et au blé, bien que la différence fût faible. Un an après la fin du suivi, 49 sujets (43%) présentaient encore des symptômes d’allergies alimentaires dont plus de la moitié (61%) avaient une ALV.

En 2007, Levy et al. ont étudié l’histoire naturelle de l’ALV en Israël (140). Un total de 115 sujets, dont 43 avaient une ALV transitoire et 62 avaient une ALV persistante, représentait la population à l’étude. Les sujets avaient entre 3 et 16,5 ans et après un suivi moyen de 5 ans, aucun des participants avec l’ALV persistante n’avait résolu leur allergie. Au total, après 9 ans de suivi, seulement 41% des patients avaient atteint la tolérance.

Skripak et al. (2007) ont effectué une revue rétrospective aux États-Unis de 807 patients ALV IgE-médiée afin d’investiguer l’histoire naturelle (141). Ils ont défini 3 critères pour l’atteinte de la tolérance, où le critère le plus sévère était la réussite du test de provocation orale. Selon ce critère, les résultats démontrent que 5% des patients toléraient le lait à 4 ans, 21% à 8 ans, 37% à 12 ans et 55% à 16 ans. Seulement un peu plus de la moitié de la cohorte ont résolu leur ALV à l’âge de 16 ans, alors qu’en 1990, l’ALV se résolvait chez 87% des sujets à 3 ans. Les auteurs ont jugé cependant que le critère le plus juste était le test de provocation orale négatif ou un taux d’IgE < 3kU/L et aucune réaction allergique dans la dernière année. Ils ont alors observé un taux de perte de l’ALV comme suit : 19% à 4 ans, 42% à 8 ans, 64% à 12 ans et 79% à 16 ans. Il n’en demeure pas moins que 21% des sujets n’avaient pas résolu leur ALV à l’adolescence.

Alors que les études plus récentes démontrent une tendance de l’ALV à persister, une étude datant de 2013 a rapporté des résultats quelque peu différents. Cette étude menée en Pologne a conclu que 72,9% des 291 participants avait atteint la tolérance au lait de vache à un âge moyen de 5 ans (142). De plus, en divisant la cohorte en sous-groupes, soit en fonction de

l’âge, la tolérance avait été atteinte chez 80% des enfants < 3 ans, 72,4% des enfants âgés de 3 à 6 ans et chez 67,6% des enfants > 6 ans.

L’histoire naturelle de l’ALV diffère en fonction des études, possiblement secondaire à la méthodologie, au type d’allergie (IgE-médiée vs non IgE-médiée) ou à la population étudiée (Européenne vs. Israélienne vs. Américaine). Néanmoins, les études démontrent (tableau X) une augmentation de l’âge de résolution de l’ALV et une persistance de l’ALV, où certains enfants n’atteindront jamais une tolérance.

Tableau X : Âge de résolution de l’allergie au lait de vache

Auteurs, année Pays Résolution de l’ALV

Høst et Halken, 1990 Danemark 87% à 3 ans [34/39]

Høst et Halken, 2002 Danemark 97% à 15 ans [38/39]

Cantani et Micera, 2004 Italie 7 ans et 11 mois [âge médian]

Skripak et al., 2007 États-Unis 19% à 4 ans; 42% à 8 ans; 64% à 12 ans; 79% à 16 ans

Kaczmarski et al., 2013 Pologne 72,9% à 5 ans [212/291]

5.5.1.

Facteurs pronostiques de la persistance de l’ALV

L’un des facteurs pronostiques les plus étudiés est la présence ou non d’IgE spécifiques au lait. L’ALV IgE-médiée tend à persister davantage que l’ALV non IgE-médiée. Dans l’étude de Høst et Halken (1990), il a été observé que 100% des enfants ALV non IgE-médiée ont résolu leur allergie à 3 ans comparativement à 76% des enfants ALV IgE-médiée (137). Plusieurs autres études confirment l’association entre la présence d’IgE spécifiques au lait et la persistance de l’allergie, (142-145) dont l’étude de Skripak et al. (2007) (141) . Le pronostic de la tolérance alimentaire est significativement meilleur chez les enfants dont la concentration d’IgE spécifiques est plus petite (< 5 kU/L) dans les 2 premières années de vie. Par ailleurs, il a été observé, chez des participants âgés de 10 ans, que seuls 5% détenant des IgE ≥ 50 kU/L avaient perdu leur allergie alors 87% des enfants ayant des IgE < 2 kU/L avaient atteint la tolérance. Enfin, une étude a même identifié des taux élevés de β-lactoglobuline spécifiquement comme indice de la persistance de l’ALV (142). Mis à part le dosage des IgE spécifiques, le test cutané positif, plus précisément un grand diamètre de la papule, est aussi indicateur de la persistance de l’ALV (139, 142, 145).

La présence d’atopie tels que l’asthme (140-142, 145), la rhinite allergique (141), la dermite atopique (139) et l’eczéma (145) ont été associés à l’ALV non résolue. Plusieurs autres variables ont aussi été étudiées afin d’identifier des facteurs pronostiques de la persistance de l’ALV, mais il y a quelques contradictions d’une étude à l’autre. Il n’y aurait aucun lien positif entre la persistance de l’ALV et le sexe, la durée d’allaitement, le temps d’introduction d’autres allergènes (œufs, blé), les IgE totaux (142), la présence d’autres allergies alimentaires et l’eczéma (141). À l’inverse, d’autres études ont observé une association positive entre une ALV persistante et l’histoire familiale d’atopie, le sexe masculin, l’introduction d’une formule de lait de vache avant les 3 premiers mois de vie (139), l’apparition immédiate des symptômes, la présence d’autres allergies alimentaires (145), une sensibilité au soya (142) et même certains gènes (STAT6) (143).

L’augmentation de la persistance de l’ALV fait partie du phénomène global des allergies alimentaires, où il est aussi constaté une augmentation de leur prévalence. Une hypothèse est que les facteurs impliqués dans l’augmentation du nombre d’enfants qui développent des allergies alimentaires participent également à la persistance de l’ALV (141). Soulignons, entre autres, que les maladies atopiques, comme l’asthme et l’eczéma, ont été identifiés comme facteurs de risque dans le développement des allergies alimentaires et dans le phénomène de persistance de l’ALV. Une augmentation de la prévalence de l’eczéma a d’ailleurs été notée entre 1997 et 2011 aux États-Unis, chez les enfants de 17 ans et moins où elle est passée de 7,4% à 12,5% (119).