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L'architecture des Trinitaires depuis le concile de Trente jusqu'aux dernières suppressions de l'ordre en Europe

La fin du XVIe siècle marqua le début de la reconquête des âmes par l'Église séduites par les arguments des Protestants. Cet élan qui partait de Rome devait envahir une grande partie de l'Europe. L'architecture fut l'un des vecteurs, sinon le plus important, de cette vaste entreprise. Pour les Trinitaires, le mouvement prit des aspects différents selon les pays.

Les transformations de la Ville éternelle rendaient possible l'édification de nouveaux édifices, la basilique Saint-Pierre étant la plus prestigieuse d'entre eux. Directement en relation avec le développement de l'esthétique baroque, les Trinitaires, plus précisément la branche déchaussée, ordonnèrent la construction de nouvelles églises, dont l'une d'entre elles devint un modèle, pourtant moins imité que ne le fut l'église du Gesù : il s'agit de Saint-Charles-aux-Quatre-Fontaines.

La volonté d'unité manifesté par le concile aurait pu trouver un écho favorable au sein d'un ordre dont la vocation initiale était universelle. La nomination d'un ministre général français et son installation dans le royaume capétien au milieu du XIIIe siècle, la guerre de Cent Ans puis le Grand Schisme avaient eu raison de ce projet. Bien au contraire, l'application des décisions conciliaires marque pour l'ordre un moment de trouble qui finit par prendre des aspects institutionnels bien après les avoir transcrit dans l'architecture.

L’architecture de la fin du XVIe siècle chez les Trinitaires : la difficile adoption de l’esthétique Renaissante et Maniériste

Les premières années du XVIe siècle ne bouleversèrent pas radicalement le monde des arts ; le renouvellement esthétique en provenance de l’Italie coexista pendant tout le siècle avec la tradition gothique, notamment en France. En effet, dans ce pays, les guerres de Religion ne permirent pas d’adapter les modèles italiens à l’architecture religieuse ; il fallut attendre le XVIIe pour voir cette influence prise en compte.

D’après l’ouvrage de Sebastiano Serlio (1475-1554), le Quarto Libro, le choix des ordres architecturaux doit correspondre au statut social des commanditaires ou à l’utilisation des bâtiments1. L’ordre dorique caractérise les demeures de militaires, les portes de ville ou les prisons et les églises dédiées aux saints guerriers (saint Paul, saint Georges, etc.). L’ordre ionique, en raison de ses proportions harmonieuses, est qualifié d’ordre « intermédiaire » pouvant être utilisé pour les églises dédiées à des saintes ayant supporté héroïquement le martyre. Il est aussi utilisé pour les demeures de lettrés. L’ordre corinthien, adoptant des formes frêles semblables à la taille d’une jeune fille, est le mieux adapté aux sanctuaires mariaux.

Les Trinitaires se convertirent à ce nouveau vocabulaire architectural et ornemental durant la seconde moitié du siècle et continuèrent à s’y référer encore dans les premières années du XVIIe siècle. Cependant, ils restèrent fidèles au parti déjà adopté au Moyen Âge en privilégiant les variantes locales.

1 Pawels-Lemerle (Frédérique et Yves), L’architecture à la Renaissance, coll. Tout l’art/histoire, Paris, Flammarion, 1998, p. 119.

L'Italie : la République de Gênes et le royaume de Naples

Après une éphémère tentative d'installation à Gênes, du vivant même de Jean de Matha, les religieux revinrent dans la cité ligure à la fin du XVIe siècle, conséquence de la bataille de Lépante dont la victoire était attribuée à la Vierge du Remède, culte spécifique à l’ordre. En effet, ce fut la famille Doria qui appela les religieux dans leur cité. Jouxtant le palais ducal construit par Lorenzo Fassolo (1463-1518), leur église devint très rapidement une chapelle réservée à l’usage exclusif de la famille ducale.

Les Trinitaires détruisirent l’église qui leur avait été donnée par Zénobie del Carretto, femme de Giovanni Andrea Doria1. Les travaux de reconstruction du couvent, qui durèrent de 1593 à 1617, furent confiés, d’après la tradition, aux architectes Andrea Ceresola dit « il Vannone » et Gaspare Corte.

➔ 27. Gênes (Ligurie). Ancienne église Saint-Benoît et Sainte Trinité.

Bâtie de 1593 à 1611, l’église, consacrée à Saint-Benoît et à la Sainte Trinité, possède un porche hors œuvre scandé d’un ordre ionique. La structure de ce porche nous semble avoir été inspirée par celle que Jules Romain (1499-1546) avait donné au portique de la façade ouvrant sur le jardin du palais du Té (érigé de 1524 à 1534), à Mantoue. Quelques différences sont toutefois perceptibles : les colonnes jumelées font place à une colonne simple et un oculus orne le fronton. Le plan dénote une influence du Maniérisme tardif, perceptible dans le rapport double de la longueur de l’abside abritant le chœur, par rapport à ce qu'il est permis d'identifier comme les bras du transept2. L'architecte a su jouer astucieusement de la superficie modeste de l'édifice en contrebutant la voûte d'arêtes centrale par des berceaux parallèles à l'axe des voûtains, renforcés par des tirants. Des pilastres corinthiens marquent les angles de l'espace intérieur.

Si un rapprochement semble s’imposer entre ce bâtiment et les théories de Serlio, perceptible à travers l’association de l’ordre corinthien à une église dédiée à la Vierge, peut-on faire la même constatation pour les autres sites construits dans les territoires soumis à la couronne espagnole ?

Grâce à leurs possessions en Italie du sud, les Espagnols eurent un contact privilégié avec les nouvelles influences esthétiques de l’époque : Renaissance puis Maniérisme. À partir de cette date, les contacts entre l’Espagne et les milieux artistiques italiens ne cessèrent de s’intensifier. Ces liens s’expliquent d’autant mieux que l’héritier au trône d’Espagne était, dans un premier temps, sacré roi de Naples. C’est dans ce contexte qu’après une présence de courte durée en Italie au Moyen Âge, les Trinitaires profitèrent principalement de la domination aragonaise pour se réinstaller dans la péninsule, à Naples, puis en Sicile et en Sardaigne. Cependant, les nombreux tremblements de terre eurent raison de certains couvents trinitaires : celui de Messine, par exemple, fut rayé de la carte au début du XXe siècle.

Située dans la quartier espagnol, l’église trinitaire de Naples fut construite en 1573 puis rénovée en 1588. L'inscription du clocher de trois niveaux coiffé d’un édicule octogonal tardif dans le plan même de l'édifice, s'explique par l'exiguïté du terrain disponible. L'austérité de la façade

1Il s’agit de l’un des capitaines qui combattit à Lépante.

2Pazzini Paglieri (Nadia) et Paglieri (Rinangelo), Chiese Barocche a Genova e in Liguria, Gênes, Sagep Editrice, 1992, p. 41-42.

ouvre sur une petite place ne permettant guère le recul nécessaire pour apprécier un décor recherché. L'architecte joue sur la dramatisation des volumes. Contrairement à l'exemple gênois, le porche, aussi scandé par trois arcades en plein cintre mais abritant l'escalier d'accès, s'inscrit à l'intérieur de la façade contribuant à le plonger dans l'ombre. La partie supérieure est percée d'une grande vitre cintrée, récemment restaurée) frappée d'une croix rouge et bleue. Le mur est animé d'un savant jeu géométrique animé par la différence de profondeur des plans et sur la maîtrise d'un vocabulaire décoratif restreint : balustrade, pilastres géminés amenant le regard vers le fronton triangulaire percé d'un oculus. L'opposition des teintes contribue efficacement à renforcer la verticalité : pierres sombres des colonnes corinthiennes et de l'intrados des arcades du porche, accentuant la pénombre de l'entrée tranchant sur le crépis ocre jaune en partie supérieure. La structure est surmontée d'une coupole percée de fenêtres qui éclaire un espace intérieur divisé en trois nefs.

Les liens avec l'Espagne sont perceptibles dans le choix des tableaux qui ornent la nef : une

Vierge du Pilier avec saint Jacques et sainte Rose du côté de l'Épître, de l'autre côté un Saint Ferdinand et sainte Thérèse donné par l'infant Don Sebastiano Isidoro1.

Ces deux exemples montrent le choix affirmé de l’esthétique du moment. Au contraire, à Sassari (Sardaigne), l’architecte utilise le vocabulaire plateresque notamment dans le groupe sculpté surplombant le porche. Cette expression artistique associe les apports italiens à l’héritage espagnol du gothique isabellin. Son usage hors d’Espagne peut s’expliquer par le rattachement ancien de la Sardaigne à l’Aragon (1323/24). En revanche, les pilastres doriques contribuent à l’austérité de la façade. La fenêtre surmontant les sculptures est fermée par un vitrail représentant une Sainte Trinité.

L’architecture des églises trinitaires en Italie offre des expressions révélatrices de la situation politique sévissant dans la péninsule à l’époque, notamment dans les territoires soumis à l’Aragon. L’utilisation des styles ibériques laisse entrevoir l’intervention d’architectes originaires d’Espagne, ouvrant la voie aux nombreux artistes qui fréquenteront ces deux rives de la Méditerranée. Examinons maintenant comment les architectes se sont exprimés en Espagne.

Les royaumes ibériques

L’Espagne du XVIe siècle devint un creuset où s’exprimèrent des tendances architecturales multiples. L’art isabellin et, dans une moindre mesure, le style mudejar marquèrent la fin du XVe siècle espagnol. Parallèlement à cela, le royaume subit également à la même époque l’influence esthétique des États flamands. Ce courant s’exprima à la cour tout d’abord, puis dans le reste du pays. Puis les influences italiennes pénétrèrent dans la péninsule. Mêlant traditions locales et influences étrangères, les artistes produisirent un art aux caractères originaux : le style plateresque en Espagne et le style manuelin au Portugal.

Bartolomeo Ordóñez (1480-1520) et Diego de Siloé (vers 1495-1563) furent les ardents partisans du nouveau langage artistique venant d’Italie. Ils n’étaient pourtant pas représentatifs de la profession. Traditionnellement, la primauté des sculpteurs sur les architectes explique l’importance donnée aux façades-retables. En outre, les praticiens appliquèrent la grammaire de la Renaissance puis du maniérisme au vocabulaire local inspiré du plateresque ou même du mudejar.

L’enrichissement de la société espagnole contribua à faire de l’art un enjeu de pouvoir : la protection des arts était nécessaire pour conforter l’image de puissance de la noblesse espagnole du XVIe siècle. Francisco de los Cobos, secrétaire de l’empereur Charles Quint, transforma ainsi la

1Celano (Carlo), Notizie del bello dell'antico e del curioso della città di Napoli, vol. IV, Naples, imp. Nicola Mencia, 1859, p. 631-632.

ville d’Úbeda pour en faire un symbole de son pouvoir. Les Trinitaires, qui possédaient un couvent dans cette localité, ne furent pourtant pas touchés par la transformation complète de la cité. Lorsqu’il n’était pas possible de reconstruire un couvent, on procédait simplement à un agrandissement ou à des modifications.

Dans la seconde moitié du siècle, la « maniera » devint un mode d’expression privilégié en Espagne, favorisé par la cour de Philippe II. Ce courant pénétra plus tardivement au Portugal à l’occasion de l’union des royaumes de la péninsule par le Habsbourg, en 1580.

La conquête des Amériques provoqua un afflux de richesses en Espagne. Les Trinitaires profitèrent-ils de cette manne ? On peut le supposer si l’on considère les nombreux couvents médiévaux reconstruits au XVIe siècle. Ainsi, une telle frénésie permettait-elle aux architectes de proposer de nouveaux langages ornementaux aux religieux. En effet, une multitude d’influences, locales ou étrangères, se juxtaposèrent alors, contribuant à un remarquable enrichissement esthétique. Par exemple, l’influence musulmane se manifestait toujours, non seulement à travers le style mudéjar, toujours vivace en Andalousie, mais aussi par des expressions décoratives plus diffuses. C’est ainsi que les églises conservaient à la fois les plafonds en bois sculpté et le clocher de plan barlong décoré de faïences, peintes en bleu ou en brun, formant des ornements géométriques1.

On retrouvait ces influences dans l’église de Grenade, bâtie entre 1520 et 1530. Elle mesurait trente-quatre mètres de long pour dix-neuf de large, possédait une nef unique flanquée de chapelles latérales, d’une vaste abside polygonale et d’une coupole. La nef était couverte d’un réseau d’octogones décoré de rosettes au centre, comme on le voit encore dans l’escalier de la bibliothèque de l’hôpital royal de cette ville. L’église fut agrandie quelques années plus tard. En 1569, Luis Muñoz et sa femme, María de Molina, firent bâtir une chapelle dédiée à l’Immaculée Conception. L’influence musulmane pouvait aussi se manifester sur les parois extérieures des bâtiments. Le couvent de Cuéllar, agrandi au XVIe siècle, nous en fournit un exemple. Une abside polygonale fut ajoutée au noyau mudéjar. Les murs extérieurs sont revêtus d’un crépi estampé d’un décor géométrique varié, en méplat, évoquant le travail du cuir, mis en valeur par la lumière rasante. L’influence de la céramique peut aussi expliquer ces choix ornementaux. À la même époque, une petite niche fut aménagée entre les deux portes du logis pour recevoir une statue représentant l’ange entre les deux captifs. Le style de ce groupe évoque l’art plateresque, ce qui montre que deux expressions artistiques pouvaient être produites à la même époque, sans que cela choque les commanditaires.

Le style plateresque fut cependant beaucoup plus répandu au XVIe siècle que le mudejar. On le retrouve encore au siècle suivant, par exemple, sur le porche de la façade de l’église andalouse d’Úbeda. Toutefois, la grammaire des styles provenant d’Italie y donne lieu à des adaptations locales montrant un ordre associant un bossage à des chapiteaux corinthiens. La partie supérieure est occupée par les armoiries du couvent entourées du collier de l'ordre de la Toison d'or, au centre du fronton brisé, au-dessus duquel prend place un édicule formé d’un tympan représentant la Trinité. Des similitudes de conception se retrouvent entre ce porche et celui de la collégiale de l’Université de Grenade.

On retrouve l’usage du bossage à Salamanque, en Castille, associé à une architecture maniériste sur la façade de l’église de l’ancien couvent, aujourd’hui transformé en collège. L’établissement est situé rue Zamora, anciennement rue del Concejo de Abajo, créée à la fin du

XIIIe siècle. Elle donne sur la Plaza Mayor, construite entre 1729 et 1755 sur l’emplacement de l’ancienne place San Martín autour de laquelle se trouvaient de nombreux couvents1.

De l’église, seule la façade a été conservée. Son harmonie apparente trahit pourtant plusieurs influences. Avant toute chose, il faut souligner l’importance des nuances de la pierre qui contribuent au décor de la façade. Ce jeu chromatique est particulièrement perceptible sur les voussures du porche.

L’élévation de la façade est conçue en niveaux asymétriques surmontés d’un fronton brisé. Chaque niveau est encadré par deux pilastres. Une niche abritant une statue représentant L’Ange entre deux captifs est creusée au centre du niveau supérieur. Le niveau inférieur, plus complexe, met en scène le porche.

Plus curieux sans doute est l’impression de « patchwork » que donne cette façade. L’influence médiévale y est encore perceptible dans la présence des armoiries des donateurs placées de part et d’autre du fronton brisé. La conception originale de l’arcade du porche constituée de deux arcs en plein-cintre jumelés avec une retombée pendante est également un souvenir de l’architecture gothique. Un des porches de la cathédrale de Baeza (Andalousie), érigé à la fin du XVe ou au début du XVIe siècle, en offre un bel exemple.

Les trois niches abritant les statues des fondateurs et la Trinité sont encadrées par de larges piédroits en bossages un-sur-deux à anglets supportant un entablement peu épais qui ne suit pas la courbe supérieure de la niche. Le traitement en creux des piédroits et des voussures du porche et des piédestaux apparaît comme un bossage « en négatif ». Mais la volonté de panacher plusieurs styles est plus explicite encore dans la manière de « mélanger » les ordres avec la plus grande fantaisie. Les deux pilastres extérieurs adoptent un ordre doriques aux fûts cannelés et rudentés au premier tiers. Le porche est encadré de colonnes reprenant les mêmes fûts que les pilastres. Toutefois, les chapiteaux sont composites et supportent un entablement dorique faisant alterner des triglyphes et des métopes ornées de motifs floraux.

➔ 28. Baeza (Andalousie). Façade de

l'église de l'ancien couvent des Trinitaires.

Parfois, les églises trinitaires ne subsistent que sous forme de vestiges très modestes comme à Coín, ville andalouse située non loin d’Úbeda. On ne voit plus aujourd’hui qu’un clocher, appelé « tour des Trinitaires », dont l’originalité résulte dans le plan en triangle isocèle que l’on ne retrouve nulle part ailleurs. Le choix d’une telle forme a peut-être été rendu nécessaire par l’inclinaison très marquée du sol. En effet, la base du triangle est située en amont, tandis que les deux autres côtés devaient servir à maintenir la pression.

Vers le milieu du XVIe siècle, sous l’impulsion de l’austère Philippe II, les goûts esthétiques des Espagnols changèrent. En effet, les expressions mudejar et plateresque allaient faire place à un nouveau courant artistique : le style herrérien, magistralement mis en scène à l’Escurial. Ce mouvement s’amplifia, lorsqu’en 1561, le roi choisit de faire de Madrid la nouvelle capitale du royaume, alors que la cité n’était qu’une bourgade. Grâce à son nouveau statut, la ville devint l’un des grands centres artistiques de l’Espagne du siècle.

1 Ceballos (Alfonso Rodriguez G. de), La Plaza Mayor de Salamanca, Salamanque, Centro de estudios salmantinos, 1977, 230 p., 2 pl.

On peut considérer que le changement de statut de la cité bénéficia aux Trinitaires. Si la fondation madrilène remontait à 15471, elle semble avoir stagné jusqu’à la fin du siècle. Les religieux profitèrent de l’impulsion économique qui transformait la ville en véritable capitale. Situé dans le quartier d’Atocha, l’établissement, dont la construction débuta à partir de 1590, occupait l’espace compris entre les numéros 12 et 16 de la rue du même nom. L’ensemble des bâtiments était représentatif de l’architecture de l’époque encore teintée de l’esthétique maniériste, comme en témoignent des photographies anciennes du plan-relief de la ville. En effet, l’aspect général du couvent évoquait, mutadis mutandis, celui de l’Escurial, érigé de 1561 à 1586.

Le parallèle se confirme car la construction fut confiée à deux disciples de Juan de Herrera, le constructeur de l’Escurial : Juan de Valencia et Gaspar Ordóñez († après 1618). La nef de l’église fut bâtie entre 1590 et 1611 mais le chœur et l’abside furent terminés entre 1650 et 1680 par un architecte inconnu2. La façade était surmontée d’un fronton triangulaire et de deux tours dont l’une était coiffée d’un clocheton tout comme la croisée du transept coiffée de même mais de section octogonale3. L’aspect intérieur du couvent est connu par des estampes ; on y remarque des pilastres corinthiens scandant les murs.

L’esthétique herrérienne s’impose aussi très loin de la cour et de la nouvelle capitale. On en retrouve l’expression en Andalousie, où le couvent de Jérez de la Frontera fut fondé en 1567. L’église, s’ouvrant vers le sud, est précédée d’un parvis conçu comme une cour plantée d’arbres et clôturée d’une grille. Cette disposition sera reprise, on le verra au XVIIe siècle, dans les églises espagnoles des déchaussés. Si le plan de l’église, rectangle scandé de trois travées et terminé par un chevet à pans coupés, n’est guère original, la façade l’est davantage. Elle se caractérise par son extrême sobriété, simplement animée par la présence d’un tympan triangulaire abritant le symbole de l’ordre : la croix pattée inscrite dans un cercle.

➔ 29. Jérez de la frontera (Andalousie).

Façade de l'église de l'ancien couvent des Trinitaires.

On le voit, les architectes espagnols surent allier la richesse décorative de leur patrimoine à celle venant d’Italie. Parfois, cette influence, alliée à des caractères flamands, sera plus déterminante encore. Chez les Trinitaires, on en retrouve l’expression en Navarre, à Puente-la-Reina, seul couvent médiéval du royaume pyrénéen.

L’architecture médiévale du couvent était conforme à celle des établissements modestes que l’on trouvait en France. Il était composé à l’origine d’un vaste rez-de-chaussée et d’un petit hospice qui comportait un dortoir pour les religieux et un petit oratoire. Ce couvent fut modifié au XVIe