• Aucun résultat trouvé

1996 > Vers un savoir numérique

Dans le document L'ebook a 40 ans (1971-2011) (Page 41-44)

[Résumé]

Vinton Cerf, père de l’internet et fondateur de l’Internet Society (ISOC), explique en janvier 1998 lors d’un entretien avec le quotidien Libération: «Le réseau fait deux choses (...): comme les livres, il permet d’accumuler de la connaissance. Mais, surtout, il la présente sous une forme qui la met en relation avec d’autres informations. Alors que, dans un livre, l’information est maintenue isolée.» De plus, l’information contenue dans les livres reste la même, alors que l'internet privilégie les informations récentes et régulièrement actualisées. Lors d'une conférence organisée en septembre 1996 par l'IFIP (International Federation of Information Processing), Dale Spender, professeure et chercheuse, propose une communication sous le titre «Creativity and the computer education industry» en tentant de cerner les changements apportés par l'internet dans l'acquisition du savoir et les méthodes d'enseignement.

***

L’information contenue dans les livres reste la même, alors que l'internet privilégie les informations récentes et régulièrement actualisées. Il faut donc complètement repenser notre relation au savoir.

Vinton Cerf, père de l’internet et fondateur de l’Internet Society (ISOC), explique en janvier 1998 lors d’un entretien avec le quotidien Libération: «Le réseau fait deux

choses (...): comme les livres, il permet d’accumuler de la connaissance. Mais, surtout, il la présente sous une forme qui la met en relation avec d’autres informations. Alors que, dans un livre, l’information est maintenue isolée.»

Une nouvelle manière d’enseigner

Lors d'une conférence organisée en septembre 1996 par l'IFIP (International Federation of Information Processing), Dale Spender, professeure et chercheuse, propose une communication sous le titre «Creativity and the computer education industry» en tentant de cerner les changements apportés par l'internet dans l'acquisition du savoir et les méthodes d'enseignement. Voici son argumentation résumée en deux paragraphes. Pendant plus de cinq siècles, l'enseignement est principalement basé sur l'information donnée par les livres. Or les habitudes liées à l'imprimé ne peuvent être transférées au monde numérique. L'enseignement en ligne offre des possibilités tellement nouvelles qu'il n'est guère possible d'effectuer les distinctions traditionnelles entre enseignant et enseigné. Le passage de la culture imprimée à la culture numérique exige d'entièrement repenser le processus d'enseignement, puisque nous avons maintenant l'opportunité sans précédent de pouvoir influer sur le genre d'enseignement que nous souhaitons.

Dans la culture imprimée, l'information contenue dans les livres restait la même pendant un certain temps, ce qui nous a encouragé à penser que l'information était stable. La nature même de l'imprimé est liée à la notion de vérité, stable elle aussi. Cette stabilité et l'ordre qu'elle engendre ont été l’un des fondements de l'âge industriel et de la

révolution scientifique. Les notions de vérité, de loi, d'objectivité et de preuve ont été les éléments de référence de nos croyances et de nos cultures. Mais la révolution

numérique change tout ceci. Soudain l'information en ligne supplante l'information imprimée pour devenir la plus fiable et la plus utile, et l'usager est prêt à la payer en conséquence. C'est cette transformation radicale dans la nature de l'information qui doit être au coeur du débat relatif aux méthodes d'enseignement.

Trois expériences

En témoigne l'expérience de Patrick Rebollar, professeur de français et de littérature française à Tokyo (Japon), qui raconte en juillet 1998: «Mon travail de recherche est différent, mon travail d’enseignant est différent, mon image en tant qu’enseignant-

chercheur de langue et de littérature est totalement liée à l’ordinateur, ce qui a ses bons et ses mauvais côtés (surtout vers le haut de la hiérarchie universitaire, plutôt constituée de gens âgés et technologiquement récalcitrants). J’ai cessé de m’intéresser à certains collègues proches géographiquement mais qui n’ont rien de commun avec mes idées, pour entrer en contact avec des personnes inconnues et réparties dans différents pays (et que je rencontre parfois, à Paris ou à Tokyo, selon les vacances ou les colloques des uns ou des autres). La différence est d’abord un gain de temps, pour tout, puis un changement de méthode de documentation, puis de méthode d’enseignement

privilégiant l’acquisition des méthodes de recherche par mes étudiants, au détriment des contenus (mais cela dépend des cours). Progressivement, le paradigme réticulaire l’emporte sur le paradigme hiérarchique.»

Robert Beard, professeur à la Bucknell University (États-Unis), écrit en septembre 1998: «En tant que professeur de langue, je pense que le web présente une pléthore de nouvelles ressources disponibles dans la langue étudiée, de nouveaux instruments d'apprentissage (exercices interactifs Java et Shockwave) et de test, qui sont à la disposition des étudiants quand ceux-ci en ont le temps ou l'envie, 24 heures / 24 et 7 jours / 7. Aussi bien pour mes collègues que pour moi, et bien sûr pour notre

établissement, l'internet nous permet aussi de publier pratiquement sans limitation. (…) L'internet nous offrira tout le matériel pédagogique dont nous pouvons rêver, y compris des notes de lecture, exercices, tests, évaluations et exercices interactifs plus efficaces que par le passé parce que reposant davantage sur la notion de communication.» Russon Wooldridge, professeur au département des études françaises de l'Université de Toronto (Canada), explique en février 2001: «Mes activités de recherche, autrefois menées dans une tour d'ivoire, se font maintenant presque uniquement par des

collaborations locales ou à distance. (...) Tout mon enseignement exploite au maximum les ressources d'internet (le web et le courriel): les deux lieux communs d'un cours sont la salle de classe et le site du cours, sur lequel je mets tous les matériaux des cours. Je

mets toutes les données de mes recherches des vingt dernières années sur le web (réédition de livres, articles, textes intégraux de dictionnaires anciens en bases de données interactives, de traités du 16e siècle, etc.). Je publie des actes de colloques, j'édite un journal, je collabore avec des collègues français, mettant en ligne à Toronto ce qu'ils ne peuvent pas publier en ligne chez eux. (…) Je me rends compte que sans internet mes activités seraient bien moindres, ou du moins très différentes de ce qu'elles sont actuellement. Donc je ne vois pas l'avenir sans.»

Dans le document L'ebook a 40 ans (1971-2011) (Page 41-44)