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er – L’extension de la responsabilité pénale individuelle dans la commission de ces violences en conflits armés

Section Seconde – L’élargissement des statuts juridiques des individus impliqués dans ces violences

Paragraphe 1 er – L’extension de la responsabilité pénale individuelle dans la commission de ces violences en conflits armés

Si la responsabilité dans la commission des crimes internationaux du supérieur hiérarchique des auteurs directs des violations du DIH a très vite été reconnue, les juges sont allés jusqu’à reconnaître la responsabilité pénale des autorités à la fois militaires et civiles, même hiérarchiquement très élevées (A), assurant une criminalisation absolue de tout acte ayant abouti, de près ou de loin, à l’atrocité reprochée.

De plus, s’il ne fait aucun doute que le sexe masculin est particulièrement impliqué dans la commission de violences sexuelles, il n’en est pour autant pas l’unique source. Toujours dans le but d’une parfaite tolérance zéro, les juges ont donc reconnu le rôle, parfois central, des femmes dans les violences sexuelles des conflits armés (B).

A. L’engagement de la responsabilité même indirecte des autorités militaires et civiles dans la commission des violences

La jurisprudence du XX-XXIe siècle est venue confirmer celle, isolée, du « Tribunal militaire international de Tokyo [ayant] condamné les Généraux [et l’ancien Ministre japonais des affaires étrangères] au titre de la responsabilité du supérieur hiérarchique pour les violations […] commises par leurs soldats à Nankin et notamment des viols et violences sexuelles »397. Elle a de plus également reconnu cette forme de responsabilité pour les conflits armés non-internationaux.398

Les Tribunaux ad hoc ont, conformément aux dispositions de leur statut, « obtenu la condamnation de dirigeants de groupes armés. »399 Ainsi, dans plusieurs affaires400, ils se sont assurés que non seulement les supérieurs hiérarchiques directs des hommes se trouvant sur le terrain pouvaient être jugés responsables, mais que les supérieurs « plus éloignés », à la tête d’une force armée ou d’un groupe armé, et à l’origine « des instructions émanant des plus hauts niveaux de pouvoir politiques et militaires [incitant] au viol »401 pouvaient l’être aussi. Deux affaires sont emblématiques en la matière : la condamnation de Slobodan Milosevic402 et celle récente de Charles Taylor en 2012. Le Tribunal Spécial pour le Sierra Leone (TSSL) a ainsi engagé la responsabilité de l’« ancien président du Libéria, pour avoir aidé et encouragé les viols et l’esclavage sexuel de filles et de femmes ».403 Cette décision démontrant que même la plus haute fonction de l’État n’immunise pas contre une condamnation pour violences sexuelles en conflits armés. L’ancien premier ministre rwandais sera de la même manière condamné pour génocide.404

Une interprétation intéressante élargissant la responsabilité du supérieur hiérarchique découle de l’affaire Blaškić. Dans cette dernière, il a été reconnu que même si le supérieur sanctionne a posteriori ses hommes pour les violences sexuelles commises, sa responsabilité sera engagée si en réalité il « savait ou avait des raisons de savoir que des subordonnés

397 TPIY, Le Procureur c. Anto Furundžija, Op. Cit., par. 165 à 169.

398 HENCKAERTS (J.-M.) et DOSWALD-BECK (L.), Droit International Humanitaire Coutumier, Volume 1 : Règles, Op. Cit., p. 739.

399 « Les crimes commis contre les femmes lors des conflits armés », Amnesty International, Op. Cit., p. 49. 400 Voir notamment : TPIR, Le Procureur c. Jean-Paul Akayesu, Op. Cit. ; TPIY, Le Procureur c. Radovan Karadzić et Ratko Mladic, Op. Cit. ; TPIY, affaire « Delalic », Op. Cit. ; TPIY, Le Procureur c. Tihomir Blaškić, Op. Cit. ; TPIY, Le Procureur c. Radislav Krstić, Op. Cit.

401 JOSSE (E.), « Violences sexuelles et conflits armés en Afrique », Op. Cit., p. 4.

402 FOURÇANS (C.), « La répression par les juridictions pénales internationales des violences sexuelles

commises pendant les conflits armés », Op. Cit., p. 163.

403 Idem., p. 160.

étaient sur le point de commettre des crimes et [ne les] a pas empêché[s] »405.

Ainsi tout individu, « whether civilians or military, can be held criminally responsible » pour des crimes sexuels commis durant un conflit armé.406 C’est important car cela implique la soumission de non-combattant, des civils, à l’interdiction des violences sexuelles en conflits armés.

Si les juges ont donc reconnu la responsabilité d’individus qui auraient pu paraître trop éloignés de la commission des faits, ou trop élevés politiquement, ils se sont également assurés que le rôle des femmes, aux côtés de celui des hommes, soit reconnu.

B. La reconnaissance jurisprudentielle du statut de femme criminelle sexuelle des conflits armés

« [M]ême un crime de guerre jusqu’alors vu comme uniquement masculin, le viol, peut être aussi commis par des femmes... contre d’autres femmes. »407 Cette réalité est souvent délaissée. Bien que cela n’enlève en rien au fait que la majorité des auteurs soient des hommes, la reconnaissance jurisprudentielle de cette réalité permet néanmoins d’admettre cette implication féminine, nécessaire pour que la tolérance zéro soit totale.

Une affaire emblématique, témoignant de l’importance que des femmes peuvent avoir dans ces commissions, est la condamnation de Pauline Nyiaramasuhuko faisant ainsi « apparaître l’implication directe d’une personnalité gouvernementale importante, et qui plus est une femme, dans la commission de viols »408. Durant le génocide rwandais, alors Ministre de la condition féminine, elle aurait « ordonné des viols » et en serait donc « complice ».409

Daniel Palmieri et Irène Herrmann, analysant l’implication des femmes dans les violences guerrières, relèvent que « les travaux de l’anthropologue Margaret Mead ont postulé que les femmes auraient une plus grande propension à tuer que les hommes dans des

405 TPIY, Le Procureur c. Tihomir Blaškić, Jugement, Chambre de Première Instance I, Affaire n°IT-95-14-T,

03.03.2000, par. 336.

406 « Escape from hell: Torture and sexual slavery in Islamic State captivity in Iraq », Amnesty International,

International Secretariat, United Kingdom, 23.12.2014, p. 15.

407 PALMIERI (D.) et HERRMANN (I.), « Les femmes et la guerre : une approche historique », Op. Cit., p. 35 ;

« Une étude récente sur la guerre civile en Sierra Leone a, en effet, démontré que la participation directe de

femmes dans des supplices sexuels infligés à des victimes féminines n’était ni un phénomène inconnu, ni même marginal »

408 FOURÇANS (C.), « La répression par les juridictions pénales internationales des violences sexuelles

commises pendant les conflits armés », Op. Cit., p. 159.

situations de conflits armés. »410 Evelyne Josse mettra d’ailleurs en lumière que 9.2% des violences sexuelles du génocide rwandais avait été commis par des femmes et « 41.7% conjointement par des hommes et des femmes »411.

Il est d’autant plus intéressant de rappeler à ce propos que des traitements cruels et inhumains, impliquant des sévices sexuels, perpétrés sur des internés par des soldats américains à la prison d’Abou Ghraib impliquaient notamment une femme, « le soldat Lynndie England […] condamnée à trois ans de prison. »412

En conclusion, les juges ont permis que toute personne, impliquée de près ou de loin dans la commission de violences sexuelles, voit sa responsabilité pénale individuelle engagée, et ont assuré que le rôle des femmes dans ces atrocités soit reconnu. Nous allons maintenant voir qu’ils ont également joué un rôle dans l’élargissement du statut de victime.

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