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Rôle de HIF dans les cellules souches de glioblastomes

Comme nous l’avons décrit dans la partie II.1.1. (cf. page 30), les CSG se situent préférentiellement au sein de niches spécialisées caractérisées par une faible pression partielle en oxygène. Cet environnement hypoxique induit une pression de sélection constante qui permet aux CSG de maintenir leur état de dédifférenciation (Jögi et al., 2002). Les facteurs HIFs contrôlent plusieurs processus concernant les CSG. Par exemple, ils participent au maintien de l’état souche des cellules de GB notamment en activant la voie Notch (Lino et al., 2010). Par ailleurs, ces facteurs de transcription peuvent aussi contrôler la plasticité et reprogrammer les cellules non souches vers un état souche (Heddleston et al., 2009). En

Figure 46 : Représentation des processus régulés par l’hypoxie et l’expression des facteurs HIFs.

L’hypoxie et les facteurs HIFs peuvent moduler un grand nombre de processus et réguler de multiples phénotypes. D’après Wigerup et al., 2016.

80 particulier, HIF-2 induit l'expression des gènes clés (OCT4, NANOG, c-MYC) impliqués dans le maintien de l’état de pluripotence des cellules souches à la fois dans les cellules différenciées et les CSG (Filatovaet al., 2013).

Tout comme HIF-2, HIF-1 participe également au devenir des CSG. Cependant, son rôle est moins spécifique puisqu’il ne contrôlerait pas le phénotype souche des cellules. En revanche, il favoriserait leur survie cellulaire. Toutefois, la contribution respective de HIF-1 et HIF-2 n’est pas clairement établie et assez controversée. En effet, certaines études suggèrent que HIF-1 favorise l’autorenouvellement et inhibe la capacité des cellules à se différencier (Li

et al., 2009; Soeda et al., 2009). D’autres proposent que HIF-2, en induisant c-Myc, stimule la prolifération et la survie des CSG (Gordan et al., 2007; Wang et al., 2008).

Les niches hypoxiques où résident les CSG sont donc majeures pour entretenir un pool de cellules indifférenciées. Cet environnement hypoxique est également propice à l’expansion de niches dites périvasculaires. Cependant, au sein de ces niches, seul HIF-2 et non HIF-1 y exercerait un rôle notamment par le biais de la régulation de CD44. Associé au CD133, le CD44 est un marqueur membranaire également utilisé pour identifier les CSG (Anido et al., 2010). L’équipe de Pietras a ainsi proposé que le statut souche des cellules de GB était maintenu au sein des niches périvasculaires via l’OPN, ligand du récepteur CD44 (Johansson et al., 2017) (Figure 47). Cette voie de signalisation OPN/CD44, joue donc un rôle majeur dans l’agressivité

et le maintien de ces cellules souches (Pietras et al., 2014). En outre, CD44 est particulièrement surexprimé dans le sous-type mésenchymateux des GB (Phillips et al., 2006).

Figure 47 : Illustration du maintien du phénotype des cellules souches de glioblastome par le couple OPN/CD44.

L’interaction du marqueur CD44 et de HIF-2α permet de maintenir le phénotype des cellules souche de glioblastome au niveau des niches hypoxique et périvasculaire.

81 Comme nous l’avons suggéré dans le chapitre II.1.1.2. (cf. page 31), les niches hypoxiques et périvasculaires ne pourraient en fait n’être qu’une seule entité ou pour le moins ces deux niches pourraient être interconnectées. En faveur de cette hypothèse, l’induction de HIF au sein de ces niches hypoxiques augmente la production de la chimiokine SDF-1 (stromal-derived growth factor-1) qui, par l’intermédiaire de son récepteur CXCR4 présent à la surface des CSGs et des cellules endothéliales, stimule la production de VEGF et ainsi permet la formation de nouveaux vaisseaux (Ping & Bian, 2011; Filatova et al., 2013).

Rôle de HIF dans la survie des cellules de glioblastome HIF et prolifération cellulaire

La diminution de la pO2 dans la tumeur a pour conséquence de contrôler le devenir des cellules tumorales dans le cycle cellulaire. Cet effet sera toutefois dépendant du degré d’hypoxie et pourra entrainer soit l’arrêt du cycle soit sa progression. Cet effet est principalement relayé par les protéines p21 et p27, cibles de HIF-1 (Goda et al., 2003). En réponse à l’hypoxie, la stabilisation de ces protéines inhibe la cycline D1 indispensable à la progression de la phase G1 du cycle cellulaire (Box & Demetrick, 2004). Ainsi, l’hypoxie sévère (<1 % d’O2) induit un arrêt de la prolifération des cellules tumorales en phase G1/S pouvant aboutir à une mort cellulaire par apoptose (Amellem & Pettersen, 1991).

Certains facteurs de croissance tels l’IGF (insulin growth factor), le PDGF sont surexprimés dans les GB et ce au regard du caractère hypoxique de ces tumeurs (Yoshida et al., 2006; Sinha

et al., 2011). Régulés par HIF-1, ces facteurs favoriseront la prolifération des cellules tumorales (Gariboldi et al., 2010; Clara et al., 2014).

De même, l’activation par l’hypoxie de la voie PI3K par des RTK permet également d’augmenter la prolifération cellulaire. La voie PI3K peut être inhibée par l’action de PTEN mais ce dernier est un gène muté dans 5-40% des GB ce qui favorise la stabilisation de HIF-1 (Figure 48) (Zhang et al., 2018).

Parmi les gènes cibles de HIF, l’EPO est un facteur de croissance pléiotropique qui stimule la croissance et protège de nombreuses cellules et tissus en conditions physiologiques et pathologiques (Cervellini et al., 2010). Des travaux antérieurs réalisés au sein de l’équipe ont notamment montré que l’EPO est exprimée dans les GB et qu’elle contribue à la progression tumorale (Pérès et al., 2011).

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HIF et mort cellulaire

Dans grand nombre de tumeurs, HIF-1 régule également l’expression de gènes impliqués dans la mort cellulaire de type apoptotique ou autophagique (Mcl-1, Bcl-XL, survivine, BNIP3). Toutefois, au sein des GB, la mort par nécrose semble prépondérante par rapport à la mort par apoptose. Ceci pourrait être le reflet du développement par les cellules tumorales d'une résistance à ce type de mort via une régulation positive des protéines anti- apoptotiques mais aussi le reflet d’une sélection génétique des cellules tumorales présentant des défauts de la voie apoptotique. Cependant, peu d’études établissent un lien entre l’expression de HIF et ces médiateurs moléculaires anti-apoptotiques au cours de la croissance des GB. Dans ces tumeurs, l’autophagie, quant à elle, est plutôt décrite comme un processus de survie cellulaire et de résistance aux traitements en particulier en réponse aux traitements anti- angiogéniques (Hu et al., 2012).

Figure 48 : L’action de HIF-1 sur la prolifération et la survie cellulaire peut être médiée par la voie RTK/PI3K/Akt.

La stimulation des récepteurs à tyrosine kinase (comme l’EGFR) permet d’activer la cascade de signalisation PI3K/Akt, stabilisant HIF-1 et favorisant la prolifération et la survie cellulaire.

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Rôle de HIF dans l’immortalisation cellulaire

La transcriptase inverse (hTERT) et l'activité de la télomérase constituent des éléments essentiels pour l'immortalisation et la transformation des cellules tumorales. Dans les cellules de GB, il existe une relation complexe entre l'expression de HIF-1/HIF-2 et hTERT. En effet, si HIF-2 réprime la transcription de hTERT, HIF-1, en revanche, module positivement son activité (Lou et al., 2007). Les conclusions de cette étude pourraient être à rapprocher de celles de Acker suggérant que HIF-2, en favorisant l’apoptose des cellules tumorales, pourrait exercer un rôle de suppresseur de tumeur dans les GB (Acker et al., 2005). Il a été rapporté qu’une

diminution de l’expression de hTERT entraîne une apoptose de cellules de gliome (Konnikova

et al., 2005). Ainsi, l'inhibition de l'expression de hTERT par HIF-2 pourrait contribuer indirectement à l'apoptose survenant dans les cellules de gliome surexprimant HIF-2α.

Rôle de HIF dans la régulation du métabolisme cellulaire

Comme nous l’avons décrit en première partie de l’introduction (cf. page 34), le GB privilégie la voie de la glycolyse aérobie pour son métabolisme énergétique, que ce soit en

présence ou en absence d’O2. Cet effet Warburg est renforcé en condition d’hypoxie par la

stabilisation de HIF-1. En effet, au sein des cellules de GB, HIF-1 active la transcription des transporteurs de glucose (GLUT 1/3), les enzymes de la voie de la glycolyse (PFK1, l’aldolase, HK2) ainsi que la lactate déshydrogénase A (LDHA), enzyme impliquée dans la conversion du pyruvate en lactate. Parallèlement, l’inactivation de la pyruvate déshydrogénase kinase 1 (PDK1) par HIF-1 empêche la formation d'acétyl-CoA et inhibe donc l'entrée du pyruvate dans

le cycle de Krebs (Figure 49) (Colwell et al., 2017).

Rôle de HIF dans la régulation du pH

L'accumulation de lactate issu du métabolisme énergétique de la cellule tumorale conduit alors à une acidification du compartiment intracellulaire. Les cellules tumorales libèrent

les protons H+ dans l'espace extracellulaire grâce aux transporteurs membranaires de

monocarboxylates, MCT-1 et MCT-4, dont l’expression est régulée par HIF-1 (Figure 49)

(Colwell et al., 2017). Plusieurs études ont montré que la surexpression de ces récepteurs est liée à la survie cellulaire et à un phénotype agressif (McIntyre et al., 2012; Proescholdt et al., 2012).

84 L’acidification du milieu extracellulaire est également la conséquence d’une surexpression de la CAIX qui fait partie de la famille des gènes cibles de HIF (Figure 49). Cette

protéine est souvent utilisée comme un marqueur d'hypoxie endogène qui identifie des tumeurs particulièrement agressives caractérisées par une prolifération rapide et une activité métabolique élevée (Figure 50) (Mayer et al., 2012; Proescholdt et al., 2012).

Figure 49 : Influence de HIF dans la régulation du métabolisme cellulaire.

HIF-1 va augmenter l’expression des récepteurs GLUT1/3 et des enzymes glycolytiques pour favoriser l’entrée de glucose dans la cellule ainsi que la glycolyse. Conjointement, HIF-1 diminue l’entrée du pyruvate dans le cycle de Krebs.

D’après Colwell et al., 2017.

Figure 50 : Détection par immunomarquage de HIF-1α et de CAIX chez des patients souffrant d’un glioblastome.

L’expression de HIF-1α (A) et de CAIX (B) est détectée au niveau des zones hypoxique périnécrotique (étoile noire).

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Rôle de HIF dans l’invasion tumorale

HIF-1 est un intermédiaire majeur de la régulation de l’invasion puisqu’il régule l’expression d’un grand nombre de molécules impliquées tant dans le processus de détachement cellulaire que dans le processus d’invasion des cellules de GB. Par ailleurs, il a été démontré que HIF-1 pouvait être également à l’origine du recrutement des intégrines αv 3 et αv 5 au niveau la membrane cellulaire des cellules GB de façon à favoriser ainsi leur processus d’invasion (Skuli et al., 2009b). Parmi ces molécules, nous pouvons citer : la vimentine, la fibronectine, la MMP-2, la cathepsine D, l’uPA. HIF-1 induit également la perte d’expression de l’E-cadhérine, protéine clé de l’adhésion cellulaire et de la TEM. Parmi les facteurs de transcription à l’origine de l’induction de cette transition, certains sont directement ou indirectement induits par HIF-1 (Figure 51) (Karsy et al., 2016). Ces facteurs, tels ZEB1 et

TWIST1 contrôlent alors l’activité des promoteurs de la E-cadhérine, la vimentine ou de la N- cadhérine. Dans le GB, l’expression de ZEB1 et TWIST1 est particulièrement détectée au niveau des zones en pseudo-palissades hypoxiques (Monteiro et al., 2017). D’autres voies stimulent également la TEM des cellules de GB. Ainsi, la voie de signalisation passant par Notch, puissant inducteur de la TEM, peut être régulée par la protéine RBPJ. Dans les GB, RBPJ est également fortement exprimée dans les zones de pseudo-palissades qui se caractérisent par de l’hypoxie et de l’invasion (Figure 51) (Maciaczyk et al., 2017).

Figure 51 : Régulation de la progression tumorale par HIF.

La stabilisation du complexe HIF-α/HIF- permet l’expression de gènes responsables du maintien des cellules souches de glioblastome (CSG), de l’angiogenèse, de la survie cellulaire et de l’invasion. En parallèle ce complexe favorise la transition épithélio-mésenchymateuse (TEM).

86 Enfin, certains récepteurs des chimiokines comme le CXCR4 dont l’expression est modulée en hypoxie par HIF-1 participent à la TEM. Cette surexpression des récepteurs va permettre la migration directionnelle des cellules en réponse à un gradient chimio-attractant (Figure 52) (Zagzag et al., 2006; Iwadate, 2016).