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Histoire de vie, valeurs, éducation, expériences…

7. Analyse

7.6 Analyse hypothèse 3

7.6.1 Histoire de vie, valeurs, éducation, expériences…

D’après les discours tenus par les professionnels lors des entretiens, nous avons pu constater qu’ils avaient majoritairement le même avis. Pour un grand nombre d’entre eux, l’histoire de vie, les expériences, les croyances, le caractère, l’éducation ou encore les valeurs personnelles influencent, effectivement, leurs réactions ainsi que

leur manière d’intervenir auprès des jeunes lors de situations d’intimité. Thierry le démontre bien : « […] la religion, l’école qu’on a fréquentée, les parents qu’on a eus,

l’éducation qu’on a reçue ça peut influencer largement les valeurs et pis la manière d’être dans les situations d’intimité. ». Il donne d’ailleurs un exemple du rôle tenu par

son éducation dans son ouverture d’esprit par rapport à ce sujet :

« Mais oui je pense que je l’ai dit, j’ai grandi dans une famille plus ou moins tolérante. […] Moi j’ai eu la chance ou la malchance enfin c’est

difficile de juger maintenant mais disons que la chance que je vois moi c’est que j’ai pas de tabou par rapport à ça. »

Patrick pense également que tous ces éléments influent sur la pratique professionnelle de chaque travailleur social : « Même si je t’apprends rien, tu le sais très bien au quotidien sur notre caractère, notre fonctionnement et tout voilà on est tous différents avec les jeunes. On a tous des manières de réagir différentes, y a des choses qu’on laisse plus facilement passer, etc. ». Cet éducateur fait référence à

l’accompagnement du jeune au quotidien et pas exclusivement concernant les questions de sexualité. Durant son entretien, il a mis en évidence le fait que les professionnels sont « humains », qu’ils utilisent leur « personne » pour travailler et sont, de ce fait, automatiquement guidés par leur vie personnelle. En ce qui concerne plus particulièrement les relations affectives, Patrick est assez fermé à celles-ci au sein du foyer de par son expérience professionnelle et personnelle. En effet, il évoque cela ainsi :

« Je pense qu’effectivement oui clairement, par rapport à mon propre vécu sur ces questions-là, je pense que j’ai peut-être plus tendance à être un peu plus fermé et en tout cas à beaucoup plus travailler la prévention, à vraiment mettre en garde mais sans partager mon vécu parce que clairement ça les regarde pas. »

Grâce à ces propos, nous pouvons remarquer que sa vie personnelle et dans ce cas-ci son vécu, a clairement eu une influence sur sa manière d’agir et d’accompagner les adolescents. De plus, cet éducateur a un certain nombre d’années d’expériences dans les foyers pour jeunes. Cela laisse supposer que son expérience professionnelle l’a amené à prendre plus de recul face aux situations d’intimité et adopter cette posture de « fermeture ».

Un deuxième éducateur, Arnaud, a fait référence, comme Patrick, au « corps » comme étant l’outil principal dans le travail social. Selon lui, chacun est guidé par sa personnalité, ses émotions, son humeur du jour :

« Quand on est éducateur, l’outil qu’on a c’est nous-même quoi […]. Mais je pense que cet outil, il faut en prendre soin, il faut l’écouter. Il faut savoir quand on est un peu abîmé, quand il a besoin d’être un peu limé ou je sais pas. Oui ça modifie les interventions aussi quoi. Il y a des fois, je me sens d’attaque pour attaquer certaines situations et des fois je me sens pas. »

Pour nous, il est important de noter cet exemple, car il confirme bien notre hypothèse : les interventions des professionnels sont souvent guidées par la personne elle-même. De plus, ces propos nous permettent également d’aller plus en profondeur dans notre réflexion en suggérant que l’humeur du jour du professionnel, ses émotions du moment ou encore sa santé ont également une influence sur son fonctionnement auprès des jeunes. En allant dans ce sens-là, nous pouvons

imaginer un éventuel changement d’attitude des éducateurs face à des situations d’intimité d’une période à l’autre, par exemple être un jour plus ouverts et laisser passer plus de choses et le jour d’après être plus fermés. Leur seuil de tolérance par rapport à l’intimité pourrait donc également varier en fonction de ces facteurs.

Les valeurs et les représentations personnelles, comme cité auparavant, sont aussi un sujet abordé par les personnes interrogées. Les interventions d’Anita auprès des jeunes sont automatiquement guidées par ses croyances : « Oui je fonctionne aussi

avec mes propres valeurs. ». Pour Julien, sa tolérance à l’intimité est en rapport avec ses convictions, il en donne un exemple : « […] pour nous nos valeurs c’est quand

même de se dire, c’est d’avoir un minimum de sérieux, de respect, de trouver un partenaire qui mette en confiance, qui nous respecte et pis que voilà ne va pas nous maltraiter ou jeter dehors. ». Elles vont alors avoir un impact sur ce qu’il accepte dans l’intimité des jeunes. D’autres éducateurs questionnés n’ont pas clairement fait référence à leurs croyances ou représentations personnelles comme ayant une influence sur leur fonctionnement mais par rapport à leurs dires, nous pouvons le supposer. En effet, Anita en expliquant ce qu’elle trouve adéquat de faire au niveau sexuel à 14 ans démontre implicitement qu’elle est orientée par ses représentations : « Enfin moi, alors je me pose pas de questions je suis à l’aise avec mon corps, je sais ce que je fais. Mais à 14 ans, enfin ils vont autant vite que ce que moi je pourrais aller. Et pis, euh, et des fois je suis choquée. ». De plus, pour elle les

relations affectives ne sont également pas tolérées. Elle considère qu’ils ont suffisamment de temps pour cela lorsqu’ils ne sont pas en institution. On peut imaginer qu’elle n’est que peu tolérante à cela de par ses représentations personnelles, ses valeurs et ses expériences passées.

Un autre point abordé par une éducatrice (Solange) correspond à la culture familiale. Elle donne un exemple de situation où elle serait davantage protectrice avec une fille qu’avec un garçon. Elle explique qu’elle essaierait de dissuader une fille d’avoir des relations sexuelles dans le but de la préserver, tandis qu’avec un garçon, elle serait davantage dans la prévention mais ne l’en empêcherait pas. A ce sujet, elle relève que : « […] mais ça je pense que c’est culturel. […] On a tendance à penser que les

filles, elles se font plus rapidement avoir que les garçons, ben ils se font pas avoir. ».

Cette conception vient donc de ses représentations personnelles ainsi que de ses valeurs et ces dernières proviennent de la culture dans laquelle elle a grandi.

Pour certains professionnels, le rapport au corps tient aussi un rôle important dans leurs interventions dans les situations intimes des adolescents, c’est-à-dire, comment ils ont vécu leur propre intimité lors de leur jeunesse ? Comment ils se sont construits ? Quel rapport ont-ils actuellement avec leur corps ? Seulement deux personnes ont fait explicitement référence à cette notion mais pour nous il est important de la soulever dans notre analyse. Effectivement, nous avons découvert dans notre cadre théorique la difficulté pour un professionnel d’être confronté à des situations d’intimité en lien avec son propre rapport au corps (Tomkiewicz, 2001, p. 189-191). En effet, peu d’entre eux sont réellement en accord avec leur sexualité et ont, de ce fait, des difficultés à gérer et comprendre des normes différentes des leurs, ce qui engendre une gêne interne à parler de ces sujets entre accompagnants et accompagnés. De là, découle une incapacité à comprendre ou à concevoir que l’autre peut avoir une vision différente de la sienne. Nous pouvons donc remarquer une ambigüité dans le rapport des professionnels à leur propre sexualité. Celle-ci a

une influence très forte sur leur action et leur perception lors d’interventions auprès de jeunes.

7.6.2 Valeurs des professionnels versus valeurs institutionnelles