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G`enes d’ARN C/D soumis `a l’empreinte g´enomique parentale

L’une des ´etudes pr´esent´ees en 1.3.4 a mis en ´evidence 5 ARN C/D de Souris sp´ecifiques du cerveau (H¨uttenhofer et al., 2001). L’identification des g`enes de trois d’entre eux (MBII-13, MBII- 52 et MBII-8513) a r´ev´el´e qu’ils ´etaient physiquement tr`es proches : ces trois g`enes sont situ´es

dans le locus 7C chez la Souris (Cavaill´e et al., 2000). Ces ARN ont des orthologues humains (appel´es respectivement HBII-13, HBII-52 et HBII-85), dont les g`enes se trouvent dans le locus humain de synt´enie conserv´ee, le locus 15q11-13. Les trois ARN C/D humains s’expriment aussi pr´ef´erentiellement dans le cerveau, mais HBII-13 et HBII-85 sont aussi clairement d´etect´es dans un muscle squelettique, dans le poumon et dans le rein.

Outre leur expression sp´ecifique de tissu, in´edite jusqu’alors pour des ARN C/D, ils pr´esentent deux autres particularit´es (Cavaill´e et al., 2000) :

– Les g`enes de MBII-52, MBII-85, HBII-52 et HBII-85 sont r´ep´et´es plusieurs dizaines de fois. Chaque copie est intronique (comme la plupart des g`enes d’ARN C/D de Vert´ebr´es : voir page 47), mais l’intron qui contient la s´equence de l’ARN C/D, et l’exon adjacent, sont r´ep´et´es plusieurs dizaines de fois (ainsi, le locus humain 15q11-13 contient 27 copies du g`ene HBII-85 (Runte et al., 2001), et 47 copies de HBII-52).

– Ce locus (´egalement appel´e « locus PWS/AS » : voir page 35) est connu pour ˆetre soumis `a l’empreinte g´enomique parentale, chez la Souris et chez l’Homme (voir page 35). L’analyse de l’expression des ARN HBII-13, HBII-52 et HBII-85 chez des sujets humains pr´esentant une d´el´etion sur l’un des deux chromosomes 15 parentaux a montr´e que ces trois g`enes sont exprim´es uniquement `a partir de l’all`ele paternel. De la mˆeme mani`ere, l’expression de MBII-13, MBII-52 et MBII-85 chez des souris pr´esentant des d´efauts similaires d´emontre que ces g`enes sont ´egalement soumis `a l’empreinte chez la Souris, et `a expression paternelle. Les exons des g`enes-hˆotes de MBII-52/HBII-52 et MBII-85/HBII-85 sont non-codants, et peu conserv´es entre l’Homme et la Souris. Une ´etude ult´erieure sugg`ere que ces nombreuses copies de g`enes d’ARN C/D sont co-transcrites, sous la forme d’un long pr´ecurseur, puisque des ARN issus du raboutage de chaque exon avec ses voisins peuvent ˆetre d´etect´es, pour tous les exons compris entre le promoteur du transcrit SNURF-SNRPN, et l’ARN antisens de UBE3A,

13Leurs noms sont h´erit´es de la m´ethode qui a permis leur d´ecouverte : ils ont ´et´e clon´es `a partir d’une fraction

de petite taille (appel´ee « fraction II ») d’ARN de cerveau de Souris. Les clones obtenus `a partir de cette fraction ont donc ´et´e nomm´es : MBII-N , pour : mouse brain, fraction II, clone n°N .

Nom Identifi´e chez R´ef´erence Remarques

U83 Homme J´ady et Kiss, 2000 non associ´e `a l’ARNpr´e-r ; guide la 2´-O-m´ethylation d’un substrat artificiel U84 Homme J´ady et Kiss, 2000 non associ´e `a l’ARNpr´e-r ; guide la

2´-O-m´ethylation d’un substrat artificiel RBII-36 Rat Cavaill´e et al., 2001 sp´ecifique du cerveau ; propre au Rat MBI-46 Souris H¨uttenhofer et al., 2001

MBI-52 Souris H¨uttenhofer et al., 2001 MBI-106 Souris H¨uttenhofer et al., 2001 MBI-4 Souris H¨uttenhofer et al., 2001 MBI-115 Souris H¨uttenhofer et al., 2001 MBI-163 Souris H¨uttenhofer et al., 2001 MBI-170 Souris H¨uttenhofer et al., 2001 MBI-244 Souris H¨uttenhofer et al., 2001 MBI-289 Souris H¨uttenhofer et al., 2001 MBI-295 Souris H¨uttenhofer et al., 2001 MBI-343 Souris H¨uttenhofer et al., 2001 MBI-361 Souris H¨uttenhofer et al., 2001 MBI-366 Souris H¨uttenhofer et al., 2001 MBI-419 Souris H¨uttenhofer et al., 2001 MBI-426 Souris H¨uttenhofer et al., 2001

MBI-13 Souris H¨uttenhofer et al., 2001 sp´ecifique du cerveau MBI-48 Souris H¨uttenhofer et al., 2001 sp´ecifique du cerveau MBI-49 Souris H¨uttenhofer et al., 2001 sp´ecifique du cerveau MBI-52 Souris H¨uttenhofer et al., 2001 sp´ecifique du cerveau MBI-78 Souris H¨uttenhofer et al., 2001 sp´ecifique du cerveau MBI-85 Souris H¨uttenhofer et al., 2001 sp´ecifique du cerveau HBII-436 Homme Runte et al., 2001 exprim´e principalement dans

le cerveau, un muscle squelettique, le poumon et le rein

HBII-438 Homme Runte et al., 2001 exprim´e principalement dans le cerveau et le rein Tab. 1.3 – Les ARN C/D orphelins de Mammif`eres.

1.3. LES ARN C/D 55

UBE3A-AS14(Runte et al., 2001). Cette ´etude a de plus identifi´e quatre nouveaux g`enes d’ARN

C/D dans le locus : les g`enes HBII-436, HBII-437, HBII-438A et HBII-438B (les ARN matures pr´edits, exprim´es `a partir de ces deux derniers g`enes, seraient rigoureusement identiques ; l’ARN HBII-437 serait mut´e sur la boˆıte D, ce qui devrait le d´estabiliser ; et effectivement, il n’est pas d´etect´e). Les ARN C/D HBII-436 et HBII-438 sont exprim´es uniquement `a partir de l’all`ele paternel.

La figure 1.10 r´esume l’organisation du locus humain 15q11-13.

14Cependant, aucun des produits d´etect´es n’est un produit d’´epissage complet, qui contiendrait l’exon le plus en

5´ et l’exon le plus en 3´ ; il reste donc possible qu’aucun ARN ne couvre toute la longueur du transcrit annonc´e, et qu’il existe des promoteurs diss´emin´es dans la s´equence. En particulier, puisque les ARN HBII-13 et HBII-85 d’une part, et HBII-52 d’autre part, n’ont pas exactement le mˆeme patron d’expression (les deux premiers sont aussi d´etect´es dans un muscle squelettique, le poumon et le rein, `a la diff´erence de HBII-52), il est envisageable que les 47 copies de HBII-52 aient un promoteur qui leur est propre. Ainsi, la r´egion 3´ du long transcrit propos´e (la r´egion antisens `a Ube3a) semble transcrite `a partir d’un promoteur distinct de celui de SNURF-SNRPN (Landers

et al., 2004). Alternativement, si un unique transcrit joue le rˆole de pr´ecurseur commun pour HBII-13, HBII-85 et

HBII-52, des maturations post-transcriptionnelles sp´ecifiques de tissu, ou un arrˆet de la transcription sp´ecifique de tissu (puisque les copies de HBII-52 sont les plus en 3´) pourraient justifier de la diff´erence du patron d’expression de ces ARN C/D.

Fig. 1.10 – Les g`enes d’ARN C/D du locus humain 15q11-13. Figures tir´ees de Runte et al., 2001. Les s´equences exprim´ees `a partir de l’all`ele paternel sont en bleu, et les s´equences exprim´ees `a partir de l’all`ele maternel, en rouge. A : Les exons sont indiqu´es par des barres verticales courtes, et les g`enes d’ARN C/D, par des barres verticales longues. Les num´eros sous la ligne horizontale sont les num´eros d’exons particuliers. Les quatre nouveaux g`enes d’ARN C/D identifi´es par Runte et al., 2001 sont signal´es par des fl`eches verticales. Les fl`eches bleue et rouge donnent les sens de transcription des s´equences `a expression paternelle (en bleu) et `a expression maternelle (en rouge). B : Le centre d’empreinte bipartite (voir page 35), repr´esent´e par deux ellipses gris´ees, contrˆole l’expression des g`enes `a expression paternelle, en particulier du pr´ecurseur des ARN C/D (appel´es « snoRNA » sur le sch´ema), qui pourrait ˆetre cotranscrit avec l’ARN antisens `a UBE3A. Celui-ci pourrait ˆetre responsable de la r´epression de l’all`ele paternel de UBE3A (´eventuellement aussi de ATP10C) : voir ´egalement la page 35, pour plus de d´etails sur l’empreinte de ce locus, et la partie 1.2.3, pour les rˆoles que pourraient jouer les ARN antisens dans le m´ecanisme de l’empreinte. « pat » : all`ele paternel ; « mat » : all`ele maternel. Disque blanc : site de m´ethylation de l’ADN hypom´ethyl´e ; disque noir : site de m´ethylation de l’ADN hyperm´ethyl´e. Point d’interrogation : statut de m´ethylation inconnu ; point d’interrogation et fl`eche en pointill´es : statut d’expression inconnu.

1.3. LES ARN C/D 57

MBII-52/HBII-52 et l’ARNm 5-HT2C : contrˆole de l’´edition ?

Les ARN MBII-52 et MBII-85 s’accumulent dans le nucl´eole (J´erˆome Cavaill´e, communica- tion personnelle) : ce sont donc des snoRNA, petits ARN nucl´eolaires. Aucun des ARN C/D exprim´es `a partir des g`enes de ce locus ne pr´esente de compl´ementarit´e notable aux pr´ecurseurs d’ARNr, ni aux pr´ecurseurs de snRNA, en amont de leurs boˆıtes D ou D´. En revanche, l’un d’entre eux (l’ARN MBII-52/HBII-52) poss`ede, imm´ediatement en amont de sa boˆıte D, une compl´ementarit´e de 18 nt `a un ARNm sp´ecifique du cerveau, l’ARNm du r´ecepteur 5-HT2C `a

la s´erotonine (Cavaill´e et al., 2000). Cette compl´ementarit´e est parfaitement conserv´ee entre l’Homme et la Souris.

Le r´ecepteur 5-HT2C est un r´ecepteur `a sept domaines transmembranaires, coupl´e `a la pro-

t´eine G. La s´equence de son ARNmcodant la deuxi`eme boucle intracellulaire (domaine prot´eique

qui interagit avec la prot´eine G) est susceptible d’ˆetre ´edit´ee, sur cinq bases particuli`eres (cf figure 1.11) : ces cinq ad´enines sont ´edit´ees en inosines, diff´erentiellement selon les r´egions du cerveau (Burns et al., 1997 ; Niswender et al., 1998). Les ARNm ´edit´es ne codent pas la

mˆeme s´equence prot´eique que la s´equence g´enomique de 5-HT2C (en effet, l’inosine s’apparie

pr´ef´erentiellement avec la cytosine ; lors de la traduction, elle est donc lue comme une gua- nine, l`a o`u la forme g´enomique porte une ad´enine). Finalement, les diff´erentes formes ´edit´ees de l’ARNm 5-HT2C (issues de combinaisons variables de l’´edition des cinq sites) sont traduites

en prot´eines dont les propri´et´es de couplage `a la prot´eine G diff`erent nettement (Burns et al., 1997). Ainsi, l’´edition de cet ARN semble jouer un rˆole dans le contrˆole de la transduction du signal de la s´erotonine.

Or, le 5`eme nucl´eotide en amont de la boˆıte D de l’ARN MBII-52/HBII-52 s’apparie avec l’un de ces sites d’´edition : le site C (voir figure 1.11), ce qui sugg`ere qu’une 2´-O-m´ethylation de l’ARNmde 5HT2C, guid´ee par MBII-52/HBII-52, pourrait jouer un rˆole dans la r´egulation de

l’´edition de cet ARN. Il a en effet ´et´e montr´e in vitro que la 2´-O-m´ethylation inhibait l’´edition d’ARN synth´etiques par l’ad´enosine d´eaminase ADAR 2 (l’une des deux enzymes qui ´edite le site C) (Yi-Brunozzi et al., 1999).

D’autre part, un site donneur d’´epissage alternatif se trouve `a proximit´e de la s´equence compl´ementaire `a l’´el´ement antisens de l’ARN MBII-52/HBII-52 (voir figure 1.11) ; l’utilisation de ce site d’´epissage fait apparaˆıtre un codon stop pr´ematur´e, et la traduction de ce produit d’´epissage donne une prot´eine tronqu´ee, d´epourvue d’activit´e physiologique (Canton et al., 1996). Une 2´-O-m´ethylation guid´ee par MBII-52/HBII-52, `a proximit´e de ce site d’´epissage alter- natif, ou tout simplement l’appariement de l’ARN C/D, pourrait peut-ˆetre influencer le choix du site donneur d’´epissage (Cavaill´e et al., 2000).

A B E C D ↓ ↓ & ↓ ARNm 5-HT2C :5 0 ...CGGU AUGUAGCAAUACGUAAUCCUAUUGAGCAUAGC...30 X GCAUUAGGAUAACUCGUA...50

ARN C/D MBII-52/HBII-52 : 30...AGUC

Fig. 1.11 – Compl´ementarit´e entre l’ARNm 5-HT2C et l’ARN C/D MBII-52/HBII-

52. Le 5`eme exon de l’ARNm 5-HT2C (en haut) peut ˆetre ´edit´e sur cinq sites (soulin´es, sur la figure), appel´es « A », « B », « C », « D » et « E ». Le site E avait d’abord ´et´e nomm´e « C´ » (Niswender et al., 1998). Le dinucl´eotide GU ´ecrit en italique est un site alternatif donneur d’´epissage. L’ARN C/D MBII-52/HBII-52 (en bas) pr´esente une compl´ementarit´e de 18 nt `a cet ARNm, imm´ediatement en amont de sa boˆıte D (en italique).

MBII-85/HBII-85 et le syndrome de Prader-Willi

Hormis MBII-52/HBII-52 (voir ci-dessus), aucun autre ARN C/D de ce locus n’a d’ARN- cible ´evident. Au cours de ma th`ese, j’ai recherch´e les compl´ementarit´es (en amont des boˆıtes D et D´) entre ces ARN C/D et d’autres ARN C/D caract´eris´es au cours de ma th`ese (voir R´esultats, p. 102), et les pr´ecurseurs d’ARNr et de snRNA : les r´esultats de cette analyse sont pr´esent´ees

en Annexe 2, page 173.

Une observation sugg`ere que leurs g`enes ont une fonction biologique, et qu’elle n’est pas forc´ement en relation avec la biogen`ese des ribosomes. Le locus humain 15q11-13 est en effet impliqu´e dans une maladie neurod´eveloppementale, le syndrome de Prader-Willi : lorsque des d´el´etions sur le chromosome paternel abolissent l’expression de g`enes `a expression paternelle de ce locus, le sujet pr´esente des troubles du d´eveloppement (il est de taille r´eduite, et les gonades sont peu d´evelopp´ees) et du comportement (il est hypotonique, retard´e mentalement, et ne ressent pas la sati´et´e ; il est donc hyperphagique, ce qui conduit invariablement `a une ob´esit´e). L’analyse d’un mod`ele murin qui mime partiellement ce ph´enotype, suite `a une d´el´etion sur le locus orthologue (Tsai et al., 1999 ; Runte et al., 2001), et l’´etude d’une famille humaine pr´esentant un r´earrangement chromosomique dans ce locus (Gallagher et al., 2002), montrent que les seuls g`enes connus dans la r´egion critique pour le syndrome (i.e. : ceux dont le d´efaut d’expression corr`ele syst´ematiquement avec le syndrome) sont les g`enes de MBII-85/HBII-85 et HBII-438A. Il semble donc que la r´epression de l’un au moins de ces g`enes (peut-ˆetre mˆeme : d’une copie particuli`ere de MBII-85/HBII-85, puisque toutes ne sont pas absolument identiques) soit responsable de l’apparition du syndrome. Ces ARN C/D seraient donc impliqu´es dans le contrˆole du d´eveloppement et du comportement.