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2001 > De nouveaux genres littéraires

Dans le document L'ebook a 40 ans (1971-2011) (Page 114-117)

[Résumé]

Des auteurs tentent de nouvelles expériences littéraires. Voici deux expériences parmi tant d’autres, d’une part un cyber-polar et d’autre part un mail-roman. Après avoir écrit un roman policier sous forme de feuilleton sur le web en 1998 et 1999, Anne-Cécile Brandenbourger le publie en version numérique chez 00h00 en février 2000 puis en version imprimée en août 2000. Jean-Pierre Balpe diffuse quotidiennement par courriel pendant cent jours (du 11 avril au 19 juillet 2001) un chapitre de son mail-roman «Rien n'est sans dire» auprès de cinq cents personnes - sa famille, ses amis, ses collègues, etc. - en y intégrant les réponses et les réactions de ses lecteurs. Cette idée d'un mail- roman est issue de deux sources différentes: «d'une part en se demandant ce

qu'internet peut apporter sur le plan de la forme à la littérature, d'autre part en lisant la littérature épistolaire du 18e siècle, ces fameux romans par lettres». Selon l’auteur, «les technologies numériques sont une chance extraordinaire du renouvellement du

littéraire».

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Des auteurs tentent de nouvelles expériences littéraires. Voici deux expériences parmi tant d’autres, d’une part un cyber-polar d’Anne-Cécile Brandenbourger et d’autre part un mail-roman de Jean-Pierre Balpe.

Un cyber-polar

Né en Belgique sous la plume d’Anne-Cécile Brandenbourger, «Apparitions

inquiétantes» est «une longue histoire à lire dans tous les sens, un labyrinthe de crimes, de mauvaises pensées et de plaisirs ambigus», qui se développe d’abord sous la forme d’un feuilleton en ligne sur le site d’Anacoluthe, pendant deux ans, en collaboration avec Olivier Lefèvre.

En février 2000, le roman est publié par 00h00 en version numérique (au format PDF) en tant que premier titre de la Collection 2003, consacrée aux écritures numériques, avec version imprimée à la demande.

Sur son site, 00h00 présente l'ouvrage comme «un cyber-polar fait de récits hypertextuels imbriqués en gigogne. Entre personnages de feuilleton américain et intrigue policière, le lecteur est - hypertextuellement - mené par le bout du nez dans cette saga aux allures borgésiennes. (...) C’est une histoire de meurtre et une enquête policière; des textes écrits court et montés serrés; une balade dans l’imaginaire des séries télé; une déstructuration (organisée) du récit dans une transposition littéraire du zapping; et par conséquent, des sensations de lecture radicalement neuves.»

Anne-Cécile relate en juin 2000: «Les possibilités offertes par l’hypertexte m’ont permis de développer et de donner libre cours à des tendances que j’avais déjà auparavant. J’ai toujours adoré écrire et lire des textes éclatés et inclassables (comme par exemple "La vie mode d’emploi" de Perec ou "Si par une nuit d’hiver un voyageur" de Calvino) et l’hypermédia m’a donné l’occasion de me plonger dans ces formes narratives en toute liberté. Car, pour créer des histoires non linéaires et des réseaux de textes qui

s’imbriquent les uns dans les autres, l’hypertexte est évidemment plus approprié que le papier. Je crois qu’au fil des jours, mon travail hypertextuel a rendu mon écriture de plus en plus intuitive. Plus "intérieure" aussi peut-être, plus proche des associations d’idées et des mouvements désordonnés qui caractérisent la pensée lorsqu’elle se laisse aller à la rêverie. Cela s’explique par la nature de la navigation hypertextuelle, le fait que

presque chaque mot qu’on écrit peut être un lien, une porte qui s’ouvre sur une histoire.»

Suite au succès du livre, les éditions Florent Massot publient en août 2000 une

deuxième version imprimée (la première étant celle de 00h00, imprimée uniquement à la demande), sous le nouveau titre «La malédiction du parasol», avec une couverture en 3D et une maquette d’Olivier Lefèvre restituant le rythme de la version originale.

Un mail-roman

Le premier mail-roman francophone est lancé en 2001 par Jean-Pierre Balpe, chercheur, écrivain et directeur du département hypermédia de l’Université Paris 8. Pendant très exactement cent jours, entre le 11 avril et le 19 juillet 2001, il diffuse

quotidiennement par courriel un chapitre de «Rien n’est sans dire» auprès de cinq cents personnes - sa famille, ses amis, ses collègues, etc. - en y intégrant les réponses et les réactions de ses lecteurs.

Racontée par un narrateur, l’histoire est celle de Stanislas et Zita, qui vivent une passion tragique déchirée par une sombre histoire politique. L’auteur relate en février 2002: «Cette idée d’un mail-roman m’est venue tout naturellement. D’une part en me demandant depuis quelque temps déjà ce qu’internet peut apporter sur le plan de la forme à la littérature (...) et d’autre part en lisant de la littérature "épistolaire" du 18e siècle, ces fameux "romans par lettres". Il suffit alors de transposer: que peut être le "roman par lettres" aujourd’hui?»

Le déroulement de ce mail-roman a-t-il correspondu à ses attentes? «Oui ET non: au départ je n'avais pas d'attente, donc oui... De plus, si je n'avais pas d'attentes (…) je savais jusqu'où j'étais prêt à aller. Par exemple, je proposais aux lecteurs de participer au roman mais je n'ai jamais proposé qu'ils me remplacent: je voulais rester le maître (ah mais...). Ce qui m'amusait, c'était d'intégrer, dans une trame et une visée que je m'étais à peu près données, les propositions, y compris les plus farfelues, sans qu'elles paraissent comme telles et sans que je "vende mon âme au diable".

NON car j'ai quand même été un peu surpris du "classicisme" des propositions de lecteurs: on y retrouvait assez massivement les lieux communs les plus éculés (pardon pour le jeu de mot...) des feuilletons télévisés. Si je me laissais faire, nous n'étions pas loin du Loft. D'ailleurs, significativement, parce que c'était la période de diffusion de cette émission, plusieurs lecteurs y font référence dans leurs envois et essaient de m'entraîner sur ce terrain. Autrement dit, le plus surprenant peut-être est que des

lecteurs qui s'inscrivaient volontairement à une expérience "littéraire" n'avaient de cesse de regarder du côté de la non-littérature, de la banalité et du lieu commun...»

Jean-Pierre Balpe tire plusieurs conclusions de cette expérience: «D’abord c’est un "genre": depuis, plusieurs personnes m’ont dit lancer aussi un mail-roman. Ensuite j’ai aperçu quantité de possibilités que je n’ai pas exploitées et que je me réserve pour un éventuel travail ultérieur. La contrainte du temps est ainsi très intéressante à exploiter: le temps de l’écriture bien sûr, mais aussi celui de la lecture: ce n’est pas rien de mettre quelqu’un devant la nécessité de lire, chaque jour, une page de roman. Ce "pacte" a quelque chose de diabolique. Et enfin le renforcement de ma conviction que les technologies numériques sont une chance extraordinaire du renouvellement du littéraire.»

Dans le document L'ebook a 40 ans (1971-2011) (Page 114-117)