• Aucun résultat trouvé

Les grandes figures dans l'action

Dès l’approbation de la règle par le pape Innocent III, l’ordre se développa rapidement en France et en Espagne. La résidence du ministre général, fut-elle fixée à Rome dès 1208, comme nous le pensons, ce qui confirmerait la vocation internationale de l’ordre. Le foyer intellectuel parisien jouait grandement dans cette dimension. Jean de Matha était sujet de l'empereur, et ses premiers successeurs, au demeurant ses condisciples, venaient d'autres nations que la France. La dimension internationale se maintint jusqu'à l'élection du sixième ministre.

L'œuvre de Jean de Matha

Suivant en cela la tradition de nombreux souverains européens, Jean de Matha fut un ministre général itinérant (carte n°1). Ce voyageur infatigable donna les grandes lignes de l’expansion de l’ordre en lui assignant un terrain de prédilection : la reconquête hispanique. Il s’agit d’un choix surprenant qui s’explique peut-être par la clairvoyance des fondateurs. Un développement de l’ordre au Proche Orient avait dû lui sembler irréaliste.

En effet, Innocent III lança le projet d’une nouvelle croisade en août 1198, c’est-à-dire entre les deux séjours de Jean de Matha à Rome. Si le pape n’avait pas imaginé la conquête de Constantinople, il considérait cependant qu’un tel résultat pouvait servir ses plans par l’instauration d’un patriarcat latin dans cette ville, ce qui n’aurait pas manqué, selon lui, de rapprocher les deux Églises. En outre, cela aurait pu être une occasion admirable d’aller sauver des chrétiens en Terre sainte. Cependant, les résultats restèrent mitigés, et les conséquences de la prise de la seconde Rome, l’instauration de l’empire latin d’Orient et du despotat d’Épire, contribuèrent à la dégradation des relations avec les orthodoxes. Cette implication de la papauté dans ce projet conduisit certains auteurs à penser que Jean de Matha aurait créé le couvent de Saint-Jean d’Acre durant la quatrième croisade (1202-1204)1. Il est cependant fort peu probable que ce fût le cas, puisqu'on le retrouve à Valence, en Espagne, et en France, à cette époque.

Revenons aux mois qui suivirent l’approbation définitive de la règle. Jean de Matha séjourna plusieurs mois à Rome, comme le prouvent d’autres bulles qui lui furent remises, les 4 janvier et 3 février 1199, et la lettre de recommandation, datée du 8 mai de la même année, adressée au roi Miramolin, vraisemblablement un almohade2. Matthieu Paris3 (vers 1200/02 - vers 1259) localisait justement ses terres au Maghreb4. Signalons que le 8 mars 1199, Innocent III adressa une bulle à ce souverain afin de lui présenter les buts de l’ordre nouvellement créé. Pour certain auteur, il s'agirait de l'émir Yakoub-le-Mansour (1184-1199) auprès de qui les religieux rachetèrent cent quatre vingt six captifs5. Le peintre rouennais, Léger, resté méconnu, interprète très lyriquement cet épisode dans une toile en très mauvais état conservée au Musée des Beaux-Arts de Rouen.

1Les ordres religieux, la vie et l’art, sous la direction de Gabriel Le Bras, Paris, Flammarion, 1979, p. 724-726.

2Fondée par Ibn Tumart, la dynastie des Almohades prit naissance dans le sud marocain en 1145 et conquit l’ensemble du Maghreb entre 1151 et 1160. Elle s’installa en Andalousie en 1150 avant d’être défaite par les chrétiens à Las Navas de Tolosa, en 1212. Au Maghreb, sa puissance s’effondrera sous les coups des Berbères, entre 1244 et 1269.

3Ce moine de l’abbaye Saint-Alban en Angleterre est connu pour ses travaux d’historien comme la Chronica Majora, l’Historia Anglorum, le Liber Additamentorum ou encore le Flores Historiarum.

4Medeiros (F. de), L’Occident et l’Afrique (XIIIe-XVe siècles), Paris, Karthala/Centre de Recherches africaines, 1985, p. 63-64 et 177-178.

5 Serfass (Charles), « Les esclaves chrétiens au Maroc du XVIe au XVIIIe s. », Bulletin historique et littéraire de la Société du Protestantisme français, [extrait], avril-juin 1930, p. 11.

➔ Carte n°1 (Attention, serait-il possible de remplacer le 1 par le "2", cartes inversées, merci). La même année, Jean de Matha arriva en Aragon où il a pu fonder une maison, à Avingaña, grâce aux libéralités d’un noble, Pierre de Bellevue [de Bellovisu]. Peu après, il installa un autre couvent à Lérida, ville épiscopale située à une trentaine de kilomètres d’Avingaña. Une raison particulière expliquait-elle le choix de ce royaume pour l’installation de nouveaux couvents ? Tout porte à le croire. En effet, l’énergique roi de Saragosse dépensait ses efforts sans compter pour faire de son royaume une grande puissance méditerranéenne s’étendant des Alpes jusqu’aux confins musulmans. Le royaume était donc en pleine expansion. Pourtant l’éloignement de ces deux couvents des ports méditerranéens montre que les Trinitaires n’avaient pas une grande latitude pour choisir leurs implantations. Sans doute devaient-ils se consacrer à des missions autres que le rachat des captifs, comme celle d’assurer une présence spirituelle au sein de populations menacées. On sait que l’Espagne abritait de nombreux hérétiques qui avaient fui la France.

Jean de Matha resta sans doute en Espagne pendant plusieurs mois. En 1202-1203, on le retrouve à Valence, ville espagnole alors dominée par les musulmans. Ce fut l’occasion pour lui d’effectuer son premier rachat, événement largement diffusé par des récits hagiographiques tardifs. Or, la somme qu’il possédait n’étant pas suffisante, il se décida à demander le secours de Marie en allant la prier dans la seule église alors ouverte au culte chrétien, Saint-Barthélémy-du-Saint-Sépulcre. La présence miraculeuse d’une bourse d’argent près de la statue de la Vierge lui permit d’accomplir son projet. Ce fut sans doute grâce à ce premier rachat réussi que le fondateur put prouver le bien-fondé de sa mission et provoquer des fondations dans les ports importants de la Méditerranée. En Espagne, au début de leur histoire, l'ordre sut utiliser la dynamique de la reconquête pour s’installer dans les royaumes ibériques.

Les vocations se multipliaient, ce qui permit à Jean de Matha de laisser des compagnons sur place. Ceux-ci purent ainsi fonder deux nouveaux couvents peu après son départ, l’un à Anglesola en 1204, et l’autre à Piera l’année suivante. C’est aussi dans les premières années du siècle qu’un premier établissement fut fondé à Barcelone, à la suite de la donation de Bernard de Canet.

L’intérêt porté à l’Aragon venait peut-être aussi de la présence d’agents de ce royaume au Maghreb. En effet, l’Aragon possédait des fondouks à Tunis et à Bougie, ce qui favorisait le commerce entre les deux rives de la Méditerranée1. On voit donc bien que dès les débuts de son existence, l’ordre comprit que son succès passait par l’appui des monarchies espagnoles.

Jean de Matha revint en France en 1203, et reçut, sur le chemin du retour, des mains de l’évêque de Marseille et du chapitre, l’autorisation de fonder une maison dans cette ville2. Cette fondation concrétisait des tractations qui remontaient aux premiers voyages romains du fondateur. C’était là un pas important de franchi. En effet, les géographes médiévaux faisaient de Marseille le centre du monde. Il s’agissait là d’une appréciation toute méridionale, car les routes maritimes qui desservaient le port au XIIIe siècle étaient des liaisons de cabotage allant de Gênes à Valence en passant par Barcelone. À Ceuta cependant, les Marseillais, était regroupés dans un quartier réservé aux « Gênois, Pisans et Marseillais ». Signalons que le nom du premier ministre en charge du couvent de Marseille est connu, il s’agit d’un certain Félix, sans doute le co-fondateur de l’ordre. Toujours en cette même année 1203, deux autres couvents furent fondés sur une des routes conduisant à Saint-Jacques-de-Compostelle, l’un à Arles et l’autre à Saint-Gilles-du-Gard. La décision de fonder un couvent en Arles fut prise en 1199, par Jean de Matha, alors qu’il revenait de

1Dufourcq (Charles-Emmanuel), « Les consulats catalans de Tunis et de Bougie au temps de Jacques le Conquérant »,

Anuario de estudios medievales, t. III, Barcelone, 1966, p. 469-479.

2Baratier (Émile), « Le mouvement mendiant à Marseille », Cahiers de Fanjeaux, n°8, Fanjeaux, Privat éd., 1973, p. 178.

Rome à Cerfroid. Il avait laissé sur place quatre frères chargés de mener à bien les tractations : Boniface, Osgbert, Mathieu et Vital1.

Les efforts dispensés par les disciples de Jean de Matha continuaient de porter leurs fruits. Quelques années plus tard, en 1206, les religieux s’installèrent en Castille : à Tolède, peut-être à l’occasion de la venue de Jean de Matha dans la région, puis, l’année suivante à Ségovie et à Burgos, et enfin en 1209, à Entre-Iglesias. La donation de Burgos faite à « frère Jean » par Gil Ramírez, consistait en un couvent de la Sainte Trinité entouré d’un terrain vague donné en son nom propre2. Quelques années avant, en 1207, un petit établissement fut fondé à San Emeterio dans les Asturies, région du León dépendant des rois de Castille. Sa situation très excentrée par rapport aux autres maisons explique peut-être son abandon rapide.

Si l’Aragon et la Castille attiraient les Trinitaires, la Navarre restait à l’écart. On y enregistre un seul couvent dont l’existence sera pérenne, celui de Puente-la-Reina, fondé en 1207. La situation géographique du royaume explique sans doute un tel désintérêt. En effet, le royaume de Navarre, administré par Sanche VII le Fort (1194-1234), n’était plus intéressé par la lutte contre les musulmans puisque très éloigné du front.

La vitalité de l’ordre permit de prendre pied au Portugal. Ce furent les compagnons du fondateur qui furent chargés de cette mission. En 1208, le père André Claramonte et sept de ses compagnons fondèrent le couvent de Santarem. Une partie de cette communauté essaima à Lisbonne, où la protection royale permit la création d’un couvent. Finalement, peu de couvents furent fondés au Portugal. En effet, le pays éprouvait sans doute moins que l’Espagne le besoin d’une telle présence, d’autant qu’il acheva la reconquête quasi totale de son territoire en 1238.

Les premières années d’existence de l’ordre révèlent une très forte attirance méditerranéenne. Pourtant, si les premières fondations espagnoles auguraient bien de l’avenir de l’ordre, quelle était la situation en France ?

L’expansion de l’ordre trinitaire en France

Quelques mois plus tard, Jean de Matha revint à Cerfroid pour rendre compte de sa mission et y tenir le premier chapitre général de la nouvelle institution, le 15 août 1199. Les successeurs de Jean de Matha dans la charge de ministre général participaient tous à ce chapitre. Étaient présents Jean l’Anglais, natif de Londres, Guillaume l’Écossais, né à Oxford, et Roger le Lépreux, sans doute un champenois. D’autres compagnons connurent une brillante carrière. Pierre Corbelin devint archevêque de Sens, et Jacques Sournier accéda à la dignité épiscopale à Todi (Ombrie). Le premier chroniqueur de l’ordre, frère Élinand, participa aussi à ce premier chapitre. Il écrivit entre autres une chronique générale du monde et un traité De reparatione lapsi (Du renouvellement de la chute). Lorsque Jean de Matha revint à Cerfroid, il trouva un couvent en construction. La communauté avait quitté l’ermitage primitif situé dans les bois de Montigny-l’Allier pour venir s’installer près de la source où le cerf miraculeux était apparu. C’est sans doute à ce moment que le nom définitif fut donné à l’établissement. En effet, le nom de Cerfroid apparaît en 1198 sous l’orthographe « Cerfroy-juxta-Wandeluz », puis par une mention de 1232 qui signalait « Cervus

1A. D. Bouches-du-Rhônes, 51 H 82, registre, p. 1.

2Thierry Knecht retient la fondation du couvent de Burgos et de celui de Lara par une noble dame catalane, s’appuyant sur un document de 1607 qui serait une copie fidèle d’un texte du 14 mars 1245, lui-même étant la transcription d’un acte remontant aux années 1203-1209. Cf. Knecht (T.), op. cit., p. 22, note 18. En revanche Lucía García Aragón cite un document de 1207 précisant le nom du donateur, Gil Ramírez, ésence du fondateur. Cf. Lucía García Aragón,

Documentacion del monasterio de la Trinitad de Burgos(1198-1400), Burgos, Fuentes medievales castellano-leonesas, 1985, p. 9.

Frigidus »1. L’origine du mot Cerfroid viendrait peut-être du celtique Kar signifiant pierre et du latin fracta, brisée2. En effet, la source jaillit d’un rocher. Par attraction, Cerfroy serait devenu

cervus. En outre, l’adjectif frigidus, froid, ne pouvait guère s’appliquer à un être vivant, un cerf en l’occurrence. Ce mot concernait plus vraisemblablement l’eau de la source. Cette appellation,

cervus frigidus, fut à l’origine du jeu de mot contenu dans le toponyme et que la tradition a conservé3.

Le site fut rapidement aménagé, conséquence heureuse des liens dynastiques de Félix de Valois avec la famille de Champagne. En effet, le couvent de Cerfroid4 bénéficia essentiellement des largesses de Marguerite de Blois, comtesse de Bourgogne, petite-fille de Thibaud II de Blois (✝

1152)5. D’autres bienfaiteurs ne tardèrent pas à se manifester. Gaucher III de Châtillon fut aussi un donateur important, de même que Jean de Montmirail (1165-1217), compagnon de Philippe Auguste6. Tous ces dons permirent l’achèvement d’une première église dans les premières années du XIIIe siècle. L’évêque Anseau de Meaux (1195/1207) vint consacrer la nouvelle église, sans doute dans les toutes premières années du siècle.

Les bienfaiteurs n’aidèrent pas uniquement le couvent de Cerfroid. Plusieurs donations furent enregistrées durant les premières années d’existence de l’ordre, mentionnées dans la bulle de mai 1198 : un terrain à Planels (France, Seine-et-Marne), donné par le seigneur du lieu, et une maison à Bourg-la-Reine (France, Hauts-de-Seine), donnée par Maria la Panetière [Panateria], qui devint la résidence d’été des ministres généraux au début du XIVe siècle.

Par ailleurs, la réputation du nouvel ordre fut telle qu’elle incita d’autres communautés à s’y agréger. En 1204, la petite communauté de Saint-Éloi de Mortagne-au-Perche, séduite par le nouvel élan suscité par les Trinitaires, engagea des tractations pour les rejoindre. Placés sous la règle de saint Augustin, les religieux accueillaient les pèlerins en route vers Saint-Jacques-de-Compostelle. Le supérieur de la maison, Nicolas Semilavie, en référa à la veuve de Geoffroy III, comte du Perche, alors tutrice de son fils, Thomas, âgé de neuf ans, et à l’évêque de Séez, Sylvestre. Il se rendit ensuite auprès de Jean de Matha qui chargea son second, Félix, de négocier les modalités de l’intégration7. Les liens familiaux qui unissaient les familles de Champagne et du Perche expliquent peut-être ce choix.

Ce premier élan, qui vit les premières fondations, serait sans doute resté limité si Jean de Matha n’avait pas décidé de faire connaître son ordre aux grands seigneurs du moment. En effet,

1 Matton (Auguste), Dictionnaire topographique du département de l’Aisne, Paris, Imprimerie nationale, 1871, art. Cerfroid.

2Nous remercions Monsieur le professeur Bur de nous avoir indiqué cette étymologie.

3 Par ailleurs, nous pensons que l’orthographe ancienne du village de Gandelu, « Wandeluz », laisse supposer une origine remontant aux invasions barbares et plus précisément à l’installation d’une communauté vandale comme l’indique l’emploi du « W ». Il est curieux que « Wandeluz » rappelle le nom de l’Andalousie, région où les Trinitaires fondèrent de nombreux couvents.

4 Le couvent dépendait de la châtellenie de Gandelu qui regroupait cette localité, ainsi que Brumetz, La Grange et Cerfroid. D’ailleurs, les liens existant entre Cerfroid et Brumetz perdurèrent jusqu’au XVIe siècle, époque à laquelle le pape Jules III (1550/1555) les supprima. Voir Poquet (abbé Alexandre-Eusèbe), Histoire de Château-Thierry, 1ère éd. 1839, Marseille, Laffitte-Reprints, 1977, p. 155.

5Elle avait épousé en premières noces Hugues d’Oisy, vicomte de Meaux († 1191).

6Beaujean, « Le bienheureux Jean de Montmirail », Bulletin de la société historique de Château-Thierry, 1954-1955, p. 16-17. La grande dévotion dans laquelle vécut Jean de Montmirail le décida à abandonner le monde pour se retirer , vers l’âge de quarante ans, en qualité de convers, à l’abbaye cistercienne de Longpont (France, Aisne, près de Villers-Cotterêts), située non loin de Cerfroid. Jean de Montmirail sera élevé à la dignité de bienheureux. Il était par ailleurs neveux d'Hugues d'Oisy.

dès l’installation de la communauté de Cerfroid, Jean de Matha repartit en voyage et en profita pour fonder de nouveaux établissements.

Parallèlement aux fondations méditerranéennes, l’ordre s’installa dans le domaine royal de France. L’un des premiers sceaux se désignait dans sa légende comme le « sceau de l’ordre dans le royaume de France » (In Regno Franciæ), indiquant une présence dans les territoires capétiens1. Son décor s’inspire de la mosaïque de Saint-Thomas-in-Formis. Mais quelle est la provenance de ce sceau ?

Dans le domaine de France, les Trinitaires possédaient plusieurs établissements : Planels, Bourg-la-Reine, Le Bourget, Verberie, Silvelle (Seine-et-Marne), et Étampes acquis en même temps que le couvent de Paris, en 1209. Celui-ci, appelé couramment « les Mathurins », était un établissement en mauvais état dont l’ordre n’eut la pleine propriété qu’en 1229. Le sceau ne peut provenir de Cerfroid, maison mère située en Champagne. En effet, Cerfroid n’intégra le domaine royal que lorsqu’Oudart de Chambly céda son fief de Gandelu à Philippe le Bel (1268-1285/1314)2. Le seul couvent important en « France » à l’époque, semblait bien être celui d’Étampes, et selon nous, pour trois raisons3.

La première concerne le poids économique de la localité qui, durant tout le XIIe siècle et jusqu’aux premières années du siècle suivant, bénéficia de la bienveillance des Capétiens. Le rôle d’Étampes était très important au sein du domaine administré par les premiers Capétiens4. L’impulsion économique donnée par Louis VI le Gros (vers 1081-1108/1137) et son fils, Louis VII le Jeune (1120-1137/1180) laissa une empreinte sur le paysage urbain, jusqu’alors divisé en deux noyaux distincts. En 1123, Louis VI autorisa la création d’un marché sis au lieu-dit Saint-Gilles, marquant par là sa volonté de réunir les deux quartiers, distants d’un peu plus d’un kilomètre, qui existaient dès le XIe siècle. Les droits consentis aux marchands qui s’y installèrent étaient identiques à ceux des villes franches ou des villes neuves. Une église consacrait la vitalité du lieu. Étampes-la-Vieille (Stampæ veteres) était constituée de la ville primitive, ouverte, groupée autour de l’église Saint-Martin, tandis qu’Étampes-le-Châtel (Stampæ castrum ou Stampæ novæ) comprenait le palais royal et les églises Notre-Dame et Saint-Basile.

De son côté, Louis VII habita très souvent à Étampes, au Palais des Séjours, résidence de plaisance agrémentée de jardins irrigués. Le palais avait été construit pour Constance de Provence, troisième femme de Robert II le Pieux (927-996/1031). Il s’agissait, à l’origine, d’une demeure privée qui devint demeure royale lorsque la cour résida à Étampes, tout au long du XIIe siècle5. Louis VII favorisa la ville à plusieurs reprises. Une charte octroyée dès son accession au trône, en 1137, confirme la volonté du souverain de ne pas altérer la monnaie frappée dans la cité. En mai

1L’usage du sceau s’imposa très lentement dans la société médiévale, notamment au sein des institutions religieuses. En 1218, un statut du chapitre des cisterciens ordonne que toutes les communautés doivent briser leurs sceaux. Cette interdiction ne sera levée qu’au XIVe siècle. Voir Giry (A.), Manuel de diplomatique, Paris, Hachette, 1894, p. 646, note 2. Chez les Mercédaires, c’est l’article XXXXIII de la règle de 1272 qui réglemente l’usage des sceaux. Il est prévu que si les frères ne doivent pas en posséder en propre, chaque maison en est pourvue, et le sceau, propriété commune, est à la disposition de chacun. Voir Brodman (James William), Ransoming captives in Crusader Spain. The order of Merced on the Christian-Islamic frontier, Philadelphie, University of Pennsylvannia Press, 1986, p. 138. En revanche, dès le XIIIe siècle, les Trinitaires font graver des sceaux pour chaque type de sigillant (chapitres généraux, ministres généraux, maisons, ministres mineurs, sceaux personnels des ministres et indulgences). Dans ce contexte privilégié, il n’est pas étonnant qu’un début d’iconographie puisse être constatée sur les sceaux des trinitaires à cette époque.

2Matton (A.), op. cit., art. « Gandelu ».

3Voir à ce sujet Wingler (C.), op. cit., 40 pages. Ce petit catalogue fait le point sur la formation et l’importance de la