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Le groupement État islamique, un concentré de toutes les violences sexuelles imaginables en conflits armés

Section Seconde – L’état des lieux décevant de la lutte internationale contre les violences sexuelles en

Paragraphe 2 nd – Un recours sinistre aux violences sexuelles dans les conflits armés entre 2014 et

B. Le groupement État islamique, un concentré de toutes les violences sexuelles imaginables en conflits armés

Comme l’expose le rapport précédent, « [l]a violence sexuelle fait partie de la stratégie appliquée par l’État islamique »534. La particularité de ce groupement, opérant en Syrie et en Irak, est qu’il pratique massivement la quasi-totalité des formes de violences sexuelles que nous avons exposées à travers ce travail et les différents conflits armés de l’histoire. Tortures, viols, esclavage sexuel, mariages forcés, traite d’être humain, mutilations, traitements cruels, inhumains et dégradants, épuration ethnique, agressions et harcèlements sexuels, rien n’est oublié.

Un réel marché aux femmes et jeunes filles a été mis en place, avec la publication d’une « "ordonnance" fixant le prix variable selon l’âge » et l’appartenance ethnique – yazidie ou chrétienne.535 Quand elles ne sont pas vendues, ces victimes sont « "données" en cadeau à des combattants », « la promesse de se voir attribuer une femme ou une fille » faisant pleinement partie de la stratégie de recrutement.536

Comme l’explique le SGNU, pour l’EI « la maîtrise de la procréation […] est capitale pour bâtir une nation et façonner une génération à leur image. C’est pourquoi des "agences matrimoniales" ont été créées dans les zones qui sont sous le contrôle de l’EIIL en vue

Seigneur, Maï-Maï Cheka/Nduma Defence for Congo, Maï-Maï Kifuafua, Maï-Maï Simba/Morgan, Maï-Maï Simba/Lumumba, Groupe armé Nyatura, Raïa Mutomboki, Forces armées de la RDC, Police nationale de la RDC ; - Iraq : État islamique d’Iraq et du Levant ; - Mali : Mouvement national pour la libération de l’Azawad, Ansar Dine, Mouvement pour l’unité et le jihad en Afrique de l’Ouest, Al-Qaida au Maghreb islamique ; - Somalie : Chabab, Armée nationale somalienne, Police nationale somalienne et milices alliées, Armée du Puntland ; - Soudan du Sud : Armée de résistance du Seigneur, Mouvement pour la justice et l’égalité, Mouvement/Armée populaire de libération du Soudan dans l’opposition, Armée populaire de libération du Soudan, Police nationale sud-soudanaise ; - République arabe syrienne : État islamique d’Iraq et du Levant, Front el-Nosra, Liwa el-Islam, Aknaf Beit el-Maqdis, Ansar Beit el-Maqdis, Mouvement islamique Ahrar el- Cham, Forces gouvernementales armées syriennes, les services de renseignement du pays et les forces progouvernementales, notamment les milices des forces de défense nationale ; - Autres : Boko Haram.

533 Rapport S/2015/203, Op. Cit., p. 2. 534 Idem., p. 10.

535 Idem., p. 11. 536 Ibid.

d’encourager les femmes à se marier avec des combattants ».537 « D’encourager » ou de forcer.

Il existe dans ce groupe armé une véritable organisation de la violence sexuelle. Des témoignages d’anciennes captives soutiennent que les femmes non-mariées et les petites filles sont séparées de celles mariées ou avec des enfants. Un « triage » est instauré, allant même jusqu’à mettre en avant les filles les plus jeunes et les plus jolies.538 Lorsque les victimes essaient de mentir en affirmant qu’elles sont déjà mariés pour ne pas l’être de nouveau de force, les bourreaux les conduisent pour des examens gynécologiques afin de vérifier qu’elles ne soient plus vierges.539 L’ampleur du phénomène est si grande que des « clients » viendraient d’autres régions du monde, combattants ou simples « supporters » et hommes d’affaires.540

Les combattants de l’EI n’ont que peu d’égard quant à l’âge des victimes.541 Dans le désespoir et pour échapper à ces violences, nombre de victimes mettent fin à leurs jours.542 S’il existe des témoignages relevant que certains combattants n’acceptent cette pratique que pour renvoyer en cachette les victimes chez elles543, l’État Islamique n’en demeure pas moins un groupe armé opérant un recours massif et systématique à la violence sexuelle544, en toute impunité et loin à l’abri, pour l’instant, des sanctions du Droit pénal. De manière extraordinaire, ce groupement ne nie absolument pas ces atrocités, mais les revendique bien

537 Rapport S/2015/203, « Rapport du Secrétaire général sur les violences sexuelles liées aux conflits », Nations

Unies, Conseil de Sécurité, 23.03.2015, p. 28.

538 « The human rights situation in Iraq in the light of abuses committed by the so-called Islamic State in Iraq and the Levant and associated groups », High Commissioner for Human Rights, United Nations, Report

A/HRC/28/18, 13.03.2015, par. 37.

539 « Escape from hell: Torture and sexual slavery in Islamic State captivity in Iraq », Amnesty International, Op. Cit., p. 6.

540 Idem., p. 9.

541 Report A/HRC/28/18, Op. Cit., par. 40 ; « The mission obtained credible reports about the rape of young girls, including nine and six year-olds. The former was raped for three days by an ISIL fighter […]. A witness stated that she could clearly hear the girl being assaulted and screaming out her name for help. The girl told the witness that she was blindfolded, handcuffed, beaten and repeatedly raped. Eventually, her ‘owner’ sold her to another ISIL fighter from Syria. In the same house, a six year-old girl was raped by another ISIL fighter. A witness heard the child screaming. She was reportedly sold to an ISIL fighter in Syria ».

542 « Escape from hell: Torture and sexual slavery in Islamic State captivity in Iraq », Amnesty International, Op. Cit., p. 8 ; « We were 21 girls in one room, two of them were very young, 10-12 years. One day we were given clothes that looked like dance costumes and were told to bathe and wear those clothes. Jilan killed herself in the bathroom. She cut her wrists and hanged herself. She was very beautiful. I think she knew that she was going to be taken away by a man and that is why she killed herself. »

543 Idem., p. 10 ; « He took me to his home and I slept in a room with his older wife while he slept in another room with his younger wife. The older wife was very nice to me. He said he had bought me because he felt sorry for me and wanted to send me and my little sister back to my family and indeed he did so. »

544 SARDACHTI (M.-J.), « Allégations de génocide, crimes contre l’humanité et crimes de guerre commis par

l’Etat islamique d’Iraq et du Levant selon un rapport du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme », Sentinelle-droit-international, Bulletin n°429, 12.04.2015.

au contraire.545

En outre, le récent rapport du Haut Commissariat au Droits de l’Homme des Nations Unies révèle qu’il est « reasonable to conclude that some of these incidents […] may constitute genocide », notamment contre le groupe ethnique des yezidies, ainsi que des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité, réalisés notamment par des violences sexuelles.546

Finalement, au regard de toutes ces informations il semble possible de douter de la capacité du système juridique actuel de lutter contre les violences sexuelles en conflits armés.

La Communauté Internationale, et c’était impératif, s’est véritablement saisie de la question. De nombreuses dispositions sont prises à travers des déclarations, des résolutions, voir même des textes légaux, pour trouver une réponse à ce problème.

Cependant, la capacité des États, et parfois même leur volonté, reste encore très limitée dans l’application de ces mesures internationales. Les États touchés par les conflits armés sont incapables de produire un système efficace de poursuite des coupables et d’assistance des victimes. D’autant plus que lorsque des mesures sont prises, la corruption du système plongé dans le chaos du conflit se révèle une barrière particulièrement difficile à franchir pour celles et ceux qui ont souffert ces violences.

C’est pourquoi une réponse multisectorielle doit être adoptée. Les enjeux économiques et la pauvreté dans laquelle les victimes sont jetées doivent être pris en considération. Les femmes et les filles, premières victimes de ces violences, doivent être impliquées de manière plus forte dans le processus. Des formations aux combattants, aux forces de police, aux personnels judiciaires, sanitaires et humanitaires, à tous les acteurs impliqués, doivent être mises sur pied pour s’assurer qu’ils connaissent les interdictions et les moyens de traiter ce mal. Il est surtout impératif que les violences sexuelles soient avant tout éradiquées en temps de paix. Elles doivent cesser d’y être banalisées.

Le nombre de groupes armés et de forces armées impliqués dans l’utilisation des violences sexuelles en conflits armés doit impérativement diminuer. La Communauté Internationale, mais également les États de leurs côtés, doivent prendre les mesures

545 « Escape from hell: Torture and sexual slavery in Islamic State captivity in Iraq », Amnesty International, Op. Cit., p. 11.

nécessaires pour stopper ces combattants qui violent encore à ce jour impunément le Droit International Humanitaire en se rendant coupables de crimes de guerre, de crime contre l’humanité et de crime de génocide. Les pratiques de l’État Islamique doivent opérées comme un rappel aux acteurs internationaux qu’il est primordial d’aller plus loin dans la lutte internationale contre les violences sexuelles des conflits armés.

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