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CHAPITRE 1. CONTEXTE BIOMEDICAL ET STRATEGIE DE L’ETUDE

IV. F ONCTIONNALISATION DES NANOMATERIAUX PAR UNE MOLECULE D ’ INTERET

IV.1. Greffage d’un agent thérapeutique à la surface de nanoparticules

nanoparticules

IV.1.1. Généralités sur l’utilisation combinée de plusieurs médicaments

et/ou de plusieurs types de thérapie. L’intérêt des nanoparticules.

Pour l’heure, les combinaisons de différents agents chimiothérapeutique dans les traitements thérapeutiques sont une stratégie attractive pour améliorer l’efficacité des traitements anticancéreux [213]. Les principaux facteurs conduisant à un pronostic défavorable lors de l’utilisation d’un agent chimiothérapeutique seul sont le phénomène de résistance multiple aux médicaments (Multidrug Resistance en anglais, MDR) [3], des toxicités significatives et des effets secondaires indésirables [4]. L’utilisation combinée de principes actifs pour la thérapie contre le cancer est illustrée Figure 30.

Figure 30 : Représentation schématique des principaux avantages de l’utilisation combinée de plusieurs agents

thérapeutiques pour la thérapie anticancéreuse [213].

L’association de plusieurs agents thérapeutiques peut créer un effet synergétique i.e. un effet thérapeutique plus efficace que la somme des effets des principes actifs pris individuellement [214]. Enfin, un des plus gros obstacles rencontrés en thérapie concerne le problème de toxicité systémique en fonction des doses administrées. De fortes doses sont généralement requises lors des traitements chimiothérapeutiques en raison de la difficulté des principes actifs à atteindre les sites tumoraux. C’est pourquoi la combinaison synergique de plusieurs agents conduit à diminuer la toxicité et les effets secondaires tout en permettant de réduire le dosage de chacun des composés. Une étude a montré que l’association de la curcumine avec le paclitaxel a permis de réduire les doses pour limiter la toxicité du paclitaxel lors des injections systémiques mais a aussi permis d’améliorer l’activité cytotoxique, sur des cellules HeLa, par rapport aux médicaments seuls [215]. Dans le même but, cette même molécule a été combinée avec le carboplatine ou avec la vinorelbine pour le cancer du poumon [216].

Fonctionnalisation des nanomatériaux par une molécule d’intérêt

Par ailleurs, le traitement du cancer implique généralement plusieurs thérapies combinatoires comme l’utilisation d’agents chimiothérapeutiques associés à de l’hormonothérapie, de la radiothérapie ou encore à de l’immunothérapie (Figure 31). Il a été montré que les principes actifs associés avec de la radiothérapie sont plus efficaces. En effet, les chances de survie du patient sont meilleures pour de nombreux cancers à des stades avancés comme c’est le cas pour la combinaison du 5-fluorouracile et de la mitomycine C avec la radiothérapie [217], par rapport à l’action radiothérapeutique seule [218].

Figure 31 : Schéma des différentes stratégies combinatoires pour le traitement du cancer [213].

Les stratégies présentées dans ce paragraphe peuvent être obtenues grâce à la nanomédecine. En effet, plusieurs types de nanovecteurs chargés avec de multiples agents thérapeutiques ont été caractérisés et ont démontré une amélioration de l’activité anticancéreuse (Figure 32 et Tableau 3) [219]. Les nanoparticules peuvent apporter une grande quantité de médicaments et les protéger contre la dégradation lors de leur transport. Ainsi, il est possible d’attacher plusieurs types de molécules thérapeutiques afin que plusieurs actions thérapeutiques soient simultanément menées, le tout de manière contrôlée. Enfin, la cinétique de libération des molécules anticancéreuses peut-être contrôlée selon la chimie de surface des nanoparticules et leur comportement dans les milieux biologiques [220]. Les nanoparticules permettent aussi d’avoir simultanément plusieurs thérapies telles que le ciblage d’agents chimiothérapeutiques combiné à de l’hyperthermie ou à de la radiosensibilisation (voir paragraphe ‎I.2.1.1. et ‎I.2.2.). De plus en plus de résultats cliniques émergent, ce qui suggère que cette voie est prometteuse et commence à se concrétiser.

Cependant, à l’heure actuelle, le nombre de nanomédicaments sur le marché est limité [221]. Abraxane, une version nanoparticulaire contenant le paclitaxel lié à l’albumine s’est avérée plus efficace que la formulation de paclitaxel seul. Cette nouvelle formulation a été l’une des premières à être approuvée par la FDA. Des molécules thérapeutiques anticancéreuses comme la doxorubicine, le paclitaxel, le cisplatine, la camptothécine, le méthotrexate et la fluorouracile (les plus utilisées d’après la littérature) ont déjà été greffées, caractérisées puis testées biologiquement sur des nanomatériaux. Parmi ces derniers, des nanotubes de carbones, des nanoparticules d’oxyde de fer, de silice et d’or ont été utilisés comme nanovecteurs pour délivrer ce genre d’agent thérapeutique [25, 196, 208].

Figure 32 : Quelques exemples des différents types de nanovecteurs développés pour la délivrance de médicaments

[213].

Fonctionnalisation des nanomatériaux par une molécule d’intérêt

IV.1.2. La famille des taxanes comme agents chimiothérapeutiques

La famille des taxanes fait partie de la classe des diterpènes, qui sont surtout connus pour être des antimicrobiens et des anti-inflammatoires [222]. La Figure 33 représente la structure moléculaire de base des taxanes. Il sont également très utilisés comme agents chimiothérapeutiques [223].

Figure 33 : Structure moléculaire de base des taxanes.

IV.1.2.1. Propriétés anticancéreuses et effets secondaires des taxanes

Les taxanes sont parmi les agents antinéoplasiques les plus utilisés par les cancérologues. Ces molécules sont couramment exploitées pour traiter des cancers avancés incluant un grand nombre de tumeurs solides comme celles du cancer du sein, des ovaires, de la prostate, de l’œsophage et des poumons [223, 224]. Les taxanes ont aussi démontrés leur efficacité pour des stades moins avancés, ce qui a permis d’avoir un grand impact pour la thérapie préventive. Cette famille comprend plus de 300 composés dont les plus connus sont le paclitaxel (PTX, nom commercial Taxol), le docétaxel (DTX, nom commercial Taxotère) et le cabazitaxel (nom commercial Jevtana) (Figure 34). Il est nécessaire de les dissoudre dans un solvant afin de les utiliser biologiquement car de manière générale, ils sont faiblement solubles dans l’eau [223]. En revanche, plusieurs rapports indiquent que ces solvants altèrent les profils pharmacocinétiques des taxanes [224].

Figure 34 : Structures moléculaires des taxanes les plus utilisés comme agents chimiothérapeutiques : le paclitaxel,

le docétaxel et le cabazitaxel.

Ces molécules inhibent la fonction des microtubules responsables de la division cellulaire [225]. De plus, les taxanes sont également connus pour présenter un effet radiosensibilisant [226]. Une étude a recensé plusieurs travaux sur l’action du paclitaxel et du DTX sur les différents cancers cités précédemment [223]. Globalement, dans ces types de cancers, les taxanes ont démontré une meilleure efficacité par rapport à d’autres agents pour lutter contre la progression de la tumeur. De plus, il s’est avéré que le taux de rechute et le risque de décès après un suivi post-traitement diminuait. C’est aussi le cas de la toxicité qui est moins importante avec les taxanes notamment en raison de leurs caractéristiques pharmacologiques [223].

Cependant, l’utilisation d’un taxane ou en combinaison avec d’autres agents antinéoplasiques peut causer de la toxicité [223]. Ces effets toxiques incluent une myélosuppression9, des réactions d’hypersensibilités et cutanées, de la rétention d’eau, des troubles gastro-intestinaux et de la neurotoxicité (Tableau 4). La neuropathie sensorielle est l’effet neurotoxique le plus généralement observé par les taxanes. Elle est devenue une question centrale dans le domaine de la chimiothérapie antinéoplasique bien qu’elle ne soit pas mortelle. Néanmoins, en France, l’utilisation du docétaxel pour traiter le cancer du sein a été temporairement suspendue, par précaution (début 2017), après le décès de plusieurs femmes, âgées de 46 à 73 ans, suite à des complications digestives. Le docetaxel est en revanche toujours utilisé pour d’autres cancers tels que ceux des poumons, prostate, ORL. Depuis juillet 2017, ce médicament peut à nouveau être utilisé dans le traitement des cancers du sein opérables, décision prise par l’Agence du médicament (ANSM) et l’Institut national du cancer (INCa). Les investigations menées au niveau européen « ne montrent pas d’augmentation de la fréquence des effets indésirables graves et des décès liés à cette molécule » et « le Comité pour l’évaluation des risques en matière de pharmacovigilance (PRAC) de l’Agence européenne du médicament (EMA) a clos la procédure d’alerte lancée par la France ». En effet, sur les vingt dernières années, les décès recensés sont de l’ordre de 1 pour 10 000 patients sur 600 000 patients traités d’après l’enquête nationale de pharmacovigilance. De plus, selon l’ANSM, le Comité estime que « l’augmentation du nombre de cas déclarés en France pour le cancer du sein pourrait être liée à une hausse de la vigilance des professionnels de santé »10.

Tableau 4 : Pourcentage de toxicité sur l’organisme lors du traitement du cancer du sein par deux des principaux

taxanes (PTX et DTX) et pour une formulation nanoparticulaire de l’un d’entre eux (Nab-PTX) [227].

IV.1.2.2. Choix du docétaxel

Parmi les taxanes, le DTX reçoit un intérêt grandissant depuis sa découverte et son élaboration par Pierre Potier en 1988.

9 La myélosuppression est une réduction de l’activité de la moelle osseuse provoquant une réduction du nombre de globules rouges, les plaquettes et les globules blancs. Elle est souvent observée comme un effet secondaire d’un médicament.

10 D’après l’article du monde ( http://www.lemonde.fr/sante/article/2017/07/05/cancers-du-sein-le-docetaxel-a-nouveau-autorise_5156156_1651302.html) et/ou le communiqué de presse de l’ANSM ( http://ansm.sante.fr/S-informer/Presse-Communiques-Points- presse/Docetaxel-levee-de-la-recommandation-d-eviter-son-utilisation-dans-le-cancer-du-sein-et-renforcement-de-l-encadrement-des-pratiques-Communique).

Fonctionnalisation des nanomatériaux par une molécule d’intérêt

Les formulations contenant le paclitaxel causent de fortes toxicités et nécessitent de fortes doses. En améliorant les étapes de synthèses du paclitaxel, Potier a synthétisé le DTX qui a montré alors une meilleure biodisponibilité et une activité supérieure par rapport au paclitaxel lors de tests in vitro et

in vivo [225]. Par rapport aux molécules thérapeutiques couramment utilisées, le DTX a un large spectre

d’activité contre de nombreuses tumeurs [223]. De plus, le DTX est considéré comme plus efficace que la doxorubicine, le paclitaxel et le fluorouracile comme agent cytotoxique antimicrotubule. Par conséquent, les doses injectées en DTX aux patients sont plus faibles que pour le paclitaxel induisant une neuropathie plus faible. Le DTX est à la fois un agent antiangiogénique et un agent antitumoral efficace.

Approuvé par la FDA, le DTX est surtout utilisé pour le traitement du cancer de la prostate réfractaire aux hormones [228]. Pour résoudre les problèmes concernant la faible solubilité dans l’eau et la toxicité systémique, des formulations commerciales de nanovecteurs en DTX ont été développés tels que le CPX-8 (formulation de nanoparticules hydrophobes en DTX) et le BIND-014 (formulations de nanoparticules polymériques chargées en DTX) [229]. Cependant, les injections intraveineuses de ces formulations en DTX, mènent à des concentrations de DTX dans le plasma qui sont mille fois plus faibles après seulement quelques heures [230]. L’utilisation de nanomatériaux inorganiques comme nanovecteurs devient alors une solution pour améliorer le ciblage (injection IV) et/ou pour piéger le DTX directement dans les tumeurs (injection IT). À l’heure actuelle, peu d’études recensent le greffage ou l’incorporation du DTX à la surface de nanopoudres inorganiques. Cela concerne surtout des nanoparticules d’oxyde de fer et à base d’or ou des nanotubes de carbone qui ont été évalués par des essais in vitro (cytotoxicité, libération de DTX, production de ROS, internalisation cellulaire et cycle cellulaire). [225, 231, 232].

IV.1.3. Conclusions

L’efficacité des taxanes a été prouvée contre de multiples cellules tumorales. Cette thèse s’est focalisée sur le docétaxel, du fait de son fort potentiel comme agent anticancéreux même s’il n’est pas totalement exempt d’effets secondaires. En raison de son activité intéressante, les doses employées sont alors plus faibles que pour d’autres agents thérapeutiques connus, ce qui induit des toxicités moins sévères. Des efforts significatifs sont en train d’être mis en œuvre pour améliorer le système de délivrance de cette molécule sur les sites tumoraux. L’utilisation d’un nouveau nanovecteur est alors une bonne alternative pour améliorer le maintien de la drogue dans la tumeur et ainsi limiter la diffusion du taxane dans l’organisme et sa toxicité pour les organes sains.