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VI- Médicaments peroperatoires:

1- Héparine non fractionnée (HNF)

d’occlusion par thrombose du circuit ou de l’oxygénateur. L’héparine non fractionnée (HNF) est l’antithrombotique de choix [24].

Depuis plus de 40 ans, l’héparine non fractionnée (HNF) est l’anticoagulant le plus utilisé pour la CEC en chirurgie cardiaque en raison de sa maniabilité. Un délai d’action très court, une demi-vie plasmatique relativement courte (de 30 minutes pour une dose de 25 UI/kg, à 150 minutes pour une dose de 400 UI/kg) et une neutralisation possible par la protamine [51].

a)- Structure:

Les héparines sont constituées d’un enchaînement linéaire de polysaccharides faisant alterner des résidus D-glucosamine et d’acide uronique contenant en moyenne deux groupements sulfatés par disaccharide, Ceci explique la forte charge anionique qui permet aux molécules d’héparine d’interagir, de façon non spécifique, avec de nombreuses protéines contenant des acides aminés basiques [24,52].

b)- Propriété biochimiques et anticoagulantes des héparines

L’héparine par l’intermédiaire de sa séquence pentasaccharidique se lie à un domaine spécifique de l’antithrombine (AT), modifie sa conformation et accélère d’au moins 1000 fois sa vitesse d’inactivation vis-à-vis des enzymes générées au cours de la coagulation ; plus particulièrement la thrombine (II) et le facteur Xa [24] ; l’AT est capable d’inhiber plusieurs enzymes (sérine-protéases) de la coagulation. L’interaction de ces sérine-protéases avec l’AT aboutit à une protéolyse de cette dernière, ce qui modifie brusquement sa conformation : l’AT peut alors emprisonner l’enzyme comme dans une sorte de « piège à souris ». Le complexe AT-enzyme est rapidement éliminé par le système macrophagique, en particulier au niveau du foie. L’héparine peut ensuite se libérer de ce complexe et interagir avec d’autres molécules d’AT. Les cibles préférentielles de l’AT sont la thrombine et le facteur Xa, mais l’AT peut également inhiber le facteur IXa, le facteur XIIa et, dans certaines conditions, le facteur VIIa.

L’injection d’héparine libère l’inhibiteur de facteur tissulaire (tissu factor pathway inhibitor, ou TFPI) de l’endothélium et de ses sites de fixation .Le TFPI pourrait jouer un rôle anticoagulant en inhibant la voie du facteur tissulaire (FT) par formation d’un complexe TFPI-Xa-VIIa-FT inactif [24]. La libération du TFPI pourrait constituer l’un des mécanismes d’action de l’héparine [52].

c- Effet sur les plaquettes :

Une baisse immédiate des plaquettes peut survenir lors de l’administration d’héparine. Elle est transitoire et bénigne dans la plupart des cas. Cependant on peut avoir développement d'une thrombopénie causée par une réaction allergique appelé thrombopénie à l’héparine [54].

L'héparinothérapie conduit à l'activation plaquettaire [55]. En contact avec l’héparine, les processus d’activation et d’inhibition plaquettaire sont déclenchés de façon concomitante et paradoxale. L’activation plaquettaire s’accompagne d’une réorganisation des phospholipides membranaires (rôle procoagulant), d’une augmentation du métabolisme, de l’expression de glycoprotéines de surface, d’une adhésion, d’une sécrétion du facteur 4 plaquettaire (FP4) et d’une inhibition de la formation de thromboxane A2 (TXA2) et un allongement du temps de saignement [44].

Les héparines peuvent se fixer sur les plaquettes ; cette fixation est proportionnelle à leur masse moléculaire. Le site de fixation des héparines est localisé sur une glycoprotéine de la membrane plaquettaire (GP Ib) et sur une molécule d’adhésion présente dans les granules α, (la thrombospondine) La fixation de l’héparine à ces molécules pourrait inhiber l’adhésion plaquettaire et

Tableau VI : Effets antihémostatiques de l’héparine [24].

Effets Particularités

Liaison à l’AT catalysant l’inactivation des facteurs IIa, Xa, IXa, XIIa

Cet effet principal est produit par seulement 1/3 des molécules d’héparine qui contiennent le site de liaison au pentasaccharide

Liaison au cofacteur II de l’héparine catalysant l’inactivation du facteur IIa

Cet effet nécessite des concentrations élevées d’héparine et est indépendant de l’affinité à l’AT

Liaison aux plaquettes Cet effet inhibe les fonctions plaquettaires et contribue aux saignements sous héparine. Les fractions de haut PM ont un effet plus important que celles de bas PM

 Effet rebond

Le rebond de l'héparine décrit le rétablissement d'un état hépariné après neutralisation de l'héparine par la protamine. Diverses explications de rebond d'héparine ont été proposées. La plus communément admise est que la distribution rapide et la clairance de la protamine se produit, laissant l'héparine non lié restant après le dédouanement de protamine. Également possible est la libération de l'héparine à partir des tissus considérés comme des sites de stockage d'héparine (endothélium, les tissus conjonctifs) [56].

Comme l'héparine est mobilisée en circulation il peut exercer son effet délétère [57], dans certains cas, il peut être envisagé un fractionnement et/ou une

augmentation de risque d’aggravation des effets délétères des héparines et protamine sur les plaquettes.

2-Le sulfate de protamine :

Le premier intérêt de la réduction de l'anti-coagulation systémique est à l'évidence de pouvoir diminuer les pertes sanguines.

La réduction de l'héparinisation générale et donc de sa neutralisation par la protamine a un effet significatif sur la réponse inflammatoire et sur les plaquettes [30].

a)-Structure et action

La protamine est un mélange de multiples polypeptides issus du sperme de saumon. [24], c'est une protéine polycationique fortement alcaline en raison de sa composition faite de 67% d’arginine. L’héparine, molécule polyanionique, se lie par liaison ionique à la protamine et produit un précipité stable [59]. L’héparine fixé à la protamine ne peut plus former de complexe avec l’AT et le IIa, ni avec le Xa. Le complexe héparine-protamine est épuré de la circulation par le système réticuloendothélial et le foie .La protamine plus lipophile que l’HNF et son volume de distribution est plus large. Sa demi-vie se situe entre 30 et 60 minutes, ce qui explique en partie les phénomènes de rebond d’activité de l’héparine [24].

b)-Impact de protamine

Il est souvent difficile de séparer les effets indésirables causés par la protamine de ceux du complexe protamine-héparine et ceux effectivement liée à

L’administration de protamine peut induire une consommation, voire une activation des plaquettes [5]; la protamine a été associée à une thrombopénie, une inhibition de l'agrégation plaquettaire, altération de la membrane de surface des plaquettes, et la dépression de la réponse plaquettaire à divers agonistes [56]. Les mécanismes de ces effets indésirables sont multifactoriels. La forte charge positive de la protamine peut être responsable de certains des effets indésirables [24] ; La protamine contient deux sites actifs, l’un neutralise l’héparine, l'autre exerce un léger effet anticoagulant indépendant de celui de l'héparine [59].Cet effet anticoagulant est faible en raison d'une interaction avec les plaquettes et avec de nombreuses protéines dont le fibrinogène [60]. À trop fortes doses, il possède une activité anticoagulante propre [52].Cet effet anticoagulant pourrait être lié à l'inhibition de l'agrégation plaquettaire par la protamine. Cette inhibition de l'agrégation plaquettaire est démontrée in vitro par la diminution de la sensibilité à l'adénosine diphosphate (ADP) à la fin de la CEC [59].

La protamine active les récepteurs de la thrombine sur les plaquettes, ce qui provoque l'activation partielle et dépréciation ultérieure de l'agrégation plaquettaire. Thrombocytopénie transitoire se produit également dans la première heure après une dose complète de neutralisation de protamine [61].

Le complexe héparine-protamine mime parfaitement un complexe antigène-anticorps et entraine une activation explosive de la voie classique du complément aboutissant à la libération de thromboxane A2 [24].

Tableau VII : effets secondaires de la protamine [24]

Le complexe héparine-protamine inhibe la thrombine induite l'agrégation plaquettaire, et la protamine liée à la thrombine empêche la conversion du fibrinogène en fibrine. Elle stimule également la libération de l'activateur tissulaire plasminogène par les cellules endothéliales [62].Son administration stimule la biosynthèse ou la libération de PAF (platelet-activating-factor) libre par les leucocytes au niveau pulmonaire .Le PAF est un médiateur lipidique de l’inflammation. Ainsi la libération de paf peut induire une libération secondaire de thromboxane A2 [63].

La protamine seul ou complexé avec l'héparine peut convertir t-arginine en oxyde nitrique (anciennement appelée endothélium facteur de relaxation dérivé). Lequel, à son tour provoque une vasodilatation et inhibe l'agrégation et l’adhésion plaquettaire [44].

Ces mécanismes ainsi provoqué par la protamine seule ou complexé avec l’héparine vont participer à l’activation des plaquettes.

3-Antifibrinolytique et CEC :

L'idée était de réduire la fibrinolyse induite par l'ouverture du thorax et par la CEC. L’administration des antifibrinolytiques diminue le saignement par inhibition de la fibrinolyse, mais également par préservation de la fonction plaquettaire en bloquant les sites de liaison de la lysine des récepteurs plaquettaires GP1b.

Parmi les antifibrinolytiques utilisés en chirurgie cardiaque, on distingue les antifibrinolytiques de synthèse (acide tranéxamique), et l'antifibrinolytique naturel : Aprotinine. [64]

a- L’Aprotinine

L’Aprotinine est un antifibrinolytique naturel extrait du poumon du bœuf, c’est un polypeptide de masse moléculaire de 6512 daltons constitué d’une seule chaine de 58 acides aminés [24]. C'est un inhibiteur direct de la plasmine, mais en plus il inhibe aussi de nombreux enzymes (la trypsine, l'élastase, et la kallicréine tissulaire et plasmatique) et les facteurs de coagulation à activité sérine protéase [65].

Après administration intraveineuse, les concentrations plasmatiques sont dose-dépendantes avec des cinétiques linéaires [24] .Les doses utilisées semblent déterminer le mécanisme d’action de l’Aprotinine. De faibles concentrations plasmatiques (de l’ordre de 50 UIK/ml) permettraient l’inhibition de la plasmine, alors que de fortes concentrations (de l’ordre de 200 UIK/ml) seraient nécessaires pour inhiber la kallikréine et permettre à l’Aprotinine d’avoir un effet anti-inflammatoire [66] .Les hautes doses d’Aprotinine inhibe la fibrinolyse biologique. L’Aprotinine est éliminée par le rein [67] .L’Aprotinine doit être administrée par une voie veineuse propre car en solution elle est physiquement incompatible avec des molécules fréquemment utilisées en anesthésie-réanimation, en particulier avec l’héparine, les corticoïdes, les tétracyclines, les émulsions lipidiques et les acides aminés [66].

En pratique, le mécanisme d'action de l'Aprotinine demeure controversé, car les cibles sont multiples et les interactions nombreuses [65]

L’effet protecteur plaquettaire sera à la fois direct: en limitant la dégradation ou l'internalisation des récepteurs GPIb engendrées par la plasmine qui est générée au cours de la circulation extracorporelle [68]. Elle préservera donc les propriétés d'adhésion plaquettaire. En conséquence, un traitement plus tardif par l'Aprotinine, instauré pendant ou après la circulation extracorporelle, n'aurait plus aucune efficacité, les récepteurs GP Ib ayant disparu dès les premières minutes du CEC [65]. Et un effet indirect: en inhibant la formation des D dimères à fort pouvoir antiagrégants plaquettaires et en diminuant la thrombine-formation qui stimule l'activation plaquettaire [68] : en présence de

Les différents effets de l'Aprotinine sont étroitement intriqués. L'inhibition de la plasmine rend compte de son action antifibrinolytique mais également de la préservation des fonctions plaquettaires par blocage de l'hydrolyse des récepteurs glycoprotéiques, contribuant ainsi à son activité hémostatique. Cette inhibition constitue également le support principal d'une potentielle activité prothrombotique. L'activité antikallicréine plasmatique (à forte dose) et l'inhibition de l'activation du facteur XII contribuent à bloquer la phase contact de l'hémostase, à diminuer la génération de thrombine et donc à exercer une activité anticoagulante et protectrice plaquettaire (la thrombine est un puissant activateur des plaquettes). Toutefois, l'implication du facteur XII dans la fibrinolyse laisse penser que son blocage réduirait également le potentiel fibrinolytique. Enfin, l'inhibition de la protéine C activée favoriserait plutôt le caractère prothrombotique de l'Aprotinine [65].

Les complications postopératoires et la mortalité associée à l’utilisation d’Aprotinine, aboutissant à un retrait d’AMM en juin 2008 [69].

b- L'acide tranéxamique :

L'acide tranéxamique est couramment utilisée en chirurgie cardiaque, avec ou sans circulation extracorporelle il remplace l'Aprotinine [70].Depuis le retrait de l’Aprotinine, l’acide tranéxamique reste le seul antifibrinolytique disponible en France [69]. Une efficacité de l’acide tranéxamique sur la réduction des pertes sanguines, des transfusions et de la mortalité est clairement démontrée [66]

L'acide tranéxamique contrairement à l’Aprotinine n’entraîne qu'exceptionnellement des réactions allergiques dangereuses, il a même été utilisé pour traiter un choc anaphylactique, cette molécule étant connue pour son rôle inhibiteur du complément [71].

L'acide tranéxamique est un antifibrinolytique de synthèse, analogue de la lysine qui va pouvoir bloquer les récepteurs à la lysine du plasminogène, de la plasmine et de l’activateur tissulaire du plasminogène [71]. Il se fixe de façon irréversible sur le site lysine du plasminogène. Il reste donc lié au plasminogène lors de sa transformation en plasmine et cette plasmine, liée à l'acide tranéxamique, ne pourra plus se fixer sur les sites lysine de la fibrine et exercer son action protéolytique [68].

L'acide tranéxamique inhibe ainsi la formation de plasmine, donc limite la dégradation de la fibrine et ainsi va retarder la fibrinolyse naturelle et donc la dégradation du caillot. Ceci est son principal mode d’action sur la diminution du saignement [71] .Il exerce un effet protecteur plaquettaire indirect par diminution de génération de D Dimères et blocage partiel de l'activation plaquettaire induite par la plasmine [68].

L’administration préalable d’acide tranéxamique entraine une diminution moindre de l’agrégation plaquettaire après l’administration de protamine [24].

Variabilité de la

réponse des plaquettes