• Aucun résultat trouvé

4 Approches numériques

4.2 Modélisation de l’opération de coupe

4.2.3 Gestion de contact

Les conditions de contact à l’interface outil pièce sont particulièrement complexes et fortement dépendantes des conditions de coupe. Le frottement est au cœur des phénomènes présents en usinage des composites. Néanmoins, aucune loi de contact universelle n’existe pour modéliser le frottement en coupe des matériaux composites. Des lois de type Coulomb, avec un coefficient constant et indépendant des conditions de glissement, sont généralement utilisées. Le tableau ci- dessous résume les valeurs introduites par différent auteurs pour modéliser la coupe orthogonale des CMP. Notons la grande disparité dans la littérature. Le choix de ces valeurs est dans plusieurs cas arbitraire.

La génération de chaleur est souvent négligée car les vitesses de coupe utilisées en modélisation numérique sont généralement très faibles. Elles varient de 0.5 [Rao-07a, Las-09, Cal- 12] à 14 [Bha-04]. Ces hypothèses liées à la gestion de contact ont limité la capacité des modèles numériques à reproduire les phénomènes mis en jeu dans les conditions opératoires réelles.

40 Tableau 1.7

Coefficient de frottement utilisé dans la modélisation de coupe des composites dans la littérature.

Auteur Coefficient de frottement

[Aro-97], [Rao-07a, Rao-08], [Ren-11] 0.3

[Aro-02] 0.4

[Las-09], [San-10, San-11], [Sol-11], [Las-11] 0.5

[Nay-05], [Mka-08, Mka-09, Mka-10], [Cal-12] 0.3-0.9 °Œ # A ±

[Bha-04], [Zit-05], [Rao-07b], [Nay-05b], [Ram-98], [Mah-01], [Ili-10b] Négligé, non précisé

Nayak et al. [Nay-05] ont été parmi les premiers ayant identifiés le frottement en fonction de l’orientation des fibres par des essais tribologiques pour s’en servir en modélisation. Un effort normal de 120 N a été exercé sur un pion en composite contre un disque en ARS. Cet effort correspond à la force d’avance maximale obtenue en coupe orthogonale pour le même couple outil-matière. Les valeurs du coefficient de frottement obtenues ont été implémentées pour modéliser le contact outil-pièce. Les résultats de Nayak et al. [Nay-05b] sont valides uniquement pour une fraction volumique des fibres égale à 60%. Mkaddem et al. [Mka-10] ont exploité la relation (1.12), pour accéder à la contribution de chaque élément du composite dans le coefficient de fortement. Ils ont pu ainsi déterminer à travers un modèle numérique l’influence de la fraction volumique des fibres sur le coefficient de fortement global.

Œ # ∙ A + ^ ∙ ›p (1.12)

et ^ sont deux paramètres dépendant du matériau.

Mondelin et al. [Mon-10] étaient les premiers à proposer un modèle de frottement en fonction de la vitesse de glissement et de la pression de contact. L’effet de la lubrification sur le frottement a été également étudié. Un tribomètre ouvert a été mis en place pour simuler les conditions de frottement réelles. Le modèle de Zemzemi [Zem-07] initialement développé pour la caractérisation tribologique des alliages métalliques, a été ensuite utilisé pour identifier la part adhésive du frottement. Les valeurs identifiées représentent des paramètres d’entrée pour un modèle numérique. D’après Mondelin et al. [Mon-10], le coefficient de frottement est peu sensible à la pression de contact, à l’orientation des fibres et à la vitesse de glissement utilisée 10 à 20 . Il varie de 0.06 à 0.12 en fonction des conditions de contact.

Klinkova et al. [Kli-11] ont adapté une méthode initialement appliquée aux métaux pour identifier le coefficient de frottement adhésif lors de l’usinage d’un composite à fibres de carbone [Zem-07]. L’approche consiste à réaliser des essais de frottement sur un tribomètre ouvert (Figure 1.17a), puis d’extraire la part adhésive du frottement moyennant le modèle analytique de Zemzemi [Zem-07]. Le contact outil-pièce est modélisé par un système sphère- plan (Figure 1.37). Le coefficient de frottement ainsi que le flux de chaleur passant par le pion sphérique ont été exprimés en fonction de la vitesse de coupe. La valeur du coefficient de frottement apparent varie de 0.12 à 0.23 pour des vitesses de coupe allant de 10 à 120 . Dans ses travaux, Bonnet [Bon-10] a mis en place un nouveau tribomètre de type pion-disque pour mieux reproduire les conditions de frottement en coupe des matériaux composites à renfort fibreux. L’échantillon en composite est mis en rotation à l’aide d’une machine tournante. Il est constitué par des plis orientés à 0°, +45°, -45° et 90° comme illustre la Figure 1.17b.

Le contact pion-pièce est assuré par un vérin hydraulique permettant de maintenir une pression de contact constante. Le pion est de type carbure. La trajectoire de l’outil est décrite par un chemin spiral. Elle permet de reproduire le contact face de coupe-pièce et face de dépouille-

41

pièce lors d’une opération réelle, typiquement, le perçage.

Figure 1.17. Tribomètre ouvert développé par Klinkova et al. [Kli-11] et Bonnet [Bon-10].

Bonnet [Bon-10] a souligné une forte sensibilité du coefficient de frottement à la vitesse de glissement. Il chute de 0.22 à 0.08 pour des vitesses variant de 10 à 200 . Par ailleurs, la pression de contact n’influe que très peu sur le coefficient de frottement. L’orientation des fibres joue un rôle prédominant sur les valeurs notamment à basses vitesse 10 . Pour des vitesses de glissement supérieures à 100 , l’orientation n’a plus d’effet sur le coefficient de frottement.

5 Conclusion

Depuis des décennies, de nombreuses études ont été menées afin de comprendre et modéliser les mécanismes mis en jeu lors de l’usinage des matériaux composites. Ceci était très profitable à l’émergence des technologies en corrélation avec l’apparition de composites de plus en plus innovants disposants des propriétés largement diverses et variées. Néanmoins, les approches d’études et recherches scientifiques restaient jusqu’aux récentes décennies, très fortement inspirées des méthodes développées pour les alliages monophasiques, typiquement, les métaux. De plus, elles étaient en grande partie basées sur l’essai expérimental dans l’analyse des phénomènes associés.

Cependant, les modèles analytiques développés à l’image des approches associées aux métaux et à la lumière des observations ont été restreints aux cas simples de coupe et ont montré une grande faiblesse dans l’étude des mécanismes mis en jeu. Le développement des modèles

42

analytiques généralisés – macro-mécaniques ou micromécaniques – capables de reproduire fidèlement les mécanismes mis en jeux pour plus qu’un cas de coupe des composites présente un challenge toujours d’actualité. Les modèles proposés dans la littérature sont généralement :

• restreints à des conditions opératoires bien particulières, dans plusieurs cas loin de satisfaire les conditions opératoires réelles ;

• souffrent d’une limitation flagrante dans la prédiction des phénomènes physiques à différentes échelles à cause de multiples hypothèses simplificatrices considérées ;

• imposent une précaution non négligeable dans l’interprétation des prédictions des mécanismes liés parfois atypiques dans la coupe des CMP.

Il était ainsi primordial de faire recours à d’autres alternatives permettant de modéliser plus pertinemment la coupe des CMP et de s’affranchir des différentes limites empêchant la bonne compréhension du processus d’enlèvement de matière et des différents phénomènes complexes mis en jeu. L’essor des outils informatiques ces dernières années a permis l’émergence des méthodes numériques, notamment la méthode des éléments finis, offrant ainsi une meilleure flexibilité à la simulation du processus d’enlèvement de matière des matériaux composites ici étudiés. La littérature démontre, cependant, que la fiabilité prédictive de ces approches est directement liée :

• aux choix du modèle devant reproduire l’opération réelle (modèle 2D ou 3D, coupe orthogonale ou oblique, modèle micro ou macro, etc.) ;

• à la définition du comportement du matériau devant être rigoureusement identifiées expérimentalement (propriétés élastiques, paramètres d’endommagement et de rupture, conditions à l’interface, etc.) ;

• à la force du couplage éventuel devant refléter l’interaction entre les différents mécanismes physiques agissants à l’échelle volumique (localisation de déformation, dissipation de chaleur, propagation de fissures, etc.) et surfacique (intégrité de surface, frottement, mode de rupture superficielle, usure, etc.).

D’après les travaux de la littérature associée à la modélisation numérique de la coupe des composites CMP, les conclusions suivantes méritent d’être soulignées :

• dans la majorité des cas d’études, la vitesse de coupe utilisée est très faibles comparée aux vitesses réelles de coupe. Alors que ce choix semble en adéquation avec les hypothèses négligeant les effets de vitesse de déformation et de génération de chaleur difficilement caractérisables, il ne peut être judicieux pour refléter l’opération industrielle ou ces phénomènes évoluent sans aucun doute en forte interaction ;

• les modèles proposés sont dans l’ensemble simplistes et ne présentant pas un couplage multiphysique suffisamment fort pour traduire le processus d’enlèvement de matière des CMP ;

• les modèles sont généralement développés sont soit en quasi-statique soit en dynamique s’appuyant sur très nombreux hypothèses simplificatrices négligeant même les phénomènes de premier ordre notamment l’effet de la viscosité.

Dans ce contexte, il est donc fort intéressant d’approfondir les analyses pour mettre en place une modélisation multiphysique plus élaboré correctement alimentée, capables à la fois (i) de prendre en compte tous les paramètres agissant sur le comportement du composite en coupe et (ii) de prédire à différentes échelles les mécanismes physiques associés au processus d’enlèvement de matière afin de surmonter les verrous d’actualité.

43

Chapitre II

Etude expérimentale des composites :