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I. Être mère et médecin

I.1. Un peu d’histoire

I.1.1. L’arrivée des femmes en faculté de Médecine

Il faut remonter au XIXème siècle pour voir débuter les premières femmes en faculté de médecine. En France, en 1867, le ministre de l’Instruction publique permet l’ouverture de cours secondaires pour les demoiselles. Ces cours sont prisés mais ne permettent pas de pallier le manque d’un enseignement secondaire qui donnerait aux femmes l’instruction nécessaire pour concourir au baccalauréat et s’inscrire en faculté.

Cependant il en est autrement dans d’autres pays et c’est une jeune fille russe qui sera la première à partir étudier la médecine à Zurich en 1864 mais elle ne passera pas son doctorat. C’est une autre femme russe qui deviendra la première doctoresse d’une université mixte d’Europe à Zurich en 1866. Ce succès ouvrira la voie à d’autres femmes et c’est Elizabeth Garret, une anglaise, qui sera la première docteure de la faculté de médecine de Paris avec une thèse sur la migraine en juin 1870.

Figure 1 Gravure représentant la soutenance d’Elizabeth Garret.

Après un parcours du combattant, la Gardoise Madeleine Brès, qui avait trouvé sa vocation à l’âge de 8 ans lorsqu’elle accompagnait son père pour des travaux à l’hôpital, sera la première femme française à obtenir le diplôme de docteur en médecine en 1875, âgée alors de 33 ans, avec une thèse sur le sujet de l’allaitement (5). Docteur en médecine avec quatre enfants elle dévouera sa carrière, en tant que précurseur, à la médecine de la femme et de l’enfant pendant 50 ans.

Figure 2 Portrait de Madeleine Bres. 1842-1925.

Première femme française à obtenir son diplôme de médecine.

À l’époque toutes les obtentions de diplôme devaient avoir le consentement du mari, les jeunes filles ne pouvaient sortir qu'accompagnées d'un chaperon qui les suivait jusque dans les amphithéâtres et les tenues des étudiantes étaient examinées de près afin de s’assurer que toute trace de féminité soit bien bannie. L’élégance et la féminité étaient des attributs réservés à la femme qui reste à la maison.

Il faut attendre l'arrêté préfectoral du 17 janvier 1882 pour que les femmes soient admises à prendre part au concours de l'externat sous la réserve formelle qu'elles ne pourront, en aucun cas, se prévaloir de leur titre d'élèves externes pour concourir à l'internat.

Suite à l’arrêté préfectoral du 31 juillet 1885 elles pourront s'inscrire au concours de l'internat.

Notons que dans un grand journal professionnel créé à l’époque, Le Concours Médical, on pouvait lire en 1879 les propos suivants : « Croire que la femme se hausse et grandit à nos yeux, en se faufilant dans les professions viriles, en s’assujettissant surtout aux études, si pénibles et si rebutantes pour son sexe, de la médecine, c’est une erreur grossière ».

À la rentrée de 1884 à la faculté de médecine de Paris, on comptait une centaine de femmes inscrites (6).

I.1.2. Modèle traditionnel du Médecin et préjugés

Au XIXème siècle, les préjugés sont nombreux. La femme médecin est décriée.

On invoque les arguments suivants pour écarter les femmes des études supérieures de médecine : la nature faible de la femme ne lui permet pas d’avoir la force physique nécessaire au métier de médecin, elle est encore plus faible une fois par mois du fait de ses menstruations, la nature sensible de la femme est également considérée comme un obstacle. Selon certains la vue du sang, des corps découpés, de la saleté lui seront difficilement supportables.

Par ailleurs on se demande comment enceinte, elle pourra avec son gros ventre s'approcher de ses malades. Pour le Dr Gustave Richelot, vice-président de la Société de médecine de Paris et auteur de « La femme-médecin » en 1875, la pratique de la médecine exige des

« qualités viriles » aux antipodes de la « nature féminine ».

➔ En résumé, la seconde moitié du XIXème siècle a été marquée par un mouvement général d’émancipation intellectuelle et professionnelle des femmes malgré les difficultés engendrées par cette société patriarcale dans laquelle la femme était d’office vouée à « une autre mission », celle de l’éducation des enfants et de l’organisation du

foyer (7).

Le parcours des femmes dans les études médicales a été limité par la loi et dans la pratique pendant des décennies.

I.1.3. Les femmes qui ont marqué l’histoire

Nous connaissons déjà Madeleine Brès, qui a été la première française à obtenir le diplôme de docteur en médecine en 1875. Elle officiera comme professeur d'hygiène et enseignera notamment aux directrices des écoles maternelles de la ville de Paris. Elle dirigera le journal Hygiène de la femme et de l'enfant et sera l'auteur de plusieurs livres de puériculture.

Elle est à l’origine de l’ouverture de la première crèche le 28 mai 1893 à Paris.

Elle ouvra la voie et progressivement les femmes médecins acquièrent des postes à responsabilités.

Seize ans après la validation de la première thèse par une femme en France, 2 femmes accédèrent à des fonctions d’internes : Blanche Edwards-Pilliet et Augusta Déjerine-Klumpke.

- Madame Blanche Edwards-Pilliet (1858-1941), est la première interne provisoire à l’hôpital des enfants assistés (8). Elle ouvrira un cabinet de médecine générale dans la maison de Robespierre où elle exercera pendant 50 ans.

- Madame Augusta Déjerine-Klumpke (1859-1927), est la première femme nommée interne titulaire des hôpitaux de Paris au concours en 1886.

- Madame Long Landry est la première femme chef de clinique dans le service du professeur Déjerine à la Salpêtrière en 1911.

- Madame Texier est nommée médecin des Hôpitaux de Tours, en 1913.

- Madame Yvonne Pouzin (1884-1947) devient en 1919 la première femme praticien hospitalier à Nantes. Preuve de l’hostilité envers les femmes médecins à l’époque, ses détracteurs brûlèrent son effigie dans les rues au moment de sa thèse. Elle se spécialise dans le traitement de la tuberculose.

- Madame Marthe Condat (1886-1939) est la première femme agrégée de médecine en 1923.

Notons qu’on lui refusa la Légion d’honneur demandée par l’administration pour son dévouement et son assiduité au travail dans les hôpitaux pendant la guerre alors qu’elle avait

- Madame Odier Dollfus est la première chef de clinique dans le service du professeur Marfan, en 1927.

- Madame Madeleine Pelletier (1874-1939) est la première femme médecin diplômée en psychiatrie. Initialement anthropologue, elle étudiait le rapport entre la taille du crâne et l'intelligence, contestant l'idée selon laquelle l'intelligence serait proportionnelle au volume du crâne ce qui sous entendait l’infériorité intellectuelle de la femme. Elle sera la première femme interne dans un asile psychiatrique mais finit par abandonner la médecine hospitalière, notamment en raison de l’ambiance « carcérale » des hôpitaux psychiatriques de l’époque pour se consacrer à la médecine générale (9).

- Madame Thérèse Bertrand-Fontaine (1895-1987) est la première femme médecin des hôpitaux de Paris en 1930. Elle devient chef de service à l’hôpital Beaujon après la guerre.

Elle est élue membre titulaire de l’Académie nationale de médecine en 1969 (c’est la deuxième femme, après Marie Curie, à devenir membre de cette institution).

- Madame Jeanne Lévy (1895-1993) devient la première titulaire en France d’une fonction de Professeur en faculté de médecine en 1959 et fut nommée titulaire d’une chaire de pharmacologie de la faculté de médecine de Paris en 1964 (10) (11).